République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 100-A
b) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la recevabilité et la prise en considération de l'initiative populaire pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève. ( -)IN100

IN 100

LANCEMENT D'UNE INITIATIVE

Le Comité «Halte aux déficits» a lancé l'initiative populaire suivante intitulée «Pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève», qui a abouti.

1.

Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative 

14 juin 1993

2.

Rapports du Conseil d'Etat sur la validité et la prise en considération de l'initiative 

Délai: 14 septembre 1993

3.

Rapport de la commission législative  

Délai:14 mars 1994

4.

Rapport de la commission chargée de l'examen au fond de l'initiative 

Délai: 14 décembre 1994

INITIATIVE POPULAIRE

«Pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève»

Les citoyens et citoyennes soussignés, électeurs et électrices dans la République et canton de Genève, demandent, en vertu des articles 64, 65 et 67A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, que la constitution de la République et canton de Genève (A 2 1) soit modifiée comme suit:

TITRE XIV

DISPOSITIONS DIVERSES

Art. 174 A (nouveau)

Organisation administrative

1 L'administration de l'Etat de Genève et des communes doit être fonctionnelle, efficace et structurée de manière à éviter des lenteurs, des travaux faits à double et, d'une manière générale, des dépenses sans relation avec le résultat recherché.

2 A cet effet et chaque fois qu'il l'estime nécessaire, le Conseil d'Etat mandate une fiduciaire pour procéder à un audit général ou sectoriel afin de:

a) vérifier que la structure corresponde aux critères mentionnés à l'alinéa 1;

b) vérifier que les frais d'administration correspondent à l'importance des objectifs;

c) vérifier le statut du personnel et, notamment, que les traitements correspondent aux qualifications et aux prestations requises pour chaque poste considéré;

d) déterminer si telle ou telle fonction de l'Etat pourrait être remplie à moindres frais par une entreprise privée.

3 Les fonctionnaires sont libérés du secret de fonction à l'égard de la fiduciaire.

4 A la remise de son rapport l'expert fait publier dans la Feuille d'avis officielle la date du dépôt de son rapport.

5 Un audit général ou partiel peut également être ordonné par le Grand Conseil ou par une initiative populaire selon l'article 65 de la constitution.

Dispositions transitoires

Dispositions transitoires

Dans le mois qui suit l'adoption par le peuple de l'article 174 A, le Conseil d'Etat confie à une importante fiduciaire nationale le contrôle général de tous les services publics dépendant de l'Etat dans le cadre d'un audit global.

INITIATIVE POPULAIRE

«Pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève»

EXPOSÉ DES MOTIFS

Par la structure de l'administration, par ses lois et ses règlements, l'Etat de Genève:

 démotive ses employés;

 gaspille l'argent des contribuables;

 aggrave son déficit;

 alourdit les impôts.

Il faut économiser, il faut restructurer.

De 1983 à 1988, l'Etat de Lucerne a réorganisé son administration avec le concours de personnes extérieures (audit).

Le résultat est le suivant:

 coût de l'opération: 520'000 F

 économies directes: 3 millions

 économies indirectes: 24 millions par année

 aucun licenciement n'a été effectué.

Les dépenses (Lucerne) durant cette période n'ont augmenté que de 1% pendant que l'Etat de Genève augmentait les siennes de plus de 20 %!

Pour:

 l'avenir économique et social de Genève;

 résorber le déficit;

 éviter une hausse des impôts;

 garantir un état social,

il faut réorganiser l'administration afin d'apporter de sérieuses économies.

Cette initiative est renvoyée à la commission des finances.

IN 100-A

Avec l'initiative «Pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève» est inaugurée, sur le plan cantonal, la nouvelle procédure de traitement des initiatives populaires, conformément aux dispositions constitutionnelles entrées en vigueur le 27 mars 1993 et aux modifications législatives en découlant, du 1er avril 1993.

Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté publié dans la FAO du 18 juin 1993. De cette date courent une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.

Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation, qui doit, de par la loi, intervenir à la séance du Grand Conseil des 16-17 septembre 1993. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.

A. La validité de l'initiative

Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative «Pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève» (IN 100) ne pose pas de problème de recevabilité, ainsi que cela résulte de la brève analyse qui suit.

I. Recevabilité formelle

1. Unité de la matière

Le respect de ce principe postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il puisse être répondu par «oui» ou par «non».

L'initiative 100 comporte pour l'essentiel deux propositions. La première exige que l'administration de l'Etat de Genève et des communes soit fonctionnelle, efficace et structurée, de manière à éviter des lenteurs, des travaux faits à double et des dépenses sans relations avec le résultat recherché (art. 174 A nouveau, al. 1). La seconde proposition, figurant aux alinéas 2 et 5 de la nouvelle norme et dans la disposition transitoire, demande un audit, général ou sectoriel, de l'administration.

En réalité, cet audit n'est que le moyen, selon les initiants, de concrétiser le postulat d'une administration, fonctionnelle, efficace et structurée.

Par conséquent, entre les deux propositions des initiants, il y a un rapport de connexité évident. Il est objectivement justifié d'unir ces deux propositions en une seule question posée aux électeurs. Le principe de l'unité de la matière (art. 66, al. 2 de la constitution) est ainsi respecté.

Il découle de ce qui précède que le principe de l'unité de la matière (art. 66, al. 2 de la constitution) est respecté.

2. Unité de la forme

Le principe de l'unité de la forme (art. 66, al. 1 de la constitution) exige que les initiants choisissent soit l'initiative non formulée, soit l'initiative formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible compte tenu des dispositions légales applicables.

S'agissant en l'espèce d'une initiative rédigée de toutes pièces, au sens de l'article 65 A de la constitution, l'initiative répond à cette condition.

3. Unité du genre

L'unité du genre ou l'unité normative (art. 66, al. 1 de la constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux. Ce principe est respecté en l'espèce, le choix des initiants s'étant porté sur une révision partielle de la seule constitution cantonale, en y insérant un article 174 A (nouveau) et une disposition transitoire. Cette constatation n'est pas affectée par le fait que l'initiative pourrait impliquer, dans un second stade, si elle était acceptée, une modification de certaines dispositions légales.

II. Recevabilité matérielle

1. Conformité au droit

Le respect de ce principe suppose qu'une initiative cantonale doit avoir un contenu compatible avec le droit supérieur. Dès lors que l'on a affaire en l'occurrence à une initiative constitutionnelle, l'initiative n'a pas à respecter le droit cantonal préexistant et il convient de s'assurer seulement qu'elle respecte l'ordre juridique fédéral (force dérogatoire du droit fédéral), intercantonal, voire international.

La constitution fédérale n'impose aux cantons, quant à l'organisation de leur administration, que le respect de certaines exigences minimales, par exemple permettre l'exercice des droits politiques d'après des formes républicaines, représentatives ou démocratiques (art. 6, al. 2, lettre b, de la constitution fédérale) ou garantir la séparation des pouvoirs (voir P. Saladin, commentaire de l'article 3 de la constitution fédérale in Commentaire de la constitution de la Confédération suisse no 222 ss).

Les propositions des initiants à propos de l'organisation administrative genevoise ne touchent en rien aux grands principes découlant de la constitution fédérale et demeurent, de ce fait, du ressort exclusif du canton.

2. Exécutabilité

Ce principe veut qu'en cas d'acceptation par le peuple, l'initiative puisse être réalisée, c'est-à-dire traduite concrètement dans les faits et dans un délai raisonnable.

L'initiative 100 apparaît réalisable. Même si les propositions des initiants sont de nature à poser à l'administration des problèmes pratiques et financiers, il n'existe aucun obstacle manifeste et patent à sa concrétisation. Cette conclusion s'impose d'autant plus que les auteurs de l'initiative laissent une large marge d'appréciation au Conseil d'Etat, qui est tenu de mandater une fiduciaire pour procéder à un audit général ou sectoriel «chaque fois qu'il l'estime nécessaire».

B. La prise en considération de l'initiative

L'examen au fond requiert d'évaluer les conditions matérielles de réalisation de l'initiative, ainsi que l'efficacité des moyens qu'elle propose par rapport aux buts qu'elle poursuit.

Une juste appréciation ne saurait toutefois faire l'économie du rappel préalable des différents dispositions et organes de contrôle de la gestion administrative et financière existant à l'Etat de Genève.

L'initiative propose d'introduire dans la Constitution un article 174 A (nouveau) et une disposition transitoire dont le libellé est le suivant:

Art. 174 A (nouveau)

«1 L'administration de l'Etat de Genève et des communes doit être fonctionnelle, efficace et structurée de manière à éviter des lenteurs, des travaux faits à double et, d'une manière générale, des dépenses sans relation avec le résultat recherché.

2 A cet effet et chaque fois qu'il l'estime nécessaire, le Conseil d'Etat mandate une fiduciaire pour procéder à un audit général ou sectoriel afin de:

a) vérifier que la structure corresponde aux critères mentionnés à l'alinéa 1;

b) vérifier que les frais d'administration correspon-dent à l'importance des objectifs;

c) vérifier le statut du personnel et, notamment, que les traitements correspondent aux qualifications et aux prestations requises pour chaque poste considéré;

d) déterminer si telle ou telle fonction de l'Etat pourrait être remplie à moindre frais par une entreprise privée.

3 Les fonctionnaires sont libérés du secret de fonction à l'égard de la fiduciaire.

4 A la remise de son rapport l'expert fait publier dans la Feuille d'avis officielle la date du dépôt de son rapport.

5 Un audit général ou partiel peut également être ordonné par le Grand Conseil ou par une initiative populaire selon l'article 65 de la constitution.

Dispositions transitoires

Dans le mois qui suit l'adoption par le peuple de l'article 174 A, le Conseil d'Etat confie à une importante fiduciaire nationale le contrôle général de tous les services publics dépendant de l'Etat dans le cadre d'un audit global.»

1. Contexte général

1.1. Déséquilibres structurels des finances publiques

Les déficits financiers qui affectent les budgets de toutes les collectivités publiques de notre pays ont pour origine des facteurs structurels, caractérisés par un tassement lent, mais persistant des recettes fiscales, d'une part, par un emballement des dépenses d'investissement, des charges d'exploitation et de financement induites, et des allocations sociales, d'autre part . Le recul conjoncturel qui frappe actuellement l'économie suisse accentue l'amplitude du mouvement dans une mesure qui n'a pas de précédent depuis 60 ans.

Le plan financier quadriennal 1988-1991, déposé en mai 1989 sur le bureau du Grand Conseil, analysait parfaitement les tendances générales des charges et des revenus, en particulier la modification de la structure des charges au profit de la fonction redistributive de l'Etat.

Le cadre directeur au PFQ 1993-1996 ne modifie pas la tendance économique qui accorde à cette fonction une place toujours plus grande dans les dépenses de l'Etat et les voit croître à un rythme plus rapide que le revenu cantonal et que ses propres revenus. La charge des intérêts passifs, alimentée dans un premier temps par l'envol des taux d'intérêt et aujourd'hui par le financement du découvert, alourdit également la barque publique, sans qu'on puisse en rendre responsable le fonctionnement proprement dit de l'entreprise Etat. Pour partie, enfin, le financement du déficit courant par l'emprunt participe de la fonction conjoncturelle de l'Etat, laquelle fonction invite les pouvoirs publics à soutenir, voire à relancer l'activité économique en préservant un volume de dépenses importants, quitte à s'endetter.

Certes, des procédures peuvent être abandonnées ou simplifiées, des économies peuvent encore être trouvées dans l'exploitation courante notamment à travers une réduction programmée des effectifs. Sur ce point, le Conseil d'Etat peut se prévaloir d'avoir atteint pleinement son objectif. Malgré la mise en service de nouvelles infrastructures et l'obligation de faire face à de nouvelles tâches au premier rang desquelles figurent la gestion du chômage, l'Etat aura réduit ses effectifs de 5,7 % à la fin 1994 par rapport à 1991.

Le plan d'assainissement 1993-1997 prévoit de poursuivre l'effort. Il indique clairement que l'impasse financière ne trouvera pas une issue au travers seulement des restructurations et des réductions du prix de revient des prestations, sans affecter gravement la continuité du service public et/ou les conditions de travail des collaborateurs de l'Etat.

1.2. Rapport Haenni sur l'opportunité de soumettre l'Etat à un audit général.

Au début de l'année 1992, à la demande du Conseil d'Etat, une commission interne, présidée par M. Dominique Haenni, ancien chancelier d'Etat, a évalué l'opportunité de soumettre l'Etat de Genève à un audit global en vue d'une restructuration d'envergure de l'administration, de l'élimination des doubles activités et de l'introduction de modes de gestion rationnels. Son rapport se résume dans la phrase suivante:

«Plus l'administration est grande, plus le résultat d'un audit apparaît comme décevant»

La commission Haenni a remis son rapport en juin 1992. Elle considère, en résumé, que la structure de l'Etat, éclatée en neuf départements, cinq établissements hospitaliers et plusieurs établissements autonomes n'est guère propice au succès d'un audit global, que l'hétérogénéité des tâches de l'Etat exige des approches diverses et adaptées aux structures et au personnel en place, que l'ampleur-même d'un tel projet le mettrait vraisemblablement hors de portée des meilleurs consultants et qu'il conviendrait en tous cas de procéder par étapes tests avant de lancer un audit global.

«Les réductions chiffrables obtenues grâce aux travaux des mandataires extérieurs sont très inférieurs aux espoirs initiaux», note le rapport Haenni. S'appuyant sur les expériences conduites dans une dizaine de cantons et à la Confédération, dont elle a sollicité des renseignements, la commission évalue le potentiel d'économies au maximum à 2 % du budget de l'Etat, soit une centaine de millions de francs, au terme d'un programme de restructuration et de rationalisation de plusieurs années.

L'évaluation du rapport coûts/bénéfices d'un audit est extrêmement délicate. Les bénéfices sont difficilement quantifiables. Quant à l'appréciation des coûts, elle ignore souvent l'investissement en ressources internes qui double, en fait, la facture réelle d'un audit.

L'impact d'un projet d'analyse et de réorganisation tient davantage aux conditions psychologiques de sa réalisation et à la détermination des responsables qu'à l'engagement d'un expert extérieur aussi compétent soit-il. L'absence d'une volonté politique ferme et l'inadéquation de l'approche du consultant expliquent en grande partie l'échec relatif de l'audit conduit à la Confédération, lequel a néanmoins coûté sept millions de francs à la caisse fédérale.

Le risque d'un échec est donc élevé et ses séquelles durables dans la gestion ultérieure des services. Le rapport Haenni insiste sur les conditions cadres nécessaires à la conduite d'un tel projet. Ces conditions cadres sont au nombre quatre:

 Pilotage: il ne suffit pas pour le responsable d'être d'accord, il doit conduire personnellement le projet, c'est à dire lui accorder du temps.

 Objectifs: il ne suffit pas de demander que l'organisation soit meilleure, il faut fixer des objectifs politiques clairs et s'assurer de leur transformation effective en objectifs opérationnels dans tous les compartiments de la structure sous audit.

 Psychologie: il ne suffit pas de décider d'un audit, il faut un véritable acte de foi du responsable qui aura un effet catalysateur sur la hiérarchie et l'ensemble des collaborateurs. On ne réorganise par décret qu'après avoir écouté, pris l'avis des gens, atténué leur angoisse, exposé les buts et démontré que le progrès est possible et profitable pour tous.

 Experts: ce sont les acteurs qui déterminent un succès ou un échec, plus que les méthodes proposées.

L'expérience lucernoise, de loin la plus fructueuse de toutes celles dont la commission a eu connaissance, apporte d'intéressants enseignements. Elle n'est toutefois pas la panacée que les initiants font valoir dans leur exposé des motifs. A les lire, «ce projet aurait permis, pour une dépense de 520'000 francs, d'économiser 3 millions de francs de manière directe et 24 millions de manière indirecte».

Cette assertion n'est pas conforme à la réalité. La dépense de l'audit lucernois a été plus élevée, en outre il n'a pas porté sur l'ensemble du service public. En voici un résumé succint:

1973

«Personnalstopp» de fait dans l'administration lucernoise.

1980

Demande du parlement d'ancrer ce principe dans la loi.

1982

Pré-étude de faisabilité d'un audit. Contre-projet du gouvernement pour échapper au «Personnalstopp».

juin 1983

Lancement d'un audit partiel sur l'ensemble de l'administration (la justice, le personnel infirmier et médical dans les hôpitaux et le secteur pédagogique dans les écoles en sont exemptés).

Fin 1983

Neuf groupes d'étude sont en place.

84-fin 88

Analyses, navettes et options du CE, mise en oeuvre partielle et progressive des mesures.

Bilan 88

Economies directes: 3 millions, économies indirectes: 24 millions par an, soit 2,4 % du budget 1988.

Coût

1,6 mios sur 5 ans (moitié coûts externes, moitié coûts internes).

1.3.Actions parlementaires

La problématique de l'efficacité de l'Etat a de tout temps préoccupé les parlements. Le désenchevêtrement des compétences et des responsabilités entre les trois niveaux administratifs fédéral, cantonal et communal a occupé en permanence les responsables politiques durant la dernière décennie, sans aboutir à des réformes très substantielles.

Les difficultés financières récentes donnent lieu à une recrudescence des interventions des députés. Plusieurs motions sont pendantes, quelques-unes sont traitées dans le cadre de la loi sur la gestion administrative et financière (cf infra). Les invites adressées au Conseil d'Etat sont multiples. Les uns proposent de développer les outils de gestion, d'autres d'assouplir les procédures administratives, de moderniser le service public, d'autres encore de moduler le statut de la fonction publique au gré des fonctions d'autorité et de prestations qu'exécutent les services, de développer la concertation, d'introduire la participation, etc.

Le Conseil d'Etat répond à ces interventions en déployant son action sur deux plans.

Sur le terrain, tout d'abord, il poursuit les opérations de structuration de l'Etat au gré des besoins de la population et de la rationalité économique,

1) en divisant les départements en offices, directions, divisions ou groupes de responsabilités (la terminologie mériterait, il est vrai, d'être unifiée s'agissant de niveaux hiérarchiques identiques),

2) en développant l'autonomie de gestion de plusieurs établissements, dotant certains de la personnalité juridique, leur transférant, dans le cadre de législations ad hoc et de conventions s'apparentant à des mandats de prestations, l'ensemble des compétences et des responsabilités ressortant de la gestion courante d'une entreprise indépendante.

Dans le domaine normatif, le Conseil d'Etat a présenté un projet de règlement sur la gestion financière de l'Etat. La commission des finances du Grand Conseil en a été saisie, elle en a élargi le champ à la gestion administrative et l'a élevé au rang d'une norme légale. Ce document donne une assise politique et juridique forte aux principes comptables et économiques en vigueur de fait, dans leur forme actuelle, depuis 1985 à Genève.

Ce texte, déposé lors de la première session du mois de juin 1993, répond en grande partie aux diverses motions du Grand Conseil et à l'initiative «Halte aux déficits». Il constitue également une réponse à l'initiative «Pour réduire les dépenses abusives de l'Etat» sous revue.

S'agissant de l'initiative «Halte aux déficits», outre une disposition transitoire fixant le terme du retour de l'équilibre du compte d'Etat, l'article 46 du projet de loi précise strictement les conditions d'engagement d'une dépense nouvelle et autorise le Conseil d'Etat à surseoir à la promulgation des lois tant que leur couverture financière n'est pas assurée.

S'agissant de l'initiative 100, il y a lieu d'évoquer en particulier les articles 2 et 3 et 25 à 30 du projet de loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat déjà mentionné (PL 6982). On y retrouve l'ensemble des critères d'évaluation retenus par les initiants (fonctionnalité, efficacité, structuration, économie). L'article 2 consacre les principes de la légalité, de la proportionnalité, de l'efficacité et de la rationalité. Il précise que tout acte administratif doit être nécessaire et approprié à la réalisation du but visé, ce qui revient, en pratique, à satisfaire l'invite principale de l'initiative (réduire les dépenses sans relation avec le but recherché).

L'article 2 précise encore que le principe de l'efficacité et de la rationalité exige un choix et une organisation des moyens administratifs garantissant la meilleure gestion administrative possible. L'opportunité de déléguer des tâches publiques à des organismes publics autonomes, semi-publics ou privés est inhérente à ces principes, lesquels répondent en conséquence à la requête des initiants de «déterminer si telle ou telle fonction de l'Etat pourrait être remplie à moindre frais par une entreprise privée».

Incidemment, on appréciera l'extrême difficulté méthodologique de déterminer objectivement le bilan économique et social global d'une opération de privatisation. Contrairement à une entreprise privée qui n'enregistre dans ses comptes que des coûts opérationnels liés à la production d'un bien ou d'un service et ses charges de structure, l'Etat doit prendre en compte les coûts et les bénéfices économiques et sociaux induits et indirects. L'exemple de la gestion du chômage est particulièrement illustratif de cette situation. Si la rationalité économique justifie la réduction des postes de travail dans les entreprises, la rationalité politique et sociale, dont les collectivités publiques sont les principaux dépositaires, exige de l'Etat qu'il prenne en charge des programmes de recyclage et d'embauche temporaire des personnes sans emploi.

L'article 3 du projet de loi sur la gestion administrative et financière consacre encore les règles de l'emploi judicieux et économique des moyens, de l'équilibre budgétaire, du paiement par l'utilisateur et de la rémunération des avantages économiques. Quant aux articles 25 à 30, ils jettent les bases d'une comptabilité publique par prestation et programme, permettant d'améliorer encore la connaissance des coûts des services publiques.

Resteront à évaluer correctement les bénéfices, sans quoi tous les discours prônant l'efficacité et l'usage économique des facteurs de production resteront vains.

1.4. Procédures et modes de contrôle existants

La question du contrôle des activités de l'Etat est un des moteurs du jeu parlementaire. Il est à la base des principes budgétaires classiques. Citons, à titre de seul exemple, le principe de légalité .

Le principe de légalité implique que toute dépense ou tout impôt ne peut être effectué ou prélevé sans loi. Dans les régimes démocratiques, c'est à l'assemblée législative, par délégation du peuple souverain, que revient en principe la compétence d'autoriser les dépenses et de voter les impôts. En Suisse, la délégation populaire de compétence est conditionnelle et limitée par l'institution du référendum, obligatoire ou facultatif selon les cas.

Ce pouvoir démocratique n'a pas été acquis sans peine par les parlements, face à des gouvernements toujours enclins à une certaine dérive autoritaire. Le débat est loin d'être clos et rejaillit chaque fois que des députés prétendent réduire ou couper le financement d'une activité courante de l'Etat. Certain régime, en France par exemple, limite l'action parlementaire à la discussion des augmentations de dépenses et des dépenses nouvelles exclusivement. Ce n'est pas le cas en Suisse, encore que la suppression de certaines lignes budgétaires implique souvent la révision ou l'abrogation des bases légales correspondantes.

1.4.1. Budget, rapport de gestion et compte d'Etat

Pour le parlement, les principaux instruments de la haute surveillance des activités de l'Etat qui lui incombe sont le budget, le rapport annuel de gestion, le compte d'Etat et leurs annexes. Ces documents ont-il failli dans leur tâche d'information, sont-ils insuffisants à étayer une appréciation suffisante et honnête de l'activité de l'Etat?

Les pétitions d'intention, les motions et les initiatives réclamant davantage d'information, une gestion plus efficace et plus économe des deniers publics tendent à accréditer cette thèse.

Retenons seulement que le modèle de compte est d'abord un instrument qui dresse les états financiers de l'activité de l'Etat et de ses relations avec les tiers. Le résultat du compte que par un excès de langage on qualifie de fonctionnement est réputé manifester la situation patrimoniale de l'Etat: un déficit signale une diminution de la fortune, un bénéfice marque au contraire son augmentation. A noter encore que la terminologie en usage est ambiguë, en ceci qu'en qualifiant le déficit d'«excédent de charges», elle peut induire en erreur sur l'origine du déséquilibre: celui-ci pouvant fort bien provenir d'un tassement soudain ou tendanciel des revenus (situation actuelle).

A vrai dire, toutes les collectivités publiques sont confrontées à la même problématique. Aucun Etat, aucune ville, à une exception près, à notre connaissance, n'a véritablement bouleversé son mode de gestion et adapté son système d'information comptable de telle sorte à fournir une information régulière sur la «production» du service public (output) et non plus sur ses consommations de facteur (input).

En revanche, les tentatives ont été nombreuses, certaines sont déjà anciennes, en vue d'améliorer, à travers la procédure budgétaire, l'allocation optimale des ressources dont le secteur privé abandonne la gestion à la main publique. Du PPBS (project programming budget system) à la RCB (rationalisation des choix budgétaires) en passant par le BBZ (budget base zéro), la méthodologie a gagné en finesse, mais elle s'est toujours heurtée, dans la pratique, à «l'irrationalit«, avouée et/ou assumée, qui préside peu ou prou aux choix politiques.

L'insuccès relatif des réformes budgétaires ne doit toutefois pas justifier l'acceptation béate et naöve du système actuel. Ses pères, dont l'un vient d'accéder à la fonction exécutive cantonale, ont d'ailleurs enrichi leurs réflexions et l'outil analytique. Ils prônent, d'une part, une meilleure structuration de l'Etat par la création d'entités de gestion autonomes, liées par des mandats de prestations évalués et ajustés en rythme annuel et/ou pluriannuel, et, d'autre part, un développement des procédures de conduite et d'évaluation des politiques publiques.

Aucun système n'étant parfait, le modèle de compte en vigueur dans les collectivités publiques a bien sûr ses limites et ses défauts. Cependant, pour autant qu'on en exploite toutes les ressources et sous réserve d'une mise en valeur et en forme judicieuse des données, il constitue le premier échelon indispensable du système de contrôle de la gestion de l'Etat.

Un système de contrôle de gestion implique nécessairement la définition d'unités d'oeuvre (ou porteurs de frais) pertinentes, pivots des calculs de prix de revient et l'élaboration d'un système de référence. En principe, c'est l'appareil législatif qui fait office d'échelle de valeur. La loi fixe les missions de l'Etat et modère sa gestion. Le problème réside dans la difficulté de traduire les objectifs exprimés en langage juridique en termes socio-économiques mesurables.

Un système de contrôle de gestion doit être à la fois rétrospective et prospective, il doit apprécier le rendement là où on peut le mesurer, il doit dépister les causes des dysfonctionnements aussi bien que les possibilités d'améliorer les activités, il doit enfin développer des vertus pédagogiques, car la gestion ne se décrète pas, c'est un apprentissage, une mentalité, une seconde nature qui sans cesse interroge la raison d'être des choses, des procédures, des routines et des méthodes.

Ces exigences dressent de formidables obstacles, tant méthodologiques que culturels et pratiques, sur la voie de la création et de la maintenance d'un système de contrôle de gestion des affaires publiques.

Aucune procédure d'audit n'échappe à cette problématique.

Simple et séduisante de prime abord, la proposition des initiants ignore les difficultés qui surgissent à la lecture des rapports d'audit, lesquels échappent rarement à des interprétations divergentes. A vrai dire, les audits commandés par des parties adverses servent souvent à alimenter des argumentaires antagonistes.

1.4.2. Procédures de contrôle et organes de contrôle de gestion  administrative et financière

 Contrôle budgétaire

Le contrôle budgétaire est classiquement une fonction distincte de la préparation et de l'exécution du budget. Etymologiquement, cette fonction est associée à l'idée du contrepoids, du «contre-rôle», qu'une personne exerce dans une organisation par rapport aux personnes chargées de l'exécution des tâches. Elle demeure comme telle une fonction-clé de toute entreprise, et fonde, aujourd'hui comme hier, la raison d'être des organes chargés du contrôle interne, des commissions de contrôle, des cours des comptes et autres organismes chargés du contrôle, internes ou externes.

Le contrôle intervient à un rythme convenu, en principe à n'importe quelle phase du processus budgétaire, classiquement plutôt a posteriori. Le contrôle s'emploie à vérifier la conformité et la régularité des actes par rapport aux règles établies.

Sous l'influence de la réflexion cybernétique et aujourd'hui systémique et devant l'obligation de gérer des systèmes complexes, la notion de contrôle tend à évoluer dans le sens anglo-saxon du terme. Le contrôle devient une fonction permanente et dynamique, immédiate, voire concomitante à l'exécution d'une tâche, assimilable à celle du pilote qui observe la situation sur son tableau de bord et corrige autant de fois qu'il le faut la trajectoire de son véhicule en fonction non seulement des règles internes de gestion, mais aussi de l'environnement.

L'Etat de Genève dispose essentiellement d'un système de contrôle classique des activités et des tâches. Il intervient a posteriori et repose sur les trois piliers que sont:

 le contrôle des services par eux-mêmes et la hiérarchie (légalité, rationalité, proportionalité, gestion de caisse, CCP, etc.),

 le Contrôle financier cantonal (conformité des imputations, disponibilités des crédits, en principe sans incidence sur l'opportunité de la dépense)

 la Commission de contrôle de gestion (opportunité, proportionalité, rationalité, évaluation politique).

Les deux derniers organes de contrôle n'ont que des pouvoirs de recommandations. La mise en oeuvre des recommandations, la correction des erreurs et le pouvoir de sanction incombent aux départements et au Conseil d'Etat.

La fonction de controlling est assurée, par les directions des services, les Services administratifs et financiers des départements, les Services financiers de l'Etat et par l'Office du personnel selon des modes et des procédures qui leur sont propres. Ces services produisent des informations de gestion à l'intention des directions départementales et du Conseil d'Etat. Ces informations sont relativement hétérogènes et ne constituent pas à proprement parler un tableau de bord cohérent. Leur forme et leur contenu nécessiteraient d'être améliorés, afin que ces données révèlent une image suffisante, et surtout suffisamment fraîche, de la réalité économique et sociale du service public.

Les établissements autonomes et les institutions et associations subventionnées disposent de leurs propres organes de contrôle interne et/ou externe. Ils sont soumis au Contrôle financier cantonal.

 Contrôle financier cantonal

Le contrôle financier cantonal est régi par la loi du 19 juin 1976 (D 1 4). Son activité est assimilable à celle d'un réviseur et porte sur des examens de conformité des recettes et des dépenses avec les prescriptions légales et réglementaires, ainsi que tous autres contrôles ou vérifications ordonnées par lois, règlements ou décisions du Conseil d'Etat. L'action du Contrôle financier cantonal n'est, en principe, pas entravée par le secret de fonction. Ce principe ne figure toutefois que dans le règlement d'application.

A noter que l'article 6 de la loi fait obligation au CFC et aux fiduciaires chargées du contrôle financier de renseigner l'autorité, dans un rapport séparé, sur les défauts, les erreurs ou les lacunes dans la gestion économique des services qu'ils découvrent à l'occasion de l'exécution de leur mandat.

L'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat étend virtuellement le domaine du Contrôle financier cantonal au domaine de la gestion administrative, puisque, en vertu de l'article 2, «l'administration doit agir conformément aux exigences du droit, de la proportionnalité, de l'efficacité et de la rationalit«. L'article 6 prescrit en outre que «les dépenses doivent être nécessaires et supportables».

Ces domaines recouvrent pratiquement ceux de l'initiative sous revue. L'indépendance accrue du Contrôle financier cantonal satisferait l'exigence d'un contrôle externe.

 Commission de contrôle de gestion

La même loi du 19 juin 1976 instaure, à son article 8, une Commission de contrôle de gestion. L'article 9 spécifie les domaines de compétence dans les termes suivants:

a) contrôle de l'emploi qui a été fait des crédits budgétaires ou extrabudgétaires votés par le Grand Conseil;

b) contrôle de la manière dont ont été gérés les biens de l'Etat;

c) appréciation de l'organisation des services de l'administration et de la marche de ceux-ci, notamment en matière de gestion du personnel, de locaux et de matériel; de même pour les institutions dépendant de l'Etat ou subventionnées par lui.

La commission a un pouvoir de suggestion de mandats. Elle répond soit au Conseil d'Etat, soit à la commission des finances du Grand Conseil, qui peuvent la saisir d'une affaire, indépendamment ou conjointement.

La commission, dont les membres sont soumis au secret de fonction y compris après la fin de leur mandat, peut exiger, selon l'article 18, la communication de tout dossier, document ou renseignement nécessaire à ses travaux. Les dispositions légales ou réglementaires relatives au secret de fonction, auxquelles sont soumis les collaborateurs de l'Etat, demeurent toutefois réservées.

C'est là une différence expresse avec l'intention de l'initiative qui prévoit la libération du secret de fonction à l'égard de la fiduciaire chargée de l'audit.

 Expertises et audits extérieurs

L'article 24 de la loi sur le contrôle financier cantonal et le contrôle de gestion autorise le Conseil d'Etat à faire appel à des experts ou à des sociétés fiduciaires pour des missions d'organisation dans le domaine comptable et administratif.

Le Conseil d'Etat recourt régulièrement aux services d'experts indépendants. Des mandats ont été exécutés dans le cadre de l'Administration fiscale cantonale, des services audiovisuels, de l'orientation professionnelle, de la police, du Palais de justice, du Service des automobiles et de la navigation, de l'Office des poursuites et faillite, des organes chargés de la circulation, du département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales, du système d'information du territoire, de l'aéroport, du SCAM, de l'OAPA, du service des ambulances. Cette liste n'est pas exhaustive.

Des études de restructuration et de répartition des tâches sont par ailleurs conduites, avec ou sans l'aide de consultants, en collaboration avec l'association des communes genevoises (sécurité civile, activités parascolaires, patrouilleuses scolaires, impôts sur les chiens, etc.), le canton de Vaud (fonctions hospitalières), les cantons romands, Berne et Tessin (Université, formation professionnelle, exécutions de peines; réseau informatique intercantonal, police; etc.), voire, dans quelques cas, la région (Université, sécurité civile, protection de l'environnement, etc. )

 Contrôle cantonal de l'informatique

La loi sur le traitement automatique des informations par ordinateur, entrée en vigueur le 1er décembre 1983, a instauré un contrôle informatique. Orienté sur la sécurité des installations et des bases de données et sur l'intégrité des données, ce contrôle prévoit des audits internes ou externes dont le mandat peut s'étendre à l'organisation et au mode de gestion des services.

Le traitement informatique ne constitue, en effet et généralement, que la partie émergée d'un système de gestion global, habituellement nommé système d'information (notion qu'il ne faut pas confondre avec système informatique). Le système d'information est l'expression formelle et structurée, adaptée au traitement par ordinateur, des données, des règles et des procédures de gestion explicites ou implicites d'un service ou d'un ensemble de services.

En fait, le développement du concept de contrôle informatique recouvre en partie les tâches du contrôle financier cantonal. Dans le cadre de l'exécution complète de son cahier des charges, ce dernier peut de moins en moins faire l'économie, lors d'un examen des comptes, du contrôle du système d'information. Dans la mesure où règles comptables et règles de gestion sont les deux faces d'un même ensemble fonctionnel, le contrôle financier cantonal est donc amené à analyser à travers une application comptable informatique l'ensemble organisationnel et fonctionnel d'un service.

2. Intérêts et limites de l'audit

L'exposé synthétique, voire systémique, de l'ensemble des données d'un problème est généralement le produit principal d'une expertise qu'elle soit le fruit d'une analyse interne ou externe. L'expert a pour première vocation d'élargir le champ de l'analyse; il peut dans une seconde étape apporter une aide à la décision, en réduisant le nombre des solutions; en principe, il ne se substitue pas au gestionnaire à qui revient la responsabilité de trancher et de conduire la réalisation effective des solutions proposées.

Le produit secondaire de l'expertise, quelquefois le plus précieux, découle de la démarche adoptée. Si celle-ci est participative, elle peut déclencher un processus culturel original au sein de l'entreprise dont les dividendes économiques n'apparaissent toutefois qu'à long terme, souvent au détour d'une crise. C'est là ce supplément d'âme que doit rechercher et entretenir inlassablement toute direction avisée et qui est au coeur de la motivation et d'un travail de qualité.

L'expertise est aussi une boîte de Pandore. On y trouve ce qu'on y a mis. Les clivages politiques que l'on avait cru gommer en faisant appel à des consultants ressurgissent en fait souvent, exacerbés par la durée de l'audit (plusieurs mois selon la nature du problème), son prix (de plusieurs dizaines de milliers à plusieurs millions de francs), et la frustration du mandataire de se retrouver devant l'obligation de faire un choix que l'exposition de toutes les données du problème n'aura guère contribué à rendre plus facile.

3. L'évaluation politique

C'est avec un certain retard par rapport aux autres sociétés occidentales, mais vraisemblablement en raison du caractère extrêmement décentralisé du contrôle démocratique, que la Suisse ne s'est engagée que récemment dans des travaux d'évaluation des politiques publiques.

Fort développée aux Etats-Unis et au Canada où elle est définie comme une application systématique de la recherche socio-économique à la conception, à la mise en oeuvre et au perfectionnement ou à l'abrogation de politiques publiques, l'évaluation politique est encore balbutiante en Suisse. Elle souffre au moins de trois maux: la faiblesse de l'appareil statistique, la méfiance métaphysique à l'égard des méthodes d'analyse quantitatives, l'absence d'experts véritablement rompus aux méthodes, en nombre suffisant.

La qualité et la portée pratique des travaux d'ores et déjà exécutés s'en trouvent amoindries si bien que l'évaluation n'a pas encore trouvé son assise dans le monde politique, administratif et médiatique. C'est que l'évaluation n'est pas une science exacte, le processus politicoadministratif ne peut pas être isolé en éprouvette, l'évaluation ellemême génère des conflits d'intérêt qui peuvent à l'occasion culminer dans des réactions de rejet des experts par l'organisme sous contrôle.

Trois entreprises qui ont récemment débouchés sur des rapports ou la création d'organe de contrôle valent d'être notées:

1) le projet d'évaluation législative (AGEVAL),

2) le programme national de recherche 27, sur les effets des mesures étatiques,

3) la création par les commissions des finances et de gestion des deux Chambres d'un organe parlementaire de contrôle de l'administration.

3.1. AGEVAL et PNR 27

Créé à l'instigation du chef du département de justice et police le 6 octobre 1987, le groupe de travail AGEVAL (Arbeitsgruppe «Gesetzesevaluation»), composé essentiellement de hauts fonctionnaires fédéraux s'est donné pour tâche de définir les conditions nécessaires à l'amélioration de la qualité matérielle de la législation.

L'AGEVAL a mis un terme à ses travaux en 1991 et publié un rapport dans lequel il émet plusieurs recommandations destinées à populariser la culture de l'évaluation en Suisse.

Quant au programme national de recherche «Effets des mesures étatiques» (PNR 27), il a démarré également en 1987. On se réfèrera pour plus d'information au rapport final du groupe AGEVAL qui dresse un bilan inventaire des projets en cours en Suisse, ainsi qu'à l'ouvrage collectif publié aux Presses polytechniques et universitaires romandes, intitulé «Evaluation des politiques publiques en Suisse, pourquoi? pour qui ? comment?» (cf. note 4)

3.2. Organe du Parlement fédéral de contrôle de l'administration

La création de deux services de contrôle de l'administration dont l'un est rattaché au Parlement est l'aboutissement d'une longue et vaste réorganisation des secteurs du contrôle de l'administration, de l'informatique et du conseil en économie d'entreprise. Les premières démarches de la commission de gestion remontent à 1985. Elle demandait alors la création d'un organe spécialisé dans le contrôle de l'administration au service du Conseil fédéral et du Parlement, ainsi que l'élaboration de schémas directeurs départementaux de la fonction de contrôle.

Le Conseil fédéral, après avoir mandaté l'entreprise Mc Kinsey (87-88), résolut de dissoudre l'Office fédéral de l'organisation, de créer l'Office fédéral de l'informatique et d'attribuer les activités de conseil en économie d'entreprise à l'Office fédéral du personnel.

Dans son message du 14 février 1990, le Conseil fédéral indiquait qu'il n'avait pas d'objection fondamentale à formuler à l'encontre de la création d'un service parlementaire de contrôle de l'administration. La loi sur les rapports entre les conseils a été modifiée par l'adjonction d'un article 47 sexies dont le libellé est le suivant:

Les Commissions de gestion disposent d'un organe parlementaire de contrôle de l'administration.

L'organe de contrôle de l'administration examine, sur mandat particulier des Commissions de gestion, les tâches de l'administration, leur accomplissement et les effets découlant de l'activité des autorités et de l'administration. Ce contrôle s'exerce selon les critères de la légalité, de l'opportunité, du rendement et de l'efficacité.

L'organe de contrôle de l'administration jouit à l'égard des services de l'administration des mêmes droits que les Commissions de gestion en ce qui concerne l'obtention de renseignements et de dossiers. Il traite directement avec tous les services de l'administration et, avec l'approbation des Commissions de gestion, peut recourir à l'aide d'experts, auxquels il peut conférer les mêmes droits.

Les Commissions de gestion coordonnent le travail de leur organe de contrôle de l'administration avec l'activité des autres commissions de haute surveillance et avec celle des organes de contrôle du Conseil fédéral.

4. Experts agréés et coûts d'un audit

Les évaluations peuvent être confiées à des organismes spécialisés internes ou externes à l'administration. Le choix entre un service interne, un institut universitaire, un bureau privé spécialisé ou un fiduciaire est souvent délicat.

Les services internes ont l'avantage de connaître le fonctionnement intime de l'organisation, les instituts universitaires bénéficient d'une bonne méthdologie, et pour certains d'entre eux d'une excellente expérience, mais il ne faut pas perdre de vue qu'ils poursuivent un but académique qui peut altérer les conditions d'une bonne collaboration. Quant aux bureaux privés, ils disposent en général d'une bonne expérience. Ils utilisent des méthodes éprouvées qu'ils cherchent à rentabiliser.

Dans tous les cas, l'investissement est relativement élevé. Le premier prix d'une évaluation se situe à 50'000 francs. La facture peut s'élever à plusieurs millions de francs dans les cas les plus ambitieux.

L'investissement financier et en temps peut être limité lorsque les évaluations sont planifiées dès la conception des mesures, portent sur des questions précises, bénéficient d'une conduite expérimentée de la part du mandant.

5. Buts et champ de l'initiative

Le titre de l'initiative indique clairement son but: réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève. Sont réputées dépenses abusives, selon l'article premier, toutes dépenses sans relation avec le résultat recherché. L'analyse matérielle de l'initiative implique par conséquent:

 de distinguer les dépenses de l'Etat selon leurs destinations principales (rémunérations des facteurs, transferts, investissements),

 de spécifier le résultat recherché et donc d'analyser le couplage loiprestations;

 de prendre en compte la répartition des tâches entre les différentes entités du secteur public et d'analyser le mode d'organisation et les relations économiques et techniques de cause à effet de transformation des facteurs de production en prestations et services publics.

5.1. Fonctions de l'Etat

Selon l'exposé des motifs, fort bref au demeurant, «par la structure de l'administration, ses lois et règlements, l'Etat de Genève démotiverait ses employés, gaspillerait l'argent des contribuables, aggraverait son déficit et alourdirait les impôts». Ce faisant l'initiative semble vouloir corriger plutôt l'ordonnancement de la machine administrative que l'action de ses mécaniciens. La responsabilité des dysfonctionnements incomberait donc moins aux fonctionnaires qu'aux concepteurs et ordonnateurs de l'appareil étatique.

Cependant, le texte de l'initiative focalise l'intervention des experts sur le mode de fonctionnement de l'Etat, ses frais d'exploitation, le statut du personnel, ses performances et l'opportunité de confier l'exécution de tâches publiques à des opérateurs privés. Aux yeux des initiants, point d'autres origines aux déficits dit de fonctionnement que l'Etat lui-même et sa bureaucratie.

L'initiative entretient et propage ainsi une vision obsolète de l'Etat, celle d'un organisme dont la seule fonction se réduirait à celle d'un prestataire d'ordre et d'organisation, subsidiairement de services à la collectivité. La réalité est tout autre. Il suffit pour s'en convaincre d'ouvrir et de lire le budget de l'Etat. Ce document enregistre bien d'autres dépenses que des charges d'exploitation au sens qu'en donne l'économie d'entreprise.

Ainsi les dotations de fonctionnement aux établissements autonomes, les allocations aux personnes physiques, les contributions aux assurances sociales, les parts aux recettes fiscales, les subventions redistribuées, les dépenses pour l'embauche des chômeurs en fin de droit, la part des charges d'intérêt résultant de la couverture du déficit par l'emprunt, en l'absence de recettes propres suffisantes, ne sont pas des charges d'exploitation au sens de l'économie d'entreprise. Ces charges participent des fonctions redistributive et conjoncturelle de l'Etat.

De ces deux fonctions de l'Etat, celle de l'Etat-Providence connaît un essor plus rapide depuis l'après-guerre et figure parmi les principaux facteurs du développement du secteur public. N'en disant mot, l'initiative accrédite l'idée selon laquelle les déficits du compte dit de fonctionnement proviendraient d'une gestion laxiste et désordonnée des deniers publics par l'administration, justifiant du même coup l'intervention d'une brigade d'experts en organisation.

C'est faire bien peu de cas des efforts considérables d'économie engagés, depuis trois ans, par le service public, sous la direction du Conseil d'Etat. Malgré des charges sociales et des charges financières en constante progression, les dépenses par habitant stagnent depuis 1989 en francs constants, elles devraient amorcer une diminution en 1993 et 1994 selon les budget et projet de budget. Comme toute entreprise, l'Etat ne cesse de rechercher un mode de fonctionnement et un mode organisationnel qui répondent aussi bien au postulat d'efficacité (adéquation de l'offre à la demande) qu'à celui d'économie (réduction du prix de revient, meilleure qualité prix possible).

5.2. Les résultats recherchés

En démocratie, le maître du volume et de la qualité du service public est le peuple souverain et ses représentants élus. La loi et les règles et procédures de gestion qui en découlent, dictent et modèrent l'ensemble des missions et la gestion de toute l'administration publique. Ce modèle idéal souffre, il est vrai, de quelques dysfonctionnements dont les symptômes sont un accroissement apparemment non voulu du secteur public et une bureaucratie rampante.

Le premier symptôme semble moins préoccuper les initiants que le second. Pourtant la production législative n'est pas à l'abri d'imperfections, d'incohérences et de redondances coûteuses en frais administratifs. L'enchevêtrement des normes, qu'aggrave le fédéralisme à trois niveaux caractéristique de la structure politique de notre pays, contribue certainement à alourdir la structure administrative et à renchérir le fonctionnement de l'Etat sans que l'appareil étatique et ses agents puissent en être tenus directement pour responsables. L'initiative n'envisage cependant pas d'exposer le processus démocratique d'élaboration des lois à l'analyse des experts.

5.3. Nature des examens visés par l'initiative

Le texte de l'initiative est ambivalent sur la nature des examens et des expertises requis. Les notions de frais d'administration et de rémunération tendent à restreindre le champ d'observation au fonctionnement strict de l'administration, auquel cas le développement et l'usage d'indicateurs de gestion seraient adéquats et suffisants. Toutefois les vérifications structurelles et la problématique de la privatisation de tâches publiques réclament des méthodes d'analyse différentes et multidisciplinaires.

Dès lors, les techniques et méthodes développées par l'évaluation des politiques semblent mieux appropriés dans la mesure où celle-ci recourt à des techniques explicatives plus fines, non exclusivement économiques, ainsi qu'à des modèles exemplatifs, favorisant une approche critique et novatrice de l'activité publique.

6. Critères d'évaluation proposés par l'initiative

L'initiative évoque, comme on l'a vu, quatre critères d'appréciation de l'activité administrative: la fonctionnalité, l'efficacité, la structuration et l'économie, avec un accent marqué sur la gestion d'entreprise.

6.1. Effectivité, efficience, «économicité»

L'efficacité est une notion complexe et polymorphe. Il n'y a pas une mais plusieurs techniques pour évaluer l'activité de l'Etat, c'està-dire pour mesurer et porter un jugement «objectif».

Selon la nature et la finalité des activités considérées, la théorie économique, largement héritée du monde anglo-saxon, distingue en général trois niveaux d'appréciation. Chacun donne lieu à des approches et des modes d'évaluation et de mesure propres de l'efficacité selon les critères de l'effectivité, de l'efficience, et de l'«économicité»:

1) l'effectivité renseigne, a priori, sur l'opportunité-même de l'action publique et, a posteriori, sur le degré de réalisation, de respect, d'utilisation effective en termes socio-économiques et politiques par rapport à l'intention formulée et par rapport à son expression légale (normes de droit public ou privé, injonctions, aides financières, recommandations, etc.). A ce niveau, l'on apprécie le succès ou l'insuccès d'une politique.

2) l'efficience évalue, rétrospectivement ou prospectivement, la rationalité économique de l'allocation des ressources disponibles, le choix des méthodes et des moyens, la planification stratégique par rapport au but supérieur visé. On peut mesurer le degré de réalisation de l'objectif par chacun des moyens sélectionnés ou les coûts d'investissement et d'exploitation (directs et indirects) de chaque solution pour un degré de réalisation donné.

3) l'«économicité» consiste à calculer régulièrement le prix de revient économique d'une procédure, d'une prestation, d'un programme et à le comparer avec des valeurs standards ou comparables. Ce dernier niveau incombe aux directions, subsidiairement au contrôle de gestion central. Il a pour conséquence le réexamen de l'organisation, le réexamen de l'utilisation des ressources humaines, techniques, financières, la planification et le déroulement des opérations.

En principe l'audit ou la procédure de contrôle ne remet pas en question l'intention socio-économique ou politique qui est donnée par un acte souverain du parlement (fonction législative) ou du peuple (fonction référendaire). Il n'examine que l'adéquation des moyens engagés, les choix techniques et méthodologiques et la gestion économique des projets par rapport au but visé.

Chacun des trois niveaux soulève des problèmes méthodologiques dont le principal réside dans la difficulté de tirer, à partir des normes légales et de manière impartiale, des échelles de référence quantifiables tout en ne perdant pas de vue la question de la qualité des prestations. Il ne suffit pas en effet de dresser un bilan, il faut encore se donner les moyens de l'apprécier par rapport à une situation comparable, un repère standard ou une échelle de valeurs.

7. Compétences de commander un audit

Le principe de séparation des pouvoirs et la délégation des compétences qui en découle implique de fixer une frontière claire entre les prérogatives de l'exécutif et celles du législatif. Il est certes légitime que le souverain et le parlement s'assurent du respect des principes de la gestion administrative et financière et se donnent les moyens d'un tel contrôle, on voit mal en revanche le peuple se prononcer directement par le biais d'une initiative des clauses d'un audit.

Quant au parlement, sa commission des finances peut comme bon lui semble mandater la commission de contrôle de gestion, laquelle peut se faire seconder dans ses travaux par des experts extérieurs.

Au surplus, la surveillance exercée par le gouvernement et le parlement sur l'administration n'est pas de même nature. La surveillance exercée par le Conseil d'Etat s'accompagne de compétences décisionnelles en particulier à l'égard du personnel de la fonction publique. Elle fait partie des tâches de direction. En revanche, le contrôle parlementaire peut porter sur les fonctions et la nature des relations de travail, il ne saurait concerner les fonctionnaires à titre individuel.

Sur ce point, on notera que la Cour des comptes française qu'on présente volontiers comme un solution alternative n'est habilitée à juger et à sanctionner que les comptables publics, à savoir ceux qui détiennent et manient les fonds publics. Elle n'a aucun pouvoir sur les ordonnateurs et ne peut que les déférer devant la Cour de discipline budgétaire et financière.

8. Une initiative doublon?

Les initiants attendent des audits un double effet:

1) un effet «radar» qui, à l'instar des appareils de surveillance bordant nos routes, agirait comme un frein préventif sur les dépenses;

2) un effet thérapeutique dans la mesure où les audits sont censés apporter des solutions de rationalisation et de restructuration des services publics.

La procédure proposée par l'initiative n'apporte en fait aucune innovation, sinon celle qui ouvre la faculté de commander directement un audit par voie d'initiative populaire. Outre la lourdeur politicoadministrative d'une telle démarche, on peut s'interroger dans quelle mesure cette disposition ne viole pas la séparation des pouvoirs et ne risque pas de contribuer à une dilution pernicieuse des responsabilités.

La loi sur le contrôle financier et le contrôle de gestion ménage déjà au Conseil d'Etat et au Grand Conseil, par l'intermédiaire de sa commission des finances, toute latitude de mandater la commission de contrôle de gestion pour des audits sectoriels ou globaux. La commission de contrôle de gestion peut faire appel à des experts extérieurs.

L'effet «radar» est difficile à évaluer. En tout état, il devrait demeurer modeste puisque la décision d'engager un audit continuera de dépendre, principalement, de l'appréciation du gouvernement. En outre, le degré de dissuasion attendu est étroitement corrélé au risque et à la nature de la sanction potentielle qu'encourt le service ou l'administration jugé défaillant par les experts. Or la seule publication dans la Feuille d'avis officielle de la date du dépôt d'un rapport d'audit ne saurait constituer un moyen de pression crédible et suffisant. Il est vrai que les initiants ne peuvent guère aller au-delà sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, puisque la capacité de gestion est l'apanage exclusif de l'exécutif.

Quant à l'effet thérapeutique, il a fait l'objet, comme on l'a vu, d'une évaluation, au printemps 1992, à la demande du Conseil d'Etat, par une commission ad hoc présidée par l'ancien Chancelier Haenni. L'impact d'un audit dépend éminemment de l'implication personnelle des dirigeants de l'entreprise et de leur volonté politique de mettre en oeuvre les recommandations des experts. Malgré ou à cause de leur stricte rationalité économique, ces recommandations sont souvent en butte à la pesée des intérêts multiples et divergents qui sont au coeur de toute décision politique.

Finalement, l'initiative manque sa cible faute d'ambition et d'une bonne compréhension du couplage entre les objectifs politiques et leur exécution administrative.

Premièrement, la démarche de contrôle proposée par les initiants a un caractère essentiellement rétrospectif et analytique. Or un contrôle ou une évaluation décrété par la loi n'a guère d'effet s'il n'est pas commandé et suivi avec détermination et ténacité par l'autorité politique et accepté par les organes concernés.

Deuxièmement, comme l'a souligné, avec pertinence, l'auteur du projet «Effista» conduit dans l'administration cantonale bernoise au cours des années quatre-vingts: «la tâche incombant à un contrôle moderne de l'administration est de rendre le parlement, le gouvernement et l'administration capables d'évoluer. Contrôler, ce n'est pas constater certaines insuffisances et exiger des améliorations, à la manière d'un précepteur, c'est déclencher un processus d'autocontrôle par des questions critiques, c'est aussi récompenser les corrections réussies. A la question adressée à l'administration «faisons-nous les choses correctement, il faut ajouter une deuxième question «faisonsnous les choses correctes?».» Cette dernière question s'adresse autant à l'administration qu'au parlement et au gouvernement.

Troisièmement l'initiative est inutilement polémique. S'agissant de la gestion du personnel, elle met en cause l'action du Conseil d'Etat laissant entendre que les traitements ne correspondraient pas toujours aux qualifications, ni aux prestations requises. Elle risque de braquer les collaborateurs de la fonction publique dont l'adhésion au projet d'assainissement et de consolidation engagé par le Conseil d'Etat est primordiale. L'initiative ouvre une confrontation dont les premiers bénéficiaires sont connus: à 2'000 francs la journée, les audits sont «budgétivores» et «chronophages».

8.1. Alinéa 1

L'administration de l'Etat de Genève et les communes sont concernées. Les critères de fonctionnalité, d'efficacité, de structuration et d'économie s'appliquent donc également à l'Etat comme aux communes. Les audits relatifs aux travaux faits à double peuvent donc concerner la répartition des tâches entre l'Etat et les communes. Aucun élément matériel, sinon l'ampleur du domaine à analyser, ne s'oppose en principe à une telle analyse.

8.2. Alinéa 2

La possibilité pour le Conseil d'Etat de commander des audits à des fiduciaires figure littéralement aux articles 4 (contrôle financier) et 24 (analyse d'organisation) de la loi sur le contrôle financier et le contrôle de gestion du 19 juin 1976 (D 4 1). Le Conseil d'Etat et les départements n'ont cessé de recourir à des consultants dans le cadre de la structuration des services publiques et de l'analyse des tâches de l'Etat.

Cet alinéa n'apporte donc rien de nouveau.

8.3. Alinéa 3

Les fonctionnaires sont libérés du secret de fonction dans le cadre des activités du contrôle financier cantonal. Il s'agit cependant d'une disposition réglementaire qui souffre des exceptions. Les collaborateurs du CFC ou de la fiduciaire sont en revanche tenus, légalement, au secret de fonction même après la fin de leur mandat.

8.4. Alinéa 4

La commission des finances reçoit une fois l'an communication du rapport annuel d'activité du Contrôle financier cantonal. La commission des finances peut en outre auditionner le directeur du CFC (art. 5).

La commission des finances peut octroyer des mandats à la Commission de contrôle de gestion et décider de la publication des rapports y relatifs.

8.5. Article transitoire

Théoriquement réalisable, un audit global portant sur l'ensemble des tâches de l'Etat n'a guère de chance d'aboutir, en pratique. Les expériences tentées dans d'autres cantons, comme à la Confédération, dissuadent d'engager une opération d'une telle envergure (cf. infra «Le rapport Haenni»). Sa durée, son coût, les résistances plus ou moins légitimes que l'intervention des experts suscite, les contingences et circonstances politiques plaident en faveur d'audits sectoriels plus maîtrisables.

L'initiative devrait pour le moins être expurgée de cet article.

9. Conclusion

L'initiative «Pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève» n'apporte guère d'innovations en matière de gestion et de contrôle de l'activité du service public. La plupart de ses dispositions sont déjà en vigueur (loi sur le contrôle financier et le contrôle de gestion) ou en voie de l'être (loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat). Sa prise en considération alourdira inutilement le texte constitutionnel.

En revanche, si la logique de marché ne saurait prendre le pas sur celle du service public dans la définition des missions de l'Etat, elle peut constituer une référence utile, quoique non exclusive, en matière de gestion. De ce point de vue, il est certainement urgent de poursuivre le développement des outils d'analyse socio-économiques à l'usage de la fonction gouvernementale, en particulier dans le domaine de la gestion des investissements (coût des procédures avant l'ouverture d'un chantier, coûts prospectifs de fonctionnement, notamment), des procédures administratives et de la production proprement dite des prestations (calcul et/ou évaluation des prix de revient), ainsi que de la mesure des enveloppes budgétaires et des dotations de fonctionnement des établissements autonomes.

Le développement d'outils comptables adaptés et la promotion réelle des gestionnaires sont plus prometteurs que l'intervention d'experts extérieurs. Des travaux sont en cours dans ce sens. L'administration s'emploie comme toute entreprise à développer et à affiner en permanence ses instruments de pilotage.

S'agissant plus spécifiquement du contrôle parlementaire de l'administration, les réflexions conduites au niveau des Commissions de gestion des Chambres fédérales depuis 1985 qui ont débouché, en 1990, sur la création d'un organe parlementaire indépendant de contrôle de l'administration (5 experts et 500'000 francs pour des mandats extérieurs), offrent une piste intéressante en vue de l'extension du pouvoir de contrôle du parlement. Cependant, la faculté dont dispose la commission des finances du Grand Conseil d'actionner la commission de contrôle de gestion couvre largement ce besoin. Tout au plus pourrait-on préciser la nature du contrôle et l'étendre aux notions d'évaluation législative.

Au bénéfice de ces explications, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de considérer, en l'état, la loi sur le contrôle financier et le contrôle de gestion et le projet de loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat comme des contreprojets indirects à l'initiative, lesquels en réalisent mieux et de manière plus complète les buts et les idéaux.

Ce rapport est renvoyé à la commission législative.