République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 14 janvier 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 1re session - 1re séance
GR 1-1 et objet(s) lié(s)
10. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les recours en grâce suivants :
Mme Martine Wenker Coskun (S). Je vais vous présenter le cas de Mme M. H. P.. Cette personne est divorcée. Elle a trois enfants nés respectivement en 1968, 1969 et 1971.
Sa situation pécuniaire est assurée par son fils qui travaille à la banque nationale de Dubaï aux Emirats arabes unis et qui pourvoit par conséquent aux besoins de sa mère.
En ce qui concerne le motif de sa condamnation, il s'agit d'une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. Cette personne a été interceptée à l'aéroport de Cointrin, le 20 octobre 1991, en possession de 11,803 kg d'héroïne.
Voici un bref rappel des faits. Cette personne a toujours contesté avoir été au courant de la présence d'héroïne dans sa valise. Au cours du mois de septembre 1991, elle a fait la connaissance d'un monsieur indien, nommé K., voyageant dans le même avion qu'elle. Il s'est présenté comme étant commerçant en textiles et lui a proposé de transporter des
échantillons de tissus pour son compte, échantillons qu'elle devait remettre à une personne qui l'attendrait à l'aéroport de Cointrin. En échange, il lui offrait un billet d'avion, 500 dollars au départ et 500 dollars à l'arrivée. Ce monsieur K. lui a remis à Bombay, peu avant son départ, le 20 octobre, une valise contenant huit échantillons de tissus. Cette personne affirme n'avoir pas touché à la disposition des tissus et n'a pas trouvé étrange qu'un inconnu lui offre 1 000 dollars et un billet d'avion Bombay-Genève et retour pour ne transporter que des échantillons de tissus.
Cette personne n'a aucun antécédent judiciaire sur notre territoire. Le rapport du directeur de la prison de la Tuilière à Lonay est favorable. Cette personne travaille à l'atelier de cartonnage à l'entière satisfaction de sa cheffe.
Le 17 février 1993, Mme M. H. P. aura purgé les deux tiers de sa peine. Le directeur nous indique qu'il fournira un préavis favorable à une libération conditionnelle de Mme M. H. P.. Le recours en grâce, introduit par l'avocat de cette personne, demande que cette dernière puisse être libérée de suite car sa fille cadette doit se marier à un jeune homme de bonne famille.
En Inde, la coutume veut que ce soit les mères qui se rencontrent pour arranger le mariage, visiter la famille, organiser la cérémonie. La fille de Mme M. H. P. ne pourra se marier sans la présence de sa mère. Jusqu'à présent, la famille a réussi à dissimuler le fait que Mme M. H. P. était incarcérée. La famille affirme qu'elle est à Genève pour des raisons de santé. Il y a également une lettre du pasteur Burnat, aumônier de la prison de la Tuilière, ainsi qu'une lettre de son ex-mari qui vont dans le même sens.
Le préavis du procureur général est négatif vu la gravité des faits et le faible solde de peine qu'il reste à purger. La majorité de la commission de grâce vous invite également à rejeter le recours en grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
Mme Vesca Olsommer (Ve). M. O. A., ressortissant britannique né en 1958, père de deux enfants et domicilié à Lagos au Nigeria, a été arrêté à Cointrin le 5 janvier 1990, porteur de 498 grammes d'héroïne assez pure cachée dans un appareil de photo.
Il était en provenance de Thaïlande. Il a été condamné à six ans de réclusion et quinze ans d'expulsion du territoire suisse. Il s'est pourvu à deux reprises en cassation mais sa peine a été confirmée. Cette peine est assez lourde car M. O. A. a déclaré qu'il vivait relativement aisément de son métier de commerçant. Par conséquent, la Cour d'assises a reconnu qu'il était poussé plus par l'appât du gain que par une misère noire lorsqu'il a accepté de jouer le rôle de «mule».
A plusieurs reprises, il a donné des versions différentes sur la manière de transporter cette héroïne et sur le fait qu'il savait ou ne savait pas qu'elle était cachée dans son appareil de photo.
Pour son recours en grâce, il invoque le fait qu'il s'ennuie de ses enfants et de son épouse. Sa situation familiale a été examinée par la Cour d'assises. Il n'y a pas de fait nouveau et la commission vous propose le rejet du recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. Henri Gougler (L). Dans cette affaire, nous sommes en plein Cartel de Medellin. J'ai tenté de vous résumer ce volumineux dossier à tiroirs. M. S.-H J., né le 9 décembre 1935 à Perreira en Colombie dont il est originaire, domicilié ensuite au Venezuela, commerçant de profession, est actuellement détenu au pénitencier de Bellechasse pour infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants avec circonstances aggravantes.
Marié à deux reprises, il a deux enfants de son premier mariage et quatre autres, en bas âge, de relations diverses. Sa situation pécuniaire paraissait assez florissante. Il a été élevé au sein d'une famille riche. Ensuite, il a travaillé dans l'import-export et dans différents commerces.
Le 4 mai 1988, il a été condamné par la Cour d'assises de Genève à une peine de douze ans de réclusion et quinze ans d'expulsion du territoire suisse. En effet, il a été convaincu d'infractions à la loi sur les stupéfiants, ceci pour avoir, entre autres, incité une personne à faire du trafic. Il a importé en fraude dans notre pays 14 kg de cocaïne brute.
Il ne semble pas que M. S.-H J. ait eu des antécédents judiciaires. En tout cas, il n'en ressort pas du dossier, mais son activité paraît être plus importante que celle d'un simple petit trafiquant. En effet, il a fait transporter de la drogue par une «mule». Il semble bien qu'il soit partie prenante dans un trafic très important.
M. S.-H J. ne recourt pas contre le jugement, d'ailleurs, en date du 21 juin 1988, un recours en cassation avait été jugé irrecevable, mais uniquement contre le solde de sa peine. Il lui restait à subir onze ans neuf mois et vingt et un jours de réclusion au moment du dépôt du recours. Sa sortie de prison est prévue pour le 24 février 1999. En cas de bonne conduite, il pourrait être libéré aux deux tiers de sa peine, c'est-à-dire le 24 février 1995.
Au pénitencier de Bellechasse, il travaille dans l'exploitation agricole et surtout dans la porcherie. Il suit en même temps des cours d'informatique. Le rapport de la direction de l'établissement du pénitencier est favorable à l'intéressé et atteste sa bonne conduite.
Néanmoins, les arguments qu'il invoque dans son recours en grâce ne semblent pas convaincants. Il parle de la situation financière catastrophique de sa famille, si l'on peut s'exprimer ainsi, car ses six enfants ne sont pas tous de la même femme et la dernière semble avoir été une concubine. De plus, il ne semble pas avoir de contacts avec ses enfants et leurs mères.
Par ailleurs, le délit pour lequel il a été condamné est extrêmement grave, car il ne s'agit pas seulement de trafic de stupéfiants, il y a aussi incitation au trafic. En outre, il est probable qu'il n'en était pas à son coup d'essai.
Si l'on reprend les différentes pièces du dossier, surtout celles de l'instruction, l'attitude de l'accusé est extrêmement louvoyante et il nous montre une personnalité rodée à ce genre d'exercice. Le préavis du procureur général est absolument défavorable. Après des examens attentifs du dossier et des différentes pièces qui y figurent, nous proposons le rejet du recours et engageons le Grand Conseil à adopter cette attitude.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.