République et canton de Genève

Grand Conseil

M 803-A
14. Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mme et MM. Micheline Calmy-Rey, Jean Queloz et Alain Sauvin demandant des mesures de relance sélective dans le marché intérieur. ( -) M803
Mémorial 1992: Développée, 4049. Commission, 4071.
Rapport de M. Armand Lombard (L), commission de l'économie

Débat

M. Armand Lombard (L). La commission de l'économie a «planché» sur le rapport de cette motion, sur ses conclusions et sur un projet de développement économique pour Genève.

Il me paraît important que cette motion soit déposée auprès du Conseil d'Etat car elle propose quelque chose de concret. Premièrement, un projet sur le plan économique. Deuxièmement, elle indique au Conseil d'Etat le soutien du Grand Conseil aux actions entreprises et à entreprendre dans un objectif défini. Troisièmement, elle établit une véritable charte du développement genevois.

Nous avons connu une longue période de croissance après la guerre. Il faut qu'après la période de crise que nous traversons, nous créions un développement durable. Il faut fixer des garde-fous, des limites et surtout des directions.

Quatre points sont à développer:

- Premièrement, le renforcement des infrastructures de la République.

- Deuxièmement, la réorganisation des services publics. Ces buts toutefois ne font pas l'objet de cette motion.

- Troisièmement, la stimulation et la facilitation du développement par le secteur privé. C'est ce que cette motion propose.

- Quatrièmement, l'échange communautaire nécessaire à une cité. Nous aurons peut-être l'occasion de parler de politique culturelle.

Des axes de développement et d'excellence ont été choisis par l'ensemble de la commission formée de partis ayant des opinions différentes sur les moyens de développement, et il est remarquable d'arriver à une entente sur des buts principaux.

Je vous rappelle ces axes en deux mots, car la cité ne se développera pas de manière anarchique. Elle a certaines spécialités, spécificités et points forts à favoriser:

- Genève est une place internationationale notoire.

- C'est une place financière.

- On y développe des technologies de pointe dans l'industrie, ainsi que dans la recherche et la formation.

- Ces avantages lui permettront de garder son avance par rapport à d'autres cités. Vous avez pu constater d'autres pistes dans le rapport.

- La région est une nécessité, notamment. Ce n'est pas la région «tarte à la crème», ni «AGEDRI», ni «Conseil du Léman» ou autre, dont nous nous occupons depuis des mois et des années dans les commissions ou encore dans ce cénacle. Nous devons prendre de nouvelles décisions au sujet de notre région au lendemain du vote négatif du 6 décembre. A savoir, communiquer avec Berne et Paris, en vue de trouver des solutions concrètes. Ensuite, il faut fixer des conditions-cadres et demander une annualisation du rapport sur la politique fiscale du Conseil d'Etat. Cela est une partie extrêmement importante de ce programme.

Enfin, je me bornerai à mentionner le rapport sur le soutien confédéral. Notre meilleur appui confédéral serait que nous ayons une conseillère fédérale genevoise à Berne, dans quelques jours. Ce qui simplifierait grandement le problème et, en tout cas, mon exposé de ce soir.

Voilà donc le résumé de ce rapport qui me paraît très important. Je souhaite que vous l'acceptiez et l'envoyiez au Conseil d'Etat.

M. André November (Ve). Si notre groupe accepte de voter la version fortement remaniée de la motion du groupe socialiste, c'est plutôt pour la forme que pour le fond.

Nous estimons important de donner un signal positif aux milieux économiques, aux partenaires sociaux et aux syndicats, concernant l'évolution économique. Par conséquent, nous acceptons ce texte consensuel qui est le résultat de nombreuses séances de travail d'une sous-commission, même si notre analyse de la situation économique est légèrement différente.

Les mesures que nous préconisons n'ont pas été inclues dans cette motion. Par exemple, le partage du travail. Toutefois, nous sommes satisfaits que ce texte encourage un développement économique durable dans lequel les préoccupations écologiques ont une place. La création d'un groupe de pilotage est aussi très intéressante. Tout dépendra bien entendu de la concrétisation de cette idée.

Les autres points de la nouvelle version sont plus ou moins intéressants, mais j'estime qu'à ce stade il est inutile de se lancer dans de longues discussions ou des analyses approfondies. C'est notre adhésion à ce texte qui compte. C'est un signe d'encouragement que nous adressons avec le Grand Conseil au secteur économique.

M. René Koechlin (L). Cette motion est un magnifique pavage, éloquent, bien dessiné, fait par de bons architectes, mais tout de même, c'est un pavage de bonnes intentions. Comme toutes les bonnes intentions, il nous donne bonne conscience.

Cela dit, ce magnifique parvis comporte des lacunes. Malheureusement, lorsqu'on cherche à les combler, on a de la peine à trouver le consensus qui servit à élaborer la motion en question. Parmi ces lacunes, il y a la «déréglementation», visant à accélérer la réalisation des nombreux projets dont Genève cherche à se doter.

Je dénonce ici le double langage de certains députés et conseillers d'Etat qui parlent de la relance, un peu comme les prêtres chantent des «alléluia», mais qui laissent croupir maints projets dans leurs ornières ou, qui pis est, défendent ouvertement un projet pour leur image de marque, mais ne font rien d'efficace ni de concret pour le faire aboutir, quand ils ne le «torpillent» pas carrément de façon occulte, par personnes interposées, pour s'en débarrasser, se donner l'excuse de ne pas pouvoir le mener à chef ou simplement parce que l'objet leur déplaît.

Voyez l'exemple de la traversée de la rade avec M. Grobet. Je reviendrai sur cette question du double langage tout à l'heure, à propos du parking de Saint-Antoine. Pour l'heure, acceptons cette motion. En accord avec la majorité de ce Grand Conseil, je voterai son renvoi au Conseil d'Etat.

M. Alain Sauvin (S). Au nom de mon groupe, j'émettrai moins de réserves que M. Koechlin. Lorsqu'on parle de consensus, on ne voit souvent que son aspect négatif et «minimaliste». C'est vrai que nous en sommes responsables, chacun à notre tour, en l'adoptant automatiquement. C'est peut-être une manière de se donner bonne conscience. Toutefois, nous ne pensons pas que le texte qui vous est soumis aujourd'hui soit de cette nature.

Au contraire, si à la première lecture, et certains de nos collègues l'ont remarqué, quelques aspects sont difficiles à comprendre, il apparaît au lecteur attentif que ce texte est porteur d'une vision d'avenir. Ce signal positif dont parlait M. November nous paraît très important. Ce texte est commun à tous dans la commission.

La mission était difficile. La motion d'origine socialiste a été greffée d'une proposition libérale. On pouvait s'attendre à quelques difficultés, surtout dans le domaine économique. La commission a éprouvé ces difficultés. Une sous-commission s'est mise au travail et a abouti. Le rapporteur n'avait pas une mission impossible puisqu'elle s'est réalisée, mais elle était presque impossible à réaliser. Je trouve qu'il s'en sort très bien, de même que la sous-commission et la commission.

Un travail de rassembleur a été fait. Même si celui-ci ne répond pas à toutes nos attentes, sur tous les bancs de cette salle, nous devons l'appréhender de façon positive. Le lecteur perspicace peut entrevoir dans ce texte l'esprit d'ouverture, la volonté d'équilibre et la vision à long terme qui y réside. Ce n'est pas une moindre chose car, au-delà des divergences qu'il ne faut pas nier, il y a un réel souci de trouver un terrain d'entente sur des axes importants dont je ne reparlerai pas car le rapporteur vient de les rappeler.

En cette période difficile, un travail de synthèse a été effectué. Ce fut un travail de constat, d'observation ou de lamentations, mais pas de réduction. Une volonté a émergé de fournir une synthèse, comportant des éléments permettant de fournir une sorte de tremplin vers le futur qui puisse renforcer et stimuler le Conseil d'Etat ainsi que tous les acteurs concernés.

En aucune façon cette motion ne doit servir à alimenter notre bonne conscience ou rejoindre un fond de tiroir. Elle doit participer à la recherche d'une dynamique dans le domaine économique.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Notre parti est heureux qu'on puisse enfin trouver un consensus sur le sujet de la relance qui résulte, comme l'a dit notre collègue, M. Blanc, dans une jolie phrase lors de notre caucus lundi dernier: «de vos amours adultérines, Madame la présidente, avec M. Lombard», puisque vous avez, semble-t-il, travaillé longtemps ensemble sur ce sujet... (La présidente rit.) Il n'y a pas si longtemps, sur certains bancs, on parlait de décroissance, de croissance zéro. Nous sommes désormais fort éloignés de ce discours et mon groupe tient à saluer ce fait. Mais on se «gargarise» de relance dans notre Conseil car les invites de la motion sont bien générales, même si elles sont le fruit d'un consensus intéressant.

Il est urgent de concrétiser cette volonté unanime de relance en s'attachant à vouloir véritablement cette politique de relance et à ne pas la faire buter sur le premier écueil. J'en veux simplement pour preuve deux exemples.

Lorsqu'il s'agit de voter un crédit important pour un investissement, pour un immeuble ou la réalisation d'un équipement public, eh bien, on trouve toujours sur certains bancs, parfois chez nous, chez vous ou ailleurs, de bons prétextes pour dire qu'il ne faut surtout pas faire certains investissements. Finalement, on traîne, on lambine. En matière de construction, je suis heureux de voir que l'on veuille la relance, mais de grâce, Mesdames et Messieurs, cessons, cessez sur les bancs d'en face de nous empêcher de simplifier une législation qu'il est urgent d'élaguer si l'on veut que la relance que tout le monde appelle de ses voeux soit effectivement concrétisée dans les faits.

Cette motion, nous la voterons avec enthousiasme à la condition qu'elle soit concrétisée ensuite dans les faits par la volonté de notre Grand Conseil.

M. Jacques Torrent (R). Nous étions convenus d'une solution qui permette à chacun «d'y retrouver ses petits», tout en acceptant de faire certaines concessions. Il est vrai que les discours ont beaucoup changé.

Il y a quelques années, à Genève, on trouvait le secteur économique beaucoup trop développé. Aujourd'hui, on «pleure» parce que les banques licencient. Des usines ont dû quitter votre canton, soit parce qu'on les trouvait trop polluantes ou trop bruyantes, soit qu'il fallait, pour permettre leur développement, abattre quelques arbres. Finalement, ces usines sont parties, laissant une main d'oeuvre de qualité inemployée. D'autres «couacs» ont eu lieu. Dernièrement, on a appris que l'OPEP avait accepté le statut diplomatique que Vienne s'était empressée de lui accorder après que Genève le lui eut refusé. Cela représente quelque 30 millions par séance d'OPEP partis à Vienne.

Souvenez-vous de l'an dernier, chers collègues, lorsqu'une organisation s'appelant SITA voulait s'installer à Genève; nous avons eu la discussion immédiate sur ce projet extrêmement intéressant pour notre communauté car susceptible de fournir des emplois très qualifiés. A ce moment, il s'est trouvé des esprits chagrins pour regretter qu'on lui accordât des privilèges fiscaux et un certain nombre d'avantages. L'affaire a été votée, mais tout de même avec des arrière-pensées et des paroles qui n'auraient pas dû être prononcées, surtout durant cette période.

Que pouvons-nous faire en tant que simple député? Pas grand chose! Sauf, d'une part, traiter et voter les projets proposés beaucoup plus rapidement, en faisant taire certaines réticences qui pourraient venir de quelque conviction d'un autre âge. D'autre part, nous devons apprendre à travailler plus vite et de manière plus pragmatique.

Par cette motion, nous voulons encourager le Conseil d'Etat à coordonner ses efforts afin de permettre aux dossiers de circuler rapidement. Nous avons eu des sujets de satisfaction dans ce domaine. Nous attendons d'autres résultats et espérons simplement que cette entente «de façade» -- non, «façade» n'est pas le mot juste, il est trop sévère -- mais que cette entente «d'occasion» sur ce rapport se concrétise à l'intérieur de cette enceinte par des décisions rapides.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat est satisfait de cette motion qui, enfin, propose un développement économique sur la base d'un consensus.

Permettez-moi de rappeler qu'à la législature précédente, à la même période, on évoquait des «stop à la croissance» des «mal-développements», etc. Nous étions quelques-uns, hélas trop rares, à répondre à ce genre d'arguments «casse-cou» qui ne tiennent pas la rampe face aux réalités économiques fluctuantes.

Cette motion est positive et il faut l'accueillir comme telle. Cependant, j'aimerais rappeler qu'un développement économique durable repose sur des facteurs essentiels. Je vous en cite trois: d'abord, les conditions-cadres qu'une collectivité accepte de se donner. Vous savez que ces conditions-cadres sont, par exemple, le domaine des transports, de la fiscalité et des mesures d'accompagnement fiscal, de la formation, etc.

Un développement durable passe également par une volonté de promotion économique. Il faut en être conscient. Contrairement à la douce illusion qu'entretiennent encore certaines personnes, Genève et la Suisse ne sont plus si bonnes, si désirables, si dynamiques en elles-mêmes qu'elles obtiennent leurs activités économiques indispensables simplement parce qu'elles le désirent. Il faut se battre, chercher, obtenir, être capable d'accueillir les activités économiques qui s'inscrivent dans un projet de développement durable.

Cela m'amène à parler du troisième facteur essentiel à l'économie durable d'une collectivité. C'est tout simplement un état d'esprit. Avons-nous enfin retrouvé, à la faveur d'une crise extrêmement difficile, un état d'esprit offensif qui nous conduise à voir dans les activités économiques des activités nécessaires au rayonnement de nos collectivités, et non pas des activités face auxquelles il faudrait d'emblée émettre une forme de méfiance qui n'a décidément plus court, sauf à vouloir cultiver des archaïsmes aujourd'hui insoutenables?

Une chose encore devrait être évoquée, que cette motion n'aborde pas mais dont il faut être conscients car elle forme une toile de fond sur laquelle nous travaillerons pendant des années. Il s'agit du contexte d'intégration européenne difficile dans lequel la Suisse s'est placée à la suite du vote du 6 décembre. En effet, il ne faut pas croire que les choses iront d'elles-mêmes. Nous avons rendu notre chemin d'intégration européenne plus difficile, alors qu'elle est absolument nécessaire pour un développement économique durable. Il faudra en tenir compte.

Au-delà de ces quelques considérations, le Conseil d'Etat accepte bien volontiers cette motion. Il la considère comme révélatrice d'un nouvel état d'esprit dans ce parlement. Au-delà de cette motion, nous attendons de ce dernier qu'il se manifeste par des actes concrets.

M. André November (Ve). Veuillez m'excuser d'intervenir après M. le conseiller d'Etat, mais il a donné une description du développement durable qui ne correspond pas tout à fait à notre vision des choses. Il est nécessaire de formuler ses dires autrement. «Développement durable, mais écologiquement soutenable». C'est le premier point.

Le second point du développement durable, Monsieur le président du département de l'économie publique, est que l'on développe une économie à long terme en tenant compte de l'intérêt des générations futures. Cela implique que lorsqu'on veut concilier leurs intérêts et le bien-être de notre génération, on ne peut pas sacrifier la nature car le patrimoine naturel servira au développement des générations futures.

J'aimerais ajouter que le développement durable implique aussi que l'on doit disposer avec parcimonie des ressources naturelles, y compris de l'énergie. D'ailleurs, le développement durable postule pour une intégration des problèmes écologiques dans les activités économiques.

Mise aux voix, la motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue: