République et canton de Genève

Grand Conseil

P 940-A
13. Rapport de la commission des droits politiques chargée d'étudier la pétition chargée d'étudier la pétition sur l'exercice des droits politiques. ( -) P940
 Mémorial 1992: Annoncée, 2032. Divers, 2869.
Rapport de M. Claude Lacour (L), commission des droits politiques

Débat

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je vais essayer de parler aussi vite que M. Claude Haegi, si j'y arrive! Je voudrais d'abord vous dire que le groupe écologiste est un peu surpris de la procédure utilisée par M. Vernet. En effet, on peut être étonné qu'un grand familier de nos institutions qui, même s'il n'est plus membre de ce parlement ou du gouvernement, traite d'un sujet aussi important en déposant un projet de loi sous forme de pétition.

Lors de son audition, M. Vernet nous a indiqué, et je cite le rapporteur: «qu'il avait élaboré ce projet de loi avec la motivation de valoriser les actes du parlement, d'obliger l'intérêt général à se manifester et de protéger le droit des minorités.». Si nous pouvons comprendre les deux premières motivations, la troisième ne nous semble pas soutenable. Pour autant que nous parlions bien des mêmes minorités, nous admettrons que le droit de référendum et le droit d'initiative sont souvent pour elles la seule manière de se faire entendre.

Dès lors, il n'est pas possible de limiter ce droit de quelque manière que ce soit. Toujours lors de son audition, M. Vernet nous a affirmé qu'il ne souhaitait pas limiter l'accès à ces droits en proposant, par exemple, l'augmentation des signatures requises. L'intention n'est donc pas de créer un obstacle de principe à l'encontre des droits fondamentaux, mais de contester la validité d'un référendum ou d'une initiative si le nombre de votants est inférieur à la majorité absolue.

Le département de l'intérieur a eu l'amabilité de nous fournir quelques simulations concernant les dernières votations, lesquelles sont jointes au rapport. Nous avons ainsi pu constater les effets des propositions de la pétition 940. A titre d'exemple, je vous rappelle qu'aucune des initiatives cantonales déposées entre 1982 et 1992 n'aurait été acceptée et qu'il faut remonter à 1949 pour qu'une initiative atteigne la majorité définie par la pétition 940. C'est dire le caractère quelque peu excessif de cette proposition, ce que tout le monde a admis en commission.

C'est pourquoi la conclusion de M. Lacour comporte quelques propositions à l'intention du Conseil d'Etat. Cela veut dire que la majorité de la commission souhaite que le Conseil d'Etat se penche sur la question et

propose un projet de loi qui viserait à entraver les droits actuels. C'est pour cela que le groupe écologiste estime, même si le taux d'abstentions est désolant, inadmissible de songer à une diminution des droits populaires. Par conséquent, il vous demande de refuser fermement le rapport de M. Lacour et de bien vouloir déposer la pétition de M. Vernet, malgré tout le respect que nous lui portons, sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Mme Marlène Dupraz (T). La commission judiciaire qui s'est penchée sur la pétition pour en faire un projet de loi m'a beaucoup surprise. En tout cas, il faut compter avec moins une voix. Je n'y étais malheureusement pas, mais notre groupe pense que ce projet de loi est de nature à réprimer les droits populaires, les droits fondamentaux, puisqu'il veut absolument instituer un quorum. Nous voyons là un grand danger. Avec cette manière de faire, beaucoup d'initiatives et de référendums ne verraient pas le jour. C'est dans ce but que nous ne voudrions pas que ce projet de loi soit renvoyé à l'étude.

M. David Lachat (S). Il faut quand même se rappeler que la démocratie est faite d'espoirs et que les minorités doivent espérer pour pouvoir agir et permettre à leurs idées de faire leur chemin.

Avec cette esquisse de projet, je ne dirais pas que les droits démocratiques sont trucidés, mais que l'on ne laisse aucun espoir aux minorités pour faire avancer leurs idées.

On privera les citoyens d'une participation active à la démocratie. Il faut voir que dans notre société, il y a deux catégories de citoyens. Il y a les citoyens actifs et les citoyens dormants. Je pense qu'avec ce projet on donne beaucoup trop de poids et d'importance aux citoyens dormants. Pour pouvoir faire aboutir une idée, les citoyens actifs devront chaque fois parvenir à réveiller les citoyens dormants, et parfois c'est chose impossible.

Pour toutes ces raisons, je pense qu'aussi louables que soient les intentions du pétitionnaire son idée n'est pas bonne et qu'il faut purement et simplement la rejeter. J'irai un peu plus loin dans mes propositions que ma collègue écologiste. Je demanderai purement et simplement le classement de cette pétition.

M. Nicolas Brunschwig (L). Je suis très étonné des propos tenus ce soir, parce qu'en ayant lu le rapport nous voyons que les oppositions étaient nettement moins fortes que celles qui ont l'air d'exister aujourd'hui. Il m'apparaît que c'est une idée intéressante. Effectivement, il y a des choses à revoir quant au pourcentage pris en considération dans la proposition de M. Jaques Vernet, mais je trouve que l'idée est suffisamment intéressante pour que ce projet soit renvoyé au Conseil d'Etat afin que celui-ci puisse nous faire des propositions.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Une étude n'est pas une décision. Quand tout à l'heure on a dit que la démocratie doit faire naître des espoirs, je ne saurais le contester, mais nous avons le devoir de vérifier continuellement le bon fonctionnement de nos institutions. Vous savez très bien dans quel esprit M. Vernet a fait cette proposition. D'ailleurs, vous avez pris la précaution, Madame Bugnon, de souligner que M. Vernet ne saurait être soupçonné d'avoir l'intention de limiter les droits démocratiques alors que sa vie durant il les a défendus.

C'est dire qu'il était animé par la volonté d'un meilleur fonctionnement de nos institutions et si vous renvoyez ce projet au Conseil d'Etat, c'est dans cet esprit et dans cet esprit seulement que nous l'étudierons. Je crois dès lors que vous pouvez tout de même accepter que l'étude soit faite, d'ailleurs elle ne pourrait pas être empêchée.

Les conclusions du rapport de la commission (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont mises aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Ces conclusions sont rejetées par 33 voix.

Mise aux voix, la proposition de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement est adoptée.