République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 septembre 2025 à 14h
3e législature - 3e année - 4e session - 19e séance
RD 1636
Débat
La présidente. Nous passons au RD 1636 (catégorie III). Madame Buffet-Desfayes, vous avez la parole.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR). Merci, Madame la présidente. Nous demandons le renvoi de ce texte à la commission des finances. Je vous remercie.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce plan financier quadriennal, présenté par le Conseil d'Etat, illustre à notre sens la gestion absolument calamiteuse menée tant par la majorité de droite du gouvernement que par celle du Grand Conseil ces dernières années. Je me permets un tout petit retour en arrière: il y a quelques mois, je me souviens très bien avoir entendu Mme Nathalie Fontanet nous mettre en garde, tout à fait à juste titre, sur le fait que les excédents aux comptes de ces précédentes années étaient conjoncturels et exceptionnels, et que l'on ne pouvait pas se reposer sur eux ces prochaines années.
Elle nous avertissait aussi, dans le cadre du débat sur les lois «corset», d'une probable, d'une quasi certaine augmentation massive des charges contraintes ces prochaines années, notamment en lien avec la RPT. Pourtant, ce constat, la connaissance de cette situation financière n'a pas empêché la majorité de droite du Conseil d'Etat comme celle du Grand Conseil d'enchaîner les réformes fiscales, que ce soit la diminution de l'impôt sur la fortune par le vote de la LEFI ou la baisse de l'impôt sur le revenu acceptée en automne dernier. Le résultat est immédiat: 475 millions de pertes fiscales pour l'Etat, et des réformes fiscales amenées avec des arguments... Le premier est qu'on redonne du pouvoir d'achat à la classe moyenne. On constate en réalité qu'on a non seulement rempli les poches des personnes les plus riches, mais aussi et avant tout vidé les caisses de l'Etat et de notre canton.
On a également avancé l'argument suivant: cette baisse d'impôts se ferait sans diminution des prestations. Or, le PFQ qui nous est présenté aujourd'hui nous montre que ce n'est clairement pas le cas. Les premiers à en faire les frais sont évidemment les collaborateurs et collaboratrices de l'Etat - du petit Etat, mais aussi des entités subventionnées - avec le gel de l'annuité prévu sur quatre ans. Ça concerne également, Mesdames et Messieurs, les communes, et quand je dis les communes, je pense en particulier aux prestations communales: si l'on suit ce PFQ, les communes devront prendre en charge une partie de la RPT et ne pourront plus assumer un certain nombre de tâches qui sont actuellement les leurs, c'est-à-dire des prestations de terrain absolument essentielles à la population. C'est notamment le cas des places de crèche, des prestations du GIAP ou de la FASe.
En outre, ce PFQ attaque très directement les prestations cantonales à la population, puisqu'il vise en particulier les subventions au logement HM ainsi que les subsides d'assurance-maladie, et ce dans une période où, comme chaque année, on a une augmentation massive des primes d'assurance-maladie. Les mesures prévues dans ce PFQ vont encore accroître les inégalités et renforcer la précarité d'une partie de notre population.
La présidente. Il vous faut conclure.
Mme Caroline Marti. Pour ces raisons, Madame la présidente, le parti socialiste vous invite à rejeter ce PFQ. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Nous, le groupe MCG, sommes également hostiles à ce PFQ, mais nous demanderons bien évidemment le renvoi en commission pour un examen plus précis de ce texte. Nous ne sommes pas opposés à ce PFQ pour les mêmes raisons que la gauche, car contrairement à ce qu'a dit la préopinante, et nous le voyons dans le cadre du budget 2026, les rentrées fiscales ne baissent pas, malgré la diminution d'impôts pour la classe moyenne. Concernant celle-ci, soit la grande majorité de la population, la gauche prétend qu'il s'agit de privilégiés. Non, ce ne sont pas des privilégiés ! Il s'agit de Genevois qui ont de plus en plus de peine à boucler leurs fins de mois en raison du coût très élevé de la vie à Genève. Aussi, cette baisse d'impôts constitue un véritable soulagement, principalement pour la classe moyenne, et c'était tout l'avantage de cette mesure.
Le problème... On le voit très bien dans les comptes, malgré la réduction d'impôts, les rentrées fiscales ne diminuent pas, elles augmentent même légèrement. Il ne faut donc pas dire que le problème provient des rentrées fiscales. Le problème émane des charges, à savoir les charges contraintes, et en particulier de la péréquation intercantonale, qui est complètement déloyale envers Genève, comme elle l'est envers Bâle-Ville: cette péréquation fait peser sur Genève le poids des frontaliers. On prend leur revenu, mais on ne tient pas compte de leur nombre. Nous avons donc des montants artificiels, et nous sommes dupés par le reste de la Suisse, par les autres cantons, qui s'engraissent et s'enrichissent sur notre dos. Voilà le véritable problème.
S'ajoute une autre question: l'accroissement massif, je dis bien l'accroissement massif, de l'aide sociale. Le problème n'est pas que l'on aide la population, heureusement qu'on le fait, car il y a de plus en plus de précarité, de plus en plus de difficulté. Pourquoi ? Principalement, ou en grande partie, en raison de l'arrivée massive de frontaliers permis G, qui exercent une pression sur les salaires des Genevois. Il y a à la fois les revenus modestes - les gens dont le salaire n'est pas suffisant pour leur permettre de vivre - et les personnes qui n'arrivent pas à trouver un emploi à cause de cette surconcurrence. Cela, c'est un problème. Or, il faut bien le dire, pour 2026, on se retrouve avec un demi-milliard - un demi-milliard ! - pour l'Hospice général. Un demi-milliard, c'est gigantesque, et c'est inacceptable ! Un demi-milliard pour l'aide sociale ! On ne peut pas continuer comme ça, parce que ça va encore augmenter, si l'on va dans cette direction. Il importe donc de s'attaquer aux vrais problèmes, et le vrai problème n'est pas la baisse d'impôts. Heureusement qu'il y a cette baisse: elle permet à de nombreuses familles genevoises de souffler. Je le redis: heureusement qu'il y a cette baisse, ça leur permet de souffler.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. François Baertschi. Merci, Madame la présidente. Je m'emballe. (Rires.) Donc, il faut voter le renvoi en commission, mais surtout ne rien changer quant aux impôts, voire, si possible, les baisser davantage...
La présidente. Merci.
M. François Baertschi. ...et arrêter de nous faire plumer par... (Le micro de l'orateur est coupé.)
La présidente. Merci, Monsieur Baertschi, vous avez épuisé votre temps de parole. Monsieur Florey, c'est à vous.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Madame la présidente. Je dirai seulement deux mots sur la baisse d'impôts. Oui, elle était nécessaire. Malheureusement, aujourd'hui, les Genevois n'en verront pas la couleur. Tout a augmenté: l'assurance-maladie, l'inflation. Tout ! Donc, le peu qu'on a obtenu... Personnellement, je trouve que les 10% à 12% qui ont été votés, c'est juste une honte par rapport aux bénéfices antérieurs qu'on a eus. On aurait pu viser au minimum 20%, mais les Genevois n'y auraient vu de toute façon que dalle, parce qu'actuellement, toutes les augmentations dépassent largement 20%. Donc, nous ne verrons tout simplement pas la couleur de la baisse d'impôts.
Maintenant, sur la gestion du Conseil d'Etat, nous allons également refuser ce plan financier quadriennal, parce que oui, la gestion par l'Etat de certains départements ou de certaines politiques publiques est juste calamiteuse. Aujourd'hui, on nous présente un budget déficitaire à hauteur de 409 millions. On voit chez qui les dépenses sont les plus importantes, comme le département de la cohésion sociale: toutes les charges explosent, ce département ne veut sur le fond absolument pas se restructurer et ne fait aucune proposition d'économies, et on accuse simplement la population en disant: «Oui, mais on a augmenté les subsides. Oui, mais vous avez voté telle ou telle mesure.» Et on rejette la faute sur ce Grand Conseil ! C'est juste un scandale !
On peut mentionner d'autres politiques publiques. On en a eu un triste exemple hier soir: on parle de réforme de l'université, alors que ce Grand Conseil a rejeté une simple réforme de bon sens. On voit que l'université elle-même refuse l'augmentation des taxes universitaires ou ce genre de chose, et que l'Etat s'obstine à refuser toute réforme structurelle. Pour toutes ces raisons, l'UDC ne votera pas aujourd'hui ce plan financier quadriennal. Merci.
M. Jacques Blondin (LC). Mesdames et Messieurs les députés, c'est un peu une surprise d'attaquer tout de suite le débat qui aura cours au sujet du budget et du PFQ 26-29. On a entendu la sévère diatribe du parti socialiste, puis le commentaire de l'UDC, mais je crois qu'on est tous conscients qu'un gros travail nous attend sur ce budget et ce PFQ: en effet, il ne satisfait personne, mais pas pour les mêmes raisons. Or, force est de constater que le travail qui nous a été présenté tant pour le budget que pour le PFQ n'a pas encore été fait, ou pas suffisamment, et que nous devrons impérativement nous occuper de cela avant de refuser quoi que ce soit. Aussi, pour nous, le renvoi à la commission des finances est une évidence.
Le constat est établi: les charges contraintes explosent. Du reste, leur nom le dit bien: elles sont contraintes, il faudra par conséquent les prendre en compte. Par contre, ce qui est important, c'est de savoir comment on les gère à l'interne, dans les différents départements et services.
Je voudrais par ailleurs corriger M. Baertschi: sauf erreur, l'Hospice général, c'est 750 millions, ce n'est pas 500. C'est énorme, ça prouve que des problèmes existent, il sera donc nécessaire de se soucier de savoir pourquoi ces besoins sociaux explosent à Genève plus qu'ailleurs. Il y a des pistes, mais on est bien évidemment là pour faire des analyses.
Ensuite, nous attendons toujours - c'est très clair d'après le budget et le PFQ - ces fameuses mesures structurelles du Conseil d'Etat. Pour nous, les mesures structurelles ne consistent pas seulement à reporter les charges sur les communes ou à supprimer l'annuité, mais à procéder à un vrai travail d'introspection. Il est donc à nos yeux prématuré de tirer des conclusions ce soir, on sait très bien que les clans seront divisés, et pour notre part, nous vous invitons à renvoyer ce PFQ à la commission des finances. Merci.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR). Un certain nombre de points ont été avancés. Ce que nous constatons, évidemment, c'est un déficit énorme et... (Commentaires.) J'ai demandé un renvoi en commission, je ne suis absolument pas intervenue sur l'aspect politique. (Commentaires.) Ecoutez, c'est le choix du Bureau et je saisis l'occasion, donc je continue. Merci beaucoup. (Commentaires.)
La présidente. On a dit que l'on donnait la parole uniquement aux personnes voulant apporter un commentaire. Les deux interventions comptent comme une seule demande.
Mme Natacha Buffet-Desfayes. Merci. Voilà.
La présidente. Ça arrivera sûrement à Mme Marti durant cette année.
Mme Natacha Buffet-Desfayes. Sans aucun doute. (Remarque.) Je me permets de poursuivre. Nous constatons un déficit énorme que nous regrettons... (Commentaires.)
Une voix. Chut !
Une autre voix. On respecte !
Mme Natacha Buffet-Desfayes. Voilà ! Merci ! ...que nous regrettons, évidemment; il a l'air de faire beaucoup parler les gens. Nous regrettons bien sûr ce déficit. L'explication qui nous est fournie... (Commentaires.) Ça va aller ? L'explication qui nous est très souvent fournie est la question des charges contraintes et mécaniques. Or dans le cadre d'un budget correctement géré, nous attendons que l'on nous fasse des propositions sur les moyens mis en oeuvre pour économiser quelque part alors que l'on connaît les charges contraintes et mécaniques émanant de la Confédération et d'un certain nombre de lois votées, charges évoquées tout à l'heure.
Je rappelle également un chiffre pour bien comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui: depuis 2016, ce qu'on nomme les aides sous condition de ressource augmente de 83%. Le constat est absolument alarmant et doit être pris en compte.
Pour revenir sur les augmentations dans ce budget, on voit que, clairement, le DCS connaît les plus fortes. Afin de bien comprendre, ce département, celui de la cohésion sociale, représente 3 milliards sur les 11,2 de l'ensemble du budget.
En conclusion, plutôt que reprocher à chaque fois à la population d'avoir soutenu une baisse d'impôts, il faut la remercier d'avoir donné un bol d'air fiscal à chacun des membres de la classe moyenne, qui en avait largement besoin. Je rappelle et je répète ma demande: traiter toutes ces questions avec le plan financier quadriennal à la commission des finances. Je vous remercie.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Je crois qu'il n'est pas contradictoire de dire que l'Etat va perdre près de 500 millions suite à cette baisse d'impôts et de constater que les recettes fiscales augmentent. C'est même parfaitement cohérent, et c'est tout à fait inquiétant: cette diminution d'impôts, Mesdames et Messieurs les députés, pour son tiers était distribuée aux 2,5% les plus riches de ce canton. Si la masse fiscale tend à croître en dépit de cette saignée, c'est simplement parce que les inégalités sont en train d'exploser: les riches deviennent de plus en plus riches, et malgré la baisse d'impôts, leurs revenus croissent à une telle vitesse qu'ils paieront plus d'impôts.
Alors on pourrait s'en réjouir pour le fonctionnement de l'Etat, mais le problème est qu'à l'autre bout, les pauvres deviennent de plus en plus pauvres. La traduction en chiffres de cette triste réalité, on la voit évidemment dans l'explosion des charges qu'on appelle contraintes, et dont on se passerait bien volontiers dans une société plus égalitaire, en particulier celles qui relèvent du DCS. Ces charges contraintes, Mesdames et Messieurs, sont le reflet de la précarité croissante de notre population, elles ne sont pas liées à des choix superficiels, ou à des décisions, ou à des soucis de gestion des départements, mais elles sont bien la traduction de cette précarité.
D'autre part, ces charges dites contraintes émanent simplement de prestations que la population a souhaitées par vote populaire. On peut penser à la gratuité des... (Remarque.) Merci ! Ces charges sont issues de décisions populaires prises lors de votes populaires. On peut penser à la gratuité des abonnements Unireso pour les jeunes, à la semi-gratuité pour les aînés, mais on peut surtout songer à un domaine extraordinairement utile pour une très large de la population, à savoir évidemment les subsides d'assurance-maladie, les prestations complémentaires qui seront certainement dans le collimateur de la droite dans les prochaines années, ce que nous refusons absolument. Pour ces raisons, ce plan financier quadriennal n'est en l'état pas acceptable. Nous allons le refuser et nous vous appelons bien sûr à faire de même. Merci.
M. Laurent Seydoux (LJS). Ce plan financier quadriennal ne correspond absolument à rien ! Il ne s'agit que d'un copier-coller du budget 2025 indexé: aucune réelle mesure sur la réallocation des moyens et la priorisation des prestations, aucune proposition de mesures pour revoir les conséquences des charges contraintes cantonales. Celles-ci explosent et surtout sont la conséquence... Elles concernent les plus précarisés d'entre nous, ceux pour qui il nous semble que le plus important est que le revenu puisse augmenter. Donc la véritable question dans ce sujet est l'emploi, et on voit bien que dans le cadre de l'aide sociale, de la migration, ou des jeunes, c'est notre vrai souci actuellement.
L'adage qui dit «une économie forte pour un social fort» est complètement dépassé, puisque c'est cette grande différence, en réalité, qui arrive. Engranger plus de profit pour aider davantage de gens ne constitue en tout cas pas, pour nous, la solution définitive. Nous devons retravailler sur le sujet de l'emploi, car c'est un véritable enjeu. Aussi, nous comptions sur le Conseil d'Etat pour revoir à la fois le fonctionnement et les dispositifs pour aider les plus précarisés d'entre nous à obtenir des revenus dignes d'eux.
Les seules mesures proposées par le gouvernement, d'une part, sont prises sur les salaires des fonctionnaires et leurs annuités et, de l'autre, consistent en un report de charges sur les communes. Cela est inacceptable. L'exécutif nous annonce des mesures ce printemps, qui font donc de ce PFQ un objet déjà obsolète. En conséquence, le groupe LJS refusera ce PFQ et n'est pas opposé à un renvoi en commission. Je vous remercie.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je lance à présent la procédure de vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 1636 à la commission des finances est adopté par 47 oui contre 38 non et 1 abstention.