République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 16 septembre 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 7e session - 31e séance
GR 24-1 et objet(s) lié(s)
12. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les recours en grâce suivants:
M. C. T., 1953, Vaud, veilleur de nuit.
M. René Ecuyer (T), rapporteur. Nous devons traiter le cas de M. C. T., né en 1953, vaudois d'origine. Il est électricien, marié et sans enfant. Sa situation pécuniaire est plus que modeste. Il a été condamné pour avoir refusé d'effectuer le service de protection civile. Sa peine est de trente jours d'arrêts. Il a eu des antécédents judiciaires pour avoir refusé de payer ses taxes militaires. Le préavis du procureur général est négatif. Il explique, en effet, que la protection civile n'est pas une activité dont l'exercice est laissé au libre choix de celui qui y est astreint. Par contre, la commission a étudié ce dossier avec un maximum de bienveillance et elle est arrivée à la conclusion qu'il fallait accorder la remise de la peine d'arrêts.
Il s'agit d'un homme de quarante ans qui, pour des raisons de santé, n'a pas fait de service militaire et qui s'est donc trouvé astreint à la protection civile. Son enfance n'a pas été des plus joyeuses, ce qui a provoqué chez lui une crise d'autorité qui l'a empêché de s'insérer, comme n'importe quel citoyen, dans la vie active. C'est un garçon qui travaille en qualité d'indépendant. A l'heure actuelle, il fait des gardes le soir dans un institut pour jeunes.
En examinant son cas, nous nous sommes dit que, dans le fond, cela ne servait pas à grand-chose de l'envoyer trente jours en prison pour le soigner de son antiautoritarisme. Ce garçon n'est pas un voyou, mais les problèmes qu'il a rencontrés avec ses parents ne lui permettent pas de se mettre «dans le rang». Il était prêt à faire un travail d'utilité publique, ce qu'il fait depuis 1986, pour un salaire très modeste. En effet, il travaille de 22 h à 7 h du matin pour même pas 1 000 F par mois. L'envoyer en prison compliquerait encore sa situation car il n'est pas certain de pouvoir ensuite récupérer son emploi. En effet, cela poserait des problèmes au foyer qui l'emploie. La commission a donc décidé, après discussion, de vous proposer la remise de la peine d'arrêts.
Mis aux voix, le préavis de la commission (remise de la peine d'arrêts) est adopté.
M. G. L., 1919, Italie, commerçant, ne recourt que contre le solde de la peine de réclusion.
M. Robert Baud (S), rapporteur. M. G. L. est né en 1929, en Italie. Il est commerçant et a été condamné, pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants avec circonstances aggravantes le 17 mars 1992, à quatre ans et demi de réclusion et quinze ans d'expulsion du territoire Suisse.
Un recours en cassation a été rejeté le 16 septembre 1992. Un recours au Tribunal fédéral a également été rejeté. Sa sortie de prison est prévue pour le 13 novembre 1995, et il aura atteint les deux tiers de sa peine le 13 mai 1994. Au vu du rapport actuel du directeur du pénitencier, il n'y a pas de raison de croire que M. G. L. n'obtiendra pas la libération conditionnelle.
La demande de grâce consiste en une remise partielle de la peine. Des demandes d'auditionner le directeur de la prison et le condamné ont été faites, mais ni le rapporteur ni la commission n'ont jugé utile d'y accéder, le dossier paraissant suffisamment clair. A l'appui de sa demande, M. G. L. invoque sa mauvaise santé. De fait, il soigne normalement un diabète. Il a subi à l'hôpital cantonal une cholécystectomie, il y a de cela deux ans - je crois - dont les suites sont normales. Il invoque d'autre part la mauvaise santé de son épouse qui a besoin d'être aidée, mais les preuves données à cet égard sont extrêmement ténues.
M. G. L. a toujours nié les faits et refusé toute collaboration lors de l'enquête. La police avait arrêté un passeur de drogue qui venait d'Amérique du Sud. Un policier a remplacé cette personne au moment du rendez-vous avec M. G. L. à l'hôtel Intercontinental. A ce moment-là, pris sur le fait, il a tout nié et prétendu qu'il venait acheter des montres, disant qu'il vivait de ce négoce. Il n'a pas pu donner de preuves quant à ses fournisseurs. Par ailleurs, il menait un train de vie luxueux. Il possédait - il possède peut-être toujours - une carte de crédit dans une banque au Venezuela et - l'enquête a pu le démontrer - a effectué de nombreuses dépenses pour plusieurs milliers de francs sur cette carte de crédit, le compte étant alimenté par des «donateurs» dont on n'a pas pu connaître l'identité puisque M. G. L. a refusé d'en donner les noms. Il y a donc plusieurs contradictions dans toutes ses déclarations.
Au vu de ce dossier, la commission a conclu qu'il n'y a aucune raison particulière d'accorder la grâce, le recourant refusant toute collaboration, niant les faits et taisant les noms des «donateurs». Le préavis du procureur général est négatif. L'infraction commise par le recourant est grave, mais il n'en a manifestement pas pris conscience puisqu'il persiste à affirmer son innocence. Dans la demande de grâce, il apparaît dans une phrase que M. G. L. ne nie plus les faits, mais c'est la première fois depuis le début de l'instruction qu'il en arrive à cette attitude qui paraît un peu opportuniste. La commission vous recommande donc le rejet du recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. G. S., 1963, Genève, sans profession.
M. René Ecuyer (T), rapporteur. M. G. S. est né en 1963. Il est suisse d'origine, administrateur de profession, célibataire, et sa situation financière est déplorable puisqu'il est en faillite personnelle.
Le motif de sa condamnation est le nombre impressionnant d'amendes pour stationnement interdit non réglées. La peine infligée est la peine maximum, soit nonante jours d'emprisonnement. Il n'a pas d'antécédents judiciaires. Le préavis du procureur général est négatif, sans explication.
La commission a examiné son cas et vous propose une mesure intermédiaire. En définitive, après examen du dossier, nous avons conclu à une responsabilité partagée. M. G. S. a trente ans, il est administrateur d'une petite entreprise de peinture. Il a quelques employés et ses affaires périclitent en raison de la crise, ce qui le met en difficulté financière. Or, après examen, nous avons remarqué que toutes les amendes - c'est d'ailleurs ce qu'il a fait valoir - pour lesquelles il est poursuivi sont imputables, pour les 4/5èmes, si ce n'est plus, à ses employés qui, lors de livraisons ou de travaux, se sont mis en double file. Les amendes lui étaient notifiées à son adresse et il a pensé que de toute façon elles rentreraient dans les comptes de l'entreprise. Or celle-ci ne paye rien du tout, ce qui fait qu'il se trouve lui-même personnellement impliqué dans cette affaire.
Il faut bien admettre qu'une personne comme lui se trouvant en pleine déconfiture puisse baisser les bras et ne sache plus très bien où elle en est. Il a dû «liquider» son entreprise. Il aurait dû tout de suite transmettre les amendes à ses employés, mais comme il ne savait pas à qui les imputer, pour finir il a tout mis «dans le même sac». Il est clair qu'il a fait preuve de négligence. Néanmoins, nous proposons qu'il fasse seulement trente jours de prison en semi-liberté pour lui permettre de conserver l'emploi qu'il a retrouvé. Mais pour cela, nous avons été contraints de diminuer le montant des amendes dans une proportion énorme, puisque le montant total se montait à 11 000 F et que nous le ramenons à 900 F. Vu ses difficultés financières, il n'arriverait de toute façon pas à régler une somme aussi importante.
Comme il s'agit d'un homme jeune de bonne volonté - il va tout de même payer de sa personne en étant privé de liberté pendant trente jours - nous vous proposons de suivre les conclusions de la commission ramenant l'amende à 900 F, ce qui correspond à trente jours de prison en semi-liberté.
Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction des amendes à 900 F) est adopté.
M. F. J., 1953, Berne, électronicien, recourt contre le solde des peines (réintégration + 3 mois d'emprisonnement).
M. Albert Maréchal (PDC), rapporteur. Le cas qui vous est soumis est celui de M. F. J., né le 29 octobre 1953, originaire de Neuenegg, Berne, électronicien de profession. Il est divorcé d'Evelyne Soltenmann. Son travail en mai 1992 lui rapportait un revenu net de 3 000 F par mois.
Il a été condamné, pour ivresse au volant, circulation sans permis et usage abusif de plaques, à trois mois d'emprisonnement. Ses antécédents ne sont pas très reluisants puisqu'il a déjà été condamné à plusieurs reprises et libéré sous condition. Il a été convoqué plusieurs fois par le SAPEM, mais n'a jamais répondu aux convocations car celles-ci étaient adressées à ses anciennes adresses. La réintégration a donc été prononcée contre lui. De ce fait il ne peut bénéficier de la libération conditionnelle aux deux tiers de sa peine. Il a purgé d'ores et déjà dix mois et dix jours, alors que le total de sa peine est de un an trois mois et seize jours, plus les derniers trois mois de condamnation infligés pour la dernière infraction. Son comportement donne entière satisfaction sur son lieu de détention, à la Maison de Favra où il travaille en pépinière. Il a bénéficié à plusieurs reprises de congés qu'il a respectés.
Le procureur s'en rapporte à l'appréciation du Grand Conseil. Etant donné son bon comportement, les conditions de réinsertion qui semblent convenables actuellement - une amie pourrait le recueillir - la commission vous propose à la majorité de lui accorder la grâce pour les deux tiers de sa peine, soit au 12 novembre 1993.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce pour le 12 novembre 1993) est adopté.