République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 6959-A
a) Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant au Conseil d'Etat divers crédits supplémentaires pour l'exercie 1992. ( -) PL6959
 Mémorial 1993: Projet, 2332. Commission, 2346.
Rapport de la majorité de M. Robert Baud (S), commission des finances
Rapport de la minorité de M. Jean Spielmann (T), commission des finances
PL 6960-A
b) Projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le compte administratif de l'Etat et la gestion du Conseil d'Etat pour l'année 1992. ( -) PL6960
 Mémorial 1993: Projet, 2347. Commission, 2358.
Rapport de la majorité de M. Robert Baud (S), commission des finances
Rapport de la minorité de M. Jean Spielmann (T), commission des finances
PL 6961-A
c) Projet de loi du Conseil d'Etat concernant le bouclement de diverses lois d'investissement. ( -) PL6961
 Mémorial 1993: Projet, 2359. Commission, 2362.
Rapport de la majorité de M. Robert Baud (S), commission des finances
Rapport de la minorité de M. Jean Spielmann (T), commission des finances

4. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier les objets suivants:

Rapport de la majorité

Premier débat

M. Robert Baud (S), rapporteur. Quelques remarques au sujet de ce rapport qui a dû être produit dans des délais extrêmement brefs, coincé entre le dépôt du rapport du Conseil d'Etat et cette séance. La dernière séance de la commission des finances du 2 juin a du reste eu lieu un jour après la date officielle du dépôt de ce rapport.

J'aimerais signaler quelques erreurs mineures. Le «baby- boum» n'est pas un bébé qui éclate, mais il s'écrit comme suit: «baby-boom». J'ai donné une disquette sur laquelle figuraient environ une vingtaine de guillemets qui ont été oubliés; en informatique on appelle cela un «bug&F. Le système de l'imprimeur ne doit pas avoir ce caractère, ou en tout cas il ne doit pas avoir la même présentation! Dans la partie relative au DIAR, dans le tableau sur les logements subventionnés, il s'agit de 17,924, et non 117,92 millions de francs. Pour le DPSSP, VESKA s'écrit avec un K; K voulant dire patient ou Kranken, je crois. Ensuite, une erreur s'est glissée dans le décompte final des votes. Lorsqu'il s'agit de 13 oui, il faut lire 11 et lorsqu'il y a 12 oui, il faut lire 10. En effet, deux commissaires étaient absents.

Cela dit, en ce qui concerne les loyers impayés au DTP par différentes institutions subventionnées, je vous donnerai de nouvelles informations en temps voulu.

M. Jean Spielmann (T), rapporteur. En introduction à ce débat, je ferai quelques remarques liminaires.

Tout d'abord, à propos des comptes et de la gestion de la période écoulée, il n'y a plus rien à changer -- on verra d'ailleurs tout à l'heure les différentes décisions prises en commission -- que cela concerne les acceptations ou les refus. A mon avis, il faut examiner ces comptes de manière prospective en étudiant l'évolution de la situation de l'année passée, d'autant plus que la situation reste difficile et que des décisions importantes doivent être prises. Il faut tenter de trouver des projections politiques qui nous permettent d'influer sur la situation pour un avenir meilleur.

Après examen détaillé des comptes, je ferai trois observations par rapport à mon expérience dans ce domaine. Première chose. Nous examinons les comptes en détail pour relever les fluctuations. Mais nous verrons aujourd'hui que certains chiffres, auxquels on ne prête pas attention, devraient pourtant nous interpeller. Lorsqu'une société se développe, qu'il y a inflation et que les chiffres stagnent année après année, on devrait étudier ces chiffres de plus près pour voir ce que cela cache et comment y remédier. En définitive, il s'agit de savoir ce qu'ils représentent: c'est un travail à effectuer. Les différents débats que nous aurons au cours de la journée, notamment en ce qui concerne le problème des loyers et le dépassement de crédits sur certains postes, nous permettront de voir plus clair dans cette nouvelle approche.

En ce qui concerne la gestion des dépenses, il n'est pas inutile de repréciser -- un débat important aura d'ailleurs lieu par rapport à la nouvelle loi de finances sur ce sujet -- la responsabilité entre le législatif et l'exécutif vis-à-vis de la présentation des comptes, mais aussi vis-à-vis de la gestion des différents départements. On voit là les limites des décisions que nous avons prises; je pense notamment aux dépassements de crédits et aux nouvelles responsabilités mises en place. Le pouvoir législatif doit fixer le cadre de ces dépenses et les maîtriser, mais il faut pouvoir sanctionner politiquement les éventuels décalages par rapport aux décisions prises. Tout cela n'a pas été très bien admis par l'exécutif, aussi devons-nous préciser davantage les rôles et nous doter des moyens de réponse à des dépassements de crédits sans préavis favorable du législatif ou de la commission des finances. Les compétences de la séance plénière et celles de la commission des finances doivent être précisées. Il faut donc affûter quelque peu les instruments dont nous disposons.

Les moyens à disposition du législatif pour examiner les comptes et la gestion de l'Etat existent déjà, tels ceux du contrôle financier cantonal qui ont été développés au cours de ces dernières années. Le législatif possède des instruments de gestion intéressants et des possibilités d'examen. Nous sommes loin d'avoir épuisé tous les moyens offerts par certains services et par les rapports présentés par les personnes compétentes qui y travaillent.

La commission de contrôle de gestion est également l'un des instruments à notre disposition. L'utilisation du rapport de cette commission pose un problème de compétences du cadre dans lequel s'inscrivent les mandats qui lui sont donnés, soit par les deux mandataires, le Conseil d'Etat ou la commission des finances, soit par notre parlement. Des précisions dans ce domaine devraient être apportées pour que le législatif puisse mieux contrôler les comptes et la gestion de l'Etat. Il n'est pas possible à un parlement de milice de tout examiner dans les moindres détails.

Les rapports entre la commission des finances et le département sont très positifs. Dans l'ensemble des différents services, les commissaires ont la possibilité de poser toutes les questions voulues. En ce qui me concerne, j'ai trouvé la porte ouverte chaque fois que j'ai souhaité interroger quelqu'un. Les responsables de la construction du budget ont -- je le souligne -- effectué un travail très positif. Je crois que tout le monde est d'accord là-dessus et aucune distinction n'a été faite entre les représentants de la majorité et ceux de la minorité, ce qui a rendu le climat très favorable. On le doit aussi au service qui présente le budget.

Gestion de l'Etat 1992, maintenant. On ne peut pas examiner la gestion de l'Etat en 1992 sans tenir compte de la situation de notre société. Les problèmes pointus, notamment ceux de l'emploi et ceux du développement social, sont essentiels; on le voit pour les dépassements de crédits. Ces problèmes posent des questions de fond. Il faut donc préciser le rôle de l'Etat, de sa gestion et de l'économie et du développement en général. Nous n'avons pas encore réussi à le faire probablement en raison de la situation dans laquelle nous nous trouvons, qui ne permet pas de faire de réponse simple.

Nous sommes confrontés les uns et les autres à des contradictions, comme par exemple dans le domaine de l'emploi. Un certain désarroi transparaît dans les intéressants rapports présentés par les chambres économiques, que ce soit celle du canton de Vaud ou celle de Genève. On avoue ouvertement dans ces rapports qu'il n'y a pas de solution immédiate et qu'aucune réponse ne peut être apportée pour remédier à la situation. Ces contradictions sont importantes. Il y a quelques années encore -- on se trouvait dans une situation conjoncturelle, alors qu'aujourd'hui la crise est profonde -- il suffisait d'investir pour relancer l'emploi. Aujourd'hui, le fait d'investir dans des entreprises dynamiques, notamment dans le secteur technologique, ne signifie pas création d'emplois; cela peut vouloir dire exactement le contraire. En effet, les entreprises appelées à se moderniser et à

investir dans l'outil de production vont probablement développer une activité qui va réduire l'emploi. C'est la contradiction fondamentale de notre société et nous devons tenter de résoudre les problèmes trapus engendrés par cette contradiction.

L'autre problème est l'augmentation de la productivité. En examinant les projections faites, on constate qu'il y a un extraordinaire développement de la productivité. Des exemples simples peuvent être pris pour faire comprendre ce processus à l'ensemble de la population. Le Jura comptait plus de cent mille horlogers il y a vingt ans, au début de la crise de l'horlogerie, en 1973. Il en reste à peine trente mille qui produisent cinq fois plus qu'auparavant! Le problème du temps de travail doit être soulevé, ainsi que celui de la productivité, sans oublier le partage des ressources. Il faut aussi aborder le problème important de la protection sociale, tant il est vrai que le système est basé sur des horaires de travail et des salaires donnés, alors qu'aujourd'hui ces bases doivent être réexaminées. Ce qui est vrai pour le Jura est vrai pour Genève. Le tissu industriel est plus important qu'il n'y paraît au premier abord.

Le processus de délocalisation est un phénomène qui touche non seulement Genève mais l'ensemble des sociétés développées occidentales. L'outil de production est transféré dans des régions dans lesquelles les salaires sont plus bas pour produire à moindre coût, ce qui, dans le même temps, diminue notre productivité locale. Le travail se développe donc surtout dans le secteur tertiaire et les services, mais également dans l'activité tertiaire du secteur industriel, c'est-à-dire la recherche, la mise au point des processus nouveaux. La fabrication proprement dite se fait extra muros. C'est l'un des problèmes majeurs auquel nous sommes confrontés.

A quoi cela sert-il de développer et d'investir dans des écoles de mécanique, dans le CEPIA, pour la formation des jeunes en général, si les emplois disparaissent dans le même temps? Si on ne maintient pas ce patrimoine qu'est le tissu industriel de Genève, notre avenir risque d'être particulièrement sombre. Il ne faut donc pas seulement s'attacher à la productivité immédiate, mais prévoir à long terme que les compétences dans le domaine industriel ne se résument pas aux quatre années d'apprentissage; c'est une transmission de savoir, un héritage de connaissances de génération en génération. On ne s'improvise pas producteur ou travailleur dans l'industrie sans avoir une solide expérience. Les pays du tiers-monde en font d'ailleurs l'expérience, puisque la mise en place des écoles et des structures industrielles ne suffit pas à un développement rapide. Ne bradons donc pas notre potentiel industriel sous peine de rencontrer de graves difficultés! A nous de savoir quels sont les investissements consentis par notre collectivité qui ouvrent des perspectives positives. Ce sont des questions essentielles.

Le Conseil d'Etat mène une politique peu volontaire dans le domaine économique. Le rapport de la chambre économique démontre d'ailleurs qu'il reste bien des précisions à apporter. L'économie n'appartient pas au politique; ce dernier doit mettre à disposition de l'économie une série d'outils et de conditions-cadres qui permettent son développement. Cette contradiction relève davantage des anciennes luttes idéologiques que de la nécessité de préparer notre avenir. Il est clair que nous n'en sommes plus aux théories de Keynes qui prônait la régulation entière de l'Etat, mais une interaction plus importante entre l'économie et le pouvoir économique est nécessaire. Certains discours sont dépassés dans ce domaine, tel celui de la relance de l'activité des investissements et de l'emploi. Il faut maintenant aller plus loin pour obtenir des modifications, je veux parler de la démocratie dans l'économie et des pouvoirs de décision dans les perspectives du développement de notre société, y compris -- et je dirais surtout -- dans le domaine économique et financier. Le Conseil d'Etat se montre bien timide en la matière, que ce soit dans la gestion 1992 ou dans les objectifs fixés pour sortir de la crise. Il ne suffira pas de modeler l'instrument fiscal sur le développement de la société sans examiner les conséquences politiques et d'infrastructures à long terme de cette politique fiscale. Les réponses que nous avons trouvées en 1992 ont été sanctionnées négativement par le peuple. Il faudra donc remettre l'ouvrage sur le métier pour trouver des solutions pertinentes pour un avenir meilleur que celui que laisse présager la gestion des comptes 1992, qui peut, à juste titre, nous faire du souci!

Le rôle de l'Etat n'est pas le moindre des problèmes concernant le budget. Les anciens discours sont dépassés, que ce soit celui de «l'Etat-providence» ou du «tout à l'Etat». Nous devons absolument réexaminer et redéfinir le rôle de l'Etat ainsi que les moyens financiers mis à sa disposition pour répondre aux buts fixés. Certains points importants résultent directement du rôle de l'Etat: la politique sociale, la situation des personnes âgées, la

formation, etc... Dans une activité comme la nôtre ce dernier point est le plus important puisque nous n'avons pas de matières premières. Bien sûr, il ne faut pas oublier la prévoyance de l'emploi.

Les comptes 1992 montrent qu'une série de postes ont explosé. Dans le domaine de l'assistance, on joue aux pompiers: les allocations chômages, les dispositifs mis en place pour les chômeurs en fin de droit, les allocations complémentaires suppléant aux manquements du régime social et de retraite. Certaines dépenses doivent être analysées en profondeur pour déterminer s'il n'y a pas moyen de développer davantage la prévoyance, ce qui permettrait de diminuer le coût de l'assistance et les coûts de fonctionnement qui lui sont inhérents et qui augmentent, bien sûr, en fonction de l'augmentation de cette assistance. Je repose donc la question que je pose depuis des années: quel est le rapport entre le coût d'une politique sociale de prévoyance permettant de développer une stratégie pour parer aux difficultés qui se présentent et le coût de l'assistance? Ce dernier émerge très fortement du budget, que ce soit dans le cadre de la Confédération, du canton ou des communes. Les opérations de transfert de charges ne permettront pas de résoudre ce problème; c'est pourtant ce que l'on fait actuellement.

Les relations entre l'Etat, les responsables, c'est-à-dire le Conseil d'Etat et le Grand Conseil, et les acteurs du service public doivent aussi être étudiées. Des débats importants ont eu lieu l'année dernière à ce sujet. Je continue à prétendre que l'on a fait fausse route dès le départ en cherchant l'affrontement. Vu la situation des finances publiques, l'Etat a perdu des chances de trouver des solutions à ces problèmes car il les a mal évalués. Refonder, redimensionner, rediscuter, restructurer et utiliser de manière plus rationnelle les ressources humaines au service de l'Etat passe par une participation active des acteurs. Vouloir s'en priver, c'est s'empêcher, en définitive, d'arriver au but fixé, soit l'assainissement des finances de l'Etat et de son rôle pour qu'il soit un élément positif dans le développement harmonieux de notre société.

C'est pour cela que je considère que les solutions apportées n'étaient pas les bonnes puisqu'elles n'ont pas permis de redresser la situation. Au contraire, elles ont rendu plus difficile encore le moyen d'y arriver. J'en suis très inquiet.

En conclusion, l'ensemble de la gestion politique du Conseil d'Etat en 1992 ne sort pas du train-train habituel, même si les chiffres laissent entrevoir un début de résultat, même si l'on perçoit dans le débat en général -- je veux parler de la présentation de la loi sur les finances -- un début de prise de conscience de la gravité de la situation pour tenter d'en sortir. Tant que l'on restera dans ce train-train, on ne trouvera pas les solutions adéquates pour une société en pleine mutation.

Il me semble donc que nous devons consacrer quelques débats à ce sujet pour étudier globalement la situation et ne pas se contenter de régler seulement quelques points de détail, même si cela est important pour ajuster notre politique en matière de finances. Un débat de fond doit absolument être envisagé aux fins de donner un peu d'espoir à la jeunesse de notre canton. Le brouillard dans lequel nous sommes est bien reflété dans le désarroi général de la population, mais ce désarroi pèse sur le dynamisme de notre société. Il faut donc sortir de cette situation le plus rapidement possible, mais cela ne pourra pas se faire sans une participation pluraliste aux décisions. Si l'on veut s'épargner la critique des forces vives de ce canton quant à la gestion des affaires de l'Etat, il faudra les faire participer aux décisions.

Sinon nous resterons -- comme certains le souhaitent -- dans un gouvernement qui s'enferrera de plus en plus dans les erreurs politiques puisque personne ne pourra le rappeler à l'ordre, le mettre en cause ou lui exprimer un avis contradictoire. Je considère que la contradiction et la critique sont des stimulants positifs. Les refuser c'est: «reculer pour mieux sauter»! Je veux parler de la tentative hégémonique de certains qui rêvent d'avoir la totalité du pouvoir, alors même qu'en ayant la majorité ils ont été incapables de gérer les problèmes de notre société. Attention donc à la manière avec laquelle vous entreprendrez les réformes, car certaines réalités sont incontournables!

Présidence de Mme Micheline Calmy-Rey, présidente

M. Daniel Ducommun (R). En préambule, et au nom de mon groupe, je remercie le conseiller d'Etat Olivier Vodoz ainsi que ses principaux collaborateurs, MM. Roy et Chappuis, pour leur disponibilité et la qualité de leurs informations. Nous avons également apprécié la présidence de M. Montessuit et le rapport de M. Baud, que nous taxerons d'objectif et de modéré; nous le soutiendrons au moment du vote.

Un déficit de 468 millions nous est présenté et certains voudraient que l'on s'en réjouisse? Nous pas! Toutefois, au-delà d'une analyse purement comptable que nous laisserons aux contrôleurs des services financiers, nous souhaiterions, d'une part, relever à travers ce résultat des éléments de satisfaction permettant d'orienter nos actions dans le cadre du budget 1994 et, d'autre part, de nous inquiéter de diverses situations encore insatisfaisantes qu'il y a lieu d'assainir.

Dans le catalogue des satisfactions, nous relevons, enfin, une prise de conscience généralisée des pouvoirs politiques qui a pour conséquence l'arrêt de la spirale infernale du développement des charges publiques. Au niveau de ces charges, justement, si le budget est dépassé de 66 millions, le surplus de dépenses lié au chômage, à l'intérêt des dettes ou encore à des provisions à constituer à titre de créances irrécouvrables, est incontournable. Grâce à des résultats juteux mais imprévisibles des impôts sur les successions, ainsi qu'à un surplus de gains sur le placement des biens, les revenus supportent la comparaison et dépassent, eux aussi, les objectifs de 67 millions.

ll faut souligner la retenue appréciable des dépenses générales: 305 millions contre 320 millions au compte 1991 et la compression voulue des effectifs bien au-delà des objectifs de 1%, moins 10% financièrement par rapport au budget 1992 voté.

On relève également la maîtrise des prestations sociales, notamment celles liées à l'OAPA, lesquelles présentaient encore en 1991 un dépassement budgétaire de 70 millions. Si la motion 734 «repose au congélateur», il n'en reste pas moins que des réformes structurelles d'importance sont en voie de réalisation, dont la plupart influencent déjà les comptes 1992. Ces efforts doivent être poursuivis. Dans ce contexte, nous apprécions toutes les démarches permettant de diminuer les charges publiques sans forcément libérer les ressources humaines au risque d'alourdir la statistique du chômage. Citons en exergue la collaboration intercantonale dans divers domaines dont ceux de la santé ou encore la répartition des responsabilités entre partenaires privés et publics, bien qu'elle reste encore timide. La solidarité interdépartementale en prêt de personnel touchant les départements de l'intérieur et de justice et police doit être développée avec vigueur.

Si ce résultat 1992 présente un renversement de la tendance déficitaire, rien n'est encore gagné, loin de là! Ce déficit reste le plus important de Suisse avec près de 1 000 F par habitant. Les Vaudois en sont à 600 F et les Zurichois à 440 F. N'oublions pas qu'une part de nos amortissements a été, par volonté cosmétique, soustraite des résultats. Ces amortissements ainsi accumulés représenteront un montant à couvrir de 700 millions en 1997.

Venons-en aux insatisfactions, pour relever à nouveau le manque de rigueur budgétaire du département des travaux publics et son mépris du respect de l'article 12 relatif aux dépassements de crédits de la compétence de la commission des finances -- ce n'est pas pour nous mettre en confiance -- dans l'étude par ce même département des chiffres d'exploitation budgétés pour le Zénith. D'autres inquiétudes, et non des moindres, sont liées à la connaissance fortuite par la commission des finances de loyers non encaissés auprès de diverses institutions pour un montant de près de 2 millions, avec la bénédiction de deux conseillers d'Etat qui jouent en la circonstance les Saint-Bernard... et les Frère Dominique... (Rires.)

Dans ce contexte, nous regrettons que le Conseil d'Etat poursuive une politique de gestion départementale et non gouvernementale, comme cela devrait être le cas, ce qui ralentit considérablement les mesures correctives à apporter pour un rééquilibre de nos finances publiques. L'un des nombreux exemples concerne la situation économique au centre-ville. Ce n'est pas au seul département de justice et police de traiter et de statuer; cela concerne aussi le département de l'économie publique, celui des finances ou encore le département des travaux publics pour tout ce qui touche au développement de nos entreprises au niveau des autorisations de construire. Dans de telles situations, il est nécessaire, à notre avis, de créer des commissions gouvernementales ad hoc en y associant tous les milieux économiques de la cité.

En conclusion, nous avons des sujets de satisfaction, oui, mais il faut encore consentir des sacrifices et faire preuve de rigueur. A ce titre, la nouvelle loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève sera un outil de gestion efficace et pourra rassurer tous ceux qui défendent l'arrêt de l'hémorragie de nos déficits. Notre souhait est de joindre à ce projet un nouvel outil externe de contrôle parlementaire entraînant des investigations plus sérieuses et permettant aux députés de remplir le rôle de contrôleur de l'Etat tel qu'ils en sont nantis par le Conseil général.

Voilà le message que notre groupe voulait vous transmettre aujourd'hui en vous invitant à voter les comptes de l'Etat pour 1992.

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Notre groupe approuvera au vote final les comptes de l'Etat pour l'exercice 1992. Non pas que nous soyons pleinement satisfaits du résultat qui laisse apparaître un déficit de près de 468 millions de francs, tant s'en faut! Mais ces chiffres étaient prévisibles; ils sont même un peu moins mauvais que prévu.

Par cette approbation, nous voulons aussi reconnaître les efforts accomplis dans les différents services de l'administration pour faire des économies et respecter le budget. Ces efforts ont été reconnus par tous les membres de la commission des finances qui sont délégués dans les départements. La plupart des dépassements de crédits ont été présentés à la commission des finances, ils ont été justifiés devant elle et acceptés.

Reste le problème des dépassements de crédits dus surtout à des sous-estimations de certaines rubriques du département des travaux publics, rubriques qu'il faudra réétudier avec attention lors de la présentation du budget 1994. A propos de ce département qui polarise l'agacement des députés, j'aimerais faire deux remarques. S'il est exact que c'est avec ses dépassements de crédits que la commission des finances a eu le plus de difficultés à obtenir tous les renseignements demandés -- et ceci en temps voulu, c'est-à-dire avant l'engagement des crédits -- il faut quand même préciser qu'il s'agit, dans la plupart des cas, de dépenses effectuées pour le compte d'autres départements. Enfin, il faut rappeler ou souligner le gros travail accompli par les services du DTP dans la ventilation des charges d'entretien et des frais d'exploitation des immeubles de l'Etat dans chaque département. Ceci a été fait à notre demande et devrait nous aider à mieux cerner le coût réel des prestations étatiques dans le futur. Nous dénonçons les manquements -- c'est notre rôle -- mais sachons également reconnaître ce qui est positif! (M. Bosson applaudit.)

L'approbation des comptes, c'est déjà presque le passé. Devant nous un avenir préoccupant: le budget 1994, et probablement les suivants. L'assainissement des finances publiques que nous réclamons tous prendra des années. Il implique des contraintes budgétaires extrêmement importantes. En même temps, la crise est là avec son corollaire, une demande accrue de prestations sociales. Des prestations qui deviennent vitales pour leurs bénéficiaires en période de difficultés économiques. Il ne serait donc être question de les mettre en cause. Il s'agit, en tout cas pour nous, de priorités absolues.

Parallèlement, des projets de construction sont envoyés en commission, tous nécessaires, tous importants et utiles, utiles pour eux-mêmes et également pour la contribution à la relance de l'économie qu'ils représentent: Transformation de la clinique de pédiatrie, deuxième étape d'Uni 2, construction de HBM, etc. Or, avant même leur étude, nous savons déjà qu'ils ne pourront pas être réalisés à court terme, notamment au vu du montant des investissements prévus pour 1994 et des crédits déjà votés.

Au vu des difficultés et des contraintes très importantes -- toujours plus importantes -- les choix vont également être plus difficiles à faire. Il n'y a pas d'autre remède pour les autorités politiques que celui consistant à remettre sur le métier, inlassablement, la recherche de recettes nouvelles et d'économies encore possibles: travail ingrat, souvent mal perçu dans le public, et provoquant des affrontements politiques, l'échéance électorale de cet automne n'arrangeant pas les choses.

Certes, il faut continuer à restructurer l'Etat. Certes, il faut le faire en collaboration avec ses acteurs, mais surtout il faut le faire avec ses usagers. Il faut à la fois faire preuve de courage politique, de pédagogie et convaincre la population que l'assainissement des finances cantonales est indispensable à un état social fort, propre à répondre à ses besoins. Ceci afin d'éviter les blocages et la dérive populiste qui nous guettent. Il faut expliquer que tout cela a déjà impliqué des sacrifices et des efforts mais qu'il y en aura encore.

Mais -- et c'est là un point essentiel pour le groupe socialiste -- nous réaffirmons que ces sacrifices doivent s'accomplir dans un esprit de solidarité, solidarité dans la fiscalité, solidarité dans le partage du travail et dans le domaine des revenus de la fonction publique. C'est en tout cas en s'inspirant de ce principe que notre groupe continuera son travail dans le domaine des finances publiques.

Mme Martine Brunschwig Graf (L). Au nom de mon groupe et au nom de tous les groupes, je m'associe, bien entendu, aux remerciements qui ont été adressés au département des finances, à son chef, aux responsables du budget pour leur patience et l'apport fourni dans les travaux de la commission qui sont -- comme l'a dit M. Baud -- des travaux relativement lourds mais considérablement facilités par l'aide que nous recevons.

Les comptes 1992, résultat des péripéties budgétaires qui se sont déroulées de l'automne 1991 au printemps 1992, sont riches d'enseignements, moins dans leurs chiffres que par ce qu'ils révèlent du contexte dans lequel se prennent les décisions politiques.

En effet, si aujourd'hui chacun s'accorde à reconnaître que la situation des finances publiques s'est dangereusement détériorée, force est de reconnaître qu'il y a moins de deux ans tel n'était pas l'avis de tous.

Il convient d'ailleurs de rétablir quelques faits que le rapport de minorité de M. Spielmann a tendance à passer sous silence. Lorsqu'une majorité de députés a renvoyé le budget 1992 à la commission des finances en décembre 1991, ce n'était pas pour refuser un déficit de 265 millions de francs mais parce que les résultats provisoires des comptes 1991 laissaient entrevoir, pour 1992, un déficit de l'ordre de 804 millions avant réduction des amortissements. Le fait que les comptes bouclent en définitive avec un déficit de 468 millions de francs montre que la décision était justifiée. Des mesures prises par le gouvernement, des amendements votés par le parlement ont produit les uns et les autres leurs effets.

Pour rester dans le souvenir de temps somme toute pas si lointains, certains se rappelleront que le projet de loi des partis de l'Entente proposant une réduction des effectifs de la fonction publique sur quatre ans avait soulevé une levée de boucliers sur, ce que nous avons coutume d'appeler, les bancs d'en face. Et nous constatons avec satisfaction aujourd'hui que les réductions d'effectifs enregistrées aux comptes 1992 ne soulèvent aucun commentaire particulier sinon de la part du rapporteur général de la commission des finances, M. Baud, qui souligne qu'une telle mesure et sa prolongation annoncée dans le plan quadriennal est à même de permettre de retrouver un équilibre budgétaire dans des temps pas trop lointains.

Que conclure de cette évolution des esprits? Nous la saluons, bien entendu! Mais si l'on admet que, gouverner c'est prévoir, il faudra bien qu'à l'avenir il y ait un peu moins de Saint-Thomas dans ce parlement pour suivre

la litanie évoquée par M. Ducommun si nous voulons redresser la situation rapidement. C'est lorsque se présentent les signes avant-coureurs qu'il faut agir... Sinon nous courons après les événements au lieu d'anticiper et de prendre les mesures préventives nécessaires.

C'est l'évidence, direz-vous! Oui, sans doute, car nous examinons aujourd'hui les comptes, mais il faudra nous souvenir de cette évidence lorsque nous examinerons le budget 1994, car le plus dur reste à faire. Les décisions comptables sont toujours plus faciles à prendre que les décisions politiques.

Riches d'enseignements, ces comptes le sont à plus d'un titre et la nouvelle procédure d'examen des crédits supplémentaires nous aura donné matière à réflexion. Comment prendre de véritables mesures d'économie et de rationalisation lorsqu'un département fonctionne comme service payeur pour le compte d'autres départements qui sont en quelque sorte les services dépenseurs? Qui donne l'impulsion? Qui contrôle? Qui motive? Il apparaît de plus en plus évident que seul un système d'imputations internes ou de répartition des frais est à même de résoudre le problème. Connaître le coût véritable d'un service, voire d'une prestation est la condition essentielle pour un fonctionnement efficace. Ce coût ne se limite pas aux salaires versés ou aux dépenses générales. Il faut y inclure le loyer et les charges d'électricité, le chauffage et l'entretien, sans oublier, bien entendu, les charges financières résultant des emprunts et les amortissements. Nous ne pouvons qu'encourager le gouvernement à poursuivre dans la voie de la transparence des comptes et des budgets.

Pour conclure, les libéraux tiennent à dire au rapporteur de minorité, M. Spielmann, combien ils sont ravis de lire sous sa plume en page 2 de son rapport: «que le déficit du compte d'Etat provient principalement de l'augmentation constante des charges de fonctionnement». Les libéraux s'étonnent en revanche qu'il en tire comme importante conclusion qu'il faut augmenter la fiscalité. L'imposition supplémentaire de la fortune, l'augmentation d'impôts pour certaines entreprises, n'apportera rien de bon au légitime souci de M. Spielmann de réduire les déficits. Vous disiez tout à l'heure, Monsieur le rapporteur, qu'il fallait abandonner certains slogans.

«Faire payer les riches» est devenu un slogan relativement démodé! Je vous en sers un autre: «trop d'impôt tue l'impôt». C'est un adage souvent vérifié et lorsqu'il se révèle exact, c'est trop tard; les ressources fiscales tant attendues ont fui vers d'autres cieux! Je ne parle même pas des effets sur le développement économique qui vous fait souci.

Il ne nous reste dès lors qu'une solution: poursuivre les efforts entrepris et surtout nous préparer à des décisions politiques difficiles mais indispensables si nous ne voulons pas laisser le rétablissement des finances publiques au niveau du discours.

M. Jean Montessuit (PDC). Au moment d'aborder les comptes de l'exercice 1992, il convient de se souvenir des longues péripéties -- de la saga dirais-je -- du budget!

Présenté à fin août 1991 par le Conseil d'Etat avec un déficit de 289 millions après réduction des amortissements de 98 millions, il n'a finalement été voté que le 27 mars 1992 avec un déficit de fonctionnement de 469 millions, toujours après réduction des amortissements de 10 à 6%. Entre-temps, le Conseil d'Etat et le Grand Conseil avaient pris conscience des incidences importantes de la crise économique sur les recettes publiques, et le Conseil d'Etat avait proposé un train de mesures appelé «paquet ficelé» approuvé de justesse par le parlement. C'était -- rappelons-le -- une retenue sur les salaires indexés de 1,35%, la réduction des effectifs de 1% et le prélèvement de 3 centimes additionnels de solidarité.

Combattu pour son insuffisance par les uns, pour son poids fiscal par les autres, le «paquet» n'a pas trouvé grâce devant le peuple, et, le 21 juin 1992, le Conseil d'Etat s'est retrouvé avec un budget dont le déficit de fonctionnement atteignait 624 millions, soit par rapport à la réalité des comptes 1991, année pendant laquelle le déficit a atteint 531 millions, une aggravation de 191 millions si l'on ne tient pas compte de l'artifice de réduction des amortissements.

La situation était véritablement catastrophique et a justement motivé le Conseil d'Etat à prendre des mesures urgentes, soit le blocage des traitements et le maintien de la réduction des effectifs de 1%, mesure légalement de sa compétence qui devait réduire le déficit au niveau encore très élevé de 571 millions, réduction des amortissements comprise.

C'est le chiffre de 468 millions qu'il faut retenir pour le résultat des comptes. C'est une améliorations sensible de 103 millions dont nous devons évidemment nous réjouir, mais 468 millions plus 98 millions de réduction des amortissements, cela fait encore 566 millions, soit 35 millions de plus que le déficit 1991! C'est dire qu'en 1992, la situation s'est encore détériorée et qu'il faudra attendre 1993 -- espérons-le -- pour constater un retour à une situation meilleure.

L'appréciation effectuée par le Conseil d'Etat en juin 1992 était-elle un peu pessimiste? Cela semble bien être le cas au vu des recettes fiscales 1992. Encore faut-il être prudent puisque les comptes comptabilisent la production et non la perception qui a laissé quelques souvenirs amers dans les comptes débiteurs.

Par contre, les efforts employés par le Conseil d'Etat pour mobiliser la fonction publique à faire des économies dans les dépenses a porté ses fruits dans la quasi-totalité des départements, malgré des charges supplémentaires inévitables, telle la hausse des taux d'intérêts heureusement inversée aujourd'hui, et les charges nécessaires, telle la prise en charge des conséquences sociales de la crise et du chômage en particulier. Il convient d'en remercier le Conseil d'Etat et la fonction publique.

Conséquence des résultats peu satisfaisants de ces dernières années: le bilan, qui présentait à fin 1991 une fortune au passif encore de 10 millions présente à fin 1992, à l'actif, un découvert de 550 millions. Nous sommes pour la première fois, au bilan, dans les chiffres rouges!

Deux mots maintenant sur les crédits supplémentaires. Indiscutablement la nouvelle rédaction de l'article 12 de la loi budgétaire adoptée pour la première fois en 1992 se révèle efficace, même si -- comme le souligne le rapporteur -- elle a des limites et présente une certaine lourdeur administrative, malgré tous les efforts de la commission des finances pour traiter rapidement les demandes.

Les comptes 1991 présentaient des crédits supplémentaires à hauteur de 208 millions; ceux de 1992: 121 millions; le recul est sensible. Sur ces 121 millions, 53 ont été approuvés par la commission des finances et, sur les 68 non approuvés formellement, 32 millions concernent la reconstitution du poste débiteur des contributions publiques fortement mis à mal et 4 millions les dépenses de personnel, de sorte que seuls 33 millions ont échappé au contrôle du parlement. Ce qui est par contre plus regrettable, c'est que sur ces 33 millions, 20 millions, soit 60%, concernent le département des travaux publics qui a connu des relations tumultueuses avec la commission des finances. Ceci explique la réaction de mauvaise humeur de la commission qui ne peut admettre que des positions du budget soient sciemment sous-estimées parce que le paiement des dépenses réelles est inévitable.

Au niveau du contrôle parlementaire, je relèverai rapidement le problème des loyers non encaissés soulevé par le rapporteur de majorité dans son complément verbal. Il y a là encore quelques points à éclaircir et à assainir, mais il n'est en aucun cas admissible que des non-encaissements génèrent des subventions déguisées.

Deux mots aussi sur le projet de loi concernant le bouclement de diverses lois d'investissement. C'est la première fois qu'il revêt cette forme et donne des informations bienvenues sur l'utilisation des crédits. Merci au Conseil d'Etat!

Comment ne pas évoquer aussi la réduction des effectifs pour laquelle il faut constater que les objectifs que le Conseil d'Etat s'était fixés ont été atteints dans de bonnes conditions, avec le doigté et le discernement nécessaires, peut-être avec quelques nuances d'intensité d'un département à l'autre en fonction de leur spécificité. On est loin des réductions linéaires que dénonçaient certains!

Enfin, les dépenses d'investissement. Elles sont conformes aux prévisions et, par conséquent, aux objectifs de relance économique du Conseil d'Etat. Sur ce point, la grande question c'est l'avenir face à une reprise qui tarde à se manifester et à des recettes fiscales qui vont certainement encore se dégrader. Ce sera un des grands débats de l'automne prochain.

Merci, Mesdames et Messieurs, de votre attention. Merci, aussi au président du département des finances et au rapporteur de majorité pour son rapport, fidèle reflet de nos travaux en commission.

M. Raoul Baehler (MPG). La commission des finances a examiné les comptes avec attention et le rapport rédigé par M. Baud est très complet.

Cependant, les comptes du département des travaux publics ont suscité de nombreuses réflexions qui ont amené la majorité de la commission à ne pas les adopter: voir page 155 du rapport de M. Baud. Par exemple, on relève

le montant très élevé des loyers non encaissés qui est parfaitement anormal. Pour les autres remarques que je pourrais faire, j'interviendrai lors de l'examen des comptes dans le livre jaune, le cas échéant.

En principe, nous devrions approuver ces comptes avec les restrictions dont j'ai parlé. M. Ducommun a justement relevé ce qui devrait être appliqué pour les prochains exercices. Le Conseil d'Etat a fait un réel effort, mais il doit être encore plus attentif et freiner davantage certaines dépenses.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Nous nous sommes abstenus en commission et nous nous abstiendrons aujourd'hui sur les comptes de l'Etat, étant donné que nous avions refusé le budget en mars 1992. Il s'agit donc d'une suite logique de notre part et non d'une désapprobation des résultats comptables 1992. Nous sommes également d'avis que les efforts demandés dans le cadre des restrictions budgétaires ont été respectés par l'ensemble des départements. On constate même une amorce de changement de comportement face à la nécessité de mieux et moins dépenser l'argent du contribuable.

Mais il est certain que toute la discussion sur les comptes n'a de sens que si les remarques, critiques et propositions, émises par la commission des finances ou de ce Conseil se répercutent ensuite sur la préparation du prochain budget. Tout ce qui est dit ou va être dit n'a de sens que si le Conseil d'Etat adapte le montant de ses rubriques budgétaires en fonction des observations faites aujourd'hui. Toute la difficulté de l'exercice est d'avoir ce suivi et cette rigueur, sinon, refuser les comptes de l'Etat n'est qu'un pur exercice de style puisque tout est déjà dépensé ou payé.

Nous refuserons les comptes à un seul département: le DTP! Ceci pour les raisons suivantes. Depuis que nous sommes entrés dans ce parlement, notre groupe a eu pour objectif principal de faire prendre conscience à l'Etat de l'importance de réduire la consommation énergétique avant tout pour des questions de respect de l'environnement à long terme plutôt que pour des raisons d'économies financières. Il est certain que de nombreux progrès ont eu lieu, tels que recyclage, récupération, modération du trafic, modification des tarifs de l'électricité. Mais il reste beaucoup à faire. C'est avec ce souci permanent de mener une politique énergétique basée sur les économies que nous refusons les comptes du DTP.

En effet, dans les crédits supplémentaires de 1992, le DTP affiche un montant de plusieurs millions de francs concernant l'eau, l'énergie et les combustibles. S'il est vrai qu'il y a eu une hausse des tarifs des SIG, peut-être une sous-budgétisation, et que le DTP est responsable de toutes les factures des autres départements, c'est quand même son rôle, lui qui est responsable de l'entretien des immeubles et de leur construction, d'imposer une politique rigoureuse en matière d'économies énergétiques. Lorsqu'il nous explique qu'il ne peut pas couper le téléphone ou descendre les radiateurs au-dessous de 19°, ce n'est pas une réponse pour nous. Ce sont des mesures globales, à la source, qui doivent être prises et imposées par le DTP. Cela a été possible à la Ville. Cela a été réalisé en matière de déchets. Cela doit l'être aussi dans l'administration cantonale. Des situations de gaspillage sont constatées tous les jours encore. Donc, si nous refusons les comptes de ce département, c'est uniquement pour marquer notre volonté politique de faire baisser les coûts énergétiques et non pour critiquer la gestion comptable interne de ce département.

Toutefois, nous avions depuis longtemps demandé que ces charges énergétiques soient ventilées dans les comptes de chaque département afin que l'on sache clairement qui consomme quoi, afin d'intervenir plus efficacement. C'est par le dépôt de la loi sur les finances, le PL 6982 déposé hier, que nous obtenons une réponse à cette requête par les articles 29 et 30 qui proposent l'imputation interne des frais centralisés, c'est-à-dire la ventilation de certaines charges à chaque département. Il est donc probable que, dès la mise en vigueur de ces articles de lois, nos critiques s'apaiseront.

Je voulais faire une dernière remarque concernant l'enseignement à l'université. Une phrase a été dite en commission des finances par M. Roy, haut fonctionnaire, qui m'a beaucoup frappée, je cite: «Il y a une dizaine d'années, lorsque les recettes excédaient largement les charges de l'Etat, on ne pensait qu'à réinvestir, améliorer les conditions salariales, sans songer à créer des réserves ou à amortir les dettes.». Si je vous cite cette phrase c'est que, dans le rapport sur les comptes, on a soulevé le problème des restrictions budgétaires au niveau de l'université, aux pages 60 à 63.

Voici un exemple très significatif. Au temps des années d'abondance, le collège des professeurs a pu bénéficier de privilèges salariaux et de conditions de travail favorables; les professeurs demandaient, ils obtenaient!

On ne peut pas les en blâmer. Mais alors aujourd'hui, en période de conjoncture difficile, il nous paraît évident que tous ceux qui ont bénéficié de ces années d'abondance doivent comprendre que l'important n'est plus la conservation de leurs privilèges, mais le maintien des prestations offertes aux étudiants. Ceci passe par l'ouverture, par exemple, à des postes plus proches des étudiants et moins coûteux, tels que les maîtres assistants qui sont les véritables courroies de transmission entre le savoir et les élèves. Cela passe également par le renoncement à l'augmentation des taxes universitaires ou de frais d'écolage. Ceci n'est qu'un exemple, mais il pourrait être généralisé à bien d'autres situations similaires. Ces remarques devraient également être considérées dans la présentation d'un prochain budget.

M. Jean Spielmann (T), rapporteur. J'apporte ici deux éléments de réponse aux différentes interventions.

La fiscalité tout d'abord. Le problème du gonflement du budget de fonctionnement et le déficit de l'Etat sont des sujets importants, Monsieur Montessuit. Ils vont nous préoccuper probablement intensivement ces prochains mois. Mais il faut dire que des solutions sont proposées pour moduler et modifier la fiscalité. Nous ne pouvons pas développer ce sujet aujourd'hui, mais je tiens à répondre à l'interrogation de Mme Brunschwig Graf qui appartient à un parti qui propose la suppression de l'impôt fédéral direct et qui tente de s'opposer à l'introduction d'une TVA qui permettrait à la Confédération de trouver les ressources nécessaires pour assurer son financement.

Cette volonté de participer à ce que j'appelle «l'escroquerie» du Conseil national, en tentant de faire croire à la population que le maintien de ce taux à 6,2% et le remplacement de l'ICHA par la TVA ne changeraient rien, est scandaleuse! Il faut dénoncer cette manoeuvre! Dans le fond, les libéraux oublient complètement que l'ICHA représente plus de 2 milliards de francs d'impôts payés à l'extérieur de notre pays sur les produits. Le transformer en TVA à un taux de 6,2% cela veut dire que les 2 milliards payés à l'extérieur seront payés par les consommateurs à l'intérieur de ce pays, sans augmenter les recettes fiscales de la Confédération, ce qui va dans le sens de la politique de transfert de charges que nous tentons de dénoncer et qui provoque des baisses de recettes dans notre budget direct. De plus, cela pénalisera directement la population, indépendamment de sa capacité contributive, puisque l'inflation augmentera diminuant ainsi le pouvoir d'achat. Si on ajoute à cela la proposition du parti libéral qui consiste à supprimer l'impôt fédéral direct, expliquez-nous comment vous arriverez à maintenir l'état des recettes actuelles -- ne pensons pas à les augmenter! -- alors que vous allez les diminuer de manière considérable et empêcher la collectivité publique de répondre aux tâches toujours accrues auxquelles elle doit faire face.

Deuxième élément de réponse. Je suis étonné de la position du parti écologique par rapport aux comptes en général. En effet, venir ici exposer le problème du chauffage alors que celui-ci a été largement débattu, que des décisions importantes ont été prises -- je vous le rappelle -- me paraît dérisoire. Lorsque le département des travaux publics avait présenté un projet de loi prévoyant et permettant de réguler l'ensemble du chauffage dans les bâtiment de l'Etat, de mettre en place des structures de télécommandes à distance et d'organisation et d'avoir la maîtrise de ces bâtiments, qui s'est opposé à ce projet? Qui a proposé qu'il soit privatisé et que le Conseil d'Etat n'ait pas les moyens de contrôle? C'est le Grand Conseil! Alors, refuser aujourd'hui les comptes après avoir refusé de donner ces moyens me paraît un peu contradictoire!

C'est la même chose pour les loyers puisqu'un département doit redistribuer aux autres. Vous avez entendu les réponses au niveau de la commission des finances. Il suffit d'examiner les projections de coûts de ces dépenses dans les rapports pour constater que ce n'est pas la volonté politique qui manque au département et à ceux que vous allez sanctionner en refusant les comptes. C'est l'ensemble des autres départements qui se trouveront sanctionnés. Je trouve cette réaction puérile et dérisoire. Lorsqu'on a un argument tel que celui-là à développer au moment de la gestion des comptes, alors que la situation économique et politique est désastreuse, j'ai quelques inquiétudes sur les capacités d'analyse du parti écologique et sur les réponses qu'il peut donner aux problèmes de notre société..

M. Armand Lombard (L). C'est le grand jeu, dans cette séance, de répondre aux remarques des autres. Je tiens donc simplement à citer à l'intention de M. Spielmann trois points qui me paraissent puérils et dérisoires dans son rapport.

Le premier -- vous ne serez pas surpris, Monsieur Spielmann -- porte sur les «bénéfices indécents». Vous dites que les banques qui les ont gagnés échappent à la fiscalité; je trouve cela ridicule et cela ne tient pas debout! Vous savez parfaitement bien que les banques payent des impôts, qu'elles sont en contact avec la Cité à ce niveau et qu'elles font partie des plus gros contribuables du canton.

Vous dites, par contre, qu'il serait agréable de pouvoir utiliser ces bénéfices au service du ménage de l'Etat. J'hésite entre trois commentaires:

Ou vous êtes un gros vilain jaloux;

Ou vous faites un scandaleux mélange -- ce n'est pas une question puisque c'est certain! -- entre ce qui appartient à l'entreprise privée et à l'entreprise publique;

 Ou alors vous faites là un superbe éloge à l'efficience, à la capacité de créer des bénéfices, à une gestion efficace et à un management bien huilé et réformateur. Cette troisième version est celle qui me convient.

Néanmoins, je pense qu'en plus vous êtes véritablement un gros jaloux! En effet, comme il serait bon de comprendre les méthodes d'organisation des entreprises modernes et tenter de les appliquer au service public pour retrouver une profitabilité et une efficacité dont l'Etat aurait bien besoin! Au mieux, vous concéderais-je, on pourrait souhaiter qu'une partie en tout cas de ces bénéfices soit utilisée à la relance plus directe du secteur secondaire qui se trouve dans de grandes difficultés.

Deuxième point. Vous dites, toujours dans la même partie de votre rapport -- cela s'adresse sûrement au parti libéral -- que nous tentons d'imposer une politique de démantèlement des services publics. Effectivement, si vous appelez démantèlement ce dont nous avons discuté hier soir, à savoir la décentralisation des communes, je pense que vous avez raison. Je pense également que vous n'avez strictement rien compris à l'organisation de l'Etat de ce canton et que vous songez à d'autres pays. Une organisation de structures trop éloignées est l'un des plus gros problèmes des services publics. Il y a un grand effort à faire pour rapprocher le service public de la population et des personnes auxquelles il doit redistribuer certains montants, les démunis en particulier. Responsabilisation, autonomisation, recherche d'une meilleure efficacité, recherche d'une organisation plus moderne, ne reflètent pas, à mon avis, une volonté de

démanteler le service public. Il me semble que vous tenez énormément, pour votre part, à conserver des acquis, des organigrammes blets et que vous êtes par là éminemment conservateur! (Manifestation.)

Dernier point. Le domaine économique, dites-vous, échappe au contrôle démocratique. Je voudrais vous rassurer, Monsieur Spielmann, à mon avis ce contrôle existe dans notre canton. Seulement, voilà, notre démocratie ne fonctionne pas uniquement avec les autorités politiques. Elle fonctionne sur trois niveaux: bien sûr au niveau des institutions politiques, mais aussi au niveau de l'économie de marché et de ses institutions et, enfin, au niveau de la société, de son éthique, des associations, des critiques et des penseurs. L'exécutif cantonal et le Grand Conseil ne sont pas les seuls contrôleurs dans notre démocratie helvétique; il y a les communes -- je le disais tout à l'heure -- il y a le monde économique et le monde des penseurs. Chacun est un élément de cette démocratie qui peut la contrôler. Le Grand Conseil n'exerce pas un contrôle économique tous azimuts; il n'est que le parlement législatif des institutions politiques. Laissez-le à sa place et ne rêvez pas d'un règne pseudo-démocratique d'un parlement tout-puissant, à la russe!

M. Jean Spielmann (T), rapporteur. Pour moi, ce débat n'est pas un jeu de questions-réponses. En effet, les problèmes soulevés sont essentiels.

M. Lombard a évoqué trois points que je reprendrai dans l'ordre.

Les bénéfices indécents. Je considère en effet que, dans la situation économique que nous traversons, le fait que les trois grandes banques aient, au cours des dernières années, obtenu des augmentations de bénéfices de l'ordre de 21% par année -- des bénéfices plus importants que jamais! -- démontre qu'il y a un grand décalage entre la situation des banques et celle de la société, des entreprises et des collectivités publiques. Les taux d'intérêts pratiqués sont en grande partie responsables de l'étranglement de nombreuses petites entreprises et de nombreuses personnes qui tentent de développer ou de créer des activités. Ils posent de très gros problèmes dans les comptes et le budget de notre collectivité. Alors, je confirme que ces bénéfices sont indécents au vu de la situation générale.

La pratique des banques dans le domaine de l'attribution des emprunts et des prêts aux collectivités publiques ressemble étrangement à la politique du Fonds monétaire international concernant les différents taux de crédits, prêts et conditions économiques qu'il impose au tiers-monde pour le remboursement des dettes. Aujourd'hui, dans ce pays, les grandes banques pratiquent des taux différents aux collectivités publiques en fonction de la politique qu'elles conduisent. Elles interfèrent directement dans la volonté politique de celles-ci. Des exemples précis prouvent que, dans le même après-midi, plusieurs collectivités publiques ont obtenu des taux d'intérêts différents en fonction non seulement de leur politique financière, mais aussi en fonction de la politique menée pour le personnel, pour le volume des investissements, pour le maintien du contrôle des crédits de fonctionnement. Je considère que face à la réalité quelque chose ne «colle» pas; c'est ce qu'il faut corriger. Les bénéfices indécents des trois banques sont un exemple représentatif de la politique que vous menez.

Vous dites que je demande que les bénéfices soient redistribués à l'Etat. Je ne sais pas où vous avez vu ça dans le rapport! J'ai simplement dit que cette situation florissante démontrait qu'il y avait des possibilités de trouver des recettes fiscales qui me semblent plus judicieuses que d'imposer une taxe personnelle aux plus pauvres ou une taxe journalière aux malades de l'hôpital!

L'exemple des banques est un bon exemple pour rendre la fiscalité p0lus transparente. En effet, vous parlez de démocratie, mais celle-ci n'existe plus dès que l'on franchit le seuil des banques en face desquelles la collectivité est complètement démunie. Les 400 millions de suppression du droit de timbre est un exemple des cadeaux fiscaux faits par l'Etat. Mais ensuite, ces cadeaux doivent être compensés par des mesures fiscales prises par la Confédération, soit au niveau de l'imposition directe, soit par la multiplication de nombreuses taxes.

L'élément central de votre intervention est votre définition de la démocratie à trois niveaux. Dans votre esprit, il n'appartient pas au parlement, par conséquent aux élus du peuple, d'intervenir dans le débat économique. Celui-ci doit échapper au débat politique. C'est pourtant un sujet essentiel qui concerne l'emploi, le développement de la société, les bénéfices réalisés par les uns et les autres, la manière avec laquelle on peut vivre dans une société, vivre du fruit de son travail ou du travail des autres par des opérations spéculatives qui génèrent une situation de crise comme celle que nous connaissons aujourd'hui.

Un autre élément me semble tout aussi important. Dans cette démocratie à trois étages, les uns bénéficient de tous les étages, puisqu'ils contrôlent les entreprises et participent aux activités parlementaires, alors que les autres sont confinés dans leur secteur et subissent les décisions essentielles prises au niveau économique. Comment voulez-vous donner un rôle à la collectivité et lui permettre d'assumer ses tâches si vous l'amputez de toute possibilité d'intervention dans les domaines décisifs, c'est-à-dire ceux de l'économie?

Dernier élément. Vous dites que les entreprises privées sont, de par la nature et la manière dont elles sont gérées, plus efficaces, efficientes et performantes que l'Etat et que dans le fond on devrait appliquer les mêmes procédés dans le public. Mais, jusqu'à preuve du contraire, aucune collectivité publique de ce pays n'a encore fait faillite! (Rires.)

M. Armand Lombard. Et les déficits!

M. Jean Spielmann. Or, les faillites n'ont jamais été aussi nombreuses que l'année dernière! Prenez les comptes 1992 et examinez l'avis de l'office des poursuites et vous verrez!

Certains dirigeants économiques ont en effet conduit leurs entreprises à la faillite et ils ont également vendu l'outil de production, bradé le patrimoine industriel de ce canton. Ils sont en grande partie responsables de la crise, aussi il ne serait pas raisonnable d'appliquer les mêmes thérapies à la collectivité publique sous peine de se trouver dans des difficultés financières encore plus grandes. Vous devriez donc manifester un peu plus de pudeur et de réserve dans ce domaine!

Je vois une autre contradiction. Il est bien clair que la politique appliquée consiste à transférer à l'Etat l'ensemble des activités non rentables -- la privatisation des bénéfices et la socialisation des pertes -- et à utiliser celui-ci comme instrument pour effectuer les tâches que vous ne voulez pas assumer, qui sont celles de la formation, de l'encadrement général des conditions de développement de l'économie, qu'il s'agisse des problèmes de circulation, de construction ou d'organisation du marché. La situation est là aussi extraordinairement paradoxale.

Je reviens sur les deux rapports des chambres économiques vaudoise et genevoise, qui s'appuient sur les orientations générales du Vorort 2 1991, pour examiner la situation et fixer quelques lignes directrices, soit le contraire

de ce que vous prônez avec vos théories libérales, une société ultracartellisée dans laquelle la liberté n'existe pratiquement pas, dans laquelle l'Etat est utilisé comme instrument de développement de ces cartels. Et ensuite, au parlement, vous exigez davantage d'investissements et plus de travail prenant ainsi l'Etat pour la vache à lait de la collectivité! Vous parlez des organigrammes blets; je peux moi aussi vous faire une liste de ceux qui les ont mis en place! Cela permettra de démontrer que vous prenez l'Etat pour une vache à lait «juteuse» qui vous sert à placer les «petits copains» à des postes pour lesquels ils n'ont pas grande compétence...

M. Armand Lombard. Je n'écoute même plus, c'est toujours la même ritournelle!

M. Jean Spielmann. Je suis prêt à vous en faire la liste, Monsieur Lombard! Prenons un seul exemple: lorsque le secrétaire du parti libéral ne remplissait pas correctement sa fonction, vous l'avez nommé directeur d'un grand service de l'Etat, sans passer par la hiérarchie, et l'on peut discuter sa manière de travailler. L'organigramme blet est plein de vos propres amis, et il faudrait élaguer tout cela!

M. Michel Balestra, s'adressant à M. Spielmann. Et ça ne t'ennuie pas d'imprimer le Mémorial?

M. Robert Baud (S), rapporteur. En ce qui concerne les loyers non encaissés -- dont plusieurs intervenants ont parlé -- je répète ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir qu'il serait souhaitable d'en discuter au chapitre du département des travaux publics.

Par ailleurs, j'aimerais revenir sur la phrase de Mme Brunschwig Graf au sujet de la prise de conscience de la nécessité de la baisse des effectifs du personnel sur tous les bancs de ce parlement. Il faut effectivement s'en féliciter. J'aimerais néanmoins mettre en évidence la phrase suivante du rapport: «Peut-on envisager une baisse de 10% des effectifs en personnel sans réfléchir sur les conséquences qui surviendront immanquablement au niveau des prestations?». A une prise de conscience au niveau de l'équilibre du budget doit correspondre une prise de conscience au niveau de la qualité des prestations.

Je rappelle l'existence de la motion 734 qui est restée quelque peu en retrait ces derniers mois. Nous avons à Genève des prestations de l'Etat que je qualifierai de qualité au niveau de la santé, de l'enseignement, du logement et des transports. Au niveau des infrastructures, notre appareil économique soutient la concurrence avec d'autres cantons ou d'autres pays. Il faut réellement se poser la question du maintien des prestations au niveau actuel et ne pas prendre le risque de les voir se dégrader à notre insu, si je puis dire. Un budget équilibré ne prend tout son sens que par rapport à des prestations de qualité. Il faut le dire et ne pas se polariser sur le seul équilibre des chiffres de notre budget. Il faut un rapport coûts-bénéfices favorable entre ce qui est dépensé d'un côté et le résultat perçu ou reçu par la population de l'autre.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Après le monde des penseurs, pour plagier M. Lombard, venons-en au monde des dépenseurs! (Rires.)

Les comptes 1992 témoignent que la situation financière de notre canton reste grave, alors même que le respect du budget, «dans sa maîtrise générale est excellent» comme l'a écrit -- et je l'en remercie -- M. le rapporteur général. Il est vrai que, de ce point de vue, Genève fait mieux que la plupart des autres cantons. La rigueur imposée par la crise commence lentement à porter ses fruits. Je m'en réjouis, mais je le répète, la situation financière reste grave et le Conseil d'Etat ne l'a pas caché, puisqu'il écrivait en page 7 de son exposé des motifs que, sans la dérogation accordée par votre parlement lors de la présentation du budget 1992 de réduire les amortissements de 10 à 6%, le déficit 1992 aurait effectivement été supérieur de 35 millions à celui de 1991.

Mesdames et Messieurs, en 1992 -- vous le savez -- l'Etat a dû emprunter 691 millions pour faire face à son fonctionnement et au financement de ses investissements. Sur le plan de la trésorerie viennent s'ajouter encore 331 millions de conversion d'emprunts contractés il y a dix ans et venus à échéance tout au long de l'année 1992. C'est par conséquent 1,22 milliard qu'il a fallu rechercher sur les marchés des capitaux de notre pays. L'endettement 1992 représente donc une augmentation de la charge des intérêts de 85 millions pour 1992, les intérêts négatifs de la dette atteignant au

total 348 millions. Vous savez qu'ils sont budgétisés pour 1993 à 396 millions, à 438 millions pour 1994 et à plus de 500 millions pour 1996. Plus d'un demi-milliard d'intérêt de la dette à payer dès 1995-1996!

Cela veut dire très clairement qu'il faut absolument stopper la croissance des charges financières qui deviennent insupportables et ce, bien entendu, en réduisant nos déficits. Il faut que vous saisissiez qu'à la fin du plan de redressement -- et pour autant qu'il soit strictement respecté -- nos déficits cumulés du seul compte de fonctionnement -- donc de la partie de la dette la plus préoccupante -- atteindront un montant de 3 milliards en 1996. Je dis bien 3 milliards de déficits! Eh bien, encore une fois, c'est la partie de la dette la plus préoccupante, en regard de la dette complémentaire résultant de nos investissements.

Vous comprendrez qu'après tous les efforts entrepris pour redresser les finances en 1993 et jusqu'en 1996-97, avant, puis après amortissement, nous aboutirons à un déficit cumulé du compte de fonctionnement de 3 milliards dont il faudra assurer les charges financières les années suivantes -- et même pour les décennies suivantes -- avec le cumul de la dette complète de l'Etat. Quel héritage allons-nous laisser si réellement nous ne nous attelons pas strictement au respect du plan fixé? Ces déficits sont insupportables!

Au-delà de la séance d'aujourd'hui -- à laquelle assiste, hélas, une petite moitié du parlement -- c'est tout au long des séances plénières -- comme l'a rappelé Mme Torracinta-Pache -- qu'il faut se poser des questions s'agissant des investissements que vous demandez ou des nouvelles tâches que vous souhaitez que l'Etat entreprenne. Il est donc plus qu'indispensable de respecter à la lettre, malgré les difficultés, le plan de redressement des finances publiques. Cela est d'autant plus essentiel que la reprise économique n'est encore pas, hélas, au rendez-vous, même si, sur le plan des rentrées fiscales, 1992 nous a laissé, par chance, des résultats meilleurs que prévus. En effet, globalement, les recettes totales de l'Etat sont en amélioration nette de 67 millions.

Maintenir le cap est d'autant plus important qu'en plus des efforts consentis pour le redressement de nos finances viennent s'ajouter encore les effets douloureux sur le plan humain, sur le plan social et, bien entendu, sur le plan financier d'un chômage beaucoup trop important. Nous devons en

assumer les conséquences à la fois sur le plan suisse, par des contributions exceptionnelles sous forme d'avances à la Confédération, représentant, en 1993, 260 millions que le canton de Genève doit verser à la Caisse fédérale de chômage et dont, sans aucun doute, nous ne verrons pas le remboursement par la Confédération et sur le plan cantonal, par l'aide aux chômeurs en fin de droit qui a représenté, en 1992, 34 millions de salaires.

De ce point de vue là -- comme d'aucuns l'ont dit tout à l'heure -- ces 34 millions de salaires, par rapport aux 12 millions budgétisés, ont pu être absorbés par les économies déjà réalisées sur la masse salariale en 1992, alors que c'est seulement sur six mois de l'année que nous avions, après le vote du 23 juin 1992, pu prendre un certain nombre de mesures complémentaires. Je vous rappelle que, pour 1994, 54 millions sont prévus au budget pour les salaires des chômeurs en fin de droit, et cette somme devra probablement être augmentée. A ces montants-là, toujours pour le chômage, il faut ajouter le «quintuplement» depuis le 1er 0janvier de cette année de la cotisation chômage, dont la moitié est à la charge de l'Etat employeur.

Voilà pourquoi, parallèlement aux efforts gigantesques qui sont entrepris pour redresser les finances dans le respect du plan quadriennal, nous devons trouver des ressources complémentaires pour compenser ce qui doit être fait à tout prix pour réduire le chômage et les coûts inhérents qui en découlent.

Un mot sur les crédits supplémentaires. Je vous rappelle qu'au terme de votre procédure de l'article 12 -- telle que vous l'avez voulue -- instituant une plus grande rigueur dans la gestion budgétaire, on peut constater une réduction sensible des crédits supplémentaires qui ont été demandés en 1992 par rapport aux années précédentes, puisqu'ils se montent à 89,1 millions si je déduis, notamment, la reconstitution de la réserve pour débiteurs irrécouvrables de l'administration fiscale. Cela représente donc 1,81% par rapport aux charges totales de l'Etat, montant qui n'avait jamais été atteint au niveau de sa quotité dans les années précédentes, puisque les crédits supplémentaires se montaient à 3 ou 4% de la charge totale. De l'autre côté de la médaille -- vous n'en avez pas parlé, à l'exception du rapporteur, puisque cela a été évoqué en commission des finances, je tiens à le souligner ici -- s'il y a eu pour 89,1 millions de crédits supplémentaires, il y a eu 85,2 millions de crédits non dépensés globalement sur les rubriques budgétaires, soit 1,74% de la charge totale des dépenses de l'Etat.

Par conséquent, vous constaterez qu'il y a une bonne maîtrise des rubriques budgétaires. Bien entendu, il y a quelques dérapages ici ou là mais, d'une manière générale, grâce -- il faut le souligner et je le dis au nom du Conseil d'Etat -- à la procédure de l'article 12 que vous nous avez imposée, et également à la volonté des départements, cette maîtrise commence à porter ses fruits en matière de crédits supplémentaires.

En ce qui concerne les effectifs et les réductions d'effectifs de la fonction publique en postes et en francs: oui, ils ont été atteints. J'entends remercier ici l'ensemble de la fonction publique pour les efforts entrepris. Pour 1993, les choses sont en voie d'exécution -- j'y reviendrai dans un instant -- mais je tiens à vous dire que cet effort est permanent au niveau de la fonction publique. De ce point de vue, je crois que nous avons réalisé ce que vous nous aviez demandé.

Le Conseil d'Etat ne le répétera jamais assez: une politique de déficits chroniques du compte de fonctionnement nous prive en tout premier lieu des moyens nécessaires pour conduire une politique sociale plus qu'indispensable en période de crise structurelle profonde comme celle que nous traversons. Par conséquent, l'accroissement des charges financières met en péril, très directement, le rôle redistributeur de l'Etat, son rôle de partage qui est une des conditions d'un Etat moderne. Mais le poids toujours plus lourd de la dette affecte aussi notre capacité d'investissement, au moment même où il faudrait faire davantage.

A cet égard, en 1992, nous avons pu assurer un volume brut d'investissements de 523 millions; 523 millions d'investissements bruts! Vous savez que les investissements pour 1993 vont représenter un volume brut d'environ 570 millions -- nous l'avons décidé au titre d'aide à la relance -- mais il faudra assumer le coût de ces charges les années suivantes. Néanmoins, les investissements considérables de 1992 et 1993 devront être sensiblement réduits dès 1994, puisque leur montant sera limité à 250 millions nets, après déduction des recettes d'investissements et après déduction des investissements autofinancés.

Dans tous les secteurs, aucun relâchement ne peut être accepté même s'il restera toujours tentant, pour vous comme pour nous, hélas, de satisfaire aux besoins des jeunes ou des aînés, de financer des investissements, la formation ou la culture. En réalité, un vrai redressement ne pourra se réaliser que si nous savons dire: «halte!», malgré nos tentations, à l'ensemble de ces nouveaux projets. Nous devons tout d'abord réaliser les projets dont les crédits ont été votés, ce que nous n'arrivons pas à faire compte tenu de l'état de nos finances.

Le retour à l'équilibre budgétaire doit donc rester la première des priorités du gouvernement, comme du parlement. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons assurer nos missions essentielles et garantir une politique d'investissements préparant l'avenir.

J'aimerais encore vous dire quelques mots sur l'exécution du budget 1993, puisque nous sommes virtuellement à mi-course. C'est l'occasion de vous apporter quelques précisions au sujet des comptes. Par rapport à l'estimation mensuelle des dépenses possibles, je puis vous dire qu'à la fin du mois de mai les charges de personnel et les dépenses générales sont non seulement tenues mais qu'elles sont en légère diminution. J'espère bien que cela va continuer, mais, en revanche, nous devons craindre un supplément de charges de 10 à 15 millions pour le versement des indemnités aux chômeurs en fin de droit par rapport au montant déjà important que nous avions budgétisé. Les autres charges sont contenues, pour le moment, dans les limites des crédits budgétaires.

Quant aux revenus, vous savez tout d'abord que nous n'avons pu faire partir nos premiers bordereaux qu'après la votation du 6 juin en raison de l'incertitude qui régnait s'agissant de la taxe personnelle. Les soixante dix mille premiers bordereaux produits en 1993 accusent une croissance moyenne d'environ 5% par rapport à la moyenne de 1992. A ce stade, la croissance est donc conforme à nos prévisions budgétaires, mais il est évident -- et je suis prudent -- qu'il faut faire des réserves notamment pour les moyens et gros bordereaux qui restent à produire. Il s'agit bien entendu des bordereaux des personnes physiques. Pour les personnes morales, vous savez que les comptes 1992 avaient enregistré un plus de 22 millions. Nous ne pouvons encore rien vous dire pour 1993 car les bordereaux ne sont pas encore produits.

En revanche, le produit des droits de succession est de nouveau -- semble-t-il -- assez substantiellement supérieur aux prévisions et je vous rappelle que les prévisions du budget 1993 l'étaient avant de connaître les résultats 1992. Nous devrions donc nous situer, en matière de droits de succession, dans la même fourchette qu'en 1992, soit une augmentation du produit d'environ 40 millions.

Les autres recettes non fiscales atteignent à peu près les montants budgétisés. Enfin, en ce qui concerne les investissements 1993, à mi-course, le montant des dépenses, par rapport au total prévu pour l'année entière, est un peu inférieur à ce qu'il était l'année dernière à la même époque.

Pour l'exercice 1993, nous sommes donc dans la bonne voie de l'exécution du budget, mais, de nouveau, nous constatons que les efforts fournis à l'intérieur de l'Etat servent déjà à compenser les charges complémentaires dues à la crise.

Enfin, et avant de conclure, j'aimerais aborder la préparation du budget 1994. Cette élaboration est difficile, je tiens à vous prévenir. Elle est difficile tant au niveau du budget de fonctionnement que du budget d'investissement. Des efforts considérables sont entrepris par le Conseil d'Etat et par les services de chaque département pour tenter de respecter l'objectif fixé. Le gouvernement a déjà tenu deux séances importantes à ce sujet et il a encore planifié deux journées entières, dans les semaines qui viennent, pour tenter de trouver les solutions afin de respecter le cadre directeur du plan de redressement. Ces efforts vont encore demander de la part du gouvernement d'abord, et du parlement ensuite, du courage et de la détermination. Mais je suis convaincu que les efforts de persuasion, la gravité de la situation et la prise de conscience que vous avez toutes et tous soulignés -- je m'en réjouis -- et que vous avez ressentis dans les départements -- que ce soit par la visite des commissaires dans les différents secteurs de l'Etat ou dans le cadre des commissions spécialisées -- devraient pouvoir porter leurs fruits et nous permettre d'atteindre l'objectif fixé pour 1994.

En conclusion de ces débats d'entrée en matière sur les comptes 1992, j'aimerais vous confirmer que nous vivons une étrange époque. En effet, nous vivons plus vieux, mais, paradoxalement, nous devons favoriser la préretraite. Nous étudions plus tard, mais nous trouvons moins de travail à vingt ans. Nous devrions nous serrer les coudes pour ne pas hypothéquer encore davantage l'avenir de nos enfants, mais nous devenons de plus en plus égoïstes et intolérants. Nos décisions et l'évolution technologique et informatique réduisent le rôle de l'homme au profit de la machine, et, par conséquent, il nous faut inventer et imaginer de nouvelles solutions au niveau de l'emploi.

L'Etat est confronté de plein fouet à ces contradictions dans le rôle qui est le sien et dans les applications budgétaires et financières. C'est la raison pour laquelle les comptes d'aujourd'hui, comme les budgets de demain, témoignent de la difficulté à réduire ces contradictions et à assurer, par les moyens les plus adéquats, le redressement de nos finances.

Le chemin sera encore rude, mais à l'instar de ce qu'écrivait Saint-Exupéry dans Citadelle, et je cite: «Ce n'est pas le chemin qui est difficile, mais le difficile qui est chemin».

J'aimerais, au terme de ce débat, remercier tout d'abord les commissaires de la commission des finances, le rapporteur général et le président de cette commission pour le travail intense qu'ils ont fourni dans des conditions toujours plus difficiles, comme parlementaires de milice, par rapport à la technicité et au temps dont ils peuvent disposer pour analyser les comptes avec nous. Mais ce travail est indispensable car il est évident que la collaboration entre votre pouvoir et le nôtre doit nous permettre de mieux garantir le redressement des finances.

J'aimerais ensuite et également remercier mes collègues du Conseil d'Etat et les services financiers de leurs différents départements pour les efforts qui sont entrepris et qui permettent de conduire à bien la politique que nous voulons.

Enfin, j'aimerais publiquement réitérer non seulement ma confiance mais mon respect aux collaborateurs du département des finances, sans lesquels -- en ce qui me concerne en tout cas -- je ne serai pas grand-chose, puisqu'ils me préparent le travail et discutent avec moi des problèmes qui se présentent. Ils tentent de me convaincre de leur point de vue et je tente à mon tour de les convaincre du mien. Merci donc à l'ensemble de mes fonctionnaires qui travaillent pour nous et pour votre parlement.

Je vous remercie de bien vouloir accepter à la fois les comptes 1992 et le rapport de gestion de l'année 1992 tel qu'il vous est soumis par le Conseil d'Etat. (Vifs applaudissements.)

PL 6959-A

Le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le projet est adopté en deuxième débat.

Troisième débat

Le projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue:

Le compte d'Etat 1992, de même que le PL 6961-A, sont adoptés en premier débat.

 

La séance est levée à 10 h 15.