République et canton de Genève

Grand Conseil

I 1857
24. Interpellation de Mme Maria Roth-Bernasconi : Office du personnel de l'Etat et harcèlement sexuel : quelle suite le Conseil d'Etat entend-il donner à sa décision du mois de février 1993 ? ( )I1857

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Le 12 février 1993, le Conseil d'Etat, par arrêté, a mis fin à l'enquête administrative relative aux plaintes déposées par des femmes du service de santé du personnel de l'Etat. Il s'agissait d'atteinte à la personnalité, et notamment de harcèlement sexuel qui était reproché à un haut fonctionnaire envers ses subordonnées.

Suite à cet arrêté, on a confié au chef du personnel, aidé par un consultant extérieur, la tâche de redéfinir la mission et la structure de ce service. Je rappelle également qu'à ce moment personne, ni le fonctionnaire contre qui a été ouverte l'enquête administrative, ni les plaignantes n'ont été déclarés coupables. Néanmoins, le haut fonctionnaire a été déchargé de ses fonctions et, pour les deux plaignantes fonctionnaires, un transfert dans un autre service avait été prévu.

Restait le problème des plaignantes, employées non nommées. Nous avons appris de plusieurs sources que des dossiers administratifs ont été constitués sur ces deux femmes. On les avaient surveillées de près afin de pouvoir leur imputer une incompétence professionnelle qui, comme par hasard, s'est manifestée depuis que l'affaire a éclaté. Par ailleurs, pour une des plaignantes, un licenciement est prévu sous des prétextes fallacieux, ce qui est inacceptable à nos yeux.

Les questions que j'aimerais vous poser, Monsieur le conseiller d'Etat, sont donc les suivantes.

Que vont devenir ces dossiers qui contiennent des pièces défavorables aux plaignantes tendant à prouver leur incompétence professionnelle? Ces pièces vont-elles être enlevées des dossiers? Dans quel service a été déplacé le haut fonctionnaire? Comment sont protégées les plaignantes, notamment celles qui ne sont pas nommées ainsi que les témoins contre qui des sanctions sous forme de licenciement ou d'autres formes de représailles sont opérées ? En effet, il nous semble très important de pouvoir garantir que ces personnes ne subissent pas de sanctions suite à leur dépôt de plaintes. Si tel devait être le cas, qui des femmes victimes de telles atteintes à leur personnalité, soit dans la fonction publique, soit dans le privé, osera encore briser le silence face à des atteintes qui, selon un rapport récent, sont assez fréquents? Il est important que l'Etat ne donne pas un mauvais exemple.

Qu'en est-il de la procédure de nomination interrompue au moment de l'enquête? Va-t-elle reprendre et, si oui, à quel moment?

Le règlement du personnel de l'administration cantonale, qui stipule qu'aucun document ne peut être utilisé contre un membre du personnel sans que celui-ci n'en ait eu connaissance et qu'un délai ne lui ait été fixé pour faire part de son point de vue, a-t-il toujours été respecté dans ce service? Nous avons appris que les compétences professionnelles, notamment de l'une des plaignantes, infirmière de métier -- comme moi-même d'ailleurs -- ont été mises en cause.

Pourriez-vous nous expliquer les raisons de tels reproches alors que de tels procédés sont extrêmement rares et à l'Etat et dans ce métier et que les compétences de cette personne étaient reconnues jusqu'au moment du dépôt de la plainte? Est-ce que le transfert de ces deux plaignantes fonctionnaires a été effectué? Que va devenir ce service de l'Etat? Est-il possible d'avoir des informations concernant les restructurations? A quel stade se trouve la procédure d'adoption de nouvelles règles par rapport à la procédure administrative, en ce qui concerne les atteintes à la personnalité et notamment le harcèlement sexuel? Quand pensez-vous nous fournir une réponse à la motion 813 déposée le 2 octobre 1992?

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. J'aurais aimé vous éviter une prolongation de votre séance de nuit, mais la patience de celles qui depuis cet après-midi sont à la tribune pour attendre ma réponse, connue d'ailleurs pour partie par les syndicats et le Comité contre le harcèlement sexuel, m'oblige à vous répondre ce soir. Je tiens à le faire, ce d'autant que Mme l'interpellatrice a eu la courtoisie, ce qui est rare dans ce dossier, de me communiquer hier soir les questions qu'elle allait me poser, ce qui me permet de vous donner des réponses précises. J'y répondrai donc comme suit.

Tout d'abord à la question numéro un. Je vous rappelle que tout employé de l'Etat a un dossier administratif. On ne peut donc pas affirmer que des dossiers spécifiques auraient pu être constitués pour les deux plaignantes en question. En ce qui concerne les deux personnes auxquelles vous pensez, leurs dossiers comportent effectivement un certain nombre de remarques se référant en partie à la période durant laquelle s'est déroulée l'enquête administrative. Ces remarques ont été analysées par l'office du personnel, intégrées dans un contexte plus large et ont abouti, dans un cas, à une appréciation positive et, dans l'autre, à une appréciation avec réserves. Toutes ces pièces ont été portées à la connaissance des personnes qui ont pu s'exprimer à leur sujet.

A la question numéro deux, relative au déplacement du haut fonctionnaire, j'aimerais vous indiquer que ce dernier est toujours en congé maladie; il n'a par conséquent pas pu être déplacé. La décision du Conseil d'Etat est appliquée et il ne reviendra pas dans le service qu'il dirigeait. Son état de santé d'ailleurs est fort préoccupant.

La question numéro trois a trait à la protection des plaignantes. J'aimerais rappeler ici, Madame l'interpellatrice, que ces personnes n'ont jamais été menacées sur le plan professionnel en raison de leur action envers le haut fonctionnaire et de leur témoignage.

Au contraire, j'aimerais affirmer ici que l'office du personnel a examiné avec soin la situation de chaque personne, chacune ayant pu s'exprimer librement et longuement, et, pour chacune d'entre elles, de nombreuses démarches ont été entreprises afin de favoriser un changement d'affectation dans un poste convenable. J'aimerais dire -- ce que mes collaborateurs ont confirmé au syndicat reçu il y a quelques jours -- qu'en ce qui concerne le dossier avec réserves, j'ai toujours considéré, dans le cadre de cette affaire, qu'en définitive il fallait donner encore une chance et que, par conséquent, il n'y aura pas de licenciement de l'une ou l'autre des plaignantes.

La quatrième question avait trait à la procédure de nomination interrompue au moment de l'enquête. J'aimerais dire que la procédure de nomination n'a jamais été interrompue. Cependant la période probatoire a été prolongée d'une année et ce pour une seule personne. La prolongation de la période probatoire est une pratique courante dans des situations où la hiérarchie ou d'autres circonstances ne permettent pas de se prononcer objectivement sur les prestations d'un collaborateur. Suite à un éventuel transfert de cette personne, que j'appelle moi aussi de mes voeux et qui se réalisera j'en suis certain, il appartiendra à la nouvelle hiérarchie de se déterminer et, si c'est positif, de procéder à la nomination.

A la cinquième question, relative au règlement du personnel de l'administration cantonale B 5 1 qui stipule qu'aucun document ne peut être utilisé contre un membre du personnel sans que celui-ci n'en ait eu connaissance et qu'un délai lui ait été fixé pour faire part de son point de vue, j'aimerais dire ici qu'à ma connaissance le règlement a été respecté dans ce sens qu'aucun document, dont les personnes concernées auraient pu avoir connaissance, ne leur a été caché et qu'elles ont pu s'exprimer sur ces documents.

Quant à la question numéro six concernant la mise en cause des compétences professionnelles de l'une des plaignantes notamment -- infirmière de métier comme vous, Madame l'interpellatrice -- je puis vous dire que, contrairement à ce que vous affirmez, il appartient aux chefs de service de vérifier régulièrement l'adéquation professionnelle des collaborateurs et la manière dont ils exercent leurs compétences professionnelles. Il est vrai que dans ce cadre un certain nombre de réserves ont été émises concernant une des personnes visées, mais cela indépendamment de l'affaire citée au début de votre interpellation, et je vous ai fait part, en ce qui me concerne, des instructions que j'avais transmises.

A la septième question, est-ce que le transfert des deux plaignantes fonctionnaires a été effectué, je vous indique, tout d'abord de manière générale, qu'en raison des restrictions budgétaires et des diminutions d'effectifs, il est évident que le nombre des postes à repourvoir au sein de l'Etat est limité. Cela est vrai pour toutes les collaboratrices et collaborateurs désireux de changer de place. Mais, en ce qui concerne le cas d'espèce des deux personnes que vous mentionnez, des démarches sont en cours et des solutions provisoires ont pu être trouvées en attendant des affectations définitives. Je puis dire que les collaborateurs de l'office du personnel, tout particulièrement chargé de ces cas, mettent tout en oeuvre pour que ces changements d'affectation aboutissent. J'aimerais dire ici que je compte aussi -- ce qui n'est pas facile -- sur l'appui de mes autres collègues du Conseil d'Etat dans le cadre des départements respectifs pour lesquels un certain nombre de places ont pu être trouvées pour ces collaboratrices, et j'espère que, dans les meilleurs délais, ces déplacements et ces changements d'affectation pourront être confirmés.

Enfin, vous m'avez posé encore deux questions. L'une, que va devenir ce service de l'Etat, est-il possible d'avoir des informations concernant les restructurations? Concernant l'avenir du service de santé du personnel, le Conseil d'Etat vient de recevoir -- je l'ai reçu le 1er juin -- le rapport de l'expert mandaté sur l'analyse du service et des propositions de restructuration. J'ai reçu encore, conformément à l'arrêté du Conseil d'Etat, l'avis de l'office du personnel que j'ai également remis au Conseil d'Etat. Les collaborateurs et collaboratrices du service ainsi que les représentants syndicaux ont été informés par mes collaborateurs cette semaine du dépôt et des grandes lignes de ces rapports. Par conséquent, le mandat confié au directeur général par l'arrêté du Conseil d'Etat mettant un terme à l'enquête administrative et à un consultant externe a été mené à son terme dans les délais. J'entends avec le Conseil d'Etat mettre à exécution les conclusions qui nous sont proposées. Je reviendrai ultérieurement dans le cadre des commissions de ce Grand Conseil sur les modifications et le programme de restructuration du service de santé de l'Etat.

Enfin, vous me posez une dernière question, à savoir quand vais-je répondre à la motion 813 qui a trait à la réflexion sur la modification des procédures. Un groupe de réflexion interdépartemental -- je vous l'avais annoncé -- a été constitué au début de cette année entre le département de justice et police et le département des finances, respectivement entre un membre du secrétariat général du département de justice et police, un membre du bureau de l'égalité et un membre de l'office du personnel. Ils ont tenu plusieurs séances dont la dernière a eu lieu hier, jeudi 10 juin. Des propositions nous ont été formulées; je viens de recevoir de mon collègue du département de justice et police encore un certain nombre d'éléments complétant les propositions qui nous ont été faites.

Par conséquent, à la suite de la séance de hier, un consensus a été trouvé et, dès lors, une proposition sera prochainement présentée au Conseil d'Etat qui, s'il la ratifie, élaborera, soumettra pour consultation, puis publiera un règlement visant à régler la procédure en cas d'atteinte au droit de la personnalité à l'intérieur de notre administration. Dès lors, il devrait être répondu à la motion 813 d'ici septembre prochain, mais dans le sens que je viens de vous indiquer.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Je remercie M. le conseiller d'Etat de ses réponses. Je me réserve le droit de répondre lors d'une prochaine séance.