République et canton de Genève

Grand Conseil

M 863
12. Proposition de motion de Mme et M. Vesca Olsommer et Andreas Saurer concernant la mise en oeuvre d'une stratégie de la durabilité pour les équipements et le mobilier de l'Etat. ( )M863

Débat

Mme Vesca Olsommer (Ve). Je rappelle tout d'abord l'article constitutionnel auquel je fais allusion: «La conservation de l'énergie est notamment obtenue ... par l'encouragement de l'amélioration de la durabilité des objets manufacturés». Dans la motion, nous expliquons ce qu'est le concept de durabilité: il s'agit de promouvoir la plus longue utilisation possible des produits, de valoriser la durée d'utilisation des biens de l'Etat. Nous en avons expliqué les objectifs: la diminution des déchets, la conservation de la matière première et de l'énergie qui ont servi à fabriquer ces produits, une incidence sans doute favorable sur le budget de l'Etat et la création de postes de travail pour l'entretien, la maintenance, la réparation et le contrôle.

Nous avons aussi dit qu'il était important que l'Etat joue un rôle pilote dans cette conception et nous avons parlé de quelques aspects psychologiques. Voilà la motion résumée. Nous nous adressons donc à l'Etat consommateur, à l'Etat constructeur et lui demandons s'il se comporte en

consommateur économe, écologiquement averti. Nous lui demandons selon quels critères il conçoit ses activités d'approvisionnement, d'utilisation et d'élimination de ses biens, équipements et agencements. Une première réponse, portant sur certains produits et certains services, a été donnée dans le rapport du Conseil d'Etat aux motions 685 et 682 sur l'écologie au bureau et sur le recyclage du matériel scolaire.

Il est vrai que, dans les domaine du tri, du recyclage, de la récupération concernés par les motions précitées, l'Etat est véritablement entré dans un processus d'économie et de recyclage. Nous l'en félicitons et nous l'en remercions. La stratégie de la durabilité, c'est autre chose. C'est une tactique supplémentaire qui, prenant place à côté du recyclage et du tri, comporte la notion de durée d'utilisation. Pour appliquer cette stratégie de la durabilité, il faut faire appel à d'autres critères d'achat que ceux utilisés pour le tri, le recyclage ou la récupération.

J'en souligne quelques-uns: privilégier dans la politique d'achat les fabricants ou vendeurs qui garantissent la remise à jour technologique, proposent plutôt des services d'entretien que la vente pure et simple, assurent la livraison des pièces de rechange et le suivi du service d'entretien. Il faut donc se tourner vers des conceptions modulaires qui permettent une stratégie d'adaptation des produits, la réutilisation soit des produits, soit de leurs composants. Il s'agit donc de tout autre chose, encore une fois, que du tri, du recyclage et de la récupération. C'est un concept qui prend place à leur côté.

A travers cette énumération, on se rend compte que le but final est la diminution des déchets parallèlement, comme je l'ai dit, à la conservation de l'énergie grise -- celle qui a été utilisée pour fabriquer les objets -- la diminution de la matière première et, sans doute aussi, la création d'emplois décentralisés. J'ai fait allusion, dans la motion, à un groupe de travail qui étudie les mesures écologiques à la source, et je me demandais si, à ces réflexions, pouvait s'ajouter celle de la durabilité. C'est un souci d'économie du travail. L'Etat étant surchargé de propositions de motions et autres, et puisque cette commission existe déjà, je propose qu'elle ajoute à ses réflexions sur les économies à la source celle de la durabilité qui, je l'espère, vous a convaincus.

Les questions que je viens de poser font l'objet de la première invite et c'est assez simple. La deuxième invite est un petit peu plus complexe. Nous

affirmons, nous écologistes, avec l'administration fédérale, ainsi qu'avec plusieurs administrations cantonales et communales en Suisse, qu'une stratégie de la durabilité a des effets favorables sur l'environnement. La conservation de l'énergie et des matières premières a des effets sur la gestion des déchets et le budget de l'Etat. Nous demandons donc à l'Etat de confirmer ou d'infirmer ce postulat. Pour avoir une réponse à cette deuxième invite, il faudrait choisir un ou deux équipements de l'Etat, leur appliquer une stratégie de durabilité, en vérifier les effets selon plusieurs paramètres et en tirer une stratégie plus globale. Si les invites ont un caractère très général c'est que les équipements de l'Etat sont extrêmement variés. Nous ne les connaissons pas tous et ce n'est pas nous, simples députés, qui pouvons proposer un choix en vue d'une étude de durabilité. Les équipements et agencements de l'Etat sont très variés -- véhicules, informatique, matériel de soins, constructions, instruments pour mesurer la pollution, etc. -- et conviendraient très bien à une étude de durabilité.

Je répète que plusieurs administrations cantonales et fédérales sont entrées dans ce processus de la durabilité; des études ont été demandées. Il existe des instituts de la durabilité à Genève auxquels la Confédération a confié un mandat d'étude. Il en existe un dans le canton de Vaud qui a reçu une subvention dudit canton dans le but de diminuer les déchets. Des entreprises ont fait appel à ces instituts justement pour limiter leurs frais de recyclage et d'élimination des déchets.

Je voudrais donner quelques exemples de questions qui peuvent se poser. Faute de budget approprié, il est impossible d'acheter et changer les pièces de certains véhicules appartenant à l'Etat. Ils sont donc confiés à des garagistes et cela revient beaucoup plus cher. Il fut un temps où peut-être l'Etat pouvait faire appel à des services externes. Ce n'est certes plus le cas aujourd'hui. Beaucoup de collaborateurs se demandent si l'Etat ne devrait pas maintenant avoir des ateliers de réparation qui seraient certainement moins coûteux. A l'hôpital, on nous dit que des lits dont le circuit électrique est abîmé ne servent plus. On ignore ce qu'on en fait. Il en va de même pour les chaises de handicapés. Si l'on interroge les responsables d'entreprises en démolition à Genève, on apprend que certains édifices, construits en léger, sont repris, remontés ailleurs, alors que d'autres sont complètements brûlés. Il y a là toute une démarche à entreprendre et à coordonner sur le plan global.

Pour finir, je voudrais dire que le salon sur le recyclage des ordinateurs «Computer 93» s'est tenu à Lausanne et que les organisateurs ont été surpris du nombre de fonctionnaires qui sont venus demander des informations sur le recyclage et la durabilité des ordinateurs à l'Etat de Genève. Les collaborateurs sont motivés, mais peut-être y a-t-il un problème de conception globale? C'est la raison pour laquelle je vous prie de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Jean Montessuit (PDC). J'avais cru comprendre que Mme Olsommer proposait le renvoi à la commission de l'économie. Faute d'une préparation donnée par des gens plus compétents que nous, des débats en commission sur des sujets aussi techniques sont généralement stériles et suscitent des controverses. C'est pourquoi je proposais de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat, dès lors que l'on entrait en matière.

M. Thierry Du Pasquier (L). Voici ce que je devrais appeler une petite motion, selon Mme Reusse-Decrey! Je soutiens pleinement ce qu'a proposé Mme Olsommer. (Brouhaha.) Il est vrai qu'il s'agit d'un sujet peu susceptible de passionner les foules et pourtant le souci qui est exprimé est très important.

L'habitude de jeter des objets défectueux au lieu de les faire réparer est héritée d'une période de surchauffe. Elle est absurde à plus d'un titre. Elle fait consommer des matières premières et de l'énergie et provoque la délocalisation des entreprises de notre pays dans les pays du «Far East». Je crois que, dans ce domaine comme dans d'autres, il appartient à l'Etat, non pas de régler tous les problèmes, mais de donner l'exemple.

Actuellement, l'on trouve trop d'exemples, à l'intérieur de l'administration, de pratiques condamnables dans ce sens. Tout le monde sait que l'on a remplacé du matériel du département de l'instruction publique sans que la nécessité de son renouvellement soit démontrée. Tout le monde connaît la démarche excessive du service des automobiles qui, avec la complicité peut-être de certains professionnels, envoie à la casse des milliers d'automobiles qui auraient pu encore servir pendant plusieurs années, sans compromettre la sécurité.

Ces problèmes de société ne sont pas faciles; ils sont importants et je serais ravi que, suite à cette motion que je propose de renvoyer au Conseil d'Etat, notre gouvernement exprime sa philosophie sur ce point.

M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Au nom du Conseil d'Etat, nous nous félicitons du dépôt de cette motion qui traite d'un réel problème. Effectivement, notre société de consommation est devenue une société de gaspillage. C'est effrayant de voir le nombre d'objets encore en état d'usage aux Cheneviers ou ailleurs, parce qu'ils ont un petit défaut, alors qu'ils auraient pu être réparés. Je dois dire que les élèves qui visitent les Cheneviers sont souvent très choqués de voir un tel nombre d'objets mis à la décharge.

Le cas le plus choquant fut la liquidation, pour des raisons douanières, de tout le matériel d'exposition de TELECOM, bien qu'Orgexpo ait fait un effort important pour mettre en place la récupération et le recyclage des aménagements, matériaux, tapis, etc. C'est à la suite de cette affaire de TELECOM, l'exemple le plus frappant de gaspillage, qu'Orgexpo a mis sur pied cette année le congrès et l'exposition de recycling.

Récemment, j'ai eu l'occasion de parler avec l'ambassadeur de l'Inde -- évidemment les conditions sont très différentes en Inde, les salaires y sont plus bas -- qui me disait être effaré des prix pratiqués chez nous pour la moindre réparation d'un objet que l'on jetait, par conséquent, alors que, dans son pays, les objets étaient réparés et réutilisés. Je vous signale, et c'est une préoccupation qui a été évoquée par certains députés dans cette enceinte, que nous allons mettre sur pied un atelier de chômeurs pour réparer les appareils électroménagers. Nous vous en dirons plus dans un certain temps. Actuellement, nous pourrions vraisemblablement organiser un certain nombre d'ateliers de chômeurs pour le genre d'interventions que vous décrivez, bien qu'elles posent un problème de rentabilité économique.

Mais il faut relever également que cette foule d'objets acheminés aux Cheneviers coûte très cher à la collectivité, au niveau du traitement des déchets. Indépendamment de la déperdition des matériaux que représente la destruction par incinération d'objets, on a intérêt, sur le plan financier, à ce que tout ce qui puisse être récupéré le soit. Puisque vous avez demandé, Monsieur Du Pasquier, quelle était notre philosophie dans ce domaine, nous

vous répondons qu'elle consiste à récupérer et à recycler tout ce qui peut l'être. Cela implique la mise en place, Madame, de filières de récupération. C'est là un long processus, mais si vous lisez attentivement l'avis «Tous ménages» annuel que nous distribuons avec l'avis communal, vous verrez que la liste des objets susceptibles d'être récupérés et celle des organisations et entreprises qui s'occupent de recyclage s'allongent au fil des années. Pour certains objets, il faut citer l'action notamment du Centre social protestant et celles d'autres institutions. Je crois que votre motion vient à son heure.

Pour terminer, je voudrais rappeler que dans l'administration nous avons axé la récupération sur le papier. Nous faisons une action exemplaire au niveau de la récupération du papier de bureau dans l'administration cantonale qui va certainement servir d'exemple aux administrations privées. Nous avons étendu la récupération à tous les matériaux, les cassettes et autres provenant, par exemple, des machines à écrire modernes. Nous pourrons maintenant nous intéresser à d'autres secteurs et, je le répète, votre motion vient à son heure.

Mme Vesca Olsommer (Ve). Je voudrais remercier le chef du département. J'ai lu les rapports que le Conseil d'Etat a rédigés en réponse au deux motions concernant l'écologie au bureau et le recyclage du matériel scolaire. J'ai constaté tous les efforts que l'Etat avait faits, notamment pour récupérer, recycler le papier, les déchets des cafétérias, etc., pour économiser l'énergie en optant pour d'autres types de lampes, mais ce n'est pas à cela que je pense.

J'approuve, Monsieur le chef du département, ce que vous avez fait, je félicite vos services. Le concept de durabilité, c'est autre chose, c'est prolonger la durée de vie des objets.

M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. On l'a bien compris. C'est un secteur dont nous devons nous préoccuper. Vous avez tout à fait raison.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue: