République et canton de Genève

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M 3159
Proposition de motion de Marc Saudan, Masha Alimi, Raphaël Dunand, Jacques Jeannerat, Laurent Seydoux, Jean-Louis Fazio, Vincent Canonica, Francisco Taboada, Djawed Sangdel, Stefan Balaban : Repousser le délai des démarches administratives des élèves frontaliers de 11e CO déjà scolarisés en Suisse et changeant de niveau scolaire
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 25, 26 septembre, 2 et 3 octobre 2025.

Débat

La présidente. Nous passons à l'urgence suivante. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. Saudan, premier signataire.

M. Marc Saudan (LJS). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez, le département de l'instruction publique a décidé d'annuler les dérogations accordées aux élèves frontaliers changeant de niveau scolaire, ce qui pose évidemment un problème pour les familles, et surtout pour les élèves intégrés dans le système suisse. Il est important de savoir que l'inscription au secondaire II, qui se fait en 11e CO, nécessite une démarche administrative qui était, l'année passée... (Brouhaha.)

La présidente. Excusez-moi, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, est-ce qu'on pourrait faire silence ?

M. Marc Saudan. Je parle assez fort, tout le monde m'entend !

La présidente. Moi, je ne vous entends pas. Merci ! (Remarque.)

M. Marc Saudan. Il est donc important de savoir que l'inscription au secondaire II, en 11e CO, nécessite une démarche administrative, prévue, l'année passée, du 14 octobre au 4 novembre 2024 pour l'automne 2025.

Cette proposition de motion n'entend pas régler immédiatement la question générale de la politique d'accueil des élèves frontaliers; elle demande une seule chose: du temps et de la transparence. Du temps, pour que la commission de l'enseignement reçoive la conseillère d'Etat et que nous ayons toutes les explications sur cette décision soudaine et contestée; du temps aussi pour que notre parlement puisse clairement prendre sa décision en ayant tous ces éléments. En prolongeant le délai au 31 décembre, nous éviterons que les élèves frontaliers qui pourraient éventuellement continuer leur scolarité là où ils sont en soient empêchés par un blocage administratif.

Mesdames et Messieurs, cette motion propose une mesure de bon sens, de responsabilité, de respect: responsabilité vis-à-vis des familles, qui n'ont eu d'autre choix, pour la plupart, que d'aller habiter en France, notamment en raison du manque de logement; respect vis-à-vis des enfants, qui ne doivent pas devenir des victimes collatérales. Merci.

M. Pierre Nicollier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, voici le dernier geste d'humeur de nos collègues LJS, qui semblent ce soir un peu perdus dans leur positionnement.

Sur le fond: Genève connaît depuis des années une forte pression démographique. Nos écoles, en particulier les cycles d'orientation, débordent: des établissements conçus pour 750 élèves accueillent aujourd'hui plus de 900 adolescents. Nous devons recourir à des pavillons provisoires. Le nombre d'élèves à l'école primaire a augmenté de 21% en un peu plus de dix ans. Les chantiers voient les retards s'accumuler: l'extension de Liotard ne sera pas livrée avant 2027, l'école du Mervelet n'ouvrira pas avant 2028. Dans l'attente, nous mettons les élèves dans des containers, comme les douze classes à la rue Boissonnas. 

Ce bricolage ne peut pas durer. Dans ce contexte, notre responsabilité première est claire: assurer à tous les enfants domiciliés dans le canton un accès à l'école publique genevoise dans des conditions décentes. C'est une question d'équité et c'est une priorité.

Sur la forme: un texte socialiste est déjà étudié en commission et sera traité dès le 1er octobre. Par ailleurs, les auteurs de la motion semblent ne pas bien comprendre toutes les étapes du processus d'inscription; ceci n'aide pas lorsqu'on est déjà un peu confus sur son positionnement.

L'objectif de ce texte est déjà atteint par le système actuel. La préinscription du 4 novembre permet d'actualiser les données dans le système et de préparer le traitement des inscriptions. Elle n'est pas une étape permettant de refuser une inscription. La motion ne sert donc à rien.

Les limites définitives pour s'inscrire sont fixées au 27 février 2026 pour les formations professionnelles hors commerce et au 1er avril 2026 pour les autres.

Ce texte est une nouvelle initiative d'un groupe bien confus ce soir. Je vous invite à ne pas entrer dans ce jeu de communication et à le renvoyer à la commission de l'enseignement afin qu'il soit traité avec la M 3140 de notre collègue M. Jotterand dès le 1er octobre, si d'autres délais devaient être modifiés. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG entend le cri des résidents helvétiques qui habitent de l'autre côté de la frontière. Nous entendons leur colère. Or, on ne doit pas prendre une décision aujourd'hui sur la base de critères émotionnels. Tout d'abord, une proposition de motion n'est pas contraignante pour le Conseil d'Etat: il peut clairement s'asseoir dessus. Travaillons de façon intelligente et empathique à l'égard de ces personnes habitant de l'autre côté de la frontière, qui sont, je le rappelle, helvétiques.

Nous proposons de renvoyer ce texte en commission... (Remarque.) ...de manière que les députés membres de celle-ci puissent en parler avec modération, peut-être dans l'apaisement, et surtout avec des arguments que le département leur donnera, qui justifieront pour quelles raisons il prend cette décision.

Il faut donc, à notre avis, renvoyer cette proposition de motion en commission, afin que les commissaires prennent leurs responsabilités sur la base d'éléments factuels, sans émotion, sans être pris à partie par les uns ou les autres, à tête reposée, avant de revenir devant ce parlement en nous permettant de prendre une décision de façon plus pragmatique et concrète. Merci de renvoyer ce texte en commission.

Mme Céline Bartolomucci (Ve), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion tente de compenser de manière modeste la décision du Conseil d'Etat du mois de juin dernier sur l'exclusion des élèves frontaliers et la fin des dérogations, une décision prise, il convient de le rappeler, de manière unilatérale, sans concertation avec les familles ni avec le parlement, ni avec nos partenaires transfrontaliers, dans le contexte pourtant si particulier qu'est le Grand Genève.

Pour rappel, en 2018, dans la réponse à la question écrite urgente 792 sur l'exclusion des élèves frontaliers des écoles genevoises, le Conseil d'Etat affirmait que tous les enfants déjà admis par dérogation pourraient poursuivre leur scolarité obligatoire à Genève. A l'époque, la priorité était donc donnée à la continuité de la scolarité et à la stabilité des enfants, considérées comme essentielles. Alors pourquoi ce principe, valable en 2018, n'est soudainement plus aussi valable en 2025 ? On peut se poser la question.

Derrière des décisions administratives et comptables, il y a des enfants, des familles, des enseignants qui se retrouvent brutalement fragilisés. Repousser le délai d'inscription pour les élèves en fin de CO, comme le demande cette motion, représente, disons, le minimum de pragmatisme et de responsabilité afin de donner aux familles concernées le temps de faire le nécessaire et à ce parlement le rôle de contrôle qui lui revient.

Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, les Vertes et les Verts vous invitent à voter favorablement sur cette motion, sans toutefois oublier le fond du problème, l'exclusion brutale des élèves frontaliers, qui devra être traité démocratiquement par ce Grand Conseil. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Thierry Arn (LC). Le groupe du Centre soutiendra le renvoi en commission de cette proposition de motion, pour qu'elle rejoigne la M 3140. Pour nous, il est important d'entendre notamment le collectif Ecole pour tous, qui a approché certains des membres de ce parlement, et aussi le DIP, avec les différentes consultations qu'il a faites. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons le renvoi en commission. S'il est refusé, nous rejetterons ce texte.

M. Matthieu Jotterand (S). Mesdames et Messieurs les députés, je suis un peu surpris de la manière dont notre Conseil traite cette thématique. Surpris en 2025, mais déjà en 2018-2019, puisque quand le principe de scolarisation au lieu d'origine avait été remis en question, il n'y avait déjà pas eu de débat, si ce n'est une discussion embryonnaire sur une motion de l'UDC; il avait manqué un vrai débat fondamental sur la scolarisation au lieu d'origine: est-ce une bonne chose ? Est-ce réaliste avec les paramètres de l'agglomération genevoise telle qu'on la connaît, c'est-à-dire avec un arrière-pays en France, ou au contraire, est-ce un principe pédagogique pertinent, mais qui ne s'applique pas dans notre région ? Notamment en tenant compte du fait que - tout un chacun le sait ici - on n'habite pas là où on veut, il y a évidemment des contraintes de logement, entre autres parce qu'on assiste à une spéculation immobilière absolument immodérée dans le canton, ce qui contraint certains à l'exil. On entend souvent parler de personnes qui se seraient acheté en France une villa avec piscine, etc., mais il s'agit aussi d'énormément de gens qui habitent à Annemasse, à Ferney, à Prévessin, dans ces petits immeubles que précisément le canton de Genève ne construit pas pour ses résidents et ses résidentes.

Ce débat a donc manqué, et le Conseil d'Etat est dans sa logique de petit comptable qui voit une petite économie à court terme; il se dit qu'on va sous-traiter la formation, car selon cette logique de comptable, une personne qu'on forme coûte à la société - avant de rapporter, et de rapporter évidemment à Genève, avec tous les emplois que la région offre.

Forcément, c'est une position intenable: on a les prévisions, on sait qu'on aura ces élèves en Suisse, on le sait, et on ne prévoit pourtant pas les écoles nécessaires. Et on demande aux Français aujourd'hui, soudainement, de se débrouiller: «Vous, vous n'avez pas pu faire de prévisions, mais vous avez sûrement des écoles, faites avec.» Evidemment, cette position est intenable, nos partenaires français s'énervent, et dans un premier temps, les enfants sont dans une position très désagréable par notre faute. Certains en face - je les regarde - font semblant de se soucier du bien-être des enfants quand c'est pour embêter d'autres personnes. Si vous vous souciez vraiment du bien-être des enfants, il faut bien sûr rapidement intervenir avec cette motion. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Par rapport à l'agglomération du Grand Genève, les Français nous font comprendre que notre position ne sera pas tenable. Un amendement a donc été déposé pour qu'au lieu de pinailler sur des délais d'inscription, etc., on prévoie qu'en 2026, on n'exclue du système scolaire genevois aucun élève qui y est déjà scolarisé aujourd'hui.

La présidente. Merci, Monsieur le député.

M. Matthieu Jotterand. On en discutera ici dans un an, une fois qu'on aura mené les travaux, une fois qu'on aura enfin pu en débattre correctement. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Notre préopinant socialiste - et cela ne nous étonne pas - veut que Genève soit à la botte des autorités françaises, que nous soyons véritablement au garde-à-vous face à ce que disent ses amis macroniens et socialistes français: nous devons à tout prix nous placer dans une situation de soumission à leur égard. Cela, le MCG ne peut pas l'accepter.

S'il y a des problèmes, ils doivent être réglés en commission et non à la va-vite comme le demande le texte dont nous parlons ce soir. Il n'est pas acceptable de vouloir traiter ça très rapidement, sous le coup de l'émotion, de manière bâclée. Il faut à tout prix que l'on puisse étudier ces sujets, qui sont relativement complexes; nous n'entrerons pas dans ces logiques-là.

Ce que le MCG n'acceptera jamais, c'est que, dans une partie du territoire, on oblige des résidents genevois à changer d'école, et que dans le même temps, les personnes qui résident de l'autre côté de la frontière - avec beaucoup d'avantages - puissent mettre leurs enfants où ils veulent, créant de gros problèmes pour certaines communes, parce qu'il faut savoir qu'à certains endroits, on doit construire des écoles supplémentaires. C'est un déséquilibre global que le MCG ne peut accepter. Nous demandons donc le renvoi en commission, et s'il est rejeté, nous refuserons cette motion. Merci, Madame la présidente.

Une voix. Bravo !

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le groupe UDC avait en effet déposé en 2018 la M 2441, que ce parlement avait refusée. On ne va pas faire le débat sur les problèmes de logement, mais reconnaissons que Genève a exporté sa crise du logement aussi bien en France voisine que dans le canton de Vaud; soyons honnêtes et balayons devant notre porte.

Nous accepterons le renvoi en commission afin que cette M 3159 soit traitée en même temps que la M 3140 et que nous ayons, comme l'a dit mon préopinant M. Jotterand - que je remercie pour son honnêteté -, un vrai débat sur la question, car c'est une question de fond, et nous attendons évidemment un retour de la magistrate par rapport à ce dossier complexe. Donc oui au renvoi en commission. Je vous remercie.

Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je me permets d'intervenir, ne sachant pas si vous allez voter ce renvoi en commission. Je vous demande de le faire si vous voulez un débat, si vous voulez avoir les informations, si vous voulez savoir où sont ces écoles, de combien d'élèves nous parlons. Ayez donc l'intelligence de renvoyer cette proposition de motion en commission. Celle-ci a déjà prévu de traiter ce sujet la semaine prochaine. Ne votez pas ce soir des amendements qui changent complètement la donne sans avoir aucune information, juste parce que vous n'êtes pas contents sur le principe.

J'aimerais préciser que ce n'est pas le DIP - je l'ai entendu - ou la magistrate du DIP qui a pris cette décision: c'est une décision du Conseil d'Etat. Il ne s'agit pas d'une exclusion brutale: vous aurez quand même lu que nous avons prévu des mesures transitoires, aucun élève n'a été déscolarisé depuis que la décision a été prise. Ces mesures transitoires vont s'appliquer de manière dégressive. Nous parlons de 1200 enfants qui vont sortir de nos écoles, 1200 enfants frontaliers, certes suisses, aussi français. Nous sommes tout à fait conscients de ce que la situation n'est pas idéale. Nous avons énormément de raisons; nous les avons évoquées et nous vous les expliquerons à nouveau en commission. Mais s'il vous plaît, envoyez au moins cet objet en commission.

D'ailleurs, l'argumentaire mentionne que LJS en tout cas souhaite obtenir les informations en commission. Nous pourrons vous expliquer - cette motion parle de délais - que non, le délai, qui sera cette année au 3 novembre... Si vous vous étiez renseignés, vous auriez pu trouver les délais et toutes les explications sur notre site; si vous nous aviez posé la question, nous vous aurions expliqué qu'il s'agit d'une première inscription pour des démarches administratives, mais que la vraie inscription intervient au printemps, comme le député du PLR Pierre Nicollier l'a dit.

Nous vous donnerons toutes les explications, donc s'il vous plaît, renvoyez cette proposition de motion en commission. Merci beaucoup.

La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3159 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est adopté par 84 oui (unanimité des votants).