République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 1 avril 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 3e session - 13e séance
GR 10-1 et objet(s) lié(s)
11. Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier les recours en grâce suivants:
M. Jean-Pierre Gardiol (L), rapporteur. M. A.-K. M. M. en est à son quatrième recours en grâce depuis le 10 juin 1991. Il a été condamné le 4 décembre 1984 par la Cour
correctionnelle à dix mois d'emprisonnement, dont un mois subi, avec un sursis de trois ans et dix ans d'expulsion du territoire suisse, ceci pour faux témoignage avec circonstance atténuante de la menace grave.
Aujourd'hui, il recourt contre le solde de la peine d'expulsion du territoire suisse, peine qui se terminera à fin décembre 1994.
Né le 13 juillet 1947 au Caire, il est originaire d'Egype et habite actuellement 5, rue du Rhône à Annemasse. Il exerce une activité de chef de sécurité et a un emploi stable dans une entreprise à Viuz-en-Sallaz où il a réalisé en 1992 un salaire annuel de 90 000 FF. De plus, sa femme travaille comme employée de bureau. Il est marié, père de deux enfants de sept et cinq ans. Sa situation pécuniaire, comme relatée précédemment, me semble saine et il déclare ne pas avoir de dettes.
Comme déjà indiqué, M. A.-K. M. M. a été condamné à trois reprises à Genève:
-- Le 23 septembre 1982, à trois mois de prison et à cinq ans d'expulsion avec sursis de trois ans pour violation de domicile et faux dans les titres. Cette condamnation faisait suite à une procédure de divorce difficile. Concernant cette sentence, il faut relever que M. A.-K. M. M. avait fini par indemniser son ex-épouse, si bien que celle-ci avait retiré sa plainte.
-- Le 3 octobre 1983, à cinq mois de prison avec sursis et cinq ans d'expulsion pour lésions corporelles simples, vol et menaces. Ces actes étaient toujours liés à son problème de divorce difficile. Suite à ce jugement, il a subi sa peine d'emprisonnement pour cette condamnation ainsi que pour la précédente et a été incarcéré à Champ-Dollon et à Bellechasse du 6 novembre 1987 au 2 mai 1988.
-- Le 4 décembre 1984, à dix mois de prison avec sursis de trois ans et dix ans d'expulsion du territoire pour faux témoignage dans une affaire de drogue où il n'a jamais été poursuivi lui-même pour trafic ou commerce de celle-ci, mais seulement pour faux témoignage. De plus, lors de cette condamnation, le jury avait admis qu'il avait agi sous l'impression de menaces graves.
Le procureur général s'en rapporte à la justice. Néanmoins, M. A.-K. M. M. se trouvait en face de la Banque populaire savoisienne de crédit, sise à l'avenue de la Gare à Annemasse, lorsqu'il vit sortir de celle-ci un individu encagoulé et armé. M. A.-K. M. M., fort de son expérience sportive et professionnelle -- il fut par le passé garde du corps -- a immédiatement réagi en se précipitant sur cet individu pour le ceinturer. Grâce à cette intervention, la police a pu mettre la main sur un malfrat qui venait de commettre un brigandage.
En avril 1985, toujours à Annemasse, M. A.-K. M. M. remarque un colis abandonné dans une cabine téléphonique près de la poste. Craignant qu'il ne s'agisse d'un colis piégé, par réflexe professionnel sans doute, il s'en approche avec précaution. Il constate alors qu'il s'agit là d'une petite caisse contenant de l'argent et oubliée par un commerçant. Il se saisit alors de l'objet pour le remettre au bureau postal qui n'en veut pas. Il finira par aller le remettre au bureau d'un journal local où son légitime propriétaire le récupérera.
Au vu de ces différents éléments, il apparaît que les actes répréhensibles commis par M. A.-K. M. M., qui lui ont valu d'affronter la justice genevoise, n'ont constitué que de malheureux «dérapages».
Sur le plan professionnel, M. A.-K. M. M. a tout d'abord poursuivi des activités de gardiennage pour le compte de différentes sociétés. Depuis 1988, il est employé en qualité de chef de sécurité dans une discothèque. Son employeur ne tarit pas d'éloges à son égard, louant «l'irréprochable moralité, la gentillesse, le savoir-faire, l'efficacité et le respect du travail de M. A.-K. M. M.».
Il convient de souligner que ces compliments élogieux ne relèvent pas de la complaisance. En effet, les précédents employeurs de M. A.-K. M. M. ont tous eu à se féliciter de son comportement au travail. M. A.-K. M. M. souhaiterait aujourd'hui offrir à sa famille un environnement meilleur, notamment en saisissant la possibilité d'une nouvelle fonction -- convoyeur de fonds -- qui lui a été proposée et en demandant la nationalité française.
Pour ce faire, M. A.-K. M. M. a besoin d'un casier judiciaire suisse épuré. Or, à teneur des dispositions pénales et administratives, cela est impossible tant qu'une peine accessoire, comme l'expulsion, est en cours d'exécution. D'un point de vue juridique, la présente démarche constitue donc un préalable indispensable à une requête en radiation du casier judiciaire. Si le Grand Conseil donnait une suite favorable à cette demande, cela permettrait à M. A.-K. M. M. de franchir un pas supplémentaire dans sa quête d'un avenir serein pour sa famille.
Comme vous pouvez le constater, le dossier constitué a convaincu la commission de grâce que cette personne était revenue dans le droit chemin et ceci plus de huit ans après sa dernière condamnation. Je vous demande de bien vouloir suivre la décision de la commission de grâce, soit de le gracier du solde de la peine d'expulsion.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce du solde de la peine d'expulsion) est adopté.
M. Henri Gougler (L), rapporteur. M. A. C., né en 1971, est originaire de Genève. Il s'agit d'un garçon de vingt-deux ans, bûcheron de son métier, célibataire et sans moyens financiers. En effet, ce garçon est en stage au Canada, au Québec, pour se perfectionner dans son métier de bûcheron et forestier et ne gagne rien jusqu'à la fin décembre 1993.
Le 19 octobre 1992, il a été condamné à une amende de 1 100 F -- frais non compris -- pour infraction à la loi fédérale sur la circulation routière: conduite d'une motocyclette en état d'ivresse et non-observation de la signalisation lumineuse à plusieurs carrefours.
Il ressort du dossier que le prévenu n'a aucun antécédent judiciaire et qu'il ne figure pas au casier judiciaire central. Le prévenu reconnaît parfaitement les faits et s'estime coupable, mais explique qu'il attendait depuis longtemps son visa afin de partir au Canada dans une école pour devenir agent de conservation de la faune -- l'école secondaire Champagnat, à La Tuque au Québec. Les autorisations nécessaires lui ayant enfin été données, ce jeune homme qui ne buvait plus d'alcool depuis longtemps a fêté ce soir-là et s'est fait prendre dans un contrôle de routine du fait qu'il avait brûlé les signalisations lumineuses. L'éthylomètre était positif et une analyse de sang a révélé un taux d'alcool de 1,23/1000.
En plus de l'amende, M. C. est condamné au paiement des frais de procédure qui s'élèvent à 270 F. Une mesure de retrait de permis a également été prise dont nous ne connaissons pas la durée, mais le prévenu a écrit à ce sujet au service des automobiles en date du 4 septembre 1992 en faisant ressortir que son permis de conduire lui serait indispensable pour son école au Québec.
En fait, il recourt non pas contre le retrait de permis, mais contre le montant de l'amende qu'il n'a pas la possibilité de payer, n'ayant actuellement pas de moyens d'existence. Sa mère écrit en son nom par procuration et demande une éventuelle conversion de l'amende en travail à effectuer au service de la collectivité. Le préavis du procureur général est négatif, tout au moins en ce qui concerne la remise de l'amende ou sa réduction.
Etant donné que ce garçon n'a aucun antécédent judiciaire, qu'il reconnaît avoir fêté ce soir-là l'obtention de son visa et de ses autorisations pour le Canada, que, d'autre part, il ne gagne pas sa vie actuellement mais qu'il est aux études et donc dépendant de sa famille, enfin que la mesure de retrait de permis doit être suffisante comme punition, tout ceci fait que nous pourrions envisager la remise de l'amende. La bonne volonté de ce garçon qui offre spontanément de faire un travail au profit de la collectivité en remplacement de celle-ci paraît sincère.
Je vous propose donc de bien vouloir accepter la remise de l'amende dans ce cas-là.
Mis aux voix, le préavis de la commission (remise de l'amende) est adopté.
Mme Vesca Olsommer (Ve), rapporteur. Il s'agit du cas de Mme G. M., Genevoise, vendeuse de profession, née en 1967, célibataire, condamnée le 20 mars 1992 à deux ans de réclusion pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants, avec la circonstance aggravante d'avoir appartenu à une bande.
La requérante s'est livrée à un trafic d'héroïne portant sur environ un kilo de cette drogue, avec une bande d'une trentaine de personnes ayant été condamnées à des peines de réclusion et d'emprisonnement allant de douze mois avec sursis à cinq ans de réclusion.
Ajoutons que la même année, en février 1992, Mme G. a été condamnée en France à trois ans d'emprisonnement, dont deux avec sursis, également pour trafic de drogue. La peine de la requérante prendra fin le 16 mai 1994 et la libération conditionnelle interviendra le 16 septembre 1993, dans six mois.
Mme G. M. a déposé un recours en grâce, soit pour le solde de la peine, soit subsidiairement une remise de peine de sept mois pour pouvoir bénéficier immédiatement de la libération conditionnelle. Elle explique que, d'une part, elle s'est comportée avec beaucoup de bonne volonté durant son procès et sa détention et que, d'autre part, surtout, elle a mis au monde un enfant qui est né en 1992, conçu donc avant son procès et qu'elle désire s'en occuper dans d'autres conditions que la prison.
La commission de grâce propose à l'unanimité le rejet du recours pour les raisons suivantes: il est vrai que la requérante a eu un bon comportement, mais à cause de cette circonstance, elle a déjà bénéficié d'une peine assez légère en regard de la gravité des faits reprochés. Cependant, ce serait une erreur pour elle-même que de banaliser la peine, compte tenu du fait qu'à Riant-Parc où elle se trouve elle bénéficie de conditions de détentions les meilleures possibles; par ailleurs, elle est ainsi éloignée de la bande avec qui elle trafiquait de l'héroïne et actuellement elle ne consomme plus de drogue et peut ainsi s'occuper de son enfant plus ou moins à l'abri; tout cela est favorable à la mère, et surtout à l'enfant.
C'est pourquoi, nous vous prions d'accepter le rejet du recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. Robert Baud (S), rapporteur. Il s'agit du cas de M. P. D. P., né en 1969 au Portugal, électricien sur auto de profession et célibataire. Il a un fils âgé de vingt mois que lui a donné une amie. Il est actuellement expulsé du territoire suisse et sa situation pécuniaire n'est pas connue. Les motifs de la condamnation sont la rupture de ban et une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. La peine infligée -- j'y reviendrai tout à l'heure -- est de dix jours d'emprisonnement, dont trois subis, le sursis pendant deux ans qui a été révoqué suite à une rupture de ban, et trois ans d'expulsion du territoire suisse. C'est sur le solde de ces trois ans d'expulsion que porte le recours.
M. P. D., outre quelques condamnations de peu de gravité, a été condamné en 1989 à vingt-quatre mois de prison pour trafic de stupéfiants, peine qui a été ensuite ramenée à dix-huit mois par la Chambre pénale en juillet 1989, et sursis pendant trois ans assorti de trois ans de patronage.
Ce monsieur a eu un fils de son amie en juin 1991 et, désirant revoir son amie et son fils, s'est mis en rupture de ban une première fois en 1991 et ensuite une seconde fois en 1992. Lors de son séjour illégal en Suisse en 1991, c'est-à-dire quelques mois après la naissance de son fils -- on peut comprendre les motifs de son retour -- M. P. D. a eu une altercation dans un salon de jeux et a ensuite été interpellé par la police. On a découvert trois doses d'héroïne sur lui, qui ont été considérées par la police comme représentant sa consommation personnelle.
Etant donné ses liens affectifs à Genève -- son épouse, son fils et sa mère -- la peine d'expulsion jusqu'en septembre 1994 est particulièrement lourde. La question d'accorder la grâce pour le solde de la peine d'expulsion s'est posée effectivement à la commission de grâce afin de permettre à M. P. D. de renouer une vie affective et familliale normale en espérant que, mûri par quelques expériences négatives, il se comporte sans avoir de nouveaux problèmes d'ordre pénal.
Néanmoins, eu égard à deux ruptures de ban et au fait établi de consommation personnelle de drogue, ainsi qu'un préavis négatif du procureur général, la commission propose le rejet du recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.