République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 25 septembre 2025 à 20h30
3e législature - 3e année - 4e session - 18e séance
R 1063-A
Débat
La présidente. Nous passons à la dernière urgence, à savoir la R 1063-A... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! S'il vous plaît, Messieurs ! ...qui est classée en catégorie II, trente minutes. La parole va à M. de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des affaires communales, régionales et internationales a traité des avions de chasse F-35 lors de six séances et a notamment auditionné plusieurs personnes spécialistes du sujet: je veux mentionner ici M. Nicollier, ancien astronaute, la faîtière des entreprises romandes d'armement (le GRPM) et enfin le conseiller national Pierre-Alain Fridez. (Remarque.) C'est un expert, en effet, Monsieur Alder. Pour rappel, cette résolution vise à demander à l'Assemblée fédérale deux éléments: d'une part, de renoncer à l'achat des avions de chasse F-35 et puis, avec la deuxième invite, de mettre en place une commission parlementaire afin d'examiner la problématique s'agissant du processus d'acquisition de ces avions et de proposer des solutions plus adaptées à notre pays.
On peut lister quatre éléments qui sont ressortis comme problématiques concernant l'achat de ces F-35 et la nécessité, pour le canton de Genève, d'intervenir auprès du Parlement fédéral pour faire changer cette décision qui, on le voit depuis plusieurs mois, a du plomb dans l'aile plus le temps passe. Tout d'abord, les aspects techniques. Les aspects techniques ont révélé que les F-35 sont certainement des appareils peu adaptés à la Suisse sur plusieurs aspects: un temps de décollage trop long (je reviendrai sur les aspects stratégiques), des surchauffes du réacteur ainsi qu'une dépendance totale vis-à-vis des Etats-Unis - dont on voit aujourd'hui la gouvernance particulièrement stable et fiable - en matière de logiciels pour faire voler ces avions.
Le deuxième aspect problématique est celui du coût, largement médiatisé quant à lui: on voit que la facture s'élève de mois en mois. On ne connaît finalement pas précisément le coût total de cette facture, même en 2032 - théoriquement, date de livraison de ces avions -, et celle-ci pourrait s'élever jusqu'à 6 milliards de francs, plus 9 milliards pour l'entretien. Selon une hypothèse, l'estimation du nombre d'heures de vol aurait été artificiellement diminuée lors du processus de choix des F-35 puisque l'heure de vol reviendra à 40 000 francs environ, ce qui est un prix extrêmement élevé. Un autre élément à considérer également en matière de coût est la nécessité de développer des infrastructures indispensables pour pouvoir accueillir ce type d'avion.
Présidence de Mme Dilara Bayrak, première vice-présidente
Je l'ai dit, un des noeuds majeurs ici, c'est l'opacité du processus de décision à l'échelon fédéral ayant abouti au choix des F-35. Et la deuxième invite de cette excellente résolution vise justement à faire toute la lumière sur ce processus qui est aujourd'hui largement critiqué...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Romain de Sainte Marie. Je vous remercie, Madame la présidente. ...qui, on le voit, a manifestement été problématique. Et puis le dernier élément qui plaide pour le refus de l'achat de cet avion F-35, c'est l'aspect stratégique, puisqu'il s'agit avant tout d'un avion qui sert, je dirais, à aller au-delà des lignes ennemies - à bombarder des positions ennemies -, alors que la Suisse n'est pas, de prime abord, un pays qui s'apprêterait à survoler des territoires étrangers pour aller effectuer des bombardements. Le but des avions de chasse, pour notre armée de l'air, est plutôt défensif: il consiste à intercepter d'autres avions. En l'occurrence, je le mentionnais au début, le temps de décollage d'un F-35 est beaucoup trop long par rapport à d'autres avions de chasse et ses capacités aériennes correspondent davantage à un bombardier furtif - il a une excellente furtivité - qu'à un avion de chasse servant à intercepter d'autres avions de chasse.
Pour toutes ces raisons, la CACRI a estimé que cette résolution visait juste, que cet avion ne correspond pas aux besoins de la Suisse, que le processus d'acquisition a été opaque et qu'il vaut mieux renoncer aujourd'hui, malgré les coûts déjà induits par le processus d'acquisition, qu'il est encore suffisamment tôt pour renoncer à cet avion plutôt que de devoir payer une facture qui va s'avérer particulièrement élevée dans quelques années et d'être dépendants des Etats-Unis. Et c'est donc tout à fait logique que notre Grand Conseil, qui pourrait être suivi par d'autres parlements, vote cette résolution ce soir pour faire pression auprès de la Berne fédérale et agir avec d'autres cantons pour renoncer à ces avions de chasse. Raisons pour lesquelles, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission vous invite à soutenir cette résolution.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Je ne parlerai pas de l'achat du F-35, parce que l'acquisition d'un avion de combat est de compétence fédérale et non cantonale. Lors de la dernière séance plénière de ce Grand Conseil, nous avons reçu pas moins de quatre courriers de l'Assemblée fédérale nous informant que quatre initiatives cantonales adressées par Genève à Berne avaient été nettement rejetées, à la fois par le Conseil national et par le Conseil des Etats. Nous agaçons Berne par ce type de gesticulations qui de toute manière ne servent à rien ! Il faut bien en être conscient.
De manière très curieuse, le texte a été déposé par l'élu d'un groupe - Le Centre, pour ne pas le nommer - représenté de manière très large à la fois au Département militaire fédéral et aux Chambres fédérales, qui a soutenu très largement, très très largement, cet avion F-35. C'est même le groupe qui est à l'origine du choix de ce F-35, alors il y a quelque part une schizophrénie - vous transmettrez, Madame la présidente. Vous transmettrez également qu'on les entend dire: «C'est pas nous ! C'est pas nous, Le Centre, qui avons fait en sorte d'avoir le F-35 ! C'est pas nous ! C'est pas nous qui avions une conseillère fédérale, Mme Amherd - Viola, de son petit nom. C'est pas nous qui avions Viola Amherd; c'est pas nous, Le Centre, qui avons un conseiller fédéral ! C'est pas nous qui avons un conseiller national genevois qui se bat très fermement pour le F-35 - c'est pas nous ! C'est pas nous, Le Centre ! (Vifs commentaires.) C'est pas nous !»
J'avais envie de leur dire: c'est pas nous, Genève... (Commentaires.) ...qui avons à nous occuper de cette affaire ! C'est une affaire qui concerne les Chambres fédérales, et donc, c'est pas nous. Comme c'est pas nous, je vous... Et les auteurs mêmes de cette résolution nous le disent, c'est pas nous. Eh bien en totale logique, refusons cette résolution, parce que c'est pas nous ! Merci, Madame la présidente de séance.
La présidente. Merci, Monsieur Baertschi. La parole est à M. Guinchard.
Des voix. Ah !
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Merci, Madame la présidente de séance. Au-delà de l'attribut des «pas nous, pas nous»... (Rires.) ...je rappellerai à M. Baertschi qu'une section cantonale est encore libre de faire des choix et que le moyen le plus simple de démolir un tel texte, évidemment, c'est de dire: «Ah, mais les résolutions n'ont aucune chance, toutes sont refusées et on agace Berne.» Ce ne sont pas des arguments ! Je préfère ceux qui ont été donnés par le rapporteur de majorité, que je félicite pour la qualité de son rapport.
Lorsque nous avons déposé cette résolution, elle a fait l'objet d'un certain nombre de sarcasmes, de moqueries, mais je crois que la CACRI a travaillé sérieusement, a auditionné des personnes compétentes, le rapporteur de majorité l'a rappelé: nous avons vécu des moments de découverte et d'apprentissage de connaissance intéressants. Lorsque nous avons auditionné M. Gerber, représentant des organisations qui travaillent sur les compensations en cas d'achat de matériel militaire, un député lui a demandé: qu'en est-il du prix fixe et que dire de la rumeur selon laquelle ce prix augmenterait de 800 millions à 1,5 milliard, en plus des 5 milliards prévus ? Il nous a dit qu'il s'agissait là de pures spéculations sans aucun fondement. Quelque temps après, on apprend que ce ne sont pas des spéculations, que c'est avéré et qu'il n'a jamais été question d'un prix fixe ! C'est d'ailleurs une position qui a également été exprimée dans un avis de droit rendu par le Département de justice et police avant la procédure d'achat !
Au fil des semaines, et vous avez pu suivre cette actualité dans la majorité des médias, notamment dans «Le Temps» qui a publié des papiers assez intéressants là-dessus, on a appris de nouveaux éléments. Onze pays de l'Union européenne ont fait l'acquisition de F-35; ces onze pays ont toujours gardé d'autres avions, du style Eurofighter ou Rafale, pour des tâches liées à la gestion de la police aérienne, parce que ces avions conviennent mieux ! Ensuite, ces pays ont constaté que les frais de maintenance qui leur avaient été promis ont triplé, à peu près, passant de 200 millions à 400 ou à 600 millions par année.
Présidence de Mme Ana Roch, présidente
La livraison de ces avions serait éventuellement reportée en 2031 ou en 2032 simplement parce qu'il faut changer le moteur de ces avions et rectifier un certain nombre de problèmes. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Le F-35 est un bombardier furtif à longue distance. Une commissaire a dit qu'il serait très utile à la Suisse pour aller bombarder les rampes de lancement en Russie; on lui a rappelé gentiment que nous étions neutres et qu'il n'était pas question pour nous d'aller bombarder qui que ce soit à l'étranger.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Jean-Marc Guinchard. Je vais conclure. La Suisse n'a pas besoin d'un tel avion pour gérer sa police aérienne; il est superfétatoire. Je vous remercie de votre attention et vous encourage vivement à accepter cette résolution.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Valiquer pour une minute et huit secondes.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Merci, Madame la présidente. «C'est pas nous», disait M. Baertschi; eh bien nous devrions peut-être, comme élus, écouter la population, puisque «Le Temps» rappelle que les deux tiers de la population sont maintenant d'accord pour dire «plus un centime» et que la grande majorité de la population suisse demande même de renoncer à cet achat. Et puis qu'en est-il de la gestion quand, après avoir parlé d'un prix fixe, le Conseil fédéral dit en fin de compte ignorer le prix final ? (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Et cadeau, cerise sur le gâteau, les Etats-Unis sont prêts à revoir à la baisse le nombre de F-35 commandés pour autant qu'on les acquière au même prix global que celui sur lequel on s'est engagé, prix que l'on ne connaît pas. Donc, si nous sommes du côté de la population suisse, eh bien je pense qu'il est temps de stopper ces achats, comme l'a très bien rappelé M. Guinchard. Et je félicite quant à moi Le Centre de savoir afficher une telle position...
La présidente. Il vous faut conclure.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...quand bien même sa conseillère fédérale s'est leurrée.
M. Laurent Seydoux (LJS). Mesdames et Messieurs, chers députés, je dois vous dire, en tant que président de la commission des affaires communales, régionales et internationales, qu'on s'est fait plaisir, je dois l'avouer ! Nous avons eu droit à des auditions de très grande qualité: Claude Nicollier, astronaute, qui nous a mis des étoiles dans les yeux; Christophe Gerber, qui nous a éclairés sur les affaires compensatoires; et Pierre-Alain Fridez, conseiller national et opposant éclairé au F-35. Pendant un instant, on s'est presque cru dans une commission du Conseil national, avec l'avantage que tout était en français.
Ce que j'ai retenu, ce sont les similitudes entre Berne et Genève: des exécutifs très habiles dans l'art de l'enfumage. La main sur le coeur, ils affirment que tout cela ne coûtera pas un sou de plus, que tout est transparent et équitable, mais, avec le temps, chacun constate que les promesses n'engagent que celles et ceux qui veulent bien y croire.
Rappelons-le, notre parlement n'est pas compétent sur ce dossier fédéral et, à titre personnel, je ne prétends pas avoir l'expertise technique nécessaire pour prendre réellement position. C'est pourquoi nous invitons nos collègues ici présents, qui ont tous des représentants à Berne, à parler à ces derniers pour qu'eux relaient leur avis et puissent réellement s'engager en prenant position. En conclusion, le groupe LJS s'abstiendra et vous encourage à en faire de même. Merci.
M. Yves Nidegger (UDC). J'observe avec satisfaction que la compréhension de ce à quoi sert ou ne sert pas une résolution commence lentement à percoler dans les esprits de ce parlement - mais enfin, il y a encore du boulot ! Nous avons tout un débat ce soir pour savoir si le F-35 est un bon avion pour nous ou pas, s'il vole assez vite, s'il ne vole pas assez vite, s'il sert à notre défense ou pas, si le prix est acceptable ou s'il est trop cher; enfin, nous nous comportons comme si nous étions la commission de sécurité du Conseil national ou du Conseil des Etats. Alors qu'évidemment, le choix d'un avion de combat, depuis le vote qui a décidé du budget - ça, c'était en mains populaires -, n'est pas de la compétence d'un parlement cantonal ni même du Parlement fédéral: c'est la compétence du Conseil fédéral que de prendre cette décision et le bilan a déjà été tiré puisque, appartenant au Centre, Mme Viola Amherd s'est éjectée de l'avion quelques semaines avant que le scandale n'éclate, suivie d'ailleurs, courageusement, par le chef de l'armée.
Les choses sont absolument claires: cet achat est une grosse bêtise, cet achat a été mal négocié et l'avis de Genève n'est donc pas nécessaire pour relayer tout cela à Berne. Je vous prierai par conséquent de ne pas provoquer un énième haussement d'épaules à Berne. Ce n'est pas à la majorité, contrairement à ce qu'a dit le rapporteur de minorité tout à l'heure, que les quatre objets de la dernière session ont été rejetés: c'est à l'unanimité, tant de la commission du national que de celle des Etats. Ça agace, ça ne sert à rien ! C'est un de ces trucs qu'on sent au doigt mouillé: tiens, on parle du F-35, il faut absolument que Le Centre se pousse sur l'avant de la photo et ponde un texte de quelque acabit que ce soit. De grâce, chers collègues, un jour - et peut-être aujourd'hui - mettons définitivement fin à cette manie des résolutions qui ne servent à rien d'autre qu'à briller sous les caméras - et, ce soir, à briller de manière assez terne !
M. Philippe Meyer (PLR), député suppléant. Voilà un texte qui rejoint une escadrille de résolutions que Genève envoie à Berne. Qu'est-ce qui se passe avec ces résolutions ? Quand elles arrivent sur le Palais fédéral, elles piquent du nez et puis elles ratent leur atterrissage - en tout cas, elles atterrissent à la verticale. Le PLR a trois messages à faire passer ce soir, je vais donc profiter de l'occasion.
Le premier, bien sûr, c'est que nous ne sommes pas le Conseil national. Alors, vous pouvez vous présenter - vous relaierez, Madame la présidente, à tous ceux qui veulent lancer des résolutions à Berne: présentez-vous aux élections fédérales ! Ce sera l'occasion de faire de la politique fédérale. Ça, c'est le premier message.
Le deuxième, c'est qu'il y a onze ans, lors du vote sur le Gripen, certains s'exprimaient contre cet avion avec une virulence égale à celle qu'on entend aujourd'hui contre le F-35. Le Gripen, c'était un avion bon marché, un avion suédois, mais les mêmes qui s'offusquent de l'achat du F-35 s'étaient à l'époque opposés à l'achat du Gripen. Finalement, si on avait accepté le Gripen, on ne serait pas du tout en train de parler aujourd'hui de F-35 ou d'avions américains ! On aurait un avion suédois et il volerait déjà dans le ciel suisse.
Troisième message, et je reviens sur une discussion que nous avons eue avec Pierre-Alain Fridez qui, on l'a déjà mentionné, siège au Conseil national sur les bancs socialistes: lui disait, à la fin de l'entretien qu'on a eu avec lui, qu'il serait favorable à ce que la Suisse achète le Rafale français. J'aimerais donc encourager nos collègues socialistes genevois à suivre leur collègue Fridez du parti socialiste, à se mettre en formation derrière lui et à plaider également pour l'achat d'un nouvel avion de combat pour la Suisse. Vous l'avez compris, le PLR vous demande le «grounding» de cette résolution qui ne devrait pas décoller de Genève. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais ajouter un ou deux éléments au débat. Tout d'abord, je rappellerai que le chèque en blanc de 6 milliards de francs a été accepté d'un cheveu par le peuple suisse en septembre 2020 et que Genève l'a refusé à près de 63%. Ensuite, une procédure pour choisir l'avion s'est déroulée dans les cuisines obscures du département militaire; finalement, le choix du F-35 est tombé un beau jour de 2022 et les contrats ont été signés dans la foulée. L'audition de M. Fridez en commission, qui a été mentionnée tout à l'heure, a montré que la procédure du choix a été largement biaisée en définissant des missions qui n'ont rien à faire avec des missions de défense.
Les Vertes et les Verts ont d'ailleurs... Vous avez dit que Le Centre n'était pas responsable; juste après ce choix, les Verts ont très rapidement déposé une initiative, mais comme les contrats avaient en fait été signés, nous l'avons retirée. Toutefois, nous avons toujours été opposés à ce choix. Les arguments de l'époque sont encore valables aujourd'hui et une ribambelle d'autres sont venus s'ajouter. Tout d'abord, il apparaît que le prix, dont on a aussi parlé tout à l'heure, a été largement sous-évalué; le prix garanti s'est effondré, comme si on se trouvait dans un supermarché de hard discounter. Plus grave, les compensations en matière d'emplois - on n'en a pas encore parlé - en Suisse, et plus particulièrement en Suisse romande, sont bien inférieures aux promesses.
Lors de son exploitation aux USA et dans d'autres pays, on a remarqué que cet avion accumule les casseroles. Si vous allez par exemple sur la page Wikipédia du F-35, vous y trouverez ses caractéristiques et performances, mais aussi une longue liste de dysfonctionnements: graves problèmes liés au feu et à la sécurité des vols, affaissement des ailes - vous vous rendez compte, pour un avion ! -, problèmes de moteur, pneumatiques fragiles, problèmes de vulnérabilité à la foudre, et j'en passe ! Même en admettant qu'ils puissent voler en dehors des heures de bureau, il est possible que ces avions restent cloués au sol lors des nombreux orages qui frappent notre pays.
Dernier élément inquiétant: il est apparu que le pays du constructeur, soit les USA, pourrait inhiber à distance certaines fonctions de l'avion. Or, ce n'est pas du tout le moment de se rendre encore plus dépendants des Etats-Unis. Avec Donald Trump dans le cockpit, cet avion est totalement hors de contrôle. Cet avion était censé être furtif; rendons-le totalement invisible en acceptant cette résolution. (Applaudissements.)
M. Christian Steiner (MCG). On ne peut qu'être étonné quand on lit cette résolution déposée par un député expérimenté: elle s'en prend à une décision purement fédérale, qui relève du Conseil fédéral, et au sujet de laquelle non seulement nous ne sommes pas compétents, mais, surtout, nous n'avons pas les connaissances ! Juste un petit exemple s'agissant des défauts cités par mon préopinant: il faut savoir que n'importe quel avion, qu'il soit de ligne ou militaire, comporte au moins mille modifications entre sa sortie du hangar et sa commercialisation. Mais on n'a absolument pas les éléments, et puis ce qu'on nous donne ici, c'est du... Excusez-moi, mais on n'est pas loin du café du commerce. Donc, on n'a pas les aptitudes ! On parle du prix de l'heure de vol; je rappelle qu'un Vampire, qui était encore construit partiellement en bois, c'était cinquante heures de maintenance pour une heure de vol et une tonne et demie de kérosène en quarante-cinq minutes - et on était dans les années 50.
Si on va plus loin que ces détails ou cette polémique de... de presse people sur le F-35, il y a le problème de la souveraineté: effectivement, on n'achète pas un avion mais un système d'armes. Donc le choix, pour la Suisse neutre, de dépendre d'un pays étranger ou d'une union de pays étrangers est une question à se poser. Surtout, si on pousse la lecture, on voit que derrière la question du F-35 et ce plaidoyer anti-américain, c'est un plaidoyer pro-européen que le premier signataire a voulu faire avec cette résolution ! Quand on voit qu'il indique que la France a toujours été un allié naturel et qu'elle ne prendrait pas de sanctions, il faut rappeler que oui, l'Union européenne prend des sanctions: Horizon Europe, l'équivalence boursière et les normes techniques ! Alors face à une Union européenne qui nous est hostile, je suis désolé de revoir ce vieux réflexe chrétien de tendre l'autre joue ! Il y a un parti, il a beau changer de nom, l'eau bénite n'est toujours pas très loin ! (Commentaires. Rires.)
Des voix. Oh !
Une voix. Oh, c'est beau, ça !
M. Christian Steiner. J'encourage donc tout le monde à refuser cette résolution qui n'a rien à faire dans notre parlement et qui est inadéquate. Merci.
Une voix. Bravo !
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Alder.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues...
La présidente. Pour une minute !
M. Murat-Julian Alder. ...il n'y a pas d'article 24: je suis issu des forces terrestres et non des forces aériennes. (Rires.) Mesdames et Messieurs, en 2020, lorsqu'on a voté sur l'acquisition du nouvel avion de combat, il y avait dans ce pays à peu près autant d'experts de la défense aérienne qu'en matière de lutte contre les épidémies; on ne va pas refaire le débat ici. Ce que je me permets simplement de relever avec un certain étonnement, c'est que le parti de l'ancienne cheffe et du nouveau chef du DDPS va aujourd'hui s'allier avec les partis de gauche, qui ne veulent pas d'avions de combat du tout ! (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Parce qu'ils sont dans un monde de Bisounours, alors que nous vivons une période d'instabilité majeure en Europe et que nous avons besoin d'un avion de combat pour pouvoir nous protéger !
Les avions de combat européens, technologiquement parlant, ont vingt à trente ans de retard sur les modèles américains et nous investissons là pour avoir une défense aérienne à l'horizon 2030-2060. C'est donc normal que la technologie soit plus avancée. Pour l'ensemble de ces raisons, Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser cette résolution qui couvre Genève de ridicule ! Merci d'avance !
La présidente. Merci. La parole est à M. Baertschi.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Je trouve que le préopinant a dit tout ce qu'il fallait dire; je n'ai donc rien à ajouter.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Comme pour le sujet précédent, le Conseil d'Etat m'a désigné volontaire pour vous donner sa position sur cet intéressant objet. On peut partager un certain nombre de préoccupations avec les signataires, mais à vrai dire, Mesdames et Messieurs les députés, Madame la présidente, plutôt que de se piquer, à Genève, de savoir comment on doit protéger l'espace aérien, alors que - et c'est le ministre des transports qui vous le dit - on a déjà de la peine à protéger l'espace piéton des trottinettes électriques... (Rires.) ...le Conseil d'Etat vous invite respectueusement à garder les pieds sur terre, à consacrer nos débats à l'assurance-maladie, aux loyers, aux sujets qui touchent de près les Genevoises et les Genevois et à éviter, comme l'ont dit certains préopinants, de nous ridiculiser par l'envoi d'une énième résolution aux Chambres fédérales.
Une voix. Bravo !
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.
Mise aux voix, la proposition de résolution 1063 est rejetée par 43 non contre 38 oui et 1 abstention (vote nominal).