République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 11 mars 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 3e session - 10e séance
M 846
Débat
M. André November (Ve). Il faut dire qu'il existe un discours consensuel sur la région, car pratiquement tout le monde accepte le fait que Genève doit être décloisonnée par rapport à sa région. En revanche, il est très difficile de transformer ces intentions en pratique.
La création d'une agence de l'eau transfrontalière, dont, dans un premier temps, nous vous proposons l'étude, tend à dépasser les clivages administratifs, étatiques et cantonaux, en essayant d'instituer un organisme opérationnel dans le domaine de l'environnement et, en particulier, dans la gestion de l'eau.
En effet, la pollution ne s'arrête pas aux frontières. On sait, pour ce qui concerne l'eau, que la plupart de nos rivières prennent leur source en France voisine ou dans le canton de Vaud. L'agence de l'eau qui existe déjà en France est une institution de droit public, selon la législation française. Elle existe depuis un certain temps et a été modernisée il y a un an.
Naturellement, les Genevois devraient faire preuve d'une certaine abnégation au moment où ils accepteraient d'instituer cet organisme entre les Genevois et les Français et, éventuellement, les Vaudois. Si on veut réaliser le régionalisme, on devrait accepter pour une fois que tout ne soit pas fait selon le modèle genevois ou suisse, mais qu'à un moment donné on adhère à un modèle français, en s'inspirant du droit français pour créer cet organisme.
Je suis conscient qu'une telle motion pose un certain nombre de problèmes. Pour cette raison, je vous prie de la renvoyer en commission pour étude et, éventuellement, d'analyser les modalités de la réalisation d'une agence de l'eau transfrontalière.
M. Hermann Jenni (MPG). En lisant cette motion, j'ai une fois de plus pensé au brave La Fontaine et à sa «mouche du coche», car, réellement, nous proposer un nouvel organisme pour nous occuper de l'eau, alors que l'on a déjà je ne sais combien d'organisations diverses, y compris le Conseil du Léman, me paraît vraiment vouloir semer la confusion.
En plus, lorsqu'on lit l'exposé des motifs, on voit que c'est encore un nouveau prétexte à prélèvements obligatoires, soit une fiscalité supplémentaire déguisée. Personnellement, je dois dire que je n'accueille pas cette motion avec beaucoup d'enthousiasme.
M. Charles Bosson (R). J'ai eu l'impression, en lisant cette proposition de motion, de revenir de nombreuses années en arrière et de revoir le rapport de Mme Musso et ensuite de Mme Gillet, lorsque nous avions étudié l'état sanitaire des rivières genevoises et du Léman, ainsi qu'un certain nombre d'autres propositions.
En définitive, cette motion n'a rien de nouveau. Il faut simplement la renvoyer au Conseil d'Etat pour que celui-ci mette en application diverses opérations, actuellement à l'étude dans le cadre des transactions et des discussions transfrontalières entre la France et notre canton, de façon à agir concrètement.
Toutefois, je dois dire que vous auriez pu la prendre dans les rapports cités tout à l'heure. Elle n'amène rien de nouveau. Nous attendons toujours que quelque chose se passe; nous espérons que cette motion est un rappel de ce qui avait été proposé voici de nombreuses années, et que le problème de l'eau se résolve dans notre bassin genevois.
M. Max Schneider (Ve). Si cette motion n'apporte rien de nouveau dans son contenu, elle démontre la volonté commune, de part et d'autre de la frontière, d'évoluer dans ce domaine. L'eau, enjeu du futur, devra être gérée des deux côtés de la frontière.
La nouvelle composition du Conseil régional Rhône-Alpes lui permet de travailler avec les Genevois car la grande majorité de ses députés ont demandé la participation de Genève à cette gestion de l'eau. La création de cette commission permettrait plus d'efficacité que celle dont fait preuve le Conseil du Léman.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Les motionnaires concluent leur exposé des motifs en suggérant de renvoyer ce projet de motion au Conseil d'Etat. M. November a parlé tout à l'heure de commission. Vos collègues qui ont parlé du Conseil d'Etat ont fait une bonne suggestion. Je l'accepte volontiers et le Conseil d'Etat aussi.
Toutefois, je n'aimerais pas qu'on banalise les structures existantes dont nous pouvons disposer, comme l'a relevé votre collègue, M. Jenni. Elles n'existent pas simplement pour qu'on y discute de manière superficielle, mais elles favorisent une véritable approche commune. Nous nous partageons les frais d'études. Par contre, jusqu'à présent, nous avons admis que les installations devraient être réalisées aux frais des collectivités publiques concernées.
Cela étant, je reçois cette motion comme un soutien à ce que nous tentons de faire dans ce contexte. Vous n'ignorez pas, Monsieur November, quelles sont parfois les résistances dans ce domaine. Je vous signale que j'ai déjà transmis votre texte au préfet de l'Ain et de la Haute-Savoie pour lui demander son avis sur le principe.
D'autre part, nous sommes en contact avec «Environalpes», l'Agence régionale de l'environnement qui traite de ces différents problèmes. C'est dans ce contexte, au travers de ces contacts, que nous pourrons introduire cette démarche de manière à rendre cette concertation plus efficace.
Je saisis cette occasion pour préciser que, d'entente avec nos voisins français, nous aurons dans un mois environ un forum auquel notamment les membres de la commission de l'environnement seront invités. Il sera consacré au problème de quelques rivières transfrontalières et de l'environnement transfrontalier, car, comme vous le savez, nous avons réclamé des états généraux de l'environnement. J'accepte donc cette motion.
M. André November (Ve). Je remercie M. Haegi pour cette réponse. Il faut dire que cet accueil est presque inespéré. D'ailleurs, je sais...
M. Charles Bosson. On peut le «shooter»!
M. André November. Je remercie M. Bosson pour sa proposition. Beaucoup d'efforts ont déjà été faits, M. Haegi poursuit la politique des petits pas, donc de diplomatie, et je l'en remercie.
Le point principal est qu'il faudra, à un moment donné, entrer dans une phase opérationnelle. Je sais que beaucoup d'organismes font des études. Cette fois-ci, j'aimerais bien que l'on étudie la possibilité d'application concrète des mesures qu'on peut prendre en matière de protection de l'eau, y compris l'ensemble de la gestion de l'eau du bassin hydrologique de Genève. Si le Grand Conseil accepte de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, tant mieux.
Mise aux voix, la motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue: