République et canton de Genève

Grand Conseil

P 969-A
5. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition «L'histoire de Genève en danger». ( -)P969
Rapport de Mme Jacqueline Damien (S), commission des pétitions

Débat

Mme Jacqueline Damien (S), rapporteuse. D'aucuns auront peut-être trouvé cavalier cette manière de traiter une pétition. Mais, unanime, la commission a décidé qu'elle n'était pas compétente pour trancher entre de fortes personnalités, d'autant plus que tout règlement d'application est du ressort unique du Conseil d'Etat par un arrêté publié dans la Feuille d'avis officielle. Une fois de plus, les députés n'ont aucune compétence dans ce domaine.

Si les pétitionnaires, qui nous ont surtout parlé de l'augmentation du prix des photocopies et qui ont obtenu partiellement gain de cause, désirent autre chose, la voie d'une pétition n'est vraiment pas judicieuse, c'est le moins que l'on puisse dire.

M. Jacques Boesch (T). Vous avez dû recevoir, Madame la présidente, une lettre émanant de l'Association pour l'étude de l'histoire régionale ?

La présidente. Elle doit être d'ailleurs sur vos places, sauf erreur!

M. Jacques Boesch. Ne pensez-vous pas qu'il serait utile de la lire?

Des voix. Non!

M. Jacques Boesch. Non? Bon! Puisque chacun en a pris connaissance!

Si, dans sa forme, nous pouvons apprécier le rapport de la commission des pétitions, par contre, dans le fond, on ne peut pas répondre à une pétition signée par plus d'une centaine d'historiens, des professeurs d'université et de simples étudiants en réduisant la question posée à un simple problème de prix de photocopie ou d'humeur entre des personnes à fort caractère.

Je crois qu'il est indécent de traiter une telle pétition de cette manière. Ce d'autant plus que -- si je suis bien renseigné -- la commission aurait dû recevoir un livre blanc sur les archives d'Etat, fort complet, avec de nombreuses remarques pertinentes. Huit à dix propositions extrêmement intéressantes sont de nature à faire que notre histoire -- que chacun apprécie dans cette enceinte -- puisse être un point de référence pour la population.

Je le répète, on ne peut pas traiter une telle pétition ainsi, puisqu'il y a des propositions concrètes et peu onéreuses à appliquer. Alors, je ne crois pas que nous pouvons en rester là et classer verticalement cette pétition dans les poubelles de l'histoire. Aussi, je vous propose de la renvoyer à la commission de l'enseignement qui s'occupe de l'histoire et de la protection de notre patrimoine -- vous savez que beaucoup d'étudiants et de chercheurs de l'université sont intéressés à consulter les archives -- pour l'étudier de manière sereine et positive et, au moins, pour prendre connaissance de ce livre blanc. Nous pourrions ainsi évaluer si le Conseil d'Etat pourrait valoriser notre histoire par une consultation normale de nos archives en prenant un certain nombre de mesures appropriées et peu onéreuses. N'oublions pas que ces archives sont un outil de travail indispensable pour les chercheurs, les historiens, les étudiants et les professeurs. En limiter à ce point l'accès me semble péjorer l'histoire de Genève, histoire à laquelle nous devons tant.

Je fais donc une proposition formelle de renvoyer cette pétition à la commission de l'enseignement.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. J'aimerais remercier Mme la rapporteuse, Jacqueline Damien, pour son rapport qui reflète avec précision la situation dans laquelle nous nous trouvons. Elle a su le rédiger avec une pointe d'humour, humour bienvenu dans le contexte actuel.

Cette pétition a été déposée avant que nous reprenions en compte -- si j'ose m'exprimer ainsi -- les tarifs qui avaient été envisagés et appliqués. C'est dire -- si j'ai bien compris vos propos, Monsieur Boesch, excusez-moi, je suis arrivé un peu en retard -- que nous avons largement tenu compte de ce qui a été demandé. La commission des archives a siégé et s'est déclarée totalement satisfaite des nouvelles propositions; aussi je ne vois pas pourquoi vous voudriez en débattre en commission. Nous en avons déjà beaucoup discuté -- je serais tenté de dire: trop discuté -- et l'enjeu n'est pas celui que vous venez de décrire, Monsieur Boesch. Le calme, je crois, ou je croyais, était revenu dans le cadre, des relations entre les historiens et les archives.

Peut-être y a-t-il d'autres problèmes qui n'ont strictement rien à voir avec les tarifs, et je n'entends pas qu'on utilise ce sujet comme prétexte. Mesdames et Messieurs les députés, je vous suggère de ne pas vous laisser entraîner sur un terrain qui n'a rien à voir avec le tarif des archives et de suivre la proposition formulée par Mme la rapporteuse.

M. Hermann Jenni (MPG). Je ne remettrai pas en cause les conclusions de la commission si ce n'est que lorsque cela nous arrange nous savons très bien présenter une résolution ou une motion pour demander au Conseil d'Etat, dans la sphère des activités qui lui sont réservées, d'agir dans un sens ou dans un autre. Quand nous le voulons, nous savons très bien faire part à l'exécutif de nos souhaits concernant les objets qui relèvent de sa seule compétence. Il est un peu «gros» d'affirmer que cela ne relève pas de notre compétence pour ne pas vouloir s'en occuper.

La façon dont le rapporteur se permet d'ironiser me déplaît passablement. Celle-ci dit que «L'Histoire de Genève en danger» est un titre alarmiste; c'est «se payer la tête» de gens très sérieux et très studieux qui font des travaux de recherche. Ces personnes mériteraient quand même un peu de respect en lieu et place de l'ironie qui ressort du rapport effectué par le rapporteur. Une fois de plus, cela me déplaît foncièrement.

M. Jacques Boesch (T). Monsieur Haegi, je ne crois pas qu'il faille s'enfoncer dans une mauvaise querelle dont l'histoire ne retirera rien. Cette pétition a été signée par cent quarante personnes -- je peux vous en donner la liste -- et elle a été cautionnée par les plus éminents historiens et professeurs d'histoire de Genève. Alors, de deux choses l'une, soit ces personnes ne connaissent rien à l'utilisation de leur outil de travail, soit c'est le contraire. En ce qui me concerne, jusqu'à présent, j'ai toujours pensé qu'ils s'y connaissaient.

Ces derniers ont pris la peine de rédiger un livre blanc, avec non seulement un bref rappel des faits, mais encore avec une dizaine de propositions pour utiliser plus rationnellement nos archives. Apparemment, personne n'en parle ici. On ne parle que du coût des photocopies -- ce qui est profondément ridicule -- ou du caractère de certaines personnes -- ce qui est encore plus ridicule -- alors que le problème concerne un outil de travail. Je crois qu'à ce niveau le rapport est éloquent malgré tout l'esprit qu'il dégage, mais on n'a pas tenu compte de ces paramètres.

Vous-même, Monsieur le président du département en charge des archives, vous n'en avez pas tenu compte puisque, apparemment, la seule modification apportée est une baisse du prix de la photocopie. Mais quid de toutes les autres remarques fort intelligentes et de toutes les autres propositions?

Effectivement, cela fait bien longtemps que ce rapport a été déposé. Alors de deux choses l'une, soit des mesures concrètes ont été prises et depuis lors la consultation des archives cantonales est facilitée et par là même le travail des historiens, des professeurs et des étudiants, soit ce n'est pas le cas. Vous pouvez répondre par des règlements, mais ils ne sont pas suffisants pour offrir un outil de travail à toute la communauté des historiens, des scientifiques et des universitaires. Je veux bien que ces propositions soient balayées, mais c'est se mettre à dos toute une communauté dont nous avons besoin, et à laquelle nous devons être reconnaissants.

Je vous fais donc une proposition médiane: celle de renvoyer ce rapport pour étude. Regardons ce que contient ce livre blanc, dites-nous ce qui a été fait précisément, comment nous allons répondre à toutes ces propositions et ensuite soit vous aurez trouvé les solutions et tout le monde sera satisfait, soit vous ne les aurez pas trouvées et nous vous aiderons à les trouver. Je crois, Monsieur le président, que si l'Association pour l'étude de l'histoire régionale prend la peine d'adresser une lettre, datée du 26 avril, fort circonstanciée, à la présidence pour confirmer toutes ses remarques, c'est bien que la majeure partie des problèmes n'a pas été résolue. On peut se voiler la face aujourd'hui, mais ça ne serait pas tellement sain pour notre histoire.

Je vous propose donc, à nouveau, Monsieur le président, de renvoyer toutes ces questions à la commission de votre choix, à la commission des finances, qui a la capacité de débloquer des fonds et qui arrivera à pallier aux quelques petites lacunes encore existantes aux archives, ou à la commission de l'enseignement, car nous sommes très intéressés par les problèmes de protection du patrimoine, de la culture, etc. Mais ce que l'on ne peut pas faire, c'est laisser les archives dans cet état, c'est laisser toute cette communauté d'historiens et d'étudiants dans la «panade» dans laquelle on veut délibérément, apparemment, les laisser «goger».

Monsieur le président, j'attends une réponse favorable de votre part.

M. Charles Bosson (R). M. Boesch vient de prôner le renvoi de cette pétition en commission pour approfondir ce problème. Il dit qu'en définitive il a été traité de façon un peu ridicule et légère par la commission alors que ce problème était réel.

Quant à moi, je trouve, Madame la présidente, qu'il est scandaleux que notre Grand Conseil perde son temps, ce soir, à parler d'un sujet aussi «minable et ridicule» alors que nous avons vingt mille chômeurs à Genève et 500 millions de déficit à traiter. (Brouhaha.) Il me semble donc que nous devons plutôt tenter de résoudre les problèmes urgents que ceux de ce type.

Je vous propose une motion d'ordre avec vote immédiat.

(Contestation de quelques députés.)

M. Charles Bosson. Je n'en ai rien à foutre!

La présidente. J'ai une motion d'ordre de la part de M. Bosson, je suis obligée de la mettre au vote.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mise aux voix, la motion d'ordre de M. Bosson est acceptée par 34 oui contre 30 non.

La présidente. Nous allons maintenant passer au vote sur le rapport de la commission.

Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.