République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 mai 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 5e session - 20e séance -autres séances de la session
No 20
MÉMORIAL
DES SÉANCES DU
GRAND CONSEIL
52e LÉGISLATURE
Vendredi 14 mai 1993,
soir
Présidence:
Mme Micheline Calmy-Rey,présidente
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance: MM. Claude Haegi, Jean-Philippe Maitre, Olivier Vodoz, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat, Bernard Ziegler, Dominique Föllmi, Guy-Olivier Segond, ainsi que Mmes et MM. Jeanine Bobillier, Martine Brunschwig Graf, Hervé Burdet, Jeannik Dami, Andrée Dayer, Hervé Dessimoz, Marlène Dupraz, Alberto Genini, Michèle Mascherpa, Gérard Ramseyer, Andreas Saurer, Jacques-André Schneider, Monique Vali, Florian Vetsch, André Vial, Nicolas Von der Weid, députés.
La présidente. Nous avons reçu une lettre de démission de notre collègue Yves Meylan (C 56). Je prie Mme la secrétaire de bien vouloir en donner lecture.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je ne souhaite pas faire un long discours, ni retracer ici le considérable travail politique accompli par mon collègue Yves Meylan, mais simplement lui dire quelques mots au nom du groupe écologiste.
Yves Meylan, on peut dire que c'est un peu un pionnier dans plusieurs domaines. Pionnier d'abord à la fondation du parti écologiste puisqu'il en est l'un des premiers membres. Pionnier ensuite comme candidat et comme élu en 1985 au Grand Conseil où, étant le plus jeune député, il a eu l'insigne honneur de siéger au Bureau quelques heures en tant que secrétaire. Pionnier encore, puisqu'il a été le chef du groupe écologiste durant toute la première législature et c'est lui qui a eu la lourde tâche de se familiariser avec l'institution et ses règlements. Il a été en cela pour nous un précieux guide.
Pionnier enfin, puisqu'il était le chef de file des écologistes en Ville de Genève en 1987, année où nous avons eu l'agréable surprise de voir arriver onze écologistes au Conseil municipal. Mais pour lui, comme pour nous tous, les années ont passé et le voilà en passe de devenir papa et, qui sait, peut-être aussi futur brillant avocat (Exclamations de joie sur tous les bancs.) puisqu'il nous quitte aussi afin de poursuivre des études de droit.
Yves Meylan, par ses huit ans de députation, mais aussi par ses précédentes nombreuses années de militantisme écologiste, de même que par le fait d'avoir assumé le secrétariat administratif du WWF, puis celui du PEG, nous a toujours un peu servi de mémoire collective. Il est tellement plus facile de demander que de chercher. Yves, pour cela et pour toutes tes autres qualités, pour ton sérieux, mais aussi pour ton humour dont tu ne fais malheureusement pas profiter tout le monde, par timidité sans doute, pour tout cela le groupe écologiste te laisse partir, mais va beaucoup te regretter. J'ajouterai, à titre tout à fait personnel, que nos deux fidèles supporters à la tribune que sont tes parents, et dont les encouragements nous ont souvent été précieux, vont eux aussi nous manquer. (Applaudissements.)
M. Yves Meylan (Ve). Tout d'abord, j'aimerais remercier très vivement Fabienne pour ses propos qui me touchent, et je suis sûr, Fabienne, que si tu le désires tu pourras encore aller loin en politique.
J'aimerais remercier également l'équipe du Grand Conseil qui assure en arrière-plan toutes les tâches administratives qui nous concernent. Ces sept ans et demi m'ont permis de vivre une expérience fort enrichissante à tout point de vue. J'en garderai un souvenir agréable, malgré les débats parfois très animés, quelquefois à la limite de l'invective et des tentatives d'obstruction vis-à-vis des orateurs.
Heureusement, certaines traditions tendent d'ailleurs à se perdre. On ne voit plus, comme lors de ma première législature, certains radicaux faire un chahut du diable en claquant leurs couvercles de pupitres pour couvrir la voix des députés communistes! (Rires. M. Balestra fait claquer son pupitre.) Et c'est tant mieux car je ne vous dis pas l'impression désastreuse que cela crée sur les trop rares personnes venues assister à nos débats.
Après quelques années d'activité parlementaire, il est vrai qu'on a parfois trop tendance à fonctionner en circuit fermé, en oubliant que nous pouvons projeter une image désastreuse de nos institutions politiques sur les spectateurs et notamment sur les jeunes qui viennent parfois assister à nos séances dans le cadre de l'instruction civique. Il me paraît extrêmement important que le parlement ne soit pas coupé davantage de la population qui l'a élu, mais se donne au contraire les moyens d'être plus efficace et plus proche des citoyennes et citoyens de notre canton, et se donne également les moyens de fonctionner sans être totalement dépendant du Conseil d'Etat et de son administration.
A cet égard, la position du Conseil d'Etat et de son président en particulier, qui cherche à imposer sa présence systématiquement et sans exception à toutes les séances de commission, me paraît très discutable. Le Conseil d'Etat s'appuie notamment sur une interprétation très large des articles 90 et 98 de la constitution genevoise en affirmant que les séances du Grand Conseil comprennent à la fois les séances plénières et les séances de commissions. Mais cette interprétation a une autre conséquence qui me paraît très intéressante en raison du principe de la publicité des séances. Concrètement, cela voudrait dire que la population pourrait dorénavant assister aux séances de commissions et suivre le travail réel des députés, et pas seulement les effets de manches lors des débats dans cette salle. Cela se pratique d'ailleurs dans d'autres cantons, alors pourquoi ne pas tenter l'expérience?
Avant de laisser ma place à François-Régis Mahrer, j'aimerais juste évoquer un des souvenirs qui m'ont le plus marqué pendant ces deux législatures, Fabienne Bugnon y a d'ailleurs fait allusion tout à l'heure. C'était lors de ma toute première séance, en 1985, en tant que benjamin j'avais dû monter au perchoir, comme l'a fait Martine Roset quatre ans plus tard. J'avais eu alors l'honneur de siéger pendant quelques minutes au côté du regretté et respecté Jean Vincent qui était le doyen de l'époque et cela m'avait fortement impressionné.
Pour terminer, j'aimerais vous remercier de votre attention, et vous souhaiter à toutes et à tous une bonne fin de législature. (Chaleureux applaudissements.)
La présidente. M. Meylan siège au Grand Conseil depuis 1985, nous formons nos voeux les meilleurs pour la poursuite de ses études, et nous le félicitons d'être bientôt papa, quoiqu'il faudrait plutôt féliciter sa femme! (Protestations des hommes et applaudissements des femmes.) Nous prenons acte de sa démission et nous lui remettons le stylo-souvenir traditionnel. (L'huissier remet à M. Meylan le stylo-souvenir du Grand Conseil.)
Mme Jacqueline Damien (S). La commission concernée s'est réunie hier à 16 h 30 pour examiner la candidature de M. Mahrer, ingénieur indépendant, spécialiste en compost, qui ne présente donc aucune incompatibilité.
La présidente. M. Mahrer va prêter serment sur-le-champ! (Eclat de rires de l'assemblée.) Je prie l'huissier de bien vouloir le faire entrer.
M. François-Régis Mahrer est assermenté.
(Applaudissements.)
La présidente. Mme Fabienne Bugnon remplacera M. Yves Meylan.
7. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Sachant l'intérêt que vous portez au dossier de Creys-Malville, je vous donne connaissance du communiqué officiel commun du Ministère de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur et du Ministère de l'environnement que M. Michel Barnier m'a transmis après un entretien que j'ai eu ce matin avec lui.
Après consultation du président de la commission d'enquête sur le redémarrage de la centrale nucléaire Superphénix à Creys-Malville, le gouvernement a décidé de prolonger l'enquête publique d'un mois, c'est-à-dire jusqu'au 14 juin 1993. Un décret a été signé en ce sens le 13 mai 1993 par le Premier ministre, sur rapport du ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur, Gérard Longuet, ainsi que du ministre de l'environnement, Michel Barnier.
La commission a déjà accompli un travail d'information et d'analyse considérable, six semaines d'enquête ont permis de recueillir plusieurs milliers d'observations, soit directement adressées au président de la commission d'enquête, soit portées sur les registres d'enquêtes. L'abondance de ces remarques montre l'intérêt du public pour la question. La décision de prolongation prise par le gouvernement répond à la volonté de transparence et d'approfondissement du débat. Ainsi, dans le cadre de l'enquête, il est rappelé que toute personne désirant s'exprimer sur le projet peut le faire soit en s'adressant au président de la commission, soit en inscrivant des observations sur les registres d'enquêtes ouverts dans diverses mairies et préfectures.
Par ailleurs, pour compléter la procédure d'enquête locale par une information plus large du public, le dossier de synthèse remis lors de la réunion publique du 22 avril 1993 reste à la disposition du public. Il peut être obtenu auprès du président de la commission d'enquête. Une copie du dossier complet de neuf cents pages sera mise à la disposition du public dans les préfectures des départements limitrophes, de l'Isère et de l'Ain. Trois copies du dossier complet pourront être adressées à toute personne le désirant contre participation aux frais correspondants. C'est dire qu'il n'est pas nécessaire de le subtiliser et de partir en courant avec le dossier, il suffit de le demander pour l'obtenir!
La commission d'enquête rendra ses conclusions au cours de l'été 1993. A la fin de l'année 1993, la direction de la sûreté des installations nucléaires donnera un premier avis en vue d'un éventuel décret d'autorisation. Il faudra ensuite vérifier la qualité et la fiabilité des travaux programmés sur la centrale. Cela mène jusqu'au milieu de l'année 1994; ce n'est qu'au terme de ces analyses qu'une décision pourra être prise sur le redémarrage. Gérard Longuet et Michel Barnier rappellent à ce sujet leur exigence absolue de sécurité. En outre, les conditions d'un débat national sur la politique énergétique de la France seront précisées sous peu.
A ce communiqué officiel suit une information pratique concernant le prolongement de l'enquête et la manière d'obtenir le dossier dont je vous parlais tout à l'heure. J'aimerais souligner ici la qualité des relations que nous maintenons sur un dossier qui est particulièrement délicat et la disponibilité des autorités françaises. Jamais une demande n'a été refusée par ces dernières. Le Conseil d'Etat a déposé, dans le cadre des limites qui avaient été fixées dans un premier temps, sa prise de position dans le cadre de cette nouvelle enquête et, après avoir parlé avec M. Barnier ce matin, nous avons convenu que j'entrerais en contact avec M. Jean Prenoce, président de la commission d'enquête, pour solliciter un entretien au nom de notre gouvernement. J'entendais porter à votre connaissance ces différents points.
La présidente. Concernant la répartition des députés dans les commissions, le Bureau souhaite faire la déclaration suivante.
M. Jean Queloz, député socialiste, a donné sa démission au Grand Conseil et a été remplacé le 1er avril 1993 par M. Alberto Genini qui s'est déclaré hors parti et a prêté serment comme tel. Par lettre du 27 avril, M. Genini a informé la présidence qu'il se rattachait au parti du Travail. Par communiqué du même jour, le parti du Travail a informé la présidence qu'il acceptait M. Genini en son sein. Le secrétariat du Grand Conseil, comme il l'a fait à chaque modification dans la répartition des députés, a procédé à un nouveau calcul de la distribution des sièges dans les commissions.
Il résulte de ce calcul que, dans les commissions de quinze membres, le parti du Travail gagne un siège alors que le parti libéral en perd un. Dans un courrier du 29 avril, le secrétariat du Grand Conseil a avisé les chefs de groupe de ce changement. Le parti libéral, par lettre du 29 avril, a écrit à la présidence pour contester le changement du nombre de commissaires par parti en fonction du transfert d'un député dans un groupe. Il sied de relever qu'au cours des années la même façon de procéder a été utilisée sans susciter de remarque, et qu'au cours de la présente législature les calculs de répartition ont été modifiés plusieurs fois selon la même méthode: le 17 janvier 1991, lorsque M. Passer remplaçant M. Souvairan restant vigilant s'est trouvé hors parti; le 3 mai 1991, lorsque M. Andrié a quitté le MPG pour redevenir vigilant et s'est trouvé hors parti; le 1er avril 1993, lorsque M. Genini s'est déclaré hors parti.
Dès lors, le Bureau a souhaité solliciter un avis de droit de la part de Me Manfrini. L'avis de droit nous est parvenu et il démontre qu'au-delà du cas ponctuel deux difficultés existent. A savoir, d'une part, la permanence de la répartition des députés dans les commissions. La rendre intangible serait possible en modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil, de fait la modification pose de sérieuses difficultés d'application et le Bureau a renoncé à formuler des propositions sur ce point.
L'autre difficulté touche au mode de calcul. Celui utilisé jusqu'ici par des générations de sautiers successifs n'est pas la méthode communément utilisée par la chancellerie et par le service des votations pour toutes les élections proportionnelles à Genève, et il conviendrait logiquement que le Grand Conseil se rallie, pour la répartition des commissions, à cette méthode dite de la plus forte moyenne, et que sur ce point la loi soit précisée.
Vu ces difficultés, le Bureau, conformément à l'article 231 de la loi portant règlement du Grand Conseil et après consultation et en accord avec les anciens présidents, a décidé ce qui suit:
-- soumettre au Grand Conseil un projet de loi modifiant l'article 179 de la loi portant règlement du Grand Conseil pour y ajouter un alinéa 4 spécifiant que la répartition des sièges en commission à la proportionnelle est calculée selon la méthode de la plus forte moyenne consacrée aux articles 159 et suivants de la loi sur les droits politiques. Ce projet de loi est ajouté à l'ordre du jour de cette séance.
-- de s'en tenir à l'application stricte du règlement actuel et d'appliquer la méthode de calcul utilisée jusqu'ici par le service du Grand Conseil en attendant l'entrée en vigueur de la nouvelle règle. Ainsi, dans les commissions à quinze membres, le parti du Travail aura un commissaire de plus et le parti libéral un de moins.
M. Jean Montessuit(PDC). Ce que vous venez de nous annoncer va poser quelques problèmes de fonctionnement à la commission des finances, ce qui m'inquiète quelque peu.
En effet, la commission a délégué deux députés dans chaque département qui doivent rapporter mercredi après-midi -- c'est-à-dire dans trois jours -- sur leur département respectif. M. Burdet m'a déjà dit que si un député du parti libéral quittait, c'est lui qui partirait, mais il serait nécessaire que le parti du Travail désigne aujourd'hui le député qui le remplacera de façon qu'avec Mme Leuenberger il puisse prendre contact avec M. Grobet d'ici mercredi afin de pouvoir faire ce rapport, faute de quoi, tout le débat sur les comptes sera gravement entravé.
M. Jean Spielmann (T). Je ferai trois observations sur ce qui vient d'être dit. Premièrement, et nous l'avons dit dans le cadre des discussions qui ont eu lieu hier après-midi, nous ne sommes pas opposés à revoir les règles qui président à la nomination des commissaires. Les propositions faites devront être discutées dans le détail, puisqu'elles conduisent quand même à quelques petites anomalies, car les propositions de calcul que nous ont soumises les mandataires font que les groupes qui ont tous deux treize membres ont l'un un commissaire, et l'autre deux commissaires.
Je veux bien que ce calcul soit meilleur que l'autre, mais je ne suis pas convaincu de la réalité des propos tenus. Les résultats ont été obtenus sur la base d'un mode de calcul en vigueur depuis des années qui permettait justement de surmonter cette difficulté. Je veux bien que l'on nomme un mandataire pour faire un avis de droit qui, d'ailleurs, arrive à la conclusion que nous avions raison dans la manière avec laquelle nous procédions, mais qui, ensuite, fait une arithmétique à Bonzon pour arriver à un autre résultat qui permet, lui, de donner raison au parti libéral. C'est la première observation. Nous examinerons donc ce projet sans a priori.
La deuxième constatation, c'est que les règles en vigueur le sont depuis plusieurs législatures et, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure -- mais je pense qu'il convient d'apporter quelques précisions -- des modifications sont intervenues au cours de cette législature, modifications ayant profité au parti libéral qui, ainsi, a passé de trois commissaires à quatre. A ce moment, je n'ai pas entendu le parti libéral protester contre la manière avec laquelle les calculs avaient été faits. Tout à coup, aujourd'hui, parce que celui-ci revient à sa position initiale -- je vous rappelle simplement qu'en début de législature le groupe Vigilance avait neuf députés qui leur donnaient droit à deux commissaires, et lorsque le nombre de députés de ce parti a diminué, le parti libéral a vu le nombre de ses commissaires augmenter -- et que nous passons à neuf députés, nous n'aurions pas droit à deux commissaires parce que le parti libéral veut maintenir son siège et changer les modes de calcul en cours de législature! Vous le faites vraiment d'une manière un peu cavalière et vous utilisez le règlement simplement pour qu'il vous profite. Vous vous taisez quand vous en profitez, et vous hurlez quand il vous est négatif.
Lorsque l'on met en place des procédures comme celle-là, ayez au moins le courage et la franchise d'observer les mêmes règles durant toute la législature. En début de législature -- je le sais pour avoir participé à plusieurs reprises à la mise en place du Grand Conseil -- nous décidons de l'emplacement de la salle, de la répartition dans les commissions. On désigne le nombre de commissaires, les commissions de quinze, treize, onze et neuf membres ressortent du rapport des forces de ce Grand Conseil.
Nous avons d'ailleurs tenu compte de la représentation des groupes et essayé de trouver une formule pratique de fonctionnement des commissions qui permette de faire le travail le plus efficace au parlement.
Modifier cela en cours de législature, simplement parce que l'on se trouve devant une difficulté, ne me semble pas être une bonne formule. Je suis d'accord que l'on dépose un projet de loi, que l'on examine le mode de calcul, qu'on le modifie et qu'il entre en vigueur à la prochaine législature, mais on ne change pas de règles en cours de route simplement parce qu'elles nous sont favorables ou défavorables. Il serait malséant, à mon avis, de les modifier en fonction des intérêts des uns et des autres quelles que soient les argumentations que l'on développe.
En conclusion, nous sommes d'accord avec l'idée, mais nous demandons à ce que les règles qui ont prévalu jusqu'ici soient maintenues. Je rappelle simplement ici que depuis 1981 notre groupe avait d'abord dix sièges, ensuite neuf, et que, pour un centième, nous avons toujours manqué un deuxième commissaire, et nous nous sommes efforcés de faire le travail à un par commission, ce qui représente un travail important et qui permet un moins bon fonctionnement. Aujourd'hui, cette règle qui pendant douze ans nous a privés d'un siège pour un centième de pour-cent peut nous être favorable pendant six mois; c'est pour cela que vous voulez changer les règles du jeu, pour qu'elles vous profitent à nouveau. (Brouhaha, contestations.) Vous trouvez cela logique et vous argumentez avec une arithmétique à Bonzon qui permet à des groupes (Chahut.) qui ont le même nombre de députés dans ce parlement d'avoir les uns, un siège, et les autres, deux. Alors, s'il vous plaît, respectez les règles du jeu!
D'ailleurs, je suis persuadé que cette nouvelle répartition correspondra à ce qui se passera à la prochaine législature; mais c'est un autre problème. Monsieur Montessuit, nous n'avons pas à désigner ce soir un deuxième commissaire à la commission des finances, puisque nous l'avons fait aussitôt que nous avons reçu la demande du Bureau et que cela fait déjà deux semaines que ce commissaire est «entre les mains du Bureau». Je
trouve d'ailleurs bizarre que le Bureau n'ait pas appliqué le règlement tel qu'il est en vigueur depuis des années. Il a fallu, sur un problème aussi mineur, faire des avis de droit, rassembler les anciens présidents, faire un cirque comme vous l'avez fait, simplement parce que ça vous gêne que l'on soit un de plus en commission. Nous ne tournons pas la main, mais je trouve cela quand même un peu mesquin et petit, il me semble qu'il y a tout de même des problèmes plus importants dans cette République que ceux du nombre de membres dans une commission.
M. Nicolas Brunschwig(L). Vous verrez quand M. Spielmann ne sera plus là, ces ronchonnements nous manqueront, c'est sûr! (Rires de l'assemblée et protestations de M. Spielmann.) J'aimerais dire tout d'abord qu'effectivement, le groupe libéral a été choqué lorsqu'il y a eu un transfert entre le parti socialiste et le parti du Travail. Cela retire un siège en commission au parti libéral et en donne un en plus au parti du Travail. (Chahut, quolibets.)
La présidente. Si vous continuez, je suspends la séance!
L'assemblée. Ouiii... (La présidente éclate de rire.)
M. Nicolas Brunschwig. Pour le parti libéral, il y avait une question de fond à aborder, et c'est tout à fait heureux que l'on ait pu l'aborder dans ces circonstances, c'était la question de savoir si les commissions devaient changer en fonction des transferts qui pouvaient exister entre les différents groupes.
Nous pourrions imaginer que le parti libéral décide ce soir de se scinder en deux groupes, (Exclamations des députés libéraux.) parti libéral rive gauche et parti libéral rive droite, et cela nous donnerait un quatrième siège en commission! Cela n'est qu'un exemple totalement abstrait parce que nous ne ferions pas une telle chose, (Chahut, brouhaha.) mais c'est pour vous montrer...
La présidente. Non mais, il y en a quand même quelques-uns qui hurlent! Franchement, ça suffit!
M. Nicolas Brunschwig. ...c'est pour vous montrer qu'il y a des questions fondamentales quant au système. Sur la base de cette réclamation, le Bureau a estimé sage de demander un avis de droit à Me Manfrini qui est un spécialiste de ce genre de question, et le parti libéral accepte la totalité des conclusions de cet avis de droit. Une des conclusions est que la méthode de calcul utilisée jusqu'à maintenant est une méthode incorrecte pour des raisons bien explicitées dans l'avis de droit. Monsieur Spielmann, si vous l'aviez lu vous auriez peut-être dit moins de choses anormales!
Dès lors, nous acceptons tout à fait la décision du Bureau, c'est-à-dire de maintenir les répartitions selon le système qui a été appliqué faussement, mais appliqué depuis de nombreuses années maintenant, et nous demandons simplement que le projet de loi qui a été déposé par le Bureau et signé par l'ensemble de ses membres soit traité le plus rapidement possible dans le cadre des travaux de la commission du règlement du Grand Conseil, et ensuite quand ce projet de loi entrera en vigueur, il y aura une nouvelle répartition au sein des commissions. On ne sait d'ailleurs pas trop quelle sera cette répartition, vu qu'il y aura encore peut-être de nombreux transferts et que le parti du Travail trouvera de nombreux adhérents au sein de ce parlement pour augmenter sa représentativité dans les commissions! (A la fin de l'intervention, M. Balestra va s'asseoir sur les bancs du PDT.)
M. Bernard Annen. Le transfert Balestra! (Rires.)
M. Philippe Fontaine(R). Il est piquant de voir que notre collègue Genini, après avoir semé la zizanie dans notre bonne commune de Satigny et dans son groupe de gauche, sitôt arrivé, sème également la zizanie sur nos bancs. Il y a des gens qui sont comme ça! Néanmoins, je voudrais dire à M. Spielmann, contre lequel j'ai poussé quelques vociférations en d'autres temps, (Protestations de M. Spielmann.) mon cher ami, geste à l'appui, que je suis parfaitement d'accord avec lui (Rires.) et que je regrette d'ailleurs la prise de position du parti libéral.
Je trouve que l'important est ailleurs, chers amis libéraux, (Quelques applaudissements.) il se trouve en commission où vous avez, force est de le constater, la plus grande peine à venir au complet. Cela n'est pas seulement de votre faute, c'est aussi celle de notre fonction de député qui est si lourde qu'il ne nous est pas possible d'assister à toutes les commissions. Quelle solution dès lors adopter, Monsieur le chef de groupe du parti libéral? D'abord, dressez vos troupes -- si j'ose dire -- et ensuite, stimulez peut-être le président de la commission qui est chargée d'étudier le projet de loi Fontaine-Saudan sur les députés-suppléants; ce serait une façon de trouver une solution pour parfaire notre travail.
Ce que je retiens, c'est que dès qu'il y a un certain déséquilibre entre les partis et qu'il y a trop de monde en commission, les gens ne viennent plus. Moralité, ça ne sert pas à grand-chose de les élire; souvenez-vous en pour cet automne!
M. Nicolas Brunschwig(L). Je ne pensais pas qu'il y aurait un long débat vu que nous avions essayé de régler ce problème dans de nombreuses séances de commission. Il est vrai que les interlocuteurs ont changé, par exemple pour le parti du Travail nous avons dû discuter avec trois interlocuteurs différents, et pour le parti radical avec deux. Cela dit, je crois qu'il y a un principe fondamental que notre parlement doit essayer de suivre, c'est la volonté de la population. Le groupe libéral demande simplement l'application des règles existantes dans le règlement du Grand Conseil en ce qui concerne les désignations des groupes en fonction de la méthode proportionnelle, et c'est la seule chose.
Quant à nous, nous ne porterons pas de jugement sur la qualité et le nombre de commissaires qui viennent en commission pour chaque groupe, nous estimons que ce n'est pas notre rôle.
8. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
La présidente. Nous avons reçu le projet de loi émanant du Bureau:
La présidente. Vous avez sur vos tables ce projet de loi. Nous vous proposons de l'ajouter à notre ordre du jour de ce soir. S'il n'y a pas d'opposition, je considère que vous êtes d'accord.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
La présidente. La question écrite suivante est parvenue à la présidence:
Cette question sera transmise au Conseil d'Etat.
La présidente. Je salue à la tribune du public la présence d'une classe de 1ère latine du collège de Saussure, sous la conduite de M. Claude Demeure. (Applaudissements.)
9. Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier les objets suivants:
Premier débat
Mme Françoise Saudan (R), rapporteuse. Tout d'abord, quelques corrections dont certaines revêtent de l'importance et que je transmettrai à notre mémorialiste. A la page 1, le projet a été déposé le 21 août «1991»; à la page 18, alinéa 1, avant-dernière ligne: «il apparaît pour certains», il faut compléter par la mention «pour certains», et à la page 17, alinéa 1, dernier paragraphe: «versées en réparation d'un dommage résultant de l'inexécution d'un contrat relatif à l'immeuble». C'est une notion plus précise et j'ai vu qu'elle interpellait certains députés.
En préambule à ce débat, j'aimerais resituer le cadre dans lequel se sont déroulés les travaux de la commission fiscale. Le rapport et le projet de loi qui y est joint, sur lequel vous serez appelés à vous prononcer, apportent une réponse politique, d'une part aux engagements pris par le Conseil d'Etat devant ce Grand Conseil concernant la fiscalité immobilière, d'autre part à la motion 474 déposée le 30 novembre 1987 invitant le Conseil d'Etat à prendre des mesures draconiennes ayant pour effet de lutter contre la spéculation foncière en revoyant l'impôt spécial sur certains bénéfices et biens immobiliers. Il apporte également une réponse à l'initiative populaire 21 intitulée «Halte à la spéculation foncière». Celle-ci comportait plusieurs volets, dont l'un traitait de la fiscalité et demandait de revoir l'impôt sur les plus-values immobilières et de prévoir une loi qui découragerait la spéculation immobilière par des prélèvements plus importants en empêchant la fraude et l'évasion fiscale.
Le deuxième point que j'aimerais relever est que nous sommes dans le domaine du droit fiscal, c'est-à-dire le domaine de l'impôt, et l'impôt c'est la contribution versée à une collectivité pour participer aux dépenses résultant des tâches générales dévolues à cette dernière en vue de la réalisation du bien commun. C'est dire que notre débat doit se dérouler dans le contexte de la fiscalité et non pas dans le contexte de l'économie en général. Il est bien évident que nous sommes tous sensibles à la situation dramatique du marché immobilier et de la construction.
Il est bien évident également, Monsieur Annen, que la situation du marché immobilier dépend à la fois de l'état du marché et des conditions-cadres dans lesquelles évolue cette économie. L'état du marché, vous le connaissez aussi bien que moi. Les conditions-cadres dans lesquelles évolue le marché immobilier sont celles auxquelles nous avons tenté de remédier en proposant une loi «antirecourite» qui, malheureusement, et je le regrette infiniment, a été refusée par le peuple. Ce sont les mesures dont vous allez être prochainement saisis qui visent à améliorer les conditions dans lesquelles l'on pourrait rénover le parc immobilier existant.
Les mesures fiscales ont leur importance, mais elles ne sont pas déterminantes en la matière. Le fait de supprimer totalement les impôts ne vous améliorera pas la situation puisque vous n'avez pas de locataires pour les dizaines de milliers de mètres carrés de bureaux ou de locaux commerciaux, et il suffit de regarder la situation au niveau des appartements pour se rendre compte que maintenant chaque locataire potentiel peut négocier à la baisse son loyer.
Le troisième point que je voudrais relever c'est que ce projet de loi soulève des questions politiques importantes, mais qui touchent essentiellement l'alinéa 2 de l'article 82 et les alinéas 1 et 6 de l'article 84. Il faudra être très attentifs quand nous examinerons en particulier l'article 82, alinéa 2, qui a fait l'objet de très longs débats en commission, à ne pas oublier que ce projet de loi forme un tout et que si l'on entre en matière sur les propositions d'indexation des valeurs d'acquisition et qu'on maintient les réductions pour les durées de possession -- j'espère que vous avez pris connaissance du tableau qui figure à la fin du rapport -- cela équivaut à diminuer les recettes de l'Etat de 50%.
Cela est peut-être un bien, mais quand sur certains bancs on brandit l'article 86 de la constitution, quand on parle de dépenses nouvelles, il faudrait prendre en considération les conséquences du cumul de ces deux possibilités, parce que, en l'état actuel des finances cantonales, cela équivaut à 1 centime additionnel de plus, ou à une modification des taux d'imposition considérable, puisque les modèles qui nous ont été fournis par les collaborateurs du chef du département et sur lesquels je m'étais penchée avec Mme Martine Brunschwig Graf qui, malheureusement, ne peut pas assister à nos débats, nous amenaient à pratiquement doubler les taux d'imposition prévus. Ce sont les trois choses que je voulais préciser en préambule à ce débat.
M. Jean-Luc Ducret (PDC). Parler et débattre d'une imposition sur les gains immobiliers en période de forte dépression économique, c'est comme si on légiférait sur l'élevage de moutons dans le canton de Genève! Certes, il y a chez nous quelques moutons, il y en a toujours eu, et il y en aura peut-être un grand nombre dans un avenir incertain, et pas exclusivement dans nos pâturages!
Il y a en effet quelque chose d'irréaliste et de délirant dans le fait d'aborder un sujet, certes important, mais peu d'actualité. Si peu d'actualité que le chef du département des finances a même évoqué en commission fiscale la possibilité, au cas où les modifications de la loi seraient adoptées, de différer son entrée en vigueur pour tenir compte des difficultés actuelles, notamment dans le secteur immobilier.
Néanmoins, le Conseil d'Etat avait à coeur -- comme la loi l'y oblige d'ailleurs -- de répondre dans des délais raisonnables au volet fiscal de l'initiative «Halte à la spéculation foncière» et à la motion de notre collègue Passer datant de 1987, soit en pleine période de surchauffe immobilière.
Sur le plan fédéral, et dans un contexte économique quasi analogue, l'adoption des fameux arrêtés urgents contre la spéculation est tombée d'une façon identique, comme la grêle après la vendange.
Je fais ici des constats, non des critiques. Un gouvernement responsable doit prévenir une renaissance de la mauvaise spéculation foncière, celle génératrice d'abus malsains et dommageables pour une grande partie de la population.
Non, je fais ce constat pour déplorer la précipitation avec laquelle la commission fiscale a terminé ses travaux. Au pas de charge, pour donner satisfaction notamment à M. November, notre ancien collègue, qui précipita le vote final de la commission avant de donner sa démission de notre parlement.
Je le regrette, car sur bien des points nous avons pu obtenir un consensus général en commission. Je reste persuadé qu'avec quelques séances supplémentaires avec les collaborateurs de l'administration fiscale nous aurions pu obtenir des précisions et des éclairages aptes à lever toutes difficultés et incompréhensions et ainsi éviter un débat difficile en séance plénière.
Bravo, Madame Saudan! Certes, sur plusieurs points essentiels nous ne sommes pas d'accord avec vous, mais votre rapport, même s'il est certainement hermétique à des non-spécialistes, dénote d'un esprit de synthèse remarquable. Venons-en maintenant au problème de fond. Idéalement, il serait souhaitable d'imposer chaque année l'accroissement ou la baisse de valeur des immeubles en soumettant à l'impôt sur le revenu, comme gain de fortune, ses plus-values ou ses moins-values. Techniquement difficilement réalisable, cette manière de taxer n'a été adoptée par aucun canton. Chacun d'eux au contraire a introduit soit une législation fiscale ad hoc, soit, dans la législation fiscale ordinaire, le principe de l'imposition unique du gain lors de l'aliénation de l'immeuble.
Cette façon d'imposer le gain uniquement lors de la vente d'un immeuble présente dès lors l'inconvénient majeur de ne pas tenir compte, dans la détermination du prix de revient, de l'évolution du pouvoir d'achat survenu depuis l'acquisition de l'immeuble. Le rapport de Mme Saudan ne le dit pas, et je le regrette. Les cantons de Bâle-Campagne, des Grisons, du Valais et du Jura prennent en considération la dépréciation monétaire. Le gain réalisé lors de la vente d'un immeuble n'est pas imposé dans ces cantons dans la mesure où il est dû uniquement au renchérissement, soit à l'inflation. Certes, il s'agit d'exemples de cantons ruraux où les variations de prix sont peut-être moins systématiquement marquées que chez nous, mais, s'agissant notamment de la loi jurassienne -- la plus récente -- elle nous paraît être la plus équitable et surtout de nature à ne pas éloigner les contribuables de l'investissement immobilier.
Il faut faire une pause dans le matraquage fiscal dont est victime le propriétaire immobilier depuis plusieurs années. Impôt sur le revenu, impôt sur la fortune, impôt immobilier complémentaire, valeur locative ajoutée au revenu du propriétaire habitant son logement, nouvelle limite à 50% en matière de déduction des intérêts, augmentation de 80% des valeurs locatives intervenues sur le plan fédéral, augmentation de 20% des valeurs fiscales des immeubles acquis après 1984.
Fiscaliser à outrance le secteur immobilier est dangereux. Certes, il produit parfois à court terme un accroissement des recettes de l'Etat, mais, à moyen et à long terme, il détourne l'investissement vers des cieux plus hospitaliers, plus rentables et souvent à l'étranger.
En commission fiscale, M. Loosli, directeur de l'administration fiscale, s'est dit préoccupé par la mobilité des contribuables. Nombre d'entre eux lui ont signalé qu'après avoir effectué des calculs précis ils constataient que leurs charges fiscales globales seraient pour eux moins lourdes s'ils allaient s'établir dans d'autres cantons, notamment dans le canton de Vaud. Il s'avère que des fiduciaires font la même analyse et conseillent à leurs clients de ne pas rester domiciliés dans notre canton, recommandent le canton de Vaud pour les personnes physiques, et le canton de Fribourg pour les personnes morales. Il a été dit en commission qu'entre 1970 et 1980 quelque deux mille bons contribuables ont quitté le canton.
Tous les groupements auditionnés par la commission fiscale ont estimé par ailleurs totalement contre-productif de continuer à imposer des gains immobiliers sur le long terme, soit après vingt-cinq ans de propriété. Il convient à cet égard de mener une politique incitative pour l'investissement immobilier et favoriser l'accession à la propriété individuelle.
Je ne pense pas là aux gros propriétaires, mais plus particulièrement aux petits propriétaires qui ont pensé préparer leur retraite en faisant, il y a longtemps déjà, le pari de l'investissement immobilier. Il y a bien souvent chez eux un sentiment de spoliation à l'égard de l'Etat. Le prélèvement de l'impôt sur le bénéfice immobilier leur semble injuste.
Imaginez par ailleurs qu'en 1970 le marché immobilier concernait pour 15% les institutionnels et pour 85% les particuliers. En 1990, la proportion était de 35% pour les institutionnels et de 65% pour les particuliers.
Nos travaux sont incomplets. L'analyse du problème immobilier et de sa fiscalité n'a été que superficielle et c'est malheureusement notre habitude. Nous travaillons au coup par coup, par petite touche de cosmétique, mais nous n'avons aucune vision globale du problème. Comment traiter de l'impôt sur les bénéfices immobiliers sans appréhender parallèlement la loi sur les droits d'enregistrement totalement désuète sur bien des points? Imaginez que certaines opérations soumises à la loi sur les droits d'enregistrement sont taxées à 4,20 F, qu'un cautionnement de 50 millions de francs n'est taxé par l'administration fiscale que de 105 F. Il y a là des aberrations, et traiter tous ces problèmes les uns pour les autres ne peut que déboucher sur des affrontements législatifs permanents.
En période de difficultés conjoncturelles, et dans le cadre des mesures de relance de l'activité économique dans notre canton, nous aurions pu nous interroger, par exemple, à l'occasion de cette révision législative, sur les investissements dans les petites et moyennes entreprises ou les petites et moyennes industries. Le projet d'investissement dans une entreprise en société se heurte souvent à la nécessité de vendre un bien immobilier, d'où plus-value. En France, par exemple, le produit de la vente d'un immeuble apporté par une personne physique à une société style PME n'est pas imposé immédiatement. L'imposition est différée jusqu'au moment de la cession des droits sociaux ainsi reçus en contrepartie. Il y a là certainement une piste, parmi d'autres, à explorer: élargir le principe du réemploi à des investissements qui ne seraient pas obligatoirement immobiliers. Il nous faut travailler plus sérieusement et en profondeur avec l'aide de spécialistes choisis en dehors de l'administration.
En conclusion, je vous demande expressément d'accepter le renvoi de ce projet en commission, non pas pour le saborder, car sur certains aspects, et je l'ai dit, le groupe démocrate-chrétien le soutient fermement, je pense en particulier à la lutte contre l'évasion fiscale, contre les opérations spéculatives, mais au contraire pour améliorer ce projet. Nous devons mettre en place un système d'imposition simple, juste, compréhensible pour les contribuables, supportable pour les détenteurs de patrimoine immobilier, et non dissuasif pour les investisseurs. Si notre parlement devait refuser ce renvoi, je serais contraint, à regret, de lui proposer toute une série d'amendements difficiles à traiter en séance plénière.
Mme Françoise Saudan (R), rapporteuse. Je ne m'exprimerai pas sur les problèmes de fond qu'a abordés M. Ducret avant que ce parlement se soit prononcé sur le renvoi en commission.
J'aimerais simplement relever à quel point il est choquant de faire cette proposition. La commission fiscale s'est penchée pendant plus de deux ans sur ce problème de l'impôt sur les plus-values et gains immobiliers. Par intermittence, il est vrai, nous avons travaillé en sous-commission et nous avons vu que les problèmes essentiellement politiques, nous ne pouvions pas les trancher. Nous avons travaillé en commission, nous ne sommes également pas arrivés à trancher ces problèmes, et quel que soit le désir de M. Ducret d'améliorer ce projet, le résultat sera le même, il appartiendra à la plénière de trancher les questions politiques de ce projet de loi.
Je suis d'autant plus choquée, Monsieur Ducret, que vous aviez annoncé tout au long de nos débats votre désaccord sur certains points. Vous aviez même annoncé un rapport de minorité. J'ai eu l'obligeance de vous transmettre mon rapport avant que l'ensemble du Grand Conseil en soit saisi, et je trouve cela particulièrement déplacé, d'autant plus que le chef du département a fait l'effort d'être là aujourd'hui. Je vous invite à refuser ce renvoi en commission. (Applaudissements.)
M. Jean Montessuit (PDC). Je suis celui des deux commissaires démocrates-chrétiens qui s'est abstenu lors du vote final en commission fiscale. Effectivement, les débats sur cet objet se sont étendus sur deux ans, mais le projet de loi est loin d'avoir été traité durant deux ans. Il y a eu d'énormes difficultés car c'est un sujet éminemment technique, compliqué, dont on arrive mal à mesurer rapidement les conséquences. On a tenté devant cette difficulté de le renvoyer en sous-commission, la sous-commission n'est pas arrivée à formuler des conclusions claires à l'intention de la séance plénière et il y a eu -- je suis du même avis que M. Ducret -- une accélération des débats à la fin, et cela est fort regrettable.
Comme je n'arrivais pas -- je le dis bien humblement -- à mesurer toutes les incidences du problème, que j'ai confiance dans les représentants du département qui nous donnaient des assurances, je me suis abstenu. Depuis, j'ai examiné les textes, j'ai essayé d'en voir les conséquences pratiques et suis arrivé à la conviction que l'aboutissement de ce projet de loi n'était pas satisfaisant, c'est la raison pour laquelle je soutiens la proposition de renvoi en commission fiscale.
Je voudrais en préambule du débat de fond développer quelques points. Au préalable, j'aimerais relever encore une fois que cette loi dans ses conséquences fiscales ne s'applique pas aux professionnels, mais à tout un chacun, les professionnels étant taxés sur le revenu en ce qui concerne les bénéfices qu'ils réaliseraient sur des biens immobiliers.
Quels étaient les objectifs de ce projet de loi? Je crois qu'ils sont clairement formulés dans l'exposé des motifs, à la page 9 du projet de loi: «Garantir le paiement de tout bénéfice ou gain immobilier». Sur ce plan, je crois que le projet de loi donne satisfaction. Il empêche l'évasion fiscale et détermine le bénéfice imposable selon des critères objectifs plutôt que sur la base d'une évaluation.
«Freiner la spéculation immobilière» dont on peut craindre la résurgence quand les conditions du marché se seront améliorées. C'est un domaine où l'on peut avoir des appréciations très divergentes. Je vous le dis franchement, j'ai quand même, en tant qu'observateur, vu pas mal d'opérations de spéculation immobilière et n'ai jamais vu un spéculateur qui acquérait un bien pour une utilisation future se préoccuper du montant des impôts qu'allait payer celui qui le lui vendait. Or, pour faire une transaction, il faut qu'il y ait un vendeur et un acheteur. Cela dit, à partir du moment où il y a spéculation, je suis d'accord que l'Etat ramasse une grande partie du bénéfice réalisé et que la nouvelle loi frappe plus durement les opérations qui ont un caractère spéculatif, de façon que la caisse de l'Etat en profite. Elle en a bien besoin.
«Atténuer les disparités entre les contribuables», ceux qui agissent à titre professionnel et ceux qui, dans la gestion de leur patrimoine privé, spéculent sur les plus-values importantes à court terme, cela veut dire que l'on veut frapper autant le monsieur qui a acquis une villa pour y habiter que le professionnel, si je comprends bien. «Clarifier les conditions légales de l'exonération d'impôts, de sa perception différée et de la prorogation de la taxation», c'est effectivement un des bons aspects du projet de loi ainsi que cela est ressorti du travail de la commission.
Il y a enfin un aspect qui, dans la finalité du projet de loi, est marqué très timidement, celui d'augmenter la fiscalité et je ne crois pas que c'était le but essentiel de l'opération. Ce n'était pas le but premier, il était ailleurs -- vous l'avez rappelé, Madame le rapporteur, en parlant de l'IN 21 et de la motion 474. Je me suis livré à quelques calculs dont j'ai remis un exemplaire à chacun des partis. J'ai examiné la situation d'un père de famille ayant acheté une villa 500 000 F en 1971, et qui, vingt ans plus tard, soit en 1991, l'a revendue au prix strictement indexé, soit 1,125 million. Dans la loi actuelle, ce monsieur est frappé d'un impôt, que je considère comme normal, atténué par le fait que l'on prend dans le calcul du bénéfice la valeur fiscale majorée de 30%. Dans le nouveau projet de loi, l'impôt est sensiblement augmenté.
Si la valeur de la villa, au lieu d'être de 500 000 F, est d'un million et le prix de vente de 2,25 millions, le bénéfice est beaucoup plus grand, mais il n'y a toujours pas de bénéfice économique, toujours pas de spéculation et un impôt multiplié par 2,5. Il me semble qu'il y a là quand même une anomalie méritant réflexion. Si le même objet est un immeuble locatif, la taxation explose, et c'est là que le chat a mal à la patte. Le marché immobilier est en très mauvaise santé, il n'y a plus d'intérêt pour l'investissement immobilier parce qu'il ne rapporte rien. Le seul intérêt qui lui reste, c'est la préservation de la valeur d'achat à long terme. Si la nouvelle loi massacre cette sauvegarde du pouvoir d'achat, c'est le découragement total pour les investisseurs immobiliers, c'est la crise du logement dans quelques années. Je vous invite vraiment à réfléchir à toutes ces considérations et à revenir en commission de façon que nous puissions les analyser. Encore une fois, nous sommes d'accord sur la taxation des gros bénéfices et des bénéfices à très court terme, mais il ne faut surtout pas que le système mis en place pénalise les investissements à long terme.
Mme Françoise Saudan (R). Nous sommes entrés dans le débat de fond et j'aimerais rappeler quand même certaines choses à mes collègues démocrates-chrétiens. Le principe de l'indexation de la valeur d'acquisition n'existe pas dans la loi actuelle et ça n'a pas empêché le marché immobilier de connaître une de ses plus graves crises. Ce n'est pas un argument, Monsieur Montessuit, de nous dire maintenant: «Si vous ne faites pas cela, ce sera vraiment la catastrophe pour le marché immobilier». Je ne suis pas d'accord avec ce genre d'argumentation parce que maintenant nous sommes dans un débat qui consiste à savoir si ce Grand Conseil désire renvoyer ce projet de loi en commission ou pas, c'est tout! Je veux bien rentrer dans le débat de fond, j'ai toute une série d'arguments concernant l'indexation. (Remarques de M. Brunschwig.) Oui, mais dites-le à vos collègues, Monsieur Brunschwig, s'il vous plaît! (Ton agacé de l'oratrice.)
La présidente. Nous débattons sur le renvoi en commission, j'arrêterai ceux qui débattent sur autre chose.
Mme Christine Sayegh (S). J'ai été extrêmement surprise des propos de M. Ducret, car dire que nous n'avons pas travaillé sérieusement dans cette commission, je trouve cela relativement insultant. Le travail était non seulement dans la commission, mais nous avons sollicité l'administration fiscale, les services de la division de contrôle en particulier, nous avons reçu énormément de documents et ce n'était pas dans la commission, mais avant la commission qu'il fallait les étudier.
Les amendements que vous proposez maintenant, Monsieur Ducret, vous pouviez très bien les faire pendant les séances de commission... (Brouhaha. La présidente s'acharne sur sa cloche!)
La présidente. Que ceux qui reviennent de la buvette le fassent discrètement! (Rires.)
Une voix. Ferme la porte, Ducommun!
Mme Christine Sayegh. Vous voyez que même quand on est virulent et qu'on veut renvoyer une loi en commission, on pense que la buvette est peut-être préférable! Je suis un peu étonnée de la manière dont les travaux de la commission ont été qualifiés car l'on nous a fourni énormément d'exemples, avec les différents critères, qu'ont proposés les milieux immobiliers pour définir le bénéfice fiscal. Mme Saudan a attiré votre attention dès le début des débats sur le fait que le bénéfice fiscal n'est pas un bénéfice économique.
Les amendements qui viennent d'être déposés sur nos tables sont fondamentaux peut-être, mais ils auraient pu, puisque les travaux ont duré deux ans, être proposés antérieurement. Je pense que cette loi est tout à fait prête à être votée et je constate que M. Ducret n'était pas d'accord avec le changement. Effectivement, ce n'est pas dans son intérêt que l'on vote, puisqu'il ne faut pas changer la loi qui est très bien et très simple! Pourquoi la changer? M. Ducret oublie qu'il y a un mandat populaire et que nous devons l'exécuter. Aussi, je pense tout à fait inutile de repartir en commission et notre groupe s'y opposera.
M. Anne Chevalley (L) (L). J'aimerais que l'on se détermine sur le renvoi en commission. C'est inutile d'entrer dans un débat de fond. Je vous demanderai de me repasser la parole si par hasard le renvoi en commission était refusé.
M. Jean Spielmann (T). Tout à l'heure, on a fait une observation sur le renvoi en commission après que M. Ducret l'a proposé. Vous avez laissé parler M. Montessuit, il n'y a pas de raison qu'il y ait deux poids deux mesures, et je m'en vais développer mes arguments! (Protestations sur les bancs de la droite.)
Premièrement, il a été dit que la commission avait travaillé dans la précipitation pour justifier le renvoi en commission, or il faut quand même préciser que l'initiative populaire a été déposée au tout début de l'année 1988 et le délai imparti par la constitution à ce parlement pour prendre position était échu le 8 février 1989. Si cela est de la précipitation, permettez-moi de douter de vos convictions et de votre volonté d'aboutir. Cinq ans après, vous venez dire ici que l'on a trop précipité les choses! Il vous faut donc trouver un autre argument.
L'offensive faite par les représentants des milieux immobiliers est d'ailleurs assez paradoxale car, il y a quelques années, on arrivait dans ce parlement à développer une politique sociale du logement grâce à la position du parti démocrate-chrétien, et aujourd'hui les représentants des milieux immobiliers sont représentés par ce même parti. C'est un changement politique fondamental qui est aussi une position importante et je crois que ce sera l'occasion de le rappeler au cours des prochains mois, pour que les gens sachent qui ils «expédient» dans ce parlement. Ces messieurs les représentants des chambres immobilières sont venus argumenter pour le renvoi en commission en mettant en parallèle des problèmes fondamentaux, comme par exemple celui du bénéfice résultant d'une spéculation immobilière. Dans le court terme, je crois qu'il ne s'agit pas de régler le problème des propriétaires de villas et des petits propriétaires, il s'agit de pénaliser ce qui est à mon avis grave et dangereux pour notre économie: le phénomène de la spéculation. L'argumentation développée pour renvoyer ce projet en commission en disant qu'il n'y a plus aujourd'hui de motivation pour légiférer, pour tenter de mettre en place des dispositions empêchant le développement de la spéculation, est aussi un mauvais argument parce qu'il est bien sûr plus facile aujourd'hui -- alors que ce problème ne touche personne puisque vous venez de dire qu'il n'y a plus de spéculateurs -- de mettre en place une législation prohibant le retour de cette spéculation qui a posé tant de problèmes à notre canton. D'ailleurs, ce n'est pas nous qui le disons, c'est Jean-François Aubert qui a notamment dit dans un article intéressant qu'il n'était pas normal que certains s'engraissent impunément de l'industrie ou de l'activité des autres. C'est bien de cela qu'il s'agit; il ne s'agit pas ici de punir le propriétaire, de punir celui qui a un immeuble.
On pourrait d'ailleurs rediscuter de la valeur immobilière. Il s'agit de trouver les moyens -- c'est l'objectif que nous avions fixé dans cette initiative -- de lutter contre la spéculation, le profit immédiat, qui ne pénalise pas seulement les locataires, mais qui touche l'ensemble des activités aujourd'hui, et c'est un problème de fond que nous pouvons régler en toute tranquillité. L'autre argument développé pour le renvoi en commission est de venir dire: «Il faut ajouter d'autres éléments à ce débat». Vous avez parlé des taxes des droits d'enregistrement à 4,20 F, alors vous me permettrez quand même de sourire lorsque vous viendrez avec toute une série d'arguments de ce type pour justifier le renvoi en commission, alors qu'il s'agit de combattre un phénomène de spéculation, de mettre en place une loi qui nous prémunisse enfin contre un retour de cette spéculation. Dites ouvertement: «Nous, la spéculation, c'est notre job. Nous en vivons et laissons les autres faire le travail et nous voulons continuer à gagner de l'argent sans rien produire, sans enrichir le patrimoine construit, sans enrichir l'industrie, sans participer à la formation et au développement de notre canton, donc une activité totalement nuisible!». Dites-le franchement, et ne conduisez pas des batailles d'arrière-garde juridiques.
Autre argument développé par M. Ducret tout à l'heure. Il est vrai que les AFU ont eu un phénomène pernicieux, et je l'ai dit au Parlement fédéral, on ne peut pas, en matière économique, régler les problèmes économiques simplement par des dispositions urgentes qui renvoient le problème à plus tard. Ces AFU ont été, pour ceux qui avaient les moyens d'attendre, une vertu hautement rémunératrice, car ils ont pu profiter des problèmes rencontrés par les autres pour faire des bénéfices encore plus importants. Aujourd'hui, il est primordial et indispensable de mettre en place une législation qui empêche le retour de la spéculation, et toute proposition de renvoi en commission, de retour en arrière, n'est qu'une mesure dilatoire qui, dans le fond, cache votre véritable intention, celle de continuer à profiter et à vivre de la spéculation, et ça, la population genevoise n'en veut plus et il serait temps de lui donner la parole.
M. Robert Baud (S). Pour qu'il y ait un marché immobilier, un marché où se développe notre économie...
Une voix. Sur le renvoi en commission!
M. Robert Baud. Oui! Je me prononce sur le renvoi en commission, mais je suis obligé d'apporter quelques arguments, il est manifeste... (Manifestation de M. Revaclier.)
Des voix. Laisse-toi pas faire par Revaclier!
M. Robert Baud. ...que le débat de maintenant est un débat politique, contrairement à ce que M. Ducret a voulu laisser entendre en le cachant derrière quelques arguments techniques. Pour qu'il y ait un marché du logement, il faut évidemment une offre et une demande, un équilibre entre cette offre et cette demande, et cela n'était manifestement pas réalisé à Genève dans les années 80 et même avant, où nous avons vécu dans un marché de pénurie où il a fallu intervenir, il a fallu créer des logements subventionnés et d'autres mesures d'encouragement à l'accès à la propriété.
Une autre condition pour que ce marché existe et qu'il continue de se développer sainement est qu'il faut lutter contre les profits qui ne proviennent pas d'un effort économique justifié. Il faut lutter contre les forces non productives. Lorsqu'un immeuble est acquis 4 millions et revendu quelques mois après 5 millions, il s'agit d'une force non productive. Il n'y a aucun bien supplémentaire sur le marché, il y a uniquement un profit, une soustraction de la valeur économique. Cela s'appelle la spéculation, et si vous voulez renforcer le marché immobilier, il faut absolument lutter contre la spéculation qui gâte ce marché, qui fait monter les prix au-delà et sans proportion avec la valeur économique.
Au niveau du logement, le marché a été gâté à la fin des années 80, et il l'est a contrario maintenant avec un effet de retour assez puissant, beaucoup trop puissant et dont nous devons subir à tous les échelons les effets. Le marché tarde à se rétablir, les victimes, ce sont les consommateurs, c'est-à-dire les propriétaires qui habitent leur propre logement, ce sont les locataires qui évidemment dans un marché faussé doivent payer des loyers parfois trop élevés. Ce sont également les promoteurs qui, en général, ne sont pas tous des spéculateurs.
(Manifestation d'étonnement de quelques députés.)
M. Robert Baud. Tout à fait! La présente loi veut lutter contre la spéculation, stabiliser le marché, éviter les fluctuations qui sont hors de la vérité économique. Il s'agit de protéger l'accès à la propriété, et en particulier le propriétaire habitant son propre immeuble. Celui-là n'a absolument rien à craindre des effets de la présente loi. Nous pourrions d'ailleurs en parler dans le deuxième débat.
Il s'agit également de maintenir par la présente loi les droits des professionnels de l'immobilier. M. Montessuit l'a dit, M. Vodoz pourra le dire aussi, les professionnels ne sont que peu ou pas touchés par la présente loi. Il s'agit de lutter contre des achats abusifs suivis d'une revente dans un délai de quelques années.
En régulant le marché, et cela avant tout est important, cette loi intéresse indirectement les locataires qui sont largement majoritaires dans ce canton en agissant comme frein sur les prix. A Genève, 80 à 90% des citoyens sont locataires; pour eux, cette loi est incontestablement une amélioration par rapport à la situation actuelle. Au-delà de ces 80 à 90% et jusqu'à 99%, nous avons une couche de propriétaires habitant leur propre immeuble, ensuite il y a les professionnels de l'immobilier qui ne sont pas touchés directement par cette loi. Que reste-t-il? Il reste moins de 1% des Genevois qui ont à craindre cette loi.
C'est pourquoi le parti socialiste trouve que cette loi est une mesure absolument nécessaire, c'est une mesure minimum, et nous ne saurions accepter certains amendements visant à en diminuer la portée. Bien entendu, nous nous opposons au renvoi de cette loi en commission. Il y a plus d'une année que nous débattons sur ce sujet, nous avons vu plusieurs dizaines d'exemples réels sur lesquels on a simulé l'effet de la nouvelle loi, nous avons été parfaitement renseignés et il n'est pas convenable de remettre en question le travail déjà fait.
M. Paul Passer (HP). Il aura fallu six ans pour que les objets figurant dans ce rapport arrivent en séance plénière. En 1987, la motion 474 invitait le Conseil d'Etat à prendre des mesures draconiennes en revoyant l'impôt spécial sur certains bénéfices et gains immobiliers, demandant que ces gains soient imposés au maximum lorsque les propriétaires ont été possesseurs pendant moins d'un an, etc. A la page 17 du rapport, au dernier paragraphe, il est dit: «Certains commissaires auraient préféré en rester au système actuel en augmentant simplement les taux en particulier pour les courtes durées de possession afin de lutter contre la spéculation».
Tout le problème est là, il s'agit de lutter contre la spéculation. La spéculation a pris fin avec les années de récession que l'on vit depuis 1990, mais rien ne prouve et rien ne dit que cette spéculation ne va pas reprendre lorsque la conjoncture le permettra. Genève a souffert de la spéculation autant que les autres villes de Suisse et d'Europe où les taux d'imposition sur les gains immobiliers étaient les plus faibles. J'en veux pour preuve le tableau comparatif se trouvant à la page 36 du rapport, et j'en prends ici quelques exemples.
Zurich, pour une possession de un à deux ans, impose à 58,4%; à cinq ans: à 37%; à dix ans: à 31%; à vingt ans: à 19%. Pour comparaison, Genève est à 32%, 20%, 10% et 10%. Berne, pour une possession de un à deux ans, impose à 56,8%, Sion à 40%, Lucerne à 37,8%. Il s'agit donc ici d'imposer non pas les constructeurs, non pas les promoteurs, non pas les petits propriétaires, simplement les spéculateurs, ceux qui achètent par pur profit, et c'est pour cela que le renvoi de ce projet de loi en commission me semble une bonne idée afin qu'une clause spéciale sur la spéculation immobilière soit introduite.
M. Jean Montessuit (PDC). Je voudrais simplement vous demander comment l'on peut argumenter sur le renvoi en commission sans aborder les problèmes de fond, alors que c'est précisément les problèmes de fond qui justifient le renvoi en commission? J'aimerais simplement relever quelque chose qui m'a paru totalement inexact. Vous avez dit, Madame la rapporteuse, qu'actuellement le principe de l'indexation n'existe pas. Si, il existe. Actuellement, dans la loi, on prend la valeur fiscale des villas dix ans en arrière, on la majore de 30%. C'est une indexation, Madame! En ce qui concerne les immeubles, on prend la valeur fiscale cinq ans avant la vente, c'est également une indexation. Je n'irai pas plus loin. J'insiste encore une fois, je vous en supplie, renvoyez ce projet en commission, il a mal abouti.
Mise aux voix, la proposition de renvoi en commission est adoptée.
M. David Lachat (S). J'entends m'adresser à M. l'appointé Vodoz, chef du département militaire, et lui poser un certain nombre de questions. Tout d'abord, je regrette, en bon militariste que je suis, qu'il n'y ait pas suffisamment de «grosses nouilles» au Conseil d'Etat (Rires.) et j'attends avec beaucoup d'impatience que deux colonels avec des ficelles bien garnies puissent enfin prendre la place qui leur reviendra au Conseil d'Etat, au département militaire, à moins que ce soit Mme la Maréchale qui assume cette fonction prochainement! Je devrais donc me contenter de la réponse d'un chef du département militaire peut-être ad intérim, et lui poser un certain nombre de questions en relation avec la votation prochaine sur l'acquisition ou la non-acquisition des F/A-18.
Plusieurs personnes qui, malgré elles ou avec beaucoup de joie, ont été convoquées à des cours de répétition ont eu le plaisir d'assister à des exposés fort détaillés et fort convaincants sur l'utilisation prochaine par notre armée suisse des F/A-18. Ces soldats se sont étonnés de voir qu'à l'armée on faisait aussi de la politique, et les questions que j'entends poser au chef du département sont les suivantes. Peut-il confirmer que, à l'occasion d'un certain nombre de cours de répétition récents, des exposés ont été faits sur le problème des F/A-18? Le cas échéant, est-il admissible et admis que des exposés de nature politique liés à une prochaine votation se fassent au sein de cours de répétition?
Si tel n'est pas le cas, le chef du département entend-il demander aux autorités compétentes de prendre des sanctions contre les personnes qui ont fait ce type d'exposés? Dernière question. Ces exposés, s'ils ont eu lieu, ont-ils été faits de manière contradictoire, et par exemple M. Paolo Gilardi a-t-il été invité à participer à ces débats?
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je remercie le député Lachat de considérer que je suis le chef du département militaire ad intérim, peut-être pense-t-il m'y remplacer, qui le sait! Peu importe; en ce qui concerne les «nouilles», c'est effectivement pour l'heure l'appointé qui vous répondra comme il l'a fait d'ailleurs tout au long de ces trois ans, Monsieur le député!
Tout d'abord, j'aimerais préciser qu'aucune troupe cantonale n'a été en cours de répétition depuis le début de cette année et que sur ce plan en ce qui concerne les pouvoirs du département militaire cantonal -- d'ailleurs extrêmement limités comme le sait fort bien d'ailleurs l'interpellant -- le chef du département militaire ne peut pas grand-chose. En revanche, les questions évoquées par M. Lachat sont connues, ont fait l'objet de diverses interventions de la part du département militaire fédéral à l'intention des commandants de corps, des officiers généraux ainsi que des commandants des grandes unités.
L'information peut avoir lieu à l'occasion de cours militaires, mais aucune propagande ni mot d'ordre de vote ne peuvent être faits. Ainsi, vous pouvez savoir qu'à teneur du règlement de service les commandants sont tenus de faire part -- cela a été précisé par le chef du département militaire fédéral -- des informations concernant l'armée, comme notamment l'armée 95, à leur propre formation, mais également quant à l'importance de l'aviation militaire et à la nécessité de bénéficier d'une instruction moderne dans une armée de plus en plus confrontée à la technique. Il vous suffirait d'aller voir les conditions dans lesquelles les recrues de la caserne d'Herisau-Gossau sont logées actuellement pour comprendre pourquoi un certain nombre de modernisations sont indispensables dans les infrastructures de notre armée.
En revanche, le département militaire fédéral a confirmé qu'il convenait par contre d'interdire les abus de l'autorité de commandement visant à exercer une influence politique illicite, notamment tout slogan, toute recommandation de vote et aucun matériel de propagande de comité pour les votations ne doit être distribué. En résumé, sur ce plan, le chef du département militaire fédéral a confirmé qu'il était important de donner une information, mais qu'aucune directive visant à faire de la propagande ne pouvait avoir lieu dans les cours de répétition, dans les écoles de recrues à l'égard des deux initiatives qui seront soumises le 6 juin au peuple de notre pays.
M. David Lachat (S). Je souhaiterais répliquer à l'occasion de la prochaine séance.
La présidente. Nous en prenons bonne note.
Préconsultation
Mme Martine Roset (PDC). Ce projet de loi que le Bureau a le plaisir de vous présenter a pour but d'inscrire dans la loi portant règlement du Grand Conseil un mode de calcul de répartition des sièges en commission. La méthode «Hagenbach-Bischof» dite méthode des plus grandes moyennes retenues est celle déjà appliquée dans la plupart des législations cantonales et fédérale ainsi que dans notre parlement lors du calcul des sièges des députés aux élections. C'est pourquoi, votre Bureau a estimé important d'inscrire cette méthode dans notre règlement afin d'avoir une base réglementaire. Nous vous remercions de renvoyer ce projet de loi à la commission du règlement qui, je l'espère, pourra traiter ce sujet dans les meilleurs délais.
Ce projet est renvoyé à la commission du règlement du Grand Conseil.
La séance est levée à 18 h 25.