République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 10 juin 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 6e session - 22e séance
M 865
Débat
Mme Claire Torracinta-Pache (S). En préambule, M. Saurer me prie de vous faire remarquer que son prénom est mal orthographié dans notre ordre du jour. Il s'appelle Andréas et non André Saurer. J'espère que vous avez rectifié de vous-mêmes!
Une voix. Naturalisé, oui!
La présidente. Nous avons pris note de cette rectification, Monsieur Saurer!
Mme Claire Torracinta-Pache. Lors de l'adoption de notre loi sur l'assurance-maladie, nous avons longuement discuté du montant forfaitaire de remboursement par les caisses de médicaments dits «hors liste», c'est-à-dire ne figurant pas dans la liste des spécialités reconnues par l'Office fédéral des assurances sociales, liste déterminante pour leur remboursement. Un montant de 1 600 F a été fixé, montant qui est apparu suffisant, notamment pour des préparations utilisées par les médecines non conventionnelles.
Or ce montant s'avère très vite dépassé pour d'autres médicaments, nouveaux médicaments ayant fait leur preuve scientifique dans le traitement d'affections graves, mais ne figurant pas encore dans la liste des spécialités, car les procédures d'enregistrement et d'homologation ne sont pas terminées. D'autres y figurent déjà mais avec des indications limitées à un certain type de maladies. Cela rend leur remboursement impossible par les caisses dans bien des cas.
Un seul exemple, l'Interféron, qui est administré dans le cas du sarcome de kaposi lié au sida. Il figure dans la liste des spécialités, mais avec une indication limitée à un certain type de leucémie. Lorsqu'il est administré dans un autre type de traitement, il ne peut pas être remboursé par les caisses, alors que ce médicament est déjà remboursé et pris en charge dans quatorze autres pays de l'Europe de l'Ouest. Nous sommes bien sûr conscients de la complexité et des contraintes inhérentes à l'enregistrement de nouveaux médicaments, que ce soit au niveau de l'Office intercantonal du contrôle des médicaments qui se prononce sur les données scientifiques et techniques ou de l'OFAS qui va finalement décider de leur remboursement en tenant compte notamment d'un certain rapport efficacité-prix.
Soulignons à ce propos notre volonté de ne pas charger les coûts de la santé et précisons que notre but n'est pas d'assurer le remboursement de n'importe quel médicament à n'importe quel prix et pour n'importe quel type de maladie. Ce que nous voulons c'est éviter qu'une personne atteinte d'affection grave mettant en jeu le pronostic vital puisse être privée, pour des raisons administratives ayant des répercussions financières, d'un médicament ayant fait ses preuves scientifiques dans le traitement de sa maladie, alors qu'il n'y a pas d'alternative thérapeutique. Nous ne voulons pas d'une médecine à deux vitesses où certains auraient droit à des traitements alors que d'autres, économiquement faibles, s'en verraient privés.
Pour ce faire, il nous semble important d'agir sur la longueur des procédures d'enregistrement et de reconnaissance des nouveaux médicaments au vu des répercussions que cela peut avoir sur certains malades. Rappelons à ce propos le temps qu'il a fallu pour assurer l'homologation et le remboursement des produits sanguins chauffés et les conséquences dramatiques qui en ont découlé pour certains hémophiles.
Les Etats-Unis, qui connaissent les procédures d'enregistrement probablement les plus longues et les plus contraignantes au monde, se sont préoccupés de ce problème et ont adopté deux types de procédure. Une procédure normale pour les médicaments courants et une procédure accélérée concernant les médicaments pour les affections graves mettant en jeu le pronostic vital. En France également, de nouveaux médicaments ayant fait leurs preuves scientifiques sont pris en charge avant la fin des procédures d'enregistrement, toujours dans le cas, bien sûr, d'affections graves.
Nous demandons donc au Conseil d'Etat d'intervenir dans le cadre de l'OICM et, dans la mesure de ses compétences, auprès de l'OFAS. A ce sujet, j'aimerais dire que M. Segond a remis à quelques-uns d'entre nous une lettre qu'il avait déjà écrite dans ce sens à Mme Ruth Dreifuss, conseillère fédérale, et je l'en remercie. Nous souhaitons voir non seulement s'accélérer ces procédures d'homologation et de remboursement des nouveaux médicaments, mais s'élargir les indications de tous les médicaments figurant sur la liste à tous les types de traitements dans lesquels ils donnent des résultats positifs.
Parallèlement, et il y a urgence, nous demandons au Conseil d'Etat de tenir compte de ces situations difficiles dans l'application de l'article 33 de notre loi sur l'assurance-maladie qui lui donne la compétence de déterminer, je cite: «Les prestations particulières dues au titre des frais médicaux et pharmaceutiques en cas d'affection grave nécessitant un traitement prolongé et coûteux».
J'espère, Mesdames et Messieurs les députés, que vous serez sensibles à cette problématique, et que vous voudrez bien accepter cette motion.
M. Henri Gougler (L). Je parlerai ici également en tant que médecin-conseil d'une caisse-maladie.
Nous avons la chance, dans ce canton, d'avoir un régime relativement souple qui permet d'accorder de nombreuses dérogations et de payer des traitements qui ne sont pas forcément compris dans la liste de ceux qui sont prévus par l'OFAS. Néanmoins, le problème existe, il ne faut pas le nier!
A l'OICM, certaines procédures d'homologation peuvent être lentes en raison d'un problème scientifique -- ce qui est logique -- mais parfois aussi en raison de questions administratives -- ce qui est regrettable. Il n'est pas toujours facile sur le plan cantonal d'agir auprès de l'OICM, mais ce n'est pas une raison pour ne pas agir.
Je pense donc que cette motion doit être renvoyée à la commission de la santé pour que nous puissions en débattre et voir quels sont les moyens à notre disposition pour améliorer la situation.
La présidente. Nous sommes face à une demande de renvoi en commission.
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Madame la présidente, j'avais souhaité que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat. Si vraiment la majorité de ce parlement désire la renvoyer en commission, je préférerais que ce soit à la commission sociale étant donné qu'elle émane d'un certain nombre de députés de cette commission. Mais je ne verrai pas d'obstacle à ce qu'elle soit tout de même renvoyée à la commission de la santé. Cela dit, M. Segond ayant déjà entrepris une partie des démarches, s'il l'accepte, je crois que nous pouvons la lui renvoyer directement.
M. Henri Gougler (L). Je suis d'accord de la renvoyer d'abord au Conseil d'Etat. Nous pourrons toujours revenir dessus ensuite si cela est nécessaire.
M. Maurice Giromini (R). Mme Claire Torracinta-Pache a extrêmement bien expliqué la problématique qui est à la base de cette motion. Ce problème ne sera pas résolu plus vite si on le présente en commission. Je pense donc qu'il faut renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat accepte la motion et entreprendra les démarches nécessaires.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue: