République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 11 juin 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 6e session - 24e séance
PL 6803-A
Premier débat
M. Jacques-André Schneider (Ve). J'aimerais simplement dire deux choses en ce qui concerne ce projet. La première est que, lorsque nous avons vu la série de propositions, de projets de lois et de motions provenant, je dirais, des bancs d'en face, nous avons eu quelques inquiétudes. La deuxième est qu'une concertation efficace a permis d'accoucher d'un projet de loi, certes pas folichon, mais qui donne la possibilité de faire bouger un certain nombre de choses. Il y a sans doute une réflexion à faire concernant la durée des procédures d'autorisation, mais ce sera pour une autre fois.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). D'emblée, je tiens à remercier les commissaires de tous les partis pour l'ouverture d'esprit dont ils ont fait preuve en commission. Ils ont parfaitement compris le rôle capital -- et je ne suis pas tout à fait d'accord avec Me Schneider sur ce sujet -- que pouvait jouer cette modification de la LDTR pour sauver des places de travail et des entreprises, et cela sans faire appel aux deniers publics, tout en considérant que les loyers des appartements rénovés correspondront au besoin prépondérant de la population.
Je remercie en particulier le rapporteur David Lachat pour sa collaboration et pour la qualité de son rapport, ce qui n'allait pas de soi vu la nature éminemment politique de ce dossier.
Nous avons aujourd'hui la responsabilité d'adopter un projet de loi qui doit transformer la LDTR en un instrument permettant réellement d'encourager la rénovation du domaine bâti à Genève. Le projet que vous propose, à l'unanimité, la commission aura pour effet d'encourager les propriétaires à entreprendre immédiatement des travaux. En votant ce texte aujourd'hui, vous mettrez à disposition du Conseil d'Etat un levier qui lui permettra de provoquer un électrochoc en faveur de l'industrie de la construction qui en a bien besoin... (MM. Grobet et Vodoz conversent en aparté.) ...malheureusement les conseillers d'Etat ne s'en préoccupent pas beaucoup! Ils ne m'écoutent pas du tout! (Rires des deux conseillers d'Etat assurant le député de toute leur attention.)
L'importance des travaux d'entretien et de rénovation n'est plus à démontrer. L'Office fédéral des questions conjoncturelles a estimé la part de ces travaux à plus de 40% de l'activité de la construction. Selon la brochure éditée par le département des travaux publics -- cahier de l'aménagement N° 1 intitulé «Les rénovations d'immeubles d'habitation à Genève», page 14 -- 56% des immeubles à plusieurs logements ont été construits avant 1946 et 44% avant 1975. Vous conviendrez avec moi qu'au vu de cette statistique il existe une réserve de travail très importante, insuffisamment exploitée jusqu'à aujourd'hui. En effet, les taux de rendement accordés n'étaient pas suffisants. Pour cette raison, même les fonds de prévoyance commençaient à renoncer à entretenir leurs immeubles, car le rendement escompté ne leur aurait pas permis de garantir le versement des rentes à leurs assurés. Le parc immobilier genevois vieillit dangereusement au détriment des locataires et des propriétaires.
Je n'entends pas entrer dans les détails du calcul mis au point par la commission. Ce dispositif relativement compliqué permettra -- et c'est là son avantage -- de fixer la rentabilité des travaux effectués à un niveau légèrement supérieur à celui des taux d'intérêts hypothécaires en vigueur, tel que cela ressort de l'annexe 3 du rapport, et pour autant, bien sûr, que le Conseil d'Etat manifeste la volonté d'appliquer ce calcul comme la commission l'a fixé et selon l'esprit de celle-ci. C'est dire qu'en matière de rénovation du domaine bâti, le canton a en main un remède qu'il peut administrer pour déclencher la relance, condition indispensable pour créer des emplois dans une branche de l'économie dont l'effet multiplicateur est prouvé. Il incombe donc au Conseil d'Etat de prendre ses responsabilités.
Dans la situation actuelle, il faut que la LDTR soit appliquée avec souplesse car la procédure décrite à la page 9 du rapport montre bien que le propriétaire doit déjà accomplir un parcours du combattant avant de pouvoir entreprendre les travaux. Dans la pratique, il conviendra d'utiliser toutes les possibilités de simplifier les démarches administratives pour permettre le démarrage des chantiers de rénovation indispensables à la survie des entreprises.
En conclusion, j'adresse un merci particulier aux éminents juristes que sont Mes Jacques-André Schneider et David Lachat qui ont rendu la commission attentive aux conséquences que pouvait avoir sur ce projet de loi l'arrêt que le Tribunal fédéral a récemment publié -- arrêt Fracheboud.
Ensemble, nous avons pu dégager pour notre canton des solutions qui sont parfaitement en accord avec le droit fédéral, s'agissant d'assurer aux locataires le maintien de la protection dont ils bénéficient depuis l'entrée en vigueur du nouveau droit de bail.
C'est ainsi que Genève gagnera et c'est en agissant de la sorte que je conçois la politique. C'est pourquoi je pense que Charles de Gaulle avait raison lorsqu'il a dit: «En dehors des réalités, il n'y a pas de politique qui vaille».
M. Hervé Dessimoz (R). Je voudrais simplement rappeler qu'en 1992, lorsque nous avons présenté ce projet dans le domaine du logement, l'esprit de confrontation prévalait et M. Lachat m'avait qualifié de desperado. En 1993, l'esprit de concertation prévaut et permet de travailler à des dossiers délicats, à conclure des accords négociés donnant satisfaction aux parties.
Le projet de loi 6803 en est un exemple qui n'est pas isolé. Lors d'un précédent débat, ce parlement votait un contreprojet de la commission du logement sur l'initiative 25. La commission du logement a trouvé ses marques, elle montre la voie; puisse-t-elle être suivie! Le rapport de M. Lachat est clair et concis. Les intervenants m'ayant précédé ont également évoqué les améliorations apportées à la loi. Cosignataire de ce projet, je voudrais vous dire combien cette nouvelle loi permettra de générer un souffle plus dynamique en faveur des rénovations et transformations. Par exemple, elle permettra à l'architecte et à l'ingénieur de proposer des scenarii crédibles aux propriétaires d'immeuble, donc de les encourager à investir.
Sans crier victoire, car la reprise conjoncturelle dans le secteur de la construction reste délicate, je puis néanmoins espérer que l'adoption de cette loi constituera un geste d'encouragement pour les investisseurs et les propriétaires. Certes, la reprise est faite de réalités -- baisse des taux hypothécaires, augmentation du volume des échanges, etc. -- mais elle est aussi psychologique. Elle est faite de signes politiques, et l'adoption du projet de loi 6803 représentera certainement un signe tangible de notre volonté d'encourager les chantiers de rénovation et de transformation. C'est la raison pour laquelle le parti radical vous prie de bien vouloir accepter cette loi.
M. Jean Opériol (PDC). Pour ma part, je ne dirai que mon adhésion totale et celle de mon groupe à ce projet de loi 6803. Mon souhait est que nous trouvions dans ce Grand Conseil la même unanimité que celle que nous avons trouvée à la commission du logement qui a traité de ce projet de loi. Il n'est en effet pas courant de constater que l'on arrive à trouver un consensus général lorsque l'on parle d'adaptation à la hausse de taux de rentabilité, d'évolution à la hausse tant des loyers que du niveau du besoin prépondérant tel qu'il avait été fixé au début et à l'origine de la LDTR. Nous avons pu trouver ce consensus grâce à l'effort de tous les commissaires et notamment, comme on le dit parfois, de ceux des bancs d'en face qui, en l'occurrence, étaient tous sur le même banc, je me plais à le relever.
En fait, les commissaires ont bien compris l'enjeu de la partie. Il ne s'agissait pas uniquement de savoir qui allait gagner quoi et qui allait posséder qui, mais de savoir, grâce à la modification de ce projet de loi, comment tenter de sortir Genève de la crise, de lui apporter un ballon d'oxygène pour sa relance et de s'occuper un peu plus sérieusement qu'aujourd'hui du quota de chômeurs concernés.
Il faut souligner la confiance mutuelle des commissaires et, comme M. Lachat le dit dans son rapport, la guerre de la LDTR n'a pas eu lieu. Quant à moi, je peux dire avec vous ce soir que la guerre du logement est peut-être terminée et que le locataire genevois a enfin cessé d'être du matériel, sinon une munition électorale.
M. David Lachat (S), rapporteur. Permettez-moi de prendre un tout autre ton pour vous adresser des protestations des plus véhémentes. J'ai fait l'objet, en ma qualité de rapporteur, d'une inadmissible censure préalable de la part de l'un de nos collègues et je tiens à protester haut et fort. J'avais écrit dans mon rapport que le député Gardiol était une véritable calamité tant il était combatif, efficace et redoutable... et je persiste.
Revenons au consensus auquel nous sommes arrivés après de très longs pourparlers et de très longues négociations, non seulement au sein de ce Grand Conseil, mais avec les partenaires sociaux du logement et de la construction. Ce consensus ne porte pas seulement sur ce projet de loi, mais implique -- et nous en remercions les auteurs -- le retrait de deux projets de lois concernant la LDTR, les projets 6498 et 6802 qui seront retirés lorsque le délai référendaire concernant le projet de loi que nous examinons ce soir sera expiré.
Une toute dernière remarque d'ordre tout à fait technique. Avec l'accord de la plupart des membres de la commission que j'ai pu consulter, je propose un amendement à l'article 6, alinéa 10, du projet, qui comporte, je crois, une erreur de plume. Nous souhaitons que l'on en reste au texte actuel de cette disposition en le nuançant:
«Le département peut, en cas de transformation au sens de l'article 3, alinéa 1, renoncer à la fixation...»
Donc, par rapport au texte qui vous est proposé, c'est une faculté qui est accordée au département de renoncer à la fixation des loyers et des prix. On n'indique pas «renonce» mais «peut renoncer» et la notion de transformation de la loi est visée à l'article 3, alinéa 1, et non pas seulement à l'article 3. Une petite modification technique que je vous remercie d'approuver tout à l'heure.
M. Pierre-Alain Champod (S). Je n'ajouterai pas grand-chose à ce qui a été dit, si ce n'est de rappeler que la LDTR est une loi qui a été mise en place par le peuple par voie d'initiative et qui avait et a toujours pour but principal de protéger le parc immobilier existant. Comme cela a été dit par les autres groupes, nous avons pu trouver, lors des travaux de la commission, un arrangement. Pour tenir compte de la récession, nous avons accepté un petit plus au niveau des calculs des travaux, mais en restant dans les limites fixées par le droit fédéral. De l'autre côté, la droite a accepté de retirer deux projets de lois. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera ce projet de loi avec l'amendement de M. Lachat.
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Je me félicite qu'une unanimité ait été trouvée au sein de la commission du logement sur cette question. Je rappellerai aussi que le département des travaux publics a fait certaines propositions pour tenter de faciliter le plus possible les investissements dans la rénovation. Effectivement, comme M. Gardiol l'a indiqué, c'est un domaine extrêmement important et dès 1982-1983 -- on peut s'en féliciter -- le volume des travaux de transformation et de rénovation des immeubles d'habitation s'est considérablement développé pour ensuite diminuer ces deux dernières années.
Cette diminution, vous le savez comme moi, n'est pas le fait de l'application de la LDTR. Elle ressort d'un phénomène général dans le
secteur de la construction dû principalement au manque de financement. Lorsque j'interpelle les bénéficiaires d'autorisations de construire pour savoir pourquoi tel ou tel projet ne démarre pas, la réponse est constamment la même: «Nous ne trouvons pas le financement auprès des banques». Je crois que cela est notoire même si certains ne veulent pas l'admettre publiquement. Il faut aussi reconnaître qu'aujourd'hui les banques se montrent trop exigeantes en ce qui concerne l'attribution de crédits. C'est indiscutablement le contrecoup de la politique beaucoup trop laxiste de la deuxième moitié des années 80 qui a mené aux pires abus et aux dérapages que nous payons extrêmement cher aujourd'hui.
Tout effort entrepris pour tâcher de permettre le démarrage de certains chantiers est bienvenu, mais comme cela a été rappelé par le rapporteur et par plusieurs députés, nous sommes limités par les exigences de la loi fédérale en matière de protection des locataires quant à la fixation des augmentations de loyers pour des travaux à plus-value. Par voie de conséquence, notre marge de manoeuvre est relativement étroite et je tiens à dire ici que le département des travaux publics a, par rapport à la jurisprudence du Tribunal fédéral dans ce domaine, appliqué la LDTR avec générosité. Je le soutiens et juste pour votre gouverne -- puisque tout à l'heure vous avez parlé d'un récent arrêt du Tribunal fédéral -- sachez que la commission de recours, il y a une quinzaine de jours, a cassé une autorisation délivrée par le département des travaux publics pour la rénovation d'un immeuble dans le quartier de Plainpalais, considérant que les loyers que nous avions admis étaient trop élevés et n'étaient pas conformes aux exigences légales. Je le signale à l'intention de ceux qui penseraient que le département des travaux publics se montre trop restrictif.
J'ai toujours dit qu'à partir du moment où nous ne respecterions plus les exigences du droit fédéral, il y aurait recours des locataires. Jusqu'à une année ou deux, les décisions, les autorisations délivrées par le département des travaux publics n'étaient quasiment jamais contestées. M. Robert Ducret me rappelait qu'en matière de contrôle cantonal les loyers sont fixés par l'administration, ce qui offre une garantie importante au propriétaire, car, en général, ils sont bien acceptés par les locataires. Mais si l'administration va au-delà des normes admises par le droit fédéral, il y a risque de recours. Je constate simplement qu'aujourd'hui les autorisations délivrées par le département des travaux publics sont moins bien acceptées par les locataires que par le passé.
Monsieur Gardiol, vous pouvez être certain que le département des travaux publics respectera la loi. Nous le faisons toujours, et ne le ferions-nous pas qu'immédiatement nous nous exposerions à des recours aussi bien de la part des propriétaires, dans l'hypothèse où nous ne serions pas assez généreux, ou de la part des locataires si nous l'étions trop. Nous savons que toutes nos décisions sont examinées de très près par les milieux intéressés et, par voie de conséquence, nous sommes particulièrement attentifs à ce que la loi soit correctement appliquée. De surcroît, nous nous efforçons de faciliter l'instruction des requêtes. Le service de l'habitat, avec sa responsable, Mme De Roulet, fait véritablement un travail extrêmement efficace et les professionnels savent que leurs dossiers aboutiront rapidement, pour autant qu'ils se donnent la peine de les présenter correctement et de travailler avec le service de l'habitat.
Le projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Article unique (souligné)
La présidente. Nous avons une proposition d'amendement de M. Lachat modifiant légèrement l'alinéa 10 de l'article 6 à l'intérieur de l'article unique (souligné):
«Le département peut, en cas de transformation au sens de l'article 3, alinéa 1, renoncer à la fixation...»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
L'article 6, al. 8 et 10 (nouvelle teneur), ainsi amendé, est adopté, de même que l'article 7, al. 1 (nouvelle teneur).
L'article unique (souligné) est adopté.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue: