République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 6838-A
15. Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 1) et la loi sur les droits d'enregistrement (D 3 6) (estimation de la valeur de rendement des immeubles servant à l'exploitation agricole et des bâtiments d'habitation des exploitations agricoles. ( -)PL6838
Rapport de Mme Christine Sayegh (S), commission fiscale

Premier débat

M. Jean-Luc Ducret (PDC). Quelques mots pour expliquer mon abstention, voire mon opposition à certains articles. Mme Sayegh a mentionné dans son rapport que le projet de loi avait été accepté à l'unanimité moins une opposition, voire une abstention. Cela peut paraître insolite, aussi je vous dois une explication.

Cette notion de valeur de rendement ne m'est pas inconnue. En effet, en ma qualité d'officier public, je l'applique quasiment journellement dans le cadre de liquidation de succession ou de transfert de propriété agricole. Je connais ce domaine depuis fort longtemps à tel point que j'ai la prétention de pouvoir vous donner quelques explications à ce sujet.

J'ai été personnellement, il y a déjà plus de vingt ans, en 1972, à l'origine d'une première modification de la loi fiscale s'agissant des remises par donation ou héritage de terrains et d'immeubles agricoles. En effet, un agriculteur qui hérite d'un domaine agricole et particulièrement d'un bâtiment peut réclamer à l'hoirie l'attribution de ce domaine à la valeur de rendement. Dans la loi précédente, il payait toutefois des droits de succession sur la base d'une valeur vénale. Je n'ai donc pas attendu de siéger au sein du parlement pour m'intéresser à la valeur de rendement. Aussi, j'avais la prétention en commission de pouvoir émettre un avis quelque peu pertinent. Ça n'a manifestement pas marché, puisque je n'ai pas été suivi. Cela étant, je ne veux pas m'étendre davantage sur cette notion de valeur de rendement. C'est un débat technique et délicat.

Je relève simplement qu'il a fallu plusieurs années à la Chambre genevoise d'agriculture pour soumettre au parlement, via le Conseil d'Etat, un projet visant à modifier cette loi. Notre commission fiscale a expédié le problème en deux séances. Alors -- et j'en viens à l'essentiel -- mon abstention s'adressait avant tout à notre commission et à l'insuffisance de ses débats.

Lors de la première séance, la commission m'a mandaté, de concert avec M. Streikeisen, directeur de la Chambre genevoise d'agriculture, pour examiner les incidences fiscales, et particulièrement les incidences sur les recettes de l'Etat, d'une modification législative. J'avais suggéré que la commission nous accorde dix jours pour présenter un rapport. Lors de la séance suivante, sans plus parler de rapport, nous avons passé au vote. Sans doute que le rapport n'avait plus d'importance! Néanmoins, j'attends toujours des réponses des collaborateurs du département des finances sur le manque à gagner, s'agissant des recettes fiscales. Curieuse façon de travailler!

Mon abstention sur certains articles avait -- comme je l'ai dit en commission -- l'ambition d'attirer l'attention du monde agricole sur les répercussions de ces modifications, s'agissant notamment des problèmes hypothécaires. La nouvelle loi propose d'admettre la valeur de rendement pour tous les immeubles agricoles qu'ils soient situés en zone à bâtir ou en zone rurale. Imaginez donc qu'un propriétaire agricole veuille transformer ou rénover sa maison d'habitation: le fait qu'il ait été taxé à la valeur de rendement l'empêchera d'obtenir un endettement hypothécaire supérieur à 135% de la valeur de rendement. Cette valeur de rendement est une valeur basse. Je relève à cet égard qu'elle n'est pas assez basse. Le guide fédéral d'estimation devrait être revu et je souhaite ardemment que l'on se penche sur ce problème au niveau fédéral.

Le dernier motif de mon abstention visait surtout à souligner la piètre qualité des textes proposés. J'ai également la prétention d'avoir apporté en commission quelques améliorations à ces textes qui m'ont été suggérées par ma grande pratique dans ce domaine. L'apprentissage du mandat de député est long mais soyez certains, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, que dans les domaines que je maîtrise, je persisterai à proposer des textes légaux simples, efficaces et compréhensibles pour le citoyen. Alors, je tiens à rassurer les milieux agricoles, comme d'ailleurs tous les autres milieux professionnels: chaque fois que des allégements de la fiscalité d'une corporation seront proposés, je serai là pour soutenir cette proposition.

M. Charles Bosson. Votez pour lui! (Rires.)

M. Jean-Luc Ducret. S'agissant en particulier du monde agricole, vous n'êtes pas sans ignorer la baisse de son revenu. Je dirais même que le secteur agricole est un secteur sinistré. Donc, tout ce qui peut être fait pour aider ce secteur dans les circonstances actuelles doit être fait. Les propositions de modifications législatives sont par conséquent plus que du cosmétique. Il est important de faire admettre la valeur de rendement dans tous nos textes fiscaux.

Je voterai donc ces modifications, malgré mon abstention en commission. J'émets simplement certaines réserves sur le plan formel des textes qui vous sont proposés.

M. Charles Bosson (R). Je voudrais tout d'abord remercier Mme Sayegh pour son rapport. C'est un problème technique qui n'est pas facile à comprendre et elle a très bien résumé et expliqué le problème.

Je ferai une simple remarque par rapport à ce que vient de dire le député Ducret que je remercie, dans sa grande sagesse, de rallier le reste de la commission et de reconnaître l'utilité de ce projet de loi.

Effectivement, ce projet de loi est une contrainte pour l'agriculture qui verra ses possibilités d'endettement diminuer, puisqu'une partie de ses bâtiments seront taxés à la valeur de rendement. Mais je crois que cette formule sera aussi une sagesse forcée pour les agriculteurs, les empêchant ainsi, peut-être, de se surendetter, surtout par rapport aux valeurs de rendement et par rapport aux possibilités économiques qui leur sont offertes aujourd'hui ou plutôt les restrictions qui sont les leurs, comme celles d'autres professions souffrant de la récession. A un moment donné, il faut savoir ce que l'on veut: on ne peut pas être gagnant sur tous les tableaux. Il faut savoir où l'on veut aller et quels sont les moyens que l'on veut bien se donner pour y parvenir.

M. Ducret a fait allusion tout à l'heure au guide fédéral qui devrait être revu. Je voudrais le rassurer à ce sujet. Il sait très certainement, comme moi, qu'une commission d'experts a été mandatée pour ce faire et qu'elle doit rendre son rapport impérativement pour l'été prochain de façon que le nouveau guide fédéral puisse entrer en vigueur dès le 1er janvier 1994. Je lui rappelle que ce projet de loi tend à adapter la législation cantonale à la législation fédérale de manière que les normes soient les mêmes à Genève et en Suisse. Cela permettra à l'agriculture genevoise d'être plus compétitive, comme l'est l'agriculture suisse en général.

 Je ne peux donc que vous inviter à suivre la commission fiscale chargée d'étudier ce projet de loi et de le voter ce soir tel qu'il vous est présenté.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue: