République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 12 mars 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 3e session - 11e séance
RD 189
La présidente. Nous avons reçu une lettre de démission de notre collègue, M. André November. Je prie notre secrétaire de bien vouloir donner lecture de ce courrier.
La présidente. M. André November est entré au Grand Conseil en 1985. Il a été réélu en 1989. Il aura donc accompli parmi nous deux législatures. Nous formons les voeux les meilleurs pour la suite de sa carrière professionnelle et nous lui remettons le stylo-souvenir traditionnel. (L'huissier remet le stylo-souvenir du Grand Conseil à M. November. Applaudissements.)
M. André November (Ve). Madame la présidente, chers collègues et amis. «Comment vous dire adieu» chante Françoise Hardy. Je ne vous la chanterai pas car je chante faux! J'aurais voulu aussi éviter cette épreuve de discours final car je ne suis pas certain de trouver le ton juste entre mon état d'âme qui, probablement, ne vous intéresse pas (Rires.) et mon envie de vous délivrer -- ce que je fais depuis longtemps -- encore une fois un message docte.
J'aimerais vous dire que le fait de travailler avec vous, d'appartenir à ce Grand Conseil a été une chance pour moi. J'ai eu également de la chance de faire partie du groupe écologiste que le hasard des élections a réuni. Vous savez certainement que sans un groupe -- M. Matthey l'a d'ailleurs dit au Conseil national -- un député ne représente rien. Je remercie encore une fois mon groupe et vous tous qui avez «subi» mes interventions qui n'étaient pas toujours empreintes d'une grande douceur.
Le Grand Conseil a été pour moi une grande expérience humaine et «intellectuelle». Je souligne ce mot, parce que je revendique le statut d'intellectuel, je suis un intellectuel (Rires.) de coeur. Je pense que dans notre société les intellectuels ont le même droit d'exister que les architectes, les agriculteurs, les ouvriers, les fonctionnaires ou n'importe qui d'autre. En tant qu'intellectuel, j'ai pu tester en grandeur nature des idées écologistes et je sais que certains d'entre vous avez vu rouge, alors que vous auriez dû voir vert!
Si j'écrivais un jour mes mémoires, je les intitulerais: «Les tribulations d'un intellectuel écolo sur les bancs du Grand Conseil»! Toutefois, même dans ces moments d'émotion, j'aimerais vous faire part de deux inquiétudes. Tout d'abord, je regrette que la polarisation extrême des positions au cours des débats empêche le dialogue entre personnes dont la position, en réalité, n'est pas si éloignée. Personnellement, je ne me retrouve pas dans cette confrontation perpétuelle entre deux camps retranchés.
Ma deuxième inquiétude est la perte de crédibilité du monde politique auprès de la population et cette distance qui nous sépare des préoccupations réelles des gens en période de crise. Les politiciens devraient améliorer leur image, se rapprocher de la population. Je pars avec un pincement de coeur, en vous léguant mes illusions -- il m'en reste quelques-unes! -- en formulant mes voeux que le parlement contribue, par son travail, ses débats, ses discussions, à un monde meilleur. (Chaleureux applaudissements.)
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Notre ami Andràs November a exprimé depuis quelque temps au sein de notre groupe son désir de quitter sa fonction de député. Nous l'avons retenu pendant plusieurs mois; aujourd'hui, sa décision est sans appel et nous en prenons acte avec regret.
Je ne vais pas faire ici l'historique de sa présence sur nos bancs, tant son travail a été considérable. Quel chemin parcouru depuis les premières séances où il s'entendait dire dès qu'il prenait la parole: «Rentre dans ton pays!», «Pourquoi est-ce que tu n'es pas encore à l'aéroport?». Heureusement, ce parlement en changeant de législature a gagné en respect de l'individu et en tolérance.
Andràs November a su passer au-dessus de ces sarcasmes, mais cela ne veut pas dire qu'il n'en a pas souffert, et nous avec. Aujourd'hui, pour des raisons professionnelles, mais aussi parce qu'il a beaucoup donné et peu reçu, il nous quitte. Sans répit tout au long de ces sept ans de députation, il s'est jeté à l'eau pour défendre la cause écologique, et, plus que d'autres, il a reçu en retour quolibets et ricanements.
Au-delà de l'amertume et du ras-le-bol rencontré lors de certaines séances, il a pu s'appuyer sur l'amitié de ses collègues écologistes et sur d'autres amitiés solides qu'il a créées avec des membres d'autres partis. Andràs, ce soir, le groupe écologiste te remercie de ton engagement sans faille et de ta ténacité à toute épreuve. Nous te souhaitons un repos politique bien mérité et beaucoup de satisfactions dans ta vie personnelle et professionnelle.
Avec ton départ, le groupe écologiste se sépare d'une forte personnalité. Avec l'arrivée de Chaïm Nissim pour te remplacer, (Manifestations de réprobation.) le groupe se rend fort d'une autre forte personnalité, mais d'un autre style. (Applaudissements.)
La présidente. Nous remercions aussi M. November pour le courage qu'il a manifesté dans cette enceinte, et c'est aussi avec un pincement de coeur que nous le voyons partir.
Son successeur, M. Nissim, prêtera serment ce soir à 20 h 30. Donc, votre interpellation sur Sécheron, Monsieur November, sera développée après les points 21, 22 et 23 de notre ordre du jour.