République et canton de Genève

Grand Conseil

P 956-A
14. Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la pétition de Mme et MM. Michel Balestra, Roger Beer, Liselotte Born, Florian Barro et Raoul Baehler contre le démantèlement des études pédagogiques. ( -)P956
Rapport de Mme Maria Roth-Bernasconi (S), commission de l'enseignement et de l'éducation

Débat

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). En premier lieu, j'aimerais que vous corrigiez à la page 8 ma dernière phrase. J'aimerais qu'on n'écrive pas: «renvoyer cette pétition pour information au Conseil d'Etat», mais: «de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat».

La présidente. Nous en avons pris note, Madame Bernasconi.

Mme Maria Roth-Bernasconi. Je viens de lire dans «La Suisse» un article qui s'appelle «Tout à l'université». Dois-je comprendre cela comme le fait que le département de l'instruction publique et tous les partenaires ont déjà décidé du sort des études pédagogiques? A quoi sert alors le travail que nous avons fait en commission? Il n'est pas de la compétence du Grand Conseil de décider lequel des projets est le meilleur; c'est de la compétence du Conseil d'Etat. Le souhait qui ressort des travaux de la commission est que le dialogue entre les différents partenaires s'occupant de la formation des enseignants et enseignantes soit réinstauré.

Nous aurions souhaité que le Conseil d'Etat étudie tous les projets pour ne pas décourager les gens qui, au lieu de n'amener que des critiques négatives, ont planché sur un projet pour amener quelque chose de constructif. Je crains, hélas, que nous n'arrivions trop tard, et que les décisions soient déjà prises. Néanmoins, je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Sans contester les conclusions du rapport de la commission, je voudrais quand même apporter un autre éclairage sur cette question. C'est-à-dire que le débat qui nous a occupés s'est surtout préoccupé de discuter si oui ou non la licence universitaire pour les études pédagogiques était justifiée. Comme l'a rapporté Mme Roth-Bernasconi, nous ne trancherons pas sur cette question. Nous sommes de nouveau dans un débat illégitime, mais cette fois-ci légitimé par le dépôt d'une pétition.

Je voudrais vous dire sous quel aspect j'estime que nous n'avons pas traité cette question. S'il est absolument certain aux yeux de tous que la professionnalisation des instituteurs est nécessaire, ce qui tendrait à la faire entrer dans la structure universitaire, l'autre question de la professionnalisation cette fois-ci de l'université n'est pas débattue. J'estime, quant à moi, que si ces métiers d'instituteurs deviennent des professions et que le caractère professionnel des métiers consiste en une activité intellectuelle en situation faisant appel à des connaissances théoriques et à des savoir-faire pratiques mis au service de l'identification et la résolution de problèmes complexes, nous allons créer un précédent avec ce débat sur les maîtres du primaire. A savoir que la définition susmentionnée concerne tout aussi bien tous les métiers de la santé, tous les métiers sociaux, de même que le but visé par le déplacement de ces formations vers l'université est la revalorisation des titres, la revalorisation des traitements, la meilleure image de ces professions. C'est le même but que celui poursuivi par toutes les autres professions dont je viens de parler. Tout simplement, on devrait se poser la question globalement de savoir si l'on veut faire de l'université une école professionnelle, oui ou non, ou si d'autres solutions s'imposent telles que par exemple des instituts de degré universitaire.

M. Jacques Boesch (T). J'aimerais remercier Mme Roth-Bernasconi pour son rapport qui reflète bien les travaux de la commission. C'est vrai, Madame Roth-Bernasconi, qu'il n'appartient pas au pouvoir législatif, à ce stade, d'apprécier les avantages ou les inconvénients de l'une ou l'autre des solutions. Par contre, nous pouvons faire des recommandations, émettre des voeux, et je crois que nous n'allons pas nous gêner!

Nous avons auditionné les formateurs actuels du corps enseignant primaire regroupés dans un cercle de qualité, qui sont aussi les tenants d'une troisième voie médiane, en prônant la création d'un institut supérieur de formation des enseignants. Cet événement est suffisamment important et je crois que la mobilisation de ces enseignants est suffisamment forte pour être saluée ici. Puis nous avons entendu les représentants de la FAPSE, qui sont, eux, partisans du rattachement de cette formation à l'université.

Ces deux projets sont prometteurs. Ils ont des avantages certains et quelques inconvénients qui devront être dépassés par l'étude. Ils révèlent en tout cas en commun que la formation actuelle doit être profondément modifiée pour répondre aux exigences d'aujourd'hui. Nous avons pu aussi comprendre que ce projet de restructuration n'allait pas de soi et que des divergences, comme des convergences, étaient apparues, d'où la pétition qui nous occupe ce soir, en final.

La conclusion logique de notre commission était d'inviter les partenaires concernés à rétablir un climat de dialogue. Nous pensons aussi -- là, je crois que tous les commissaires en sont persuadés -- qu'il est parfaitement impossible d'imposer une solution à qui que ce soit. Nous demandons au Conseil d'Etat d'examiner les deux projets, avec leurs avantages et leurs inconvénients, ainsi que leurs implications financières. M. Föllmi nous a donné l'assurance formelle que ce serait fait ainsi. Dont acte. D'où le vote à l'unanimité de la commission pour renvoyer cette pétition à discussion au Conseil d'Etat.

Ces derniers jours, nous avons appris que la SPG avait décidé d'entrer en matière sur la mise en chantier d'une réflexion à propos de ces projets -- là, je crois qu'il faut être clair sur les décisions qu'elle a prises -- et que la commission de formation a fait de même, tout en marquant sa préférence, c'est vrai, pour le rattachement à l'université. Par contre, je vous avoue que la lecture de la dernière lettre du directeur de l'enseignement primaire aux membres du cercle de qualité des études pédagogiques m'a laissé quelque peu perplexe. Si le recours aux experts extérieurs peut apparaître comme un peu précipité au vu de l'avancement des travaux, que penser de l'ambiguïté du refus d'entrer en matière de ce directeur? Porte-t-il uniquement sur le recours aux experts ou, au contraire, sur les études comparatives? Il n'est pas clair à ce propos, et nous voudrions ce soir que toute ambiguïté soit levée pour permettre la bonne suite de ce travail.

Dans une affaire aussi délicate que celle des études pédagogiques, la direction de l'enseignement primaire ne doit pas se cantonner dans des a priori quels qu'ils soient, mais procéder et permettre des études comparatives, objectives et impartiales. Je suis sûr que M. Föllmi est d'accord avec cette exigence qui est, rappelons-le, celle de l'ensemble de la commission.

Nous avons dit que le transfert des études pédagogiques à l'université n'allait pas de soi. Par exemple, jusqu'à présent, l'université tient fermement à son autonomie. Dès lors, comment cette autonomie pourrait-elle s'articuler

avec une formation de type professionnel, placée sous l'égide du DIP? C'est une question que l'on doit résoudre préalablement.

D'autre part, jusqu'à présent, l'université n'a jamais pris en charge des formations de type strictement professionnel. Dans ce cas particulier, n'est-elle pas en train d'ouvrir cette porte-là et, si la faculté des sciences et de l'éducation est peut-être prête à faire ce pas, qu'en est-il du rectorat? Va-t-il accepter d'entrer en la matière? Ouvrir cette formation à autant d'étudiants, n'est-ce pas, à terme, introduire par la petite porte une sorte de numerus clausus? Pourquoi ne pas ouvrir une formation de type professionnel pour d'autres travailleurs du domaine social, du domaine culturel? Ne faudrait-il pas d'abord et préalablement répondre à ce genre de questions avant de transférer comme cela les études pédagogiques à l'université?

Je crois, Monsieur Föllmi, que vous comprendrez nos inquiétudes. Je crois aussi qu'il convient de rétablir une confiance entre tous les partenaires pour que ces études objectives puissent être entreprises en tout équité, et je crois que vous allez nous rassurer, comme l'ensemble des partenaires, par votre intervention.

M. Philippe Fontaine (R). Je ne suis personnellement pas d'accord avec l'interprétation que vient de faire M. Boesch. Je pense, quant à moi, qu'il est nécessaire et urgent de prendre des décisions quant au nouveau type de formation des enseignants du primaire et prendre une décision. Quand on est conseiller d'Etat, quand on est un exécutif, ça peut être, à un certain moment, Monsieur Boesch, imposer une solution à qui de droit. Etre patron, c'est aussi savoir imposer une solution. Bien sûr, il faut discuter avant et prendre les avis des parties. Mais il y a un moment dans les discussions où il faut s'arrêter lorsqu'on ne peut plus avancer et que la décision définitive doit être prise. C'est comme ça que l'on gère une entreprise, et c'est comme ça, j'imagine, que l'on doit diriger un département.

Deuxième problème. Je suis pour ma part un peu frappé par l'attitude de la FAPSE, cette faculté de psychologie et des sciences de l'éducation qui, d'après ce que l'on a appris dans les travaux de la commission, semble d'accord d'accueillir une nouvelle formation pour les enseignants. Je suis surpris parce que, par ailleurs, cette faculté a tout fait pour se débarrasser d'une autre formation, certes plus modeste, je veux parler de l'école de psychomotricité. Elle a tout fait pour se séparer de cette école, créant par là un problème important pour les personnes qui y sont attachées. Bien sûr, ce sont des gens qui font moins de bruit, qui sont moins nombreux. Ce sont des thérapeutes qui, de ce fait, ont dans leurs activités professionnelles une option un peu différente de celle qui est majoritaire à la faculté de psychologie. Car il faut savoir que dans cette faculté-là, il y a aussi, comme dans nos milieux politiques, des combats de chefs, des combats d'écoles, et que certains chefs, certaines écoles privilégient une recherche plutôt théorique, et que d'autres écoles privilégient une application clinique pour une recherche. Il y a là des enjeux, des choix, et tous ces combats se déroulent à huis clos, mais parfois à couteaux tirés. Et il n'est pas, bien sûr, du pouvoir de l'autorité politique que nous représentons d'intervenir dans les débats académiques, eu égard à la sacro-sainte liberté académique.

Néanmoins, nous tenons en partie les cordons de la bourse et vous savez que, récemment, suite aux interventions de mon collègue Giromini, nous avons réussi à imposer à la faculté de médecine une ouverture pour un enseignement nouveau qui nous tenait à coeur. Alors, je remercie M. le chef du département d'intervenir là où il pense pouvoir être efficace afin de bien faire comprendre à MM. les professeurs que les députés veulent bien les laisser travailler dans leurs propres options, mais que si à un certain moment des options sont prises et nous déplaisent, nous pourrons, nous aussi, nous imposer par le moyen budgétaire en particulier.

J'espère pour ma part que les enseignants pourront être formés dans cette faculté, parce que je crois que ce projet est intéressant, parce que je crois que ce projet est moderne. Il va permettre une ouverture aux enseignants et, puisqu'ils n'auront plus la certitude d'être engagés par l'Etat -- nous savons aujourd'hui quelles en sont les raisons -- ils auront peut-être la possibilité, étant mieux formés, de pouvoir trouver un travail dans une autre branche ou de poursuivre une autre formation.

M. Armand Lombard (L). Beaucoup de choses ont été dites sur cet important rapport, mais j'aimerais simplement revenir sur sa conclusion que j'expliquerai ensuite en deux mots.

Je proposerai un amendement à la proposition qui nous est faite, pour autant que ce soit la voie formelle à suivre, un amendement puisque nous

avions compris, par le rapport de Mme Roth-Bernasconi, qu'il nous était proposé de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. L'erreur est venue de la mauvaise rédaction qui a été donnée au rapport. C'est donc cette proposition que je fais au Grand Conseil pour, très brièvement, les raisons suivantes.

Bien entendu que la réorganisation des études pédagogiques du primaire est nécessaire! Elle est bienvenue, elle était souhaitable. Le chef du département s'en est souvent ouvert à la commission de l'enseignement et ce débat est le résultat d'une longue procédure qui arrive tranquillement, même si cela a été un peu pénible, à maturation.

Pour reprendre les reproches que me faisait Mme Maulini-Dreyfus tout à l'heure, si effectivement «Préserver l'essentiel» m'apparaît comme un problème dont doit s'occuper le Grand Conseil, parce que c'est un problème de politique à long terme qui concerne, à l'évidence, le parlement de cette République, le problème de réorganisation d'un service est un problème interne de fonctionnement, et c'est un problème typique qui est laissé au management d'un département, en l'occurrence le DIP. C'est la raison pour laquelle nous pensons que nous n'avons pas à confier cette proposition au Conseil d'Etat, ce qui le lierait, mais que, au contraire, elle doit être déposée devant le Grand Conseil, ce qui permettra au Conseil d'Etat d'agir librement.

Vous vous rappellerez, pour être logiques et montrer une suite dans nos idées, qu'une motion avait été présentée sur le même sujet à ce même Grand Conseil. Il l'avait rejetée à une très forte majorité, selon l'argument principal que c'était un problème de management du département de l'instruction publique qui n'avait pas à être résolu par ce Grand Conseil, mais devait l'être par les soins et l'autorité du chef du département.

La présente pétition a suivi son cheminement jusqu'en commission de l'enseignement, nous l'avons étudiée, nous avons écouté ses auteurs, nous avons écouté ceux qui avaient d'autres projets, mais nous considérons que maintenant l'audition a été faite, la pleine information a été faite, et que fort de tous ces renseignements, de toutes ces présentations, il s'agit maintenant pour le Conseil d'Etat de régler le problème. J'ai remarqué d'ailleurs que la presse annonçait hier un grand pas en avant dans la résolution de ce problème -- la «Tribune de Genève» de ce soir disait le contraire, pour simplifier! Bref,

un grand pas a été fait par les partenaires à cette discussion, si bien que je vous propose de soutenir cet amendement et de simplement déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. Je vous en remercie.

M. Jacques Boesch (T). Je démens formellement ce que vient de dire M. Lombard. Il faut qu'il se réfère au procès-verbal de la commission de l'enseignement, du 27 janvier, à la page 6. La commission se prononce à l'unanimité pour renvoyer cette pétition pour information au Conseil d'Etat. C'est dans le procès-verbal. C'est la décision que nous avons prise en commission.

Au-delà de tout cela, je constate quand même ce soir -- pour le moment, M. Föllmi ne s'est pas prononcé -- que nous venons, il y a quelques instants, de parler d'un document essentiel qui traite de l'avenir de l'école. Tout le monde prône la concertation, la discussion, le fait que sur des projets d'ampleur l'on réunisse un maximum d'informations et que l'on dégage les lignes de force en tenant compte des intérêts de toutes les parties concernées. Et j'ai bien l'impression que, dans le cas particulier des études pédagogiques, on est en train de faire exactement le contraire de ce qui est prôné dans ce document et qui engage, puisque c'est une proposition de M. Föllmi et du Conseil d'Etat, à un certain type de pratiques. Alors il faut savoir ce que l'on se veut. On peut bien voter toutes les motions, comme on l'a fait il y a quelques minutes, et cinq minutes après, faire exactement le contraire, mais je vous dis tout de suite que ce n'est pas très sérieux et ce n'est pas donner des garanties qu'un débat serein se développe en ce qui concerne l'enseignement.

M. Armand Lombard (L). Madame la présidente, c'est pour ne pas entrer dans ce débat confus de procès-verbal ou de pas procès-verbal, de décision ou de pas décision, que j'ai présenté un amendement de notre groupe qui demande... la chose que j'ai demandée! Sans entrer dans cette discussion d'imprécision du procès-verbal, il me semblait que cela simplifiait les choses. Cela dit, bien entendu, j'abonde dans le sens de M. Boesch, mais ma conclusion est un peu différente. Je demande au Conseil d'Etat, maintenant, devant ces informations, de prendre des décisions et je demande que cette pétition soit déposée sur le bureau du Grand Conseil, mais sans offusquer personne.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S), rapporteuse. On commence à avoir l'habitude que des personnes qui ont un certain discours dans les commissions retournent leur veste en plénière. Même si la phrase n'est peut-être pas tout à fait claire, l'esprit de la commission était bien de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Non pas pour lui demander de trancher sur telle ou telle voie, mais pour demander que ce climat, qui s'est détérioré, soit à nouveau restauré pour qu'il y ait un dialogue entre tous les partenaires. Comme on le voit avec la pétition, ce climat n'était plus celui que nous souhaiterions. Alors, je vous invite vivement à suivre la majorité, sinon toute la commission, et à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Mme Monique Vali (PDC). Madame Roth-Bernasconi, il ne s'agit pas de changer de camp ou de veste, mais je crois que simplement, aussi bien dans le procès-verbal que je n'ai pas sous les yeux que dans votre rapport, c'est le libellé qui n'est pas exact et correct, parce que renseignements pris encore auprès de Mme Braun, ancienne présidente de ce parlement, on ne renvoie pas une pétition pour information au Conseil d'Etat. Soit on la dépose à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil, soit on la renvoie carrément au Conseil d'Etat. Il faut donc que le libellé soit transformé.

D'autre part, il subsiste une ambiguïté, parce que dans votre texte, vous le dites très justement et je vous remercie pour votre rapport, notre Conseil n'a pas à prendre part. Mais à la façon dont est libellée la conclusion du rapport, on pourrait imaginer que notre souhait est de donner raison aux pétitionnaires, alors qu'en fait, tout notre travail et tout le rapport demande la poursuite d'un dialogue entre les différentes parties concernées.

Il n'est pas question de changer de camp ou d'avis, il s'agit d'une question tout à fait formelle, et mon collègue Lombard a eu raison de la soulever. Il faut faire confiance au Conseil d'Etat qui doit poursuivre le dialogue avec toutes les parties intéressées.

M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. Nous venons de discuter, il y a quelques instants, du problème de l'égalité entre hommes et femmes et vous avez mis l'accent sur la volonté de veiller à ce que l'école, par la formation et l'éducation, permette l'évolution des mentalités, pour mieux prendre en considération cette égalité.

Le corps enseignant primaire est composé de 83% de femmes et de 17% d'hommes. Cela veut dire que c'est devenu un métier essentiellement féminin, peut-être par vocation. Vous aurez constaté que la formation des enseignants primaires, telle qu'elle existe aujourd'hui, est une formation qui, à Genève, va au-delà de la maturité. C'est en-deça, avec les écoles normales dans d'autres cantons. Et comme par hasard, on constate que, pour du personnel essentiellement féminin, on rechigne aujourd'hui à accepter une formation universitaire. Alors, où est la logique? J'aimerais savoir si les enseignants primaires, lesquels en grande partie sont des femmes, n'ont pas droit aussi à une formation universitaire qui leur permette d'être à égalité avec les autres corps enseignants. Je vous interroge sur cette question. Je constate qu'il y a les principes, et au moment où l'on passe de façon précise à l'action, il y a des blocages partout!

Il faut donc savoir si, à un moment donné, il ne faut pas élever le niveau des enseignants primaires en les amenant à une formation universitaire, de telle façon que les femmes se trouvent à égalité de formation dans ce domaine important.

C'est un premier principe de base que je voulais rappeler ici. C'est une application concrète du débat sur l'égalité hommes-femmes.

En ce qui concerne le délai, cela fait trois, quatre ans que l'on discute de cette formation. Si je n'ai toujours pas pu répondre à la motion de M. Sauvin et de ses collègues, c'est précisément parce que le débat sur les études pédagogiques primaires et secondaires est toujours ouvert. J'ai incité les directions des études pédagogiques à mettre en oeuvre ces programmes. J'entendais vous répondre. Encore faut-il qu'il y ait un accord, et vous l'avez entendu des responsables, il n'y a pas eu d'accord au niveau de l'enseignement primaire entre la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation et la direction des études pédagogiques primaires. Le débat en est là. Il y a des tensions et des oppositions, et nous n'avons pas pu répondre. C'est une des raisons de notre retard, Madame la présidente. J'aurais pu vous faire un rapport intermédiaire pour vous dire: «Ecoutez, ils ne sont toujours pas d'accord», mais je crois que ce n'est pas une bonne réponse à donner au Grand Conseil.

Maintenant, nous avançons, et comme vous avez pu le constater le débat interne est important. Il concerne, Monsieur Boesch, vous l'avez rappelé, tous les partenaires à l'intérieur du département. La Société pédagogique genevoise, qui est l'association professionnelle des enseignants primaires, a été invitée à prendre position. Elle a pris position au cours de son assemblée générale de lundi dernier et, par 110 voix contre 11, a adhéré au principe d'une formation universitaire pour les enseignants primaires. Alors, est-ce un appui, est-ce quelque chose qui compte comme préavis? Assurément. Pour nous, le personnel directement concerné, dans un souci de dialogue, dans un souci de concertation, doit avoir la possibilité de s'exprimer. L'association professionnelle a donné son opinion, non pas juste à une majorité, mais clairement.

Il me semble qu'aujourd'hui on veut minimiser son préavis parce qu'elle a pris position dans un sens qui ne vous convient pas. En ce qui me concerne, la Société pédagogique genevoise est un partenaire important. Nous discutons avec elle de tous nos projets pédagogiques et pas uniquement des questions salariales. Dès lors, dois-je prendre en compte aujourd'hui cet avis ou pas? Pour moi, il est fondamental.

Les inspecteurs, les inspectrices, à l'unanimité acceptent aussi cette idée; les services, dans leur majorité. Et comme vous l'avez lu dans la presse, les méthodologues formateurs des études pédagogiques de l'enseignement primaire sont les seuls à s'opposer à cette solution. Alors, quand vous m'invitez à étudier tous les projets...

Venons-en à la «solution médiane» qui vous a été présentée en commission. J'étais présent à cette séance et c'est là que j'ai pris connaissance pour la première fois de cette proposition dite «solution médiane». Je reconnais aux méthodologues qui ont proposé cette solution médiane de s'être rapidement mis au travail, à partir du moment où le projet d'une formation universitaire a été évoqué. J'ai alors accepté, et je vous l'ai dit, que ce projet soit présenté à la «commission de formation», puisque nous avons une commission paritaire pour étudier ce dossier. Cela a été fait; entre-temps, les personnes concernées ont pu présenter leur projet à la commission de formation.

Aujourd'hui, il faut aller plus loin. La question encore posée était de faire appel à des experts extérieurs. Or trouver des experts extérieurs en-dehors de la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, qui est pourtant l'expert par définition, n'est guère concevable. Où fallait-il recourir? Dans d'autres facultés hors de Genève? Non! On pourrait encore étudier longuement tous les projets, particulièrement la solution médiane. Mais là, je

ne suis plus d'accord. Nous avons une responsabilité à assumer par rapport à l'avenir du personnel enseignant. Présentement, nous avons fermé l'entrée des études pédagogiques primaires pour des raisons budgétaires, parce que nous avons suffisamment de personnel compte tenu du budget. C'est donc une occasion unique de restructurer les études pédagogiques, non pas sous pression des étudiants qui nous arrivent.

Mais cette période est limitée. Plus on attendra, plus la période pour inscrire de nouveaux étudiants va s'allonger. J'aimerais que vous en soyez conscients. Si nous n'avons pas réglé le problème d'ici une année, voire deux ans, les études pédagogiques resteront fermées. Vous ne voulez pas prendre cette responsabilité. Je pense qu'il est indispensable que nous puissions à nouveau ouvrir les études pédagogiques primaires pour recevoir des étudiants sous une forme différente. Je ne veux pas prendre la responsabilité de retarder les travaux et, par conséquent, d'être obligé d'engager des enseignants venant des cantons de Vaud, de Fribourg, du Valais, de Neuchâtel ou du Jura pour pouvoir assumer nos responsabilités d'enseignement à Genève. C'est ce qui va se passer si l'on tergiverse encore longtemps!

Enfin, lorsque vous demandez une étude approfondie des deux propositions, l'université et la solution médiane, je m'inquiète par rapport à la frustration que cela va faire naître pour l'équipe qui aura travaillé jusqu'au bout afin de mettre en oeuvre la solution médiane, ou pour l'autre qui fera une étude pour une formation universitaire; le choix entre les deux solutions sera encore plus difficile. Les frustrations seront encore plus grandes étant donné l'engagement du personnel pour promouvoir leur projet.

Je souhaite donc que l'on aille maintenant de l'avant, après ces longs débats, après des prises de position très claires au sein du département de l'instruction publique. Je ne voudrais pas que vous vous retrouviez avec une pétition de deux mille enseignants incitant le Grand Conseil à faire avancer rapidement le projet d'information universitaire pour les enseignants primaires.

Il faut laisser cette responsabilité à l'exécutif, soit au département de l'instruction publique. Le dialogue n'est pas rompu, je ne tiens pas à poursuivre ou à allumer des guerres de tranchées. Il faut maintenant aller de l'avant pour que d'ici une année nous puissions à nouveau accueillir des étudiants dans une nouvelle structure, et faire en sorte que le personnel de l'enseignement primaire voie son statut rehaussé.

J'aimerais terminer en répondant à Mme Maulini-Dreyfus sur le problème de l'équivalence des niveaux de formation entre les filières professionnelles et les filières gymnasiales. Vous savez que nous avons adopté des thèses mettant en oeuvre des écoles supérieures professionnelles ou «universités» professionnelles, confortant les deux piliers de formation: une formation professionnelle complète et la formation gymnasiale, puis universitaire. C'est une politique de revalorisation du secteur professionnel. Dans ce contexte, les professions de la santé, les professions techniques, les professions artistiques et sociales vont se retrouver à leur plus haut niveau, celui d'une formation d'école supérieure. Vous me direz, pourquoi ne pas le faire pour les enseignants primaires? Il y a une clause notamment qui spécifie qu'il faut au minimum cent cinquante étudiants pour pouvoir mettre en oeuvre un tel projet. Ce ne sont donc pas des groupes de vingt-cinq étudiants qui seront suffisants pour mettre en oeuvre une structure de formation professionnelle supérieure pour l'enseignement primaire.

J'aimerais maintenant qu'on avance. Il est impératif que des décisions soient prises. J'ai entendu parfois des critiques de votre part parce que soi-disant je ne prenais pas de décisions, et cela parce que j'admets à l'intérieur du département un large et vaste débat. Ce large et vaste débat a eu lieu. A un moment donné, il faut trancher. J'ai demandé qu'on mette en oeuvre un groupe de travail représentant à la fois la FAPSE et l'enseignement primaire, afin de présenter rapidement des propositions.

Quant à vos questions, Monsieur Boesch, notamment de savoir quelle allait être la position de l'université, je ne peux pas y répondre. Il faut d'abord prendre les contacts avec l'université, puis travailler avec elle pour savoir si c'est un projet acceptable pour l'université. Ce n'est que lorsqu'on aura construit le projet avec l'université que je pourrai répondre à toutes les questions que vous avez présentées ce soir. Mais pensez à la valorisation des enseignantes primaires.

Les conclusions de la commission de l'enseignement et de l'éducation sont mises aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Le vote recueille 38 oui et 38 non. (La présidente se prononce en faveur du préavis de la commission.)

Les conclusions de la commission de l'enseignement et de l'éducation (dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 39 oui contre 38 non.