République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 1 avril 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 3e session - 14e séance
I 1794
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat a tardé à répondre, en partie volontairement, parce qu'il pensait que certaines évolutions, s'agissant de la libre circulation des personnes, se dessineraient avec le vote sur l'EEE. Il comptait évaluer ces évolutions avant de répondre. Vous savez ce qu'il en est advenu. Je prie donc M. Rouiller de m'excuser de répondre tardivement à son interpellation.
Dans cette affaire, il nous faut partir de la demande qui nous avait été faite en 1990 par les CFF d'effectuer, dans le train en marche Bâle-Genève-Nice et vice-versa, les contrôles frontière entre Genève et Bellegarde. D'emblée, la police genevoise et les services de police français s'y sont opposés, nonobstant le fait, comme l'a rappelé M. Rouiller, qu'il existe une convention internationale des années 50 qui prévoit que, dans la mesure du possible, on peut effectuer des contrôles dans les trains en marche. Les services de police, en particulier les nôtres, ont argumenté de l'inefficacité de ces contrôles dans les trains en marche, vu le court laps de temps à disposition, et qu'il faudrait, pour les rendre efficaces, engager un personnel pléthorique. Nous ne disposons pas de ce personnel. Nous en disposons moins que jamais, puisque nous essayons, au contraire, de faire actuellement des économies de personnel.
Quand le Conseil d'Etat a eu connaissance de ce dossier, il a approché la direction des CFF en vue d'une solution. Il lui a fait une proposition qui consistait à contrôler les passagers s'arrêtant à Genève dans les installations adéquates du quai international, le quai 4, et à contrôler dans le train les autres voyageurs continuant leur route vers Bâle, et ce en mettant à profit l'arrêt de 17 minutes en gare de Cornavin. Il était possible, de cette manière, de préparer sur une autre voie la composition suisse, puisque des wagons suisses sont ajoutés au train à Genève, et de profiter du changement de voie pour effectuer les contrôles de police de frontière auprès des voyageurs continuant leur trajet vers la Suisse ou, dans l'autre sens, vers la France. De cette façon, on pouvait aussi garantir un départ à l'heure -- parce que ce train arrive une fois sur deux en retard -- avec des wagons déjà prêts à Genève pour continuer leur route vers Bâle.
Le Conseil d'Etat a la conviction absolue, compte tenu des contacts qu'il a pris, que cette solution était parfaitement praticable et opérationnelle. Les CFF l'ont malheureusement refusée, ce qui fait qu'un transbordement a dû être imposé aux voyageurs. Le Conseil d'Etat concède que cette solution n'est pas satisfaisante à long terme. A court terme, il n'est pas question de renoncer à ces contrôles de police de frontière pour un train qui n'est pas à grande vitesse et qui s'arrête 17 minutes en gare. Avec un peu de bonne volonté, la solution que nous avons proposée aurait pu être appliquée et contribuer à l'efficacité des contrôles de police de frontière. Je vous rappelle que c'est à cette occasion-là que nous pouvons exécuter les mandats, procéder aux formalités d'immigration et délivrer les visas à ceux qui en ont besoin. Je vous rappelle également que nous ne pouvons pas, pour un train qui est susceptible de véhiculer une certaine immigration clandestine, renoncer à de tels contrôles.
A plus long terme, il est clair que nous devrons trouver une solution pour l'arrivée des trains à grande vitesse. Cette solution, Monsieur Rouiller, nous la recherchons dans deux directions. Le Conseil d'Etat a la volonté de la trouver et vous garantit, en tout cas, que la mésaventure du Bâle-Nice n'aura pas de conséquence sur l'arrivée à Genève des trains à grande vitesse. Nous cherchons la solution en prenant en compte les progrès technologiques qui nous permettront d'effectuer plus efficacement ces contrôles dans les trains en marche et nous la cherchons aussi, s'agissant du personnel, en étudiant des synergies avec les différents services de sécurité et de sûreté qui sont stationnés sur l'aéroport de Cointrin. Je m'efforcerai, avec mon collègue Maitre, de trouver ces synergies afin de dégager le personnel nécessaire pour effectuer ces contrôles dans les trains en marche.
En ce qui concerne l'avenir, je peux rassurer M. Rouiller: le dossier est sur la bonne voie! (Bruit, chahut en provenance du fond de la salle.)
La présidente. Je vous prie de bien vouloir fermer la porte de la buvette!
M. Alain Rouiller (S). Je dois malheureusement dire que je ne suis pas très satisfait de la réponse du Conseil d'Etat.
Il est quand même étonnant aujourd'hui qu'en Europe Genève reste un cas particulier. Il faut se rappeler -- je vous l'avais dit il y a longtemps déjà, lors de ma première intervention -- qu'il y avait en Europe deux points frontière où les passagers d'un train devaient en descendre pour passer la douane. Il s'agissait de Friederichstrasse, entre Berlin-Est et Berlin-Ouest, et Genève-Cornavin. A Berlin, le mur est tombé, à Genève, il subsiste. A Genève, on a imposé aux passagers du train français Nice-Bâle d'en descendre, de passer la douane dans un boyau étroit, avec armes, bagages, enfants, chiens et le reste, puis de remonter dans le même train. Un comble d'incohérence!
Bien sûr, la SNCF a supprimé ce train et Genève reste un cul-de-sac ferroviaire. A part le Pablo Casals qui fait Zurich-Barcelone, il est vrai, sans arrêts en France, ou fort peu, il n'y a pas d'autres trains qui franchissent la frontière.
C'est un pur scandale, à mon sens, que la police genevoise et seulement elle, selon mes informations, refuse. Tous les autres: la douane suisse, la douane française, la police française avaient accepté les contrôles dans le train. La police genevoise fut la seule à les refuser. C'est peut-être vrai que les CFF ne collaborent pas beaucoup dans cette affaire, quoique mon collègue ici présent et administrateur à La Praille ne semble pas d'accord... Toujours est-il qu'il y a un manque de collaboration et je trouve anormal qu'à l'aéroport de Cointrin, des gardes se croisent les bras, et qu'à Cornavin, on nous dit manquer de personnel.
Pour ceux qui prennent le train et qui arrivent à Genève-Cornavin, la douane est quelque chose d'incroyable. Effectivement, on croirait passer dans des chicanes qu'on trouvait dans certains pays de l'Est, et je regrette que la police genevoise ne soit pas plus «collaborante». L'intervention va se clore ici, mais je dois annoncer ceci à M. Bernard Ziegler, que j'apprécie énormément par ailleurs: «Cher Monsieur le conseiller d'Etat Ziegler et camarade, je ne vais pas laisser tomber ce dossier. Je continuerai à dire que la police genevoise fait de l'obstruction, que la police genevoise applique une politique du XIXème siècle et qu'au XXème siècle, à la veille de l'Europe, on ne doit quand même pas demander aux passagers d'un train d'en descendre pour passer un contrôle». (Sourire de M. Urben.) Demandez-vous aux passagers des automobilistes de descendre de voiture? D'aller... (Rires, brouhaha) timbrer? Non, les automobilistes mettent un petit carton vert sur leur voiture, ils passent tout droit à la douane. Alors que pour les passagers du train, nom d'une pipe, qui rentrent de vacances et qui ne sont pas tous des clandestins... Au Simplon, que se passe-t-il? Demandez-vous au gens de passer le Simplon à pied parce qu'il risque d'y avoir des clandestins qui viennent de Gênes?
Je regrette la réponse du Conseil d'Etat. Elle est insatisfaisante, et je demande vraiment que l'on trouve une solution sans attendre le développement de systèmes qui n'existent pas encore. C'est aujourd'hui qu'il faut trouver une solution.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Il est hors de question, Monsieur Rouiller, de renoncer en l'état aux contrôles de police de frontière. Le Conseil d'Etat entend être tout à fait clair sur ce point.
Lorsqu'il n'y aura plus de frontières en Europe et que nous serons entrés dans l'Europe, le problème se posera en d'autres termes. En l'état, nous ne pouvons pas renoncer aux contrôles policiers et douaniers, et cela est vrai dans les deux sens, Monsieur Rouiller. Les deux services de police et les deux services de douane concernés ont pris la même position sur ce dossier. Je suis catégorique: tout le monde a adopté la même position, parce que tout le monde a les mêmes problèmes de personnel. Tout le monde est d'accord d'engager du personnel pour effectuer le contrôle dans le train en marche quand cette solution est la seule possible.
Mais en l'occurence, il y avait une autre solution possible, et j'affirme ici que l'échec est uniquement dû à la mauvaise volonté des CFF, qui ont voulu faire une démonstration de force, un bras de fer dans la plus pure tradition ferroviaire! La solution que nous avons proposée, et je le sais pour en avoir discuté avec des personnes compétentes, était parfaitement viable et nous permettait de faire des économies de personnel. Il est vrai que notre personnel, nous le gérons différemment aujourd'hui qu'on ne le gérait au XIXème siècle. Nous ne disposons plus d'un personnel pléthorique pour effectuer ces contrôles. Quant à l'avenir, nous trouverons des solutions pour l'arrivée à Genève des trains à grande vitesse.
L'interpellation est close.