République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7033
17. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi générale sur les contributions publiques (révision des taux d'imposition) (D 3 1). ( )PL7033

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit :

Art. 2 A, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Sauf pour les prestations mentionnées sous lettre e qui sont imposées conformément à l'article 31 C, cet impôt est calculé selon un barème spécial progressif dont les taux applicables au montant brut des prestations sont dérivés des formules d'imposition ordinaires, en tenant compte de manière adéquate des déductions moyennes pour frais d'acquisisition du revenu et des déductions sociales.

Préconsultation

M. Robert Baud (S). Dire qu'une révision de la hausse des taux d'imposition est la bienvenue serait une hypocrisie à laquelle nous renonçons. Néanmoins, dans la conjoncture économique présente et suite aux allégements considérables en matière fiscale consentis entre 1985 et aujourd'hui, le parti socialiste accueille avec intérêt le présent projet de loi. C'est une mesure nécessaire qu'il faudra bien s'appliquer à faire comprendre.

La nouvelle formulation du barème a déjà fait sourire et jaser plusieurs personnes. Nous croyons néanmoins que c'est un incontestable progrès en matière de technique fiscale. Les tableaux explicitant le nouveau barème, nous irons jusqu'à dire que c'est une simplification, n'en déplaise à ceux qui sont allergiques aux formules mathématiques. Sur le fond, à savoir la répartition des augmentations des taux d'imposition, le parti socialiste est réservé, mais admet bien volontiers que le projet actuel est le point de départ d'une discussion en commission.

D'emblée nous voulons toutefois dire qu'il est difficile d'admettre des taux de hausse de 0,5 à 0,6 % pour des revenus inférieurs à 50 000 F pour un couple, alors que des revenus deux fois plus importants auraient un taux trois fois moindre. Un revenu net de 90'000 F correspond à un revenu brut d'au moins 120'000 F et cette tranche ne fait plus partie des économiquement faibles. Pourquoi ne pas répartir plus égalitairement la charge ? Nous réfutons d'emblée l'argument historique et autres droits acquis. La réelle capacité contributive entre seule en considération. Quant à vouloir épargner les gros revenus au-delà de 300 000 F, sous le fallacieux prétexte de l'exode de ces contribuables, nous nous y opposerons vigoureusement. Ces contribuables sont tous des indépendants et possèdent plusieurs moyens d'évaluer leurs revenus, de remplir leur déclaration de manière élastique, voire de négocier leurs revenus déclarés. Ils n'ont pas besoin d'être encore avantagés par les barèmes !

Ce projet de loi aurait besoin d'une large majorité parlementaire pour avoir une chance de passer la rampe du peuple. Un référendum est fort probable et il faudra y faire face. Le parti socialiste soutiendra un nouveau barème à la seule condition qu'un débat raisonnable ait lieu en commission.

Nous entendons être positifs pour passer une étape nécessaire dans le rétablissement de notre équilibre financier, et nous espérons trouver un débat ferme, mais serein, à la commission fiscale.

Mme Martine Brunschwig Graf (L). Je pense, effectivement, que le débat à la commission des finances et à la commission fiscale sera ferme et serein.

Il faut simplement constater que le projet de loi qui nous est proposé est cohérent avec ce qu'une grande partie des membres de la commission des finances a constaté, observé et reconnu lors de précédentes présentations du régime fiscal qui nous régit. Je me souviens fort bien que, à ce moment-là, les remarques faites, notamment par des députés qui n'étaient pas nécessairement libéraux, étaient que la courbe des barèmes n'était pas une courbe saine pour différentes raisons et, particulièrement, en raison d'un certain déséquilibre. Je me souviens même de la remarque d'un député qui n'était de loin pas libéral... (La présidente rit.) ...disant qu'il fallait prendre des décisions courageuses, sans savoir qui oserait politiquement les prendre !

Alors, finalement, nous sommes en possession d'un projet de loi qui propose un certain nombre de mesures courageuses, s'inscrivant dans un plan directeur dont la plupart des partis de ce parlement ont reconnu et accepté l'objectif. C'est la raison pour laquelle les débats qui auront lieu dépendront effectivement des positions des différents groupes. Le parlement devra choisir ce qu'il souhaite faire en matière fiscale, mais il est clair que les décisions qu'il prendra auront aussi une influence extrêmement importante sur l'avenir des finances cantonales et sur la réalisation des objectifs, ou plutôt le respect des délais, du temps dans lequel nous pouvons réaliser les objectifs de rééquilibrage des finances.

Si nous devions en majorité ne pas accepter la proposition telle qu'elle est, il est clair que la commission des finances aurait un travail beaucoup plus important pour compenser le manque à gagner qui en résulterait.

M. Jacques-André Schneider (Ve). L'un des objectifs de ce projet, ou plutôt l'un des principes, est celui de la modernisation, et le premier sous-principe - puisqu'il y a beaucoup de principes initiaux qui sont expliqués - est celui de la neutralité de la réforme, en d'autres termes, sa capacité de ne pas perturber les calculs des différents agents économiques.

Alors j'aimerais, sur ce point de la neutralité et de la modernisation du système fiscal, dire ceci. En matière d'environnement, il y a quelque chose qui ne nous est pas neutre, c'est que le pollueur ne soit pas vraiment le payeur, d'une part, et que, d'autre part, il ne soit pas incité par des mesures adéquates à modifier son comportement. De ce point de vue, Madame Saudan, c'est une question éminemment fiscale. J'aurais souhaité qu'en ce qui concerne l'environnement on abandonne le principe de la neutralité pour réfléchir, y compris au plan cantonal, à des taxes incitatives en matière d'environnement qui soient de nature, Madame Saudan, encore une fois, à modifier les comportements. En effet, dans ce domaine nous ne voulons pas de la neutralité.

Deuxièmement, s'agissant de ce projet de loi, la courbe est intéressante. Nous constatons également qu'un certain nombre de revenus seront davantage mis à contribution que d'autres. De ce point de vue également, nous aurions souhaité - toujours en ce qui concerne la prétendue neutralité - que l'on nous dise si cela est vraiment neutre pour ces personnes. Dans le cas contraire, que l'on nous explique alors pourquoi on n'a pas envisagé des modifications sur d'autres terrains de la fiscalité, notamment des personnes morales ou des revenus plus élevés, surtout par le biais - ce sera un des thèmes des débats de la commission fiscale - d'une comparaison avec ce qui se fait dans d'autres cantons.

En effet, on sait qu'une trop forte augmentation des impôts engendre un phénomène de fuite vers d'autres régions. Par contre, en faisant certaines comparaisons, peut-être pourrions-nous nous convaincre, en ce qui concerne les personnes morales ou les plus hauts revenus, que finalement il y a encore un peu de marge sur ces terrains en matière de fiscalité, sans mettre en cause le sacro-saint principe de la neutralité. Nous reviendrons donc sur ces questions en commission fiscale. Vous l'aurez deviné, nous ne réservons pas une approbation franche à ce projet de loi, mais nous sommes prêts à en discuter.

M. Daniel Ducommun (R). Si nous accueillons avec intérêt ce projet de révision des taux d'imposition, nous resterons critiques en commission sur ses effets et ses conséquences économiques. On rappelle à cet effet que notre parti a toujours été favorable à une politique des moyens et non des besoins. Il faut faire avec ce que l'on a, comme dans n'importe quel ménage. Notre développement budgétaire doit donc s'orienter vers le contrôle des dépenses de l'Etat et non pas forcément vers une augmentation des recettes par le biais de l'impôt. Notre réaction est d'autant plus importante que ce projet de révision des barèmes, tel que proposé, affecte dangereusement et à nouveau notre classe moyenne, que nous considérons comme la colonne vertébrale de notre structure économique active.

L'orientation des courbes devra donc être à notre avis mieux équilibrée et par conséquent plus nuancée. Voilà les considérations que nous voulions exposer en première lecture.

M. Jean Spielmann (T). Depuis quelques années, nous avons débattu de ces questions fiscales. Nous avons toujours tenu à un certain nombre de règles et je crois que nous devrions y revenir pour permettre de sérier le débat et pour trouver des solutions.

Il est vrai que le problème, la présentation et le mode de calcul devaient être modifiés, que les principes informatiques de calculs permettent d'améliorer très sensiblement le mode de calcul de l'impôt pour chacun, mais ils donnent surtout la possibilité de modifier les paramètres en fonction des besoins et d'indexer, d'une manière plus précise, les éventuelles modifications par rapport au coût de la vie. Je tiens à dire que nous avions présenté des propositions jugées trop compliquées à l'époque, lesquelles, par rapport à celles qui figurent ici, étaient encore très enfantines !

Il ne faut donc pas se heurter aux problèmes techniques des modes de calculs, mais plutôt chercher à savoir ce que recouvrent les chiffres, ce que l'on fait dire à ces modes de calcul et quel sera le résultat fiscal que chacun verra sur son bordereau d'impôts. A mon avis, sérier les problèmes, c'est d'abord se mettre d'accord sur une technique de perception, c'est examiner ensemble le meilleur moyen de calculer les taux sans discuter de leurs montants - dans le cas particulier ce calcul permettra de le faire - et, ensuite, une fois d'accord sur la technique de perception, nous pourrons discuter de la manière de procéder. Il ne faut donc pas mélanger les problèmes.

J'avais dit dans ce Grand Conseil à plusieurs reprises au moment de l'introduction des barèmes-rabais, que nous faisions fausse route en compliquant les choses et que nous aurions ensuite de la peine à les corriger et à les modifier. Cela n'a servi à rien; nous sommes allés dans une mauvaise direction et nous voyons les difficultés dans lesquelles nous sommes. Reprenez le Mémorial et vous verrez que tout cela était prévisible et prévu. Il faut donc discuter de la technique sans modifier l'assiette fiscale des contribuables et sans modifier le mode de perception, ni au niveau des montants ni au niveau des déductions sociales. Dans ces conditions, nous sommes prêts à faire un bout de chemin.

Par contre - comme cela est proposé dans le projet de loi - si on introduit un nouveau mode de calcul lié à une modification de l'assiette fiscale qui, globalement, sans entrer dans les détails - je me suis amusé à faire quelques projections avec des tabelles - augmente les impôts de ceux qui gagnent moins de 100 000 F pour les diminuer à ceux qui gagnent plus, alors là nous ne serons pas d'accord ! Si vous pensez que nous pouvons accepter une telle proposition et que le peuple va vous suivre - parce que le peuple aura la parole si vous appliquez un tel procédé - vous vous trompez ! Vous devriez examiner les choses de plus près. C'est la première observation : pas question de laisser passer une telle loi sans que le peuple ne se prononce.

Deuxième observation, au sujet des déductions fiscales. Il est vrai qu'avec les années, toute une série de paramètres ont été introduits pour permettre des dégrèvements. Il est vrai également que, globalement, ces différentes déductions peuvent paraître désuètes, inadaptées et de peu d'importance. Mais je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'elles permettent, pour les petits et moyens revenus, de serrer de très près leur situation réelle, par les précisions de la nature de leurs dépenses, et une imposition en fonction de leur capacité productive.

Si, aujourd'hui, vous comptez sur les bénéfices retirés de la suppression de ces déductions, en mettant tout le monde au même niveau, en diminuant le nombre de fonctionnaires et les techniques de perception, pensez que dans le même temps vous gommerez toutes les différences, vous empêcherez d'évaluer au plus près la situation financière des petits revenus, et cela engendrera toute une série de difficultés.

Je ne parlerai pas des aberrations que j'avais déjà tenté de corriger par un projet de loi, à savoir que les déductions sociales se font actuellement sur les tranches les plus élevées des barèmes profitant ainsi aux plus hauts revenus, alors que ces déductions sont moins importantes pour les petits. Le comble est que la proposition qui nous est faite va encore accentuer cette iniquité. Cela n'est pas acceptable ! Que ce soit au niveau des déductions fiscales ou au niveau de la modification de l'assiette fiscale, nous ne suivrons pas les propositions telles quelles.

Nous acceptons d'étudier une adaptation des barèmes s'ils tiennent compte de la possibilité contributive de chacun et de la situation économique difficile. Pour reprendre l'argumentation de M. Ducommun, il est évident que, dans la situation actuelle, le fait de limiter le pouvoir d'achat des personnes ne fera qu'accentuer le marasme de la situation économique et la dégradation du secteur de l'emploi.

Ceci pose une série de questions importantes. Le problème le plus important, qui est le fondement de l'imposition et la motivation de la couverture des dépenses - M. Ducommun a parlé d'une politique de réduction des dépenses et des besoins - est que nous devons changer radicalement notre manière de percevoir l'Etat; son rôle même est en cause. Il faut examiner les besoins de notre collectivité, en faire l'inventaire et en évaluer le coût, afin de trouver les moyens de financer la politique à suivre. Nous devons absolument envisager un total changement de comportement et en tenir compte même si nous avons de la peine à le faire, au lieu de se perdre en exercices comptables et projections de ces modifications comme si tout était acquis.

Il faut donc accepter une totale remise en question, mais certainement pas dans la direction proposée par ce projet de loi qui veut diminuer la fiscalité des nantis et faire payer davantage les plus démunis. Cela va à l'encontre du bon sens et de l'équité. C'est une faute politique que nous ne manquerons pas de sanctionner.

M. Jean-Luc Ducret (PDC). Le groupe démocrate-chrétien souscrit totalement à l'idée d'une révision des barèmes d'impôts. Je ne parlerai pas ici de la philosophie attachée au projet de loi qui nous est présenté.

M. Schneider nous a parlé abondamment de principes. En qualité de juriste, je suis très attaché au principe de la clarté. Manifestement, le projet présenté n'atteint pas cet objectif. Je redoute, en cas de référendum, de présenter le texte qui nous est soumis au peuple souverain.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Il est vrai, et certains orateurs l'ont dit tout à l'heure, que le projet de loi qui vous est présenté se divise en deux parties très différentes. La correction des barèmes, d'une part, et la révision desdits barèmes corrigés produisant 55 à 60 millions de recettes complémentaires, d'autre part.

L'étude des barèmes fiscaux s'inscrit dans une réflexion conduite au département des finances et au Conseil d'Etat depuis plus de deux ans et demi. La première étape a consisté en une radiographie de la situation fiscale de notre canton, et les résultats - vous vous en souvenez - furent présentés aux commissaires des commissions fiscales et des finances de votre parlement, aux organisations syndicales de la fonction publique, aux partenaires sociaux, ainsi qu'aux partis politiques qui le demandaient. Mon secrétaire général en a assuré la direction avec l'administration fiscale et moi-même.

Parallèlement - ceci est important et c'est la deuxième étape - j'ai donné un mandat au département de l'économie politique de notre université portant sur la capacité contributive actuelle et future des personnes physiques et morales de notre canton, afin de savoir comment faire face aux dépenses de fonctionnement sans recourir à terme à l'emprunt. En résumé, cette étude, pilotée par le professeur Burgenmeyer, a montré, d'une part, un affaiblissement de la croissance des revenus de l'Etat depuis 1987, dont le rythme d'augmentation est évidemment inférieur à celui du revenu cantonal, en raison principalement de l'introduction d'une série de déductions fiscales et de l'intégration des barèmes au moment où nous avons supprimé la progression à froid et, d'autre part, l'université a constaté une forte expansion des dépenses sociales et de la fonction redistributrice de l'Etat.

C'est l'évolution inévitable de l'Etat qui tient compte du mode de société, notamment en raison du vieillissement de la population et, plus récemment, évidemment des effets, hélas, structurels du chômage. L'université a également constaté une augmentation considérable des charges financières résultant d'un quasi-doublement des dépenses d'investissement de 1982 à 1987 qui alourdit aujourd'hui les charges financières de l'Etat et, enfin, le développement continu d'un service public à des coûts élevés. Ces déséquilibres structurels - comme on l'a rappelé dans l'exposé des motifs - se sont développés à l'époque dans l'ombre de la haute conjoncture dont les recettes fiscales provenant de la spéculation immobilière et des transactions immobilières ont partiellement compensé. Elles ont donc dissimulé le tassement relatif de l'impôt sur les personnes physiques et morales.

Une dernière partie de l'étude de notre université - j'espère que cela vous intéressera - montre qu'il était devenu impératif d'avoir un plan de redressement des finances, sous peine de voir le canton s'engager tout droit dans une spirale de surendettement caractérisée par des charges d'intérêts absorbant l'augmentation annuelle des recettes fiscales. Le plan de redressement que vous connaissez produit aujourd'hui ses effets et nous pouvons les mesurer dans le projet de budget 1994. Dans ce plan de redressement - nous le disions en septembre 1992 - le rétablissement de l'équilibre des finances s'opérerait par une action principale sur les dépenses, mais aussi par un ajustement des recettes fiscales.

La troisième étape fut donc consacrée à l'analyse du barème lui-même. Elle a été conduite par le professeur Carlevaro, ses assistants et un groupe d'étudiants, ainsi que par le service cantonal de statistique. Il fut découvert un certain nombre de distorsions et d'inégalités fiscales, notamment dans la progressivité des barèmes. C'est pourquoi le département des finances, puis le Conseil d'Etat, ont décidé de distinguer ces deux phases essentielles : l'opération de correction et l'opération de révision.

Sans l'opération de correction, il aurait été difficile de modifier le taux de progressivité de l'impôt sans accentuer ses distorsions, ou alors il aurait fallu proposer l'augmentation de centimes additionnels, ce qui aurait eu pour effet, vous le savez, d'accroître la charge fiscale des hauts revenus qui, on le sait, sont déjà très fortement imposés à Genève, plus encore qu'ailleurs. Ceci aurait accentué davantage les velléités de départ de certains, notamment ceux dont la mobilité est proportionnelle à leurs revenus.

Rappelons d'ailleurs à cet égard que 2,5 % des contribuables de notre canton paient 30 % de l'impôt général sur le revenu. Or, le revenu de ces personnes est notoirement conjoncturel, et, par conséquent, l'assise de ces recettes est très fragile. La correction des barèmes a été conduite en s'assurant de la neutralité globale de l'opération ne rapportant rien de plus aux caisses de l'Etat - je parle bien de la correction. J'ai bien dit «globale», car à l'intérieur de la correction, dès lors qu'il faut lisser une courbe, il y a des plus et des moins. Si les spécialistes de l'équipe du professeur Carlevaro nous ont proposé un barème fonctionnel basé sur une formule mathématique, c'est que cette dernière assure du point de vue du barème une parfaite égalité et neutralité qui sont - d'aucuns le rappelaient - les principes de base de la fiscalité.

D'ailleurs, Monsieur Ducret, il ne faut pas s'effrayer de cette formule qui sera, bien entendu, exprimée sous forme d'une tabelle publiée où chacun pourra déterminer - cette fois aisément - le montant de son impôt. Mais surtout, les paramètres de cette formule sont autant de leviers - comme l'a rappelé M. Spielmann - qui permettent de moduler soit la progressivité du barème, soit le début de l'assujettissement, soit le taux maximum de l'imposition qui est à 19 % ou encore de l'indexation. Donc chacun de ces paramètres permet de concrétiser une politique fiscale qu'il vous appartient de conduire.

La proposition qui vous est faite est une proposition du gouvernement, mais vous pourrez beaucoup plus facilement - et ceux qui ont vécu l'intégration des barèmes s'en souviennent - mesurer les effets des modulations de l'un ou l'autre de ces paramètres - ceci plus rapidement, quasiment instantanément - par l'informatique qui vous tire la courbe et le résultat par franc d'impôt imposé. Chacun de ces paramètres est donc important. C'est pourquoi le Conseil d'Etat vous propose cette solution dans un premier temps. Vous pourrez l'utiliser pour prendre d'autres mesures, les corriger selon vos sensibilités, mais il appartient bien entendu au parlement, en définitive, de fixer la politique fiscale qu'il entend voir conduite. Par cette nouvelle formule moderne, qui serait pour la première fois introduite en Suisse, vous auriez un instrument parfait de conduite et de pilotage de la politique fiscale nécessaire pour le canton.

Dès lors, il m'apparaît essentiel, comme je viens de vous le dire, d'adopter le nouveau mécanisme, c'est-à-dire le barème fonctionnel. Si le Conseil d'Etat a choisi de vous présenter une révision de surcroît - c'est sur ce point que portent essentiellement vos critiques, et je m'y attendais - c'est que la situation financière du canton et les charges prioritaires qu'il doit assumer l'y obligent. Les critères de la révision proposée par le Conseil d'Etat sont fondés sur une analyse des faits conduite par l'université.

En effet, en comparant la charge fiscale aux revenus bruts du travail de 1985 à celle de 1991, on constate - et certains l'ont souligné - un allégement considérable de la charge fiscale des revenus inférieurs à 70 000 F. En outre, en comparant cette charge fiscale 1991 par rapport à la charge fiscale des principaux cantons voisins, notamment celle du canton de Vaud, on constate aussi que le poids de l'impôt est beaucoup plus faible selon que l'on est célibataire ou marié, avec ou sans enfants, jusqu'à 70 000 F, alors qu'au-dessus de cette somme le poids de l'impôt est plus lourd et que l'écart s'accroît avec le niveau de revenus.

C'est la raison pour laquelle nous avons tenu compte de ces allégements fiscaux et il nous a paru essentiel de réajuster cette courbe de façon à ce que la concurrence fiscale intercantonale ne s'accentue pas tout en bénéficiant d'un accroissement de recettes qui devraient produire entre 55 et 60 millions. C'est sur la base de ces analyses et de la correction du barème que des coefficients ont été déterminés en tenant compte de chaque contribuable, ce qui a permis de fixer les coefficients de la fonction et, par conséquent, le taux d'imposition des revenu.

En conclusion, la réforme corrige certaines injustices relevées par les études consacrées par l'université et permet, par la création d'un barème fonctionnel, les corrections des anomalies amplifiées très largement dès 1988 à partir de l'intégration des barèmes et de la suppression de la progression à froid. Cette réforme peut enfin vous apporter une recette supplémentaire.

Si le Grand Conseil entend adopter le seul barème fonctionnel sans apport de recettes complémentaires, il devra accroître le déficit - ce qui me paraît impensable - ou il devra trouver d'autres moyens, soit dans les dépenses, soit dans les modulations de la fiscalité. Je vous remercie de l'accueil que vous allez faire à ce projet, quelles que soient les critiques émises que je considère positives. En effet, dorénavant avec la proposition du Conseil d'Etat, nonobstant le fait électoral, vous pouvez vous doter d'un moyen de pilotage d'une politique fiscale qui nous permettra d'aller de l'avant dans ce canton.

Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.