République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 juin 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 6e session - 29e séance
PL 6932-A-1
Premier débat
M. René Koechlin (L), rapporteur. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que le document à examiner est le projet de loi 6932-A-I qui a été distribué en début de séance hier et que vous avez trouvé sur votre place.
M. Maurice Giromini (R). Permettez-moi de regretter que ce rapport soit trop succinct pour refléter fidèlement les travaux de la commission.
En effet, la question primordiale de l'utilité publique d'une extension à visées chirurgicales, et non pas obstétricales, de la clinique des Grangettes a été clairement posée par les opposants. Cette question a fait l'objet de discussions approfondies car nombre de commissaires se la posaient également.
Il est inutile de souligner que l'extension demandée par la clinique des Grangettes repose sur des motivations purement commerciales, même si ses administrateurs la présentent comme une nécessité au maintien des lits obstétricaux à des prix abordables pour la population.
Or, il ne nous paraît pas du tout évident que cette option repose sur une saine vision de la situation telle qu'elle se présente actuellement. Il n'est en effet pas certain qu'il y ait besoin de développer le secteur hospitalier chirurgical dans la période d'incertitude actuelle.
Personne ne sait quelles seront les répercussions de l'introduction de la nouvelle loi concernant l'assurance-maladie sur les cliniques privées. Les assureurs eux-mêmes sont incapables d'évaluer jusqu'où se poursuivra la chute très importante des contrats d'assurance complémentaires d'hospitalisation. Mais il suffit de discuter avec eux pour constater leur inquiétude.
Par ailleurs, l'introduction des nouvelles méthodes chirurgicales endoscopiques raccourcit considérablement les hospitalisations qui se limitent souvent à moins de 24 heures. Même M. Gobet, le nouveau directeur de l'hôpital cantonal, disait dans une récente interview, qu'il sera sans doute nécessaire de revoir toute la dotation en lits des différents services hospitaliers au vu de l'évolution actuelle.
Enfin, le développement des soins à domicile aura une répercussion sur les journées d'hospitalisation qu'il n'est pas possible de chiffrer. Tous ces éléments vont tendre à une nette diminution de la demande en lits d'hospitalisation en général, et tout particulièrement en lits chirurgicaux.
On peut donc légitimement s'étonner que les gestionnaires de la clinique des Grangettes se précipitent vers la création de lits chirurgicaux sans apparemment tenir compte de ces nouvelles données. On peut aussi se demander s'ils ne sont pas contraints à une fuite en avant consécutive à l'agrandissement récent de leur bloc opératoire. On peut encore se poser la question de savoir ce qu'il adviendrait si, par malheur, la clinique des Grangettes devait déposer son bilan à la suite d'une mauvaise option de développement.
Qui prendrait alors en charge les indispensables lits obstétricaux? L'Etat, comme à la suite de la faillite de la clinique de Collonges-Bellerive? Et si oui, avec quels moyens? Toutes ces questions devaient être posées, car sans cela la commission d'aménagement aurait fait preuve d'une singulière légèreté.
C'est pourquoi j'aurais souhaité que le rapport reflète réellement l'atmosphère qui a régné lors de ces travaux et ne donne pas la fausse impression d'un bâclage.
Pour en revenir au problème de fond, celui d'évaluer l'utilité publique de nouvelles structures médicales, force est de constater que nous sommes dans une impasse. En effet, les instruments techniques d'évaluation sont inexistants pour mettre en évidence une clause de besoin.
De plus, il n'y a aucun moyen législatif permettant d'intervenir, même dans les cas où, à l'évidence, une nouvelle installation n'est pas souhaitable pour les coûts de la santé. Je pense tout particulièrement à la prolifération des scanners et autres IRM.
En ce qui concerne les Grangettes, il est évident que le déclassement nécessité par l'agrandissement en pleine zone villas complète ne devrait être envisagé que si l'utilité publique de l'extension était prouvée. Cependant, comme je l'ai déjà dit, nous n'avons aucun moyen de démontrer cette utilité ni de nous opposer, le cas échéant, à la demande d'extension.
En désespoir de cause, la commission a accepté ce déclassement, mais avec la plus grande réticence pour un bon nombre de commissaires qui restent très sceptiques sur la réelle nécessité de l'agrandissement.
Il est clair qu'il en aurait été tout autrement si, comme nous l'avait laissé entendre M. Guy-Olivier Segond au cours de son audition, l'agrandissement avait été consacré uniquement à l'extension de la maternité.
Pour conclure, je voudrais faire remarquer que la situation se présente aujourd'hui différemment qu'au moment du vote de la commission. En effet, un élément nouveau est survenu. C'est l'envoi du projet de loi sur l'extension de l'hôpital des enfants auprès de la commission de la santé. Ce renvoi est survenu lors de la dernière séance de notre Grand Conseil et a été décidé sur la proposition de M. Schaller qui a estimé, à juste titre, que ce projet d'extension devait être examiné dans la globalité des besoins hospitaliers.
En effet, il n'est plus pensable que l'on continue à nous parler de la création de réseaux hospitaliers privés et publics sans qu'aucune étude d'impact et sans que le minimum de prospectives quant aux demandes futures ne soient disponibles. Je vous demande donc d'intégrer ce projet de loi dans la réflexion qui devra se faire à propos de la pédiatrie et de le renvoyer à la commission de la santé qui, cette fois, sera bien contrainte, pour rapporter, d'exiger que les instruments statistiques que nous réclamons depuis plus de trois ans lui soient enfin fournis.
En conclusion, je vous demande de renvoyer ce projet de loi à la commission de la santé.
M. Philippe Schaller (PDC). Une fois de plus, nous nous trouvons confrontés à la notion de santé publique, ce qui implique de notre part, politiques, une réflexion beaucoup plus large que celle proposée par ce projet de loi.
Le rapport mentionne la notion de clause de besoin. Cette notion qui est esquissée un peu rapidement dans le rapport pose un problème fondamental dans le cas qui nous occupe et pour les projets futurs en matière d'équipements médicaux; qu'ils soient d'origine privée ou publique.
Pourquoi la clause de besoin a-t-elle été invoquée? En raison de l'aberration de notre système actuel de santé qui est déresponsabilisant à tous les niveaux et qui mène de manière irrépressible à l'inflation médicale.
D'une part, par le manque de responsabilité du consommateur qui n'est pas le payeur et trouve naturel de privilégier les solutions les plus coûteuses. D'autre part, par le manque de responsabilité des médecins qui ont tout intérêt à la multiplicité des examens et des prescriptions. Et encore, par le manque de responsabilité des assurances, qui voient leurs frais généraux augmenter parallèlement aux frais globaux des primes.
Ce n'est plus supportable pour la collectivité. Que cela plaise ou non! On ne voit d'ailleurs pas pourquoi cela devrait plaire! Il nous faut introduire un minimum d'ordre et de rigueur. En matière de lits, il y aura probablement trop de lits sur notre canton, qu'ils soient publics ou privés. Cette situation va perdurer dans ce domaine. On constate, une fois de plus, un certain gaspillage et une inflation.
Mais je ne m'opposerai pas à ce projet de loi. Je voterai ce déclassement car il entre dans le cadre d'un financement privé. Les responsables doivent en prendre les risques mais, s'il y a risques, il doit y avoir une autre logique qui est celle de l'économie de marché.
Il faut que ce marché s'ouvre enfin à une véritable concurrence. Ainsi, les plus performants, les plus efficients travailleront. Les prix, on ose l'espérer, chuteront et le patient payeur de primes s'y retrouvera.
Cette concurrence, si elle s'inscrit dans des règles de santé publique strictes et contrôlées par le politique, stimulera également le secteur public.
Nous, en tant que politiques, ne devons nous préoccuper que d'une seule chose, à savoir l'accessibilité pour tous les citoyens à des soins de qualité à un prix acceptable pour la collectivité.
Il faut revoir tout le système. La clause de besoin ne changera pas la hausse des cotisations. Ce n'est pas en socialisant et en déresponsabilisant les acteurs en présence qu'on améliorera le système. C'est en faisant jouer les règles du marché et en responsabilisant les patients, les médecins, les assureurs et les directeurs d'hôpitaux que nous pourrons éviter ce pillage et cette dilapidation.
Cet argent est actuellement mal dépensé. Il n'a aucun caractère social ni moral. C'est donc le système qu'il faut revoir et non pas le déclassement de cette zone.
Mme Martine Roset (PDC). J'aimerais revenir sur le problème qui nous occupe dans le cadre de ce projet de loi. A savoir une modification de zone. Si vous lisez le rapport de M. Koechlin, il est bien précisé qu'à l'heure actuelle la zone sur laquelle se trouve cette clinique des Grangettes est déjà sous dérogation. C'est effectivement une zone villas en zone dérogatoire hospitalière.
En vous proposant de modifier cette zone, nous voulons mettre cet établissement en véritable zone hospitalière.
Je ne reviendrai pas sur le débat de «toubibs» -- je m'excuse du terme -- qui vient d'avoir lieu. Pour reprendre les termes utilisés par M. Giromini: «la clause de besoin», nous aurons plus tard à ce sujet un projet de loi émanant de divers partis, où la clause de besoin dans un autre secteur n'a pas fait toutes ses preuves, aux dires de ce qui va suivre.
Je vous recommande de ne pas renvoyer ce projet de loi en commission de la santé car il en vient, et la commission de la santé a donné son préavis pour ce projet de loi.
Si je comprends votre raisonnement, Monsieur Giromini, le projet de loi concernant Versoix: le point 29 de l'ordre du jour, devrait être renvoyé à la commission de l'enseignement. Alors il est inutile de vous dire que, dans ce cas, la commission de l'aménagement n'a plus du tout son rôle à tenir.
Je vous invite à voter les conclusions de ce rapport, tel qu'il vous a été proposé par M. Koechlin.
M. Hermann Jenni (MPG). Lorsque ce projet est venu devant la commission de l'aménagement, j'ai eu la pénible impression, qui s'est malheureusement confirmée par la suite, de revivre une situation vécue dans ce Grand Conseil, où j'étais à peu près le seul à m'opposer à l'octroi d'une dérogation de hauteur à un hôtelier proche; et malheureusement trop proche de beaucoup d'entre nous, et qui pourtant, était un ami personnel.
Je me suis opposé à cette dérogation car je me disais: «Il ne suffit pas d'être bien en cour auprès d'une majorité de membres de ce Grand Conseil pour obtenir des dérogations».
La dérogation a été demandée avec certains prétextes et lorsqu'elle a été obtenue, contre mon avis -- je me suis d'ailleurs fait insulter copieusement -- eh bien, les prétextes en question n'ont pas servi, très peu de temps après le terrain a été revendu avec un bénéfice confortable. Si bien que bon nombre de députés chevronnés de l'époque sont venus vers moi me dire: «Eh bien, tu étais le seul à avoir raison».
J'ai la curieuse impression de revivre la même histoire. Ce déclassement est fait «ad personam», en quelque sorte, pour une société déterminée qui a bénéficié de dérogations pour s'agrandir et qui, aujourd'hui, ne pouvant décemment plus continuer à vivre sous le régime des dérogations pour agrandir son entreprise, demande le déclassement du terrain.
Il se trouve que dans les sphères dirigeantes de cette société gravitent des membres influents d'un parti politique représenté dans ce Grand Conseil. A telle enseigne qu'un précédent rapporteur nommé pour rapporter sur cette affaire a été soumis à des pressions inadmissibles, ce qui l'a fait renoncer à garder ce rapport.
Devant cette situation particulièrement ambiguë, je pense que le mieux que nous puissions faire est de suivre la suggestion de M. Giromini de renvoyer ce projet en commission de la santé pour voir si la clause de besoin est remplie. Si une telle décision n'est pas prise par ce Grand Conseil, nous voterons contre le déclassement demandé.
M. René Koechlin (L). Je constate d'abord que M. Giromini a été beaucoup plus loquace pendant cette séance plénière qu'en commission d'aménagement, alors qu'à propos de la clause de besoin il était chargé de rapporter sur les travaux de la commission de la santé à laquelle le projet a été soumis et à la suite des travaux de laquelle la commission d'aménagement a elle-même entamé les siens, pour finalement aboutir au rapport que nous vous présentons ce soir.
Il est vrai que, lorsque M. Giromini nous a présenté le rapport sur les travaux de la commission de la santé, les statistiques demandées sur la clause de besoin n'étaient pas disponibles. Existent-elles aujourd'hui? Je ne sais pas. Mais toujours est-il que ce qui a incité enfin la majorité de la commission d'aménagement à vous proposer de voter ce projet en ce qui concerne les raisons de la clause de besoin, c'est que, à l'évidence, les responsables de cette clinique n'élaborent pas un projet dans le vide. Et même si le motif est commercial, il existe probablement et ne va pas sans besoin.
A défaut, les lois du marché feraient échouer l'opération. Mais, comme l'a relevé Mme Roset, l'essentiel est de régulariser une situation dérogatoire en modifiant le régime de la zone en question. Dès lors, la clause de besoin n'est plus qu'un motif secondaire. Il concerne davantage le projet que la clinique a conçu et entend réaliser sur son terrain, lequel fera l'objet d'un plan localisé de quartier puisque nous déclassons en zone de développement. C'est à l'occasion de l'examen de ce plan que la clause de besoin pourra être reprise, évoquée et traitée avec tout le sérieux qu'elle mérite.
M. Maurice Giromini (R). Je voudrais rajouter quelques éléments à la suite des dernières interventions. D'abord pour vous rappeler que vous avez voté tout récemment une motion sur les coûts de la santé et sur une politique cohérente et économique de la santé. Cette motion 670, le Grand Conseil, à l'unanimité, l'a renvoyée au Conseil d'Etat. On y demande que les éventuelles nouvelles installations soient étudiées dans le sens du besoin et avec des études d'impact.
Il est vrai, Monsieur Koechlin, que la commission de la santé s'est déjà penchée sur ce sujet. Mais, comme je l'ai dit dans mon intervention -- je pense que vous avez mal écouté -- la commission de la santé n'avait absolument pas les moyens de juger de l'opportunité ou non de faire un établissement à base de lits chirurgicaux, puisque, comme je l'ai dit, nous ne disposons d'aucun moyen statistique et d'aucun outil permettant d'appréhender la situation telle qu'elle se présente actuellement.
D'autre part, je ne comprends pas très bien l'intervention de M. Schaller que je ne trouve pas tout à fait cohérente. Voici quinze jours, il a demandé, sur les arguments de la motion 670, que le projet de loi sur l'agrandissement de l'hôpital des enfants soit renvoyé à la commission de la santé pour qu'on puisse étudier ces besoins dans le cadre d'une globalité sur le plan cantonal et régional. Ensuite, il fait un discours différent en ce qui concerne la clinique des Grangettes. Pour ma part, je ne vois pas de différence entre un établissement public qui doit s'agrandir et un établissement privé.
Monsieur Koechlin, vous m'avez reproché de n'avoir pas suffisamment exprimé mon opinion en commission. Il faut que vous relisiez les procès-verbaux car je l'ai exprimée tout à fait à fond. Mais il est vrai que vous n'étiez pas présent aux séances pendant lesquelles j'ai parlé. On a tout de même eu quatre séances de commission. Il est vrai que sur ces quatre séances, vous étiez souvent absent. Eh bien, je crois que je vais m'arrêter là, car j'ai tout dit. Voilà!
M. Gérard Ramseyer (R). La commission de l'aménagement s'occupe d'aménagement. La commission de la santé s'occupe de santé. Le problème est que la commission de l'aménagement a discuté dans le cadre de ce projet de loi de la clause de besoin en matière médicale et qu'elle a reçu un préavis pour le moins flou de la part de la commission de la santé.
Je cite: «Il n'existe pas de statistique sur les besoins. Notamment en matière de lits chirurgicaux, la clause de besoin ne peut être invoquée». Cela revient à dire, en d'autres termes, que faute de pouvoir établir un diagnostic, il faut admettre que le malade est bien portant. Ce n'est pas trop sérieux. Sur le plan strict de la commission d'aménagement on peut admettre ce déclassement, et donc ce projet de loi. Mais il est vrai que sur le plan de la gestion globale du problème il y a vraiment des raisons de rester réservé.
Enfin, j'aimerais dire à titre personnel que les raisons qui ont présidé au retrait du précédent rapporteur sont inadmissibles. Cela étant, je soutiens le renvoi en commission présenté par le député Giromini.
M. Philippe Schaller (PDC). Je réponds rapidement à M. Giromini. Il s'agit d'un établissement privé, financé de manière privée, et
qui n'émarge pas au budget public. Je ne m'oppose donc pas à ce projet car c'est un risque privé. Mais comme il s'agit d'un financement privé en matière de santé, il faut que les règles de l'économie privée jouent. Malheureusement, dans notre système de santé, elles ne jouent pas. Le problème est là et c'est ce que j'ai défendu tout à l'heure.
M. René Koechlin (L), rapporteur. Je m'inscris en faux contre les déclarations de M. Giromini. Sur les quatre séances évoquées, au cours desquelles la commission a traité de ce projet de loi, j'ai assisté à trois séances et manqué une fois parce que la commission traitait le même jour un projet dans lequel j'étais impliqué, et donc qui m'obligeait à être absent. C'est tout.
Quant au reste, je demande à ce Grand Conseil de ne pas soutenir le renvoi en commission.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Nous avons eu une discussion et un renvoi en commission de la santé à propos de la clinique de pédiatrie. Cette discussion, quant au besoin, était nouvelle dans ce parlement.
La discussion qui a lieu ne remet pas en question le fait du déclassement de la zone. Le besoin est en question. Vous avez dit, Monsieur Koechlin, qu'on ferait l'étude d'un plan localisé de quartier et qu'à ce moment la clause de besoin serait étudiée.
Ce n'est pas à propos d'un plan localisé de quartier qu'on va se poser la question des besoins en lits chirurgicaux. Je pense que la commission de la santé est plus apte à faire ce travail. Nous nous associerons au renvoi de ce projet en commission de la santé car, comme l'a expliqué M. Schaller tout à l'heure, s'il s'agit bien d'un investissement privé, nous savons tous que le fonctionnement d'un tel établissement apparaît aussi dans les coûts généraux de la santé.
M. Maurice Giromini (R). Un tout petit mot concernant les fameuses lois du marché qui seraient différentes pour les établissements publics ou privés. Ce n'est pas exact dans le domaine de la santé. Lorsqu'un établissement public fonctionne mal, cela coûte au contribuable. Mais lorsqu'un établissement privé fonctionne mal, cela finit
aussi par coûter au contribuable sous la forme de primes d'assurance ou, dans le cas où l'établissement doit être repris par l'Etat, également par des hausses d'impôt.
En ce qui concerne les Grangettes, le point est extrêmement important. Les Grangettes font 45% des accouchements sur le canton de Genève.
Mme Hélène Braun-Roth. A plus forte raison!
M. Maurice Giromini. Mais laissez-moi finir, Madame! Alors, étant donné ce fait, cet établissement est absolument indispensable sur le plan de l'obstétrique à Genève. Donc, si on admet que pour des raisons économiques on essaie de faire un développement différent du développement obstétrical et qu'ensuite cela tourne mal, il est bien clair qu'on ne pourra pas se passer de ces lits d'obstétrique. Donc, dans ce cas, l'Etat devra reprendre l'établissement.
Dans ces conditions, il faut vraiment réfléchir à ce que l'on fait. Dans le cas particulier, je pense que le développement prévu n'est pas sage.
M. Hermann Jenni (MPG). J'ai oublié un détail, mais ce détail est de taille. (Exclamations diverses.) Non seulement ce déclassement qui nous est proposé est un déclassement sur mesure, concernant un seul propriétaire pour des raisons purement commerciales...
Une voix. Arrête!
M. Hermann Jenni. ... mais en plus, il rencontre l'opposition unanime de tous les voisins de la zone actuelle de villas, y compris un médecin travaillant dans cette clinique dont les intérêts sont quelque peu traités «par-dessous la jambe» dans cette affaire.
M. Jean Montessuit (PDC). Indiscutablement, quand on veut tuer son chien, il a tous les défauts. Alors, si réellement -- je viens d'apprendre l'événement -- un commissaire intéressé à cette opération était présent à la séance, c'est absolument maladroit et inopportun. Mais cela ne justifie pas de changer une décision sur le fond.
En l'occurrence, il s'agit d'un problème de déclassement de terrain. La clinique existe. Elle est indiscutablement destinée à fonctionner longtemps comme clinique car je ne conçois pas très bien la reconversion de ce bâtiment en bâtiment d'habitation.
C'est donc une régularisation avec une possibilité d'extension. Le problème est de savoir s'il faut une clause de besoin. Mais ce n'est pas au niveau de l'aménagement du territoire qu'il faut faire intervenir une telle clause. Je suis désolé, Mesdames et Messieurs, vous vous égarez en fonction de problèmes qui vous concernent directement, tant dans un sens que dans l'autre.
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Suite à certains propos, j'interviens pour apporter quelques clarifications. Du reste, M. Montessuit s'inquiète du débat qui a tendance à s'égarer.
Je voudrais d'abord dire, en réponse à M. Jenni, qu'il n'y a rien d'anormal du tout, bien au contraire, à ce qu'une modification de zone, ou plus précisément la création d'une zone, se fasse pour les besoins d'une entreprise ou d'un projet concernant un propriétaire précis.
M. Hermann Jenni. Ce n'est pas ...
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Vous me permettez, Monsieur, de terminer? Le problème, en matière d'aménagement du territoire, réside dans le fait que les constructions doivent être conformes à la zone dans laquelle elles se trouvent. Il ne s'agit donc pas ici de faire un déclassement au profit d'un particulier. (Contestation de M. Jenni.)
Ecoutez, Monsieur Jenni, suivant l'ordre du jour de cette séance, vous avez voté tout à l'heure un projet de loi visant à créer une zone pour un équipement scolaire privé à Versoix. Un autre projet concerne la création d'une zone pour un équipement sportif à Collonge-Bellerive. Un troisième enfin sollicite l'aménagement d'une zone pour un immeuble pour personnes âgées à Collonge-Bellerive. Donc, en tant que tel, il n'y a rien de critiquable.
Le problème est un tout petit peu plus délicat lorsque la présence d'une clinique, qui est en fait une activité, doit se trouver dans une zone à degré de sensibilité 2. Cela peut susciter des nuisances dans un quartier résidentiel par le va-et-vient des voitures ou éventuellement des ambulances au milieu de la nuit, notamment.
Dès lors, on peut estimer qu'en matière d'aménagement du territoire, celui qui souhaite une modification de zone pour une extension de ses activités doit justifier d'un besoin. En effet, au sens de la loi sur la santé -- M. Segond le précisera certainement tout à l'heure -- la clause de besoin n'existe pas actuellement. Mais il est vrai qu'en matière d'aménagement du territoire, si l'on crée une nouvelle zone pouvant être de nature à gêner le voisinage, il conviendrait d'établir le besoin réel la justifiant.
M. Montessuit a raison de dire qu'il s'agit d'une adaptation à la situation de fait. Mais je ne suis pas convaincu que l'on ait présenté un plan de zone d'une si petite surface au milieu d'un quartier très résidentiel au profit de la clinique des Grangettes simplement pour faire un toilettage de la zone.
Soyons francs! Il est vrai que le département des travaux publics a autorisé ces dernières années quelques modestes extensions de la clinique des Grangettes sans exiger la création d'une zone appropriée. Mais nous l'avons prévenue que le jour où il y aurait une extension importante, il faudrait en créer une.
Qu'on s'entende bien. La création de la zone en question est motivée par un projet d'extension; autrement on n'aurait pas saisi votre Grand Conseil d'un projet de création de zone. Je le dis d'autant plus volontiers que, parallèlement à la mise à l'enquête publique du plan de zone, le département a mis à l'enquête publique un projet de plan localisé de quartier qui porte précisément sur cette extension, afin que le voisinage puisse savoir quelle sera la conséquence de la modification de zone. Vous savez que nous nous efforçons de mener simultanément ces deux procédures dans les endroits sensibles car c'est le meilleur moyen d'informer la population.
En l'espèce, s'il faut estimer qu'un besoin doit être justifié, c'est bien entendu en matière d'aménagement du territoire. Mais il est vrai aussi que la commission de la santé est la mieux placée pour apprécier si ce besoin est réel ou non. A vous de savoir si vous estimez que le préavis rendu par la commission de la santé est suffisant. Cette question n'est pas sans intérêt dans la mesure où, comme M. Jenni l'a souligné, il y a un certain nombre
d'opposants dans le quartier, ce qui n'est d'ailleurs pas pour m'effrayer puisqu'à un moment donné on procède à une balance des intérêts en présence.
Si on estime que l'intérêt général l'emporte sur l'intérêt particulier des voisins, il faut voter la zone. Mais il est important de procéder à cette balance pour voir si, véritablement, l'intérêt général l'emporte. Dans ce cas il en va de l'intérêt de tous de procéder ainsi, car lorsqu'il y a des opposants, comme c'est le cas en l'espèce, qui sont représentés par deux ou trois avocats, dont certains ont une longue expérience de ce genre de procédure -- mon petit doigt me dit qu'il n'est pas exclu que des recours soient interjetés auprès du Tribunal fédéral -- il faut, dans cette hypothèse, que l'intérêt général soit bien justifié. C'est donc à vous d'apprécier, selon l'état du dossier, si tel est le cas ou non.
M. Philippe Fontaine (R). Je ne suis pas étonné d'un tel débat. Nous sommes empruntés pour choisir la bonne solution. Je me souviens des dernières législatures où nous avions demandé à M. Vernet, alors chef du département de la prévoyance sociale et de la santé publique, de se mettre au travail pour nous fournir un outil propre à estimer les véritables besoins de notre canton en la matière. Vous vous souvenez que pour l'affaire de Diogène des promesses ont été faites; et nous le savons aujourd'hui, elles n'ont pas été tenues.
Voilà aujourd'hui le résultat d'un département mal géré: nous sommes dans le pétrin. Oui, Monsieur, en quatre ans beaucoup de choses changent, et surtout dans ce département. Mais, pour mettre au point un tel outil, il faut du temps, et M. Segond y travaille.
Qu'allons-nous faire? Nous en avons déjà parlé dans la commission de la santé. M. Giromini souhaite que ce dossier y retourne. Je veux bien, mais en vérité, je crains que cela ne serve à rien.
Dès lors, que faut-il faire? La majorité décidera. Je m'abstiendrai. Or, si je m'abstiens, c'est par discipline de groupe et par sympathie pour mon collègue. Mais je comprends sa démarche. Elle démontre bien l'urgence de pouvoir enfin disposer d'un outil statistique qui nous permette à l'avenir de ne plus nous trouver dans de telles situations.
Nous nous rendons compte que les travaux d'un département peuvent en influencer un autre. En l'occurrence, nous n'avons pas d'autres moyens aujourd'hui pour essayer de faire évoluer ce dossier, à part celui de contester ce projet par la bande -- si j'ose dire.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Vous pouvez toujours renvoyer le dossier à la commission de la santé: vous ne serez pas beaucoup plus éclairés. M. Fontaine vient de le rappeler, l'appareil statistique sanitaire, en ce qui concerne le secteur privé, est extrêmement faible. Je doute qu'on puisse vous donner beaucoup plus de renseignements que ceux qui vous ont été fournis.
Aurait-on des statistiques plus précises que vous auriez un deuxième problème à régler: vous ne pouvez pas vous prononcer sur une clause de besoin en matière médicale car il n'existe pas aujourd'hui de clause de besoin en matière médicale.
Il ne faut pas confondre deux discussions: lorsque vous votez les crédits concernant des constructions hospitalières publiques, vous pouvez définir le nombre de lits, leur affectation, parce que l'Etat est propriétaire de ces équipements. Lorsqu'il s'agit de procéder à un déclassement de zone pour l'extension d'un établissement privé, non seulement nous n'avons pas toutes les statistiques souhaitables, mais les aurait-on que vous ne pourriez pas dire si cela répond ou non à un besoin. Vous ne pourriez pas l'interdire ou l'encourager au titre d'une clause de besoin: juridiquement cette possibilité n'existe pas.
J'ai demandé, à la suite du vote de la motion Giromini, un avis de droit au professeur Saladin. J'attends ses conclusions avec intérêt. Mais, aujourd'hui, vous ne pouvez pas introduire de clause de besoin à propos du projet des Grangettes.
M. Maurice Giromini (R). Je comprends très bien les arguments qui viennent d'être donnés par M. Guy-Olivier Segond. Mais je constate avec consternation qu'on ne pourra jamais créer une politique de réseau hospitalier public et privé sur la base de ce qu'il vient de nous dire.
Il est bien évident que si on veut créer une complémentarité entre les différents établissements hospitaliers, il sera indispensable de disposer de statistiques permettant de connaître les clauses de besoin, aussi bien au niveau privé que public.
Or, ce qui vient de nous être dit démontre que tous les discours qu'on nous fait sur la liaison Genève-Lausanne, les différents hôpitaux, les différents établissements publics et privés, c'est tout du «bidon». Alors, je suis désolé.
Mise aux voix, la proposition de renvoi de ce projet à la commission de la santé est rejetée.
Le projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue:
La séance est levée à 17 h 5.