République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 25 septembre 2025 à 20h30
3e législature - 3e année - 4e session - 18e séance
PL 13410-B
Premier débat
La présidente. Nous pouvons passer à l'urgence suivante: le PL 13410-B, classé en catégorie II, trente minutes. La parole va au rapporteur de majorité.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, c'est une belle histoire que nous allons vous raconter et - espérons-le - conclure ce soir puisque nous vous proposons... (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
M. Julien Nicolet-dit-Félix. Merci. ...un projet de loi amendé par le département, amendement sous-amendé par un sous-amendement des Verts qui tenaient à le préciser, quant à lui modifié - modestement mais de façon très intéressante - suite à une proposition PLR. C'est donc un texte tout à fait consensuel - c'est suffisamment rare pour être relevé - qui vous est proposé ce soir, vu que, en gros, nous avons une quasi-unanimité, à l'exception de quelques groupes contestataires et du lobby des taxis, dont vous avez la représentante en face de moi en tant que rapportrice de minorité.
L'histoire est relativement simple. Elle commence en 2022, lorsque ce parlement décide à raison, dans l'idée de respecter le plan climat, de demander aux taxis et aux VTC de passer à zéro émission de carbone à l'horizon 2030. Tout cela, évidemment, pour créer des effets d'entraînement, pour montrer que Genève est un canton responsable et aussi pour simplement montrer aux usagers des taxis, qu'il s'agisse bien sûr des chauffeurs mais également des clients, que la mobilité sans émission directe de carbone est tout à fait possible et même tout à fait agréable.
Le souci qui a été rapidement identifié deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, c'est que le premier palier imposé par celle-ci, basé sur l'étiquette-énergie, était matériellement impossible à atteindre pour certains véhicules. En effet, il fallait que cette étiquette soit A, B, C ou D, mais parmi les gros véhicules, il n'y en avait aucun qui respectait cette exigence, et c'est bien naturellement que les exploitants se sont tournés vers le département pour lui signifier cette impossibilité. C'est là que la machine s'est un petit peu grippée, puisque le département - l'OCIRT - a été contraint de déroger à la loi, ce qui n'est jamais tout à fait souhaitable, mais, surtout, les milieux proches des taxis ont proposé ce fameux projet de loi dont nous discutons ce soir, dont la version originale consistait ni plus ni moins à tout effacer et à simplement reporter d'une demi-décennie, de cinq ans, cette obligation de passer à zéro émission.
La commission a très bien travaillé et elle a procédé à de nombreuses auditions: évidemment le département, la task force électromobilité, mais également de nombreux professionnels du transport de personnes. Pour tout dire, ces multiples auditions nous ont poussés à porter un regard un peu dubitatif sur la cohérence de certains propos. Je vous donne quelques exemples: on nous disait simultanément qu'il fallait des leasings de huit ans et une autonomie de 600 kilomètres par jour parce que ce serait plus ou moins la distance parcourue quotidiennement; ça donne donc des véhicules qui atteindraient...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. ...1 million à 1,5 million de kilomètres, ce qui semble assez peu probable pour des véhicules légers. On nous disait également, et ça figure dans le rapport, que l'énergie des véhicules électriques coûtait plus cher au kilomètre que celle des véhicules thermiques, ce qui est factuellement faux ! On voyait donc qu'il y avait surtout une forte inertie des milieux professionnels, un refus, en fait, de changer et de modifier les pratiques, ce qui peut arriver dans certaines corporations mais qui en définitive n'est pas tout à fait souhaitable ni du point de vue de l'usager ni de celui du législateur. C'est pour cela que le département est venu avec un amendement qui réitérait simplement cette exigence de passer à zéro émission à l'horizon 2030, en juillet 2030.
Le groupe Vert a estimé que cette exigence n'était pas suffisante, compte tenu des auditions qui avaient précédé: il y avait un risque certain que la profession nous mette à nouveau devant une sorte de fait accompli à l'horizon 2030 et qu'on vienne nous dire: «Non, non, ce n'est pas possible, on n'y arrivera pas !» Et donc que l'on doive, par un effet d'inertie, reporter ce choix. C'est pourquoi nous avons proposé un sous-amendement qui fixe un palier non plus basé sur cette étiquette-énergie qui, chacun le reconnaît, était très problématique, mais sur l'idée qu'à partir de... alors, dans la version originale, de 2027, et pour finir on s'est entendu sur le 1er janvier 2028, les véhicules nouvellement immatriculés - c'est-à-dire mis en circulation, pour être plus précis, à partir du 1er janvier 2028 - devaient répondre à cette exigence de zéro émission.
Cela permet aux exploitants actuels de conserver leurs véhicules jusqu'en 2030 et permettrait par ailleurs à de nouveaux exploitants avec des ressources limitées d'acheter un véhicule d'occasion dans cet intervalle de 2028-2030. Par contre, dès lors que cette loi sera votée - et c'est vous qui conclurez cette belle histoire, Mesdames et Messieurs les députés -, les échéances seront désormais extrêmement précises: à partir du 1er janvier 2028, il n'y aura plus de nouvelle mise en circulation de véhicules taxi ou VTC émettant du CO2 de façon directe, et à partir du 1er juillet 2030, tout le parc sera zéro carbone.
C'est tout à fait réaliste: toutes les enquêtes que nous avons menées auprès d'indépendants nous montrent que ce parc se développe... disons, les véhicules se développent à une vitesse extrêmement rapide et nous savons d'ores et déjà que ce serait possible d'avoir fait ce changement, mais c'est évidemment normal que nous donnions le temps aux exploitants de changer de véhicule. Les échéances sont réalistes; nous vous remercions de clore cette belle histoire consensuelle en acceptant ce projet de loi ainsi modifié et en refusant bien entendu les amendements que nous avons reçus cet après-midi, sauf erreur. Je vous remercie.
Mme Gabrielle Le Goff (MCG), députée suppléante et rapporteuse de minorité. Depuis trois ans, les taxis et VTC genevois vivent dans l'incertitude à cause d'une disposition légale mal conçue, à savoir l'article 18, alinéa 2, de la LTVTC. Votée en 2022, entrée en vigueur en novembre de la même année, cette disposition est bâtie sur des hypothèses théoriques irréalistes, déconnectées du terrain et des contraintes technologiques. Elle a placé toute une activité économique essentielle à Genève dans une position absurde.
Le PL 13410, déposé en 2024, a pour but de corriger cette incohérence. Il supprime les échéances intermédiaires inatteignables et repousse l'interdiction totale des émissions de CO2 à un horizon réaliste, à savoir 2035. Pourquoi est-ce nécessaire ? Parce que les critères retenus dans la loi s'appuient sur les fameuses étiquettes-énergie qui sont instables, changeantes, voire trompeuses. Inspirées du classement des frigos et des machines à laver, ces étiquettes varient chaque année: un véhicule classé A en 2025 peut rétrograder en B en 2026 sans avoir changé d'un gramme ses émissions de CO2. Ironie du sort, même certains véhicules électriques se retrouvent exclus en 2027, alors que des thermiques optimisés sont validés. Voilà la base bancale sur laquelle repose l'avenir des taxis et VTC genevois. Cette absurdité a été reconnue par le département, qui a confirmé le caractère problématique des étiquettes-énergie et les incohérences majeures qu'elles pouvaient engendrer.
Les alternatives électriques actuelles ne sont pas adaptées aux besoins de la profession: autonomie trop limitée, pertes dues à la consommation électrique des équipements obligatoires, chute d'autonomie accrue en hiver. De plus, ce même département reconnaît que les échéances intermédiaires risquent d'être contreproductives: elles poussent à remplacer trop souvent les véhicules, ce qui, d'un point de vue environnemental, est pire encore. Quant à 2030, ce n'est pas une échéance, c'est un pari risqué. Le réseau de bornes rapides est largement insuffisant: seulement huit bornes à 150 kW ont été installées par les SIG, alors qu'il en faudrait au moins trois cents, sachant que l'unité vaut entre 700 000 francs et 1 million. Les communes elles-mêmes freinent les installations, rien ne garantit donc que l'infrastructure suivra.
Et pendant ce temps, 2500 taxis et VTC hors canton, voire hors Suisse, exercent une activité dans le transport professionnel de personnes dans notre canton, roulent librement à Genève en diesel bon marché, et l'Etat ne peut les obliger à se soumettre à la LTVTC. C'est une distorsion de la concurrence insupportable, une double peine pour nos chauffeurs genevois. Alors pourquoi persister dans une voie dogmatique et irréaliste ? Pourquoi fixer une nouvelle échéance au 1er janvier 2028, soit six mois seulement après celle de 2027 qui figure actuellement dans la loi...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Gabrielle Le Goff. ...alors qu'on reconnaît déjà qu'elle est intenable ? Comment croire que, en six mois, la situation aura changé au point que l'intenable devienne économiquement et techniquement réalisable ? Mesdames et Messieurs les députés, ce débat ne doit pas être idéologique mais pragmatique. Ce n'est pas une opinion, ce sont des faits établis, confirmés par les professionnels, par l'Union professionnelle suisse de l'automobile et par le département.
La minorité défend une position simple et réaliste: oui à la transition énergétique, mais pas au prix du suicide économique d'une profession déjà fragilisée. Oui à un objectif clair, mais unique et atteignable: 2035. Cet horizon est aligné sur le délai fixé par l'Union européenne, sur la capacité des constructeurs à livrer des véhicules adaptés à des prix plus abordables et reste parfaitement compatible avec la neutralité carbone fixée à 2050. C'est pourquoi la minorité vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à rejeter les paliers absurdes et à retenir une trajectoire unique et réaliste: l'échéance de 2035, comme proposé à l'origine dans le PL 13410.
M. Stéphane Florey (UDC). De ce qu'a dit le rapporteur de majorité, il y a la belle histoire; mais il y a aussi l'histoire vraie. La réalité, c'est que l'objectif de 2035 est aujourd'hui, même du point de vue de la Commission européenne, totalement irréalisable ! Elle statue en ce moment même pour repousser le délai. Première échéance 2045, la deuxième échéance sera 2055 pour arriver finalement - et ça, on le verra dans une vingtaine d'années - à un abandon total de l'interdiction des moteurs thermiques en Europe pour la simple et bonne raison que ce n'est plus réaliste. Les entreprises, les constructeurs de voitures, menacent déjà de délocaliser là où on leur dit qu'ils pourront continuer à vendre leurs voitures, c'est-à-dire en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. Voilà ! Ce qui veut dire que l'Union européenne sera totalement dévastée économiquement s'agissant de l'industrie automobile, puisque toutes les entreprises auront délocalisé si nous continuons ainsi, à vouloir la peau des véhicules thermiques.
En ce qui concerne les taxis, c'est une profession qui est aujourd'hui dévastée, à qui on fixe des objectifs encore une fois totalement irréalistes, et c'est une profession qui malgré tout est nécessaire à Genève. Les taxis ont toute leur utilité; ils devraient même avoir une reconnaissance assimilée intégralement à celle des transports publics puisqu'il s'agit d'un service à la population, payant certes - ce sont des entrepreneurs -, mais ça reste malgré tout un service à la population qui est nécessaire.
Les objectifs en matière de stations de recharge sont eux aussi totalement intenables. Les SIG le disent eux-mêmes: on ne pourra jamais alimenter tout le monde dans le canton avant... avant bien, bien longtemps. Je ne donnerai pas de date, parce que la date est impossible à déterminer. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) De toute façon, tant que nous continuerons à importer de l'énergie qui provient des centrales nucléaires ou des usines à charbon d'Allemagne, nous serons incapables d'alimenter nos propres stations de recharge pour nous-mêmes, pour tous les véhicules qui passeront à l'électrique. Finalement, nous voterons pour l'échéance en 2035, sachant qu'il faut malgré tout indiquer une date dans la loi, mais en étant certains...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Stéphane Florey. ...qu'elle restera de toute façon irréalisable, non seulement pour Genève, pour la Suisse, mais pour l'Union européenne également. Je vous remercie.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, alors que le dérèglement climatique bat son plein, on entend notre collègue Florey nous dire que toute l'Europe se trompe et que la transition vers une mobilité individuelle décarbonée ne va pas se faire. Tout le monde a donc tort et seul M. Florey a raison !
En réalité, Mesdames et Messieurs, ce projet de loi propose des délais tout à fait raisonnables - au 1er janvier 2028 pour les nouveaux véhicules mis en circulation. En comparaison, cela fera dix ans que cette règle sera en vigueur à Londres, alors je ne sais pas comment ils font, là-bas; visiblement, eux aussi ont tort ou, je ne sais pas, ils sont dans une sorte de réalité parallèle dont M. Florey n'a pas conscience - vous transmettrez, Madame la présidente. A Londres toujours, cela fait par ailleurs depuis 2023 que même les VTC, les nouveaux véhicules VTC, doivent être électriques. Mais à Genève, toujours selon M. Florey, c'est impossible.
En réalité, les véhicules sont disponibles, y compris les véhicules de grande capacité, et l'assimilation avec les VTC que fait Mme Le Goff ne nous semble tout simplement pas pertinente, car les taxis ont des prérogatives spécifiques qui sont liées à leur statut de service public, avec un droit d'usage accru du domaine public. Il est donc clair qu'il est possible de réglementer: les attentes en matière de responsabilité environnementale sont un petit peu plus élevées et sont aussi la contrepartie des prérogatives spécifiques dont disposent les taxis de service public. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste soutient cette réforme telle qu'amendée dans les circonstances que M. Nicolet-dit-Félix a bien résumées, et il vous invite donc à voter ce texte. Je vous remercie.
M. Thierry Cerutti (MCG). Monsieur Mizrahi, quand vous parlez de Londres, vous avez raison: ça fait dix ans qu'ils ont appliqué cette règle. La pollution n'a pas diminué, bien au contraire ! Et surtout, les prix ont triplé par trois ! (Rires.) La population londonienne est tellement heureuse: au lieu de faire une course à 10 francs, elle la fait aujourd'hui à 30 francs et en plus, ça n'a malheureusement pas réglé le problème du climat.
Et puis vous êtes en train de parler de Genève. Moi je veux bien qu'on fasse des règles contre les taxis et puis qu'on réprimande ces pauvres taxis, ces vilains taxis qui polluent la République et canton de Genève, mais quid des autres ? Parce qu'à un moment, il faut juste être cohérent: on ne peut pas imposer des contraintes aux taxis genevois et les obliger à faire des choses tout en laissant le reste de la terre venir travailler, faire le travail de taxi moins cher - faire du dumping salarial, faire du dumping de plein de choses parce qu'ils n'ont pas les contraintes de nos taxis. Ils prennent les clients mais sans être, eux, soumis à ces règles, et c'est ce qui ne va pas ! C'est là qu'il y a un problème !
Et puis arrêtez, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs du PLR ! Arrêtez de vouloir être plus verts que les Verts ! N'oubliez pas: les militants Verts ne voteront pas pour vous. Ils vous détestent, ils ne vous aiment pas ! (Commentaires.)
Des voix. Mais non !
M. Thierry Cerutti. Ils ne voteront jamais pour vous... (Commentaires.) ...donc arrêtez de vouloir manger dans leur soupe: ils ne partageront pas leur repas avec vous ! C'est terminé, ça ! Soyez vous-mêmes, assumez que vous êtes des gens de droite ! (Commentaires.) Vous n'êtes pas des écolos, vous êtes des libéraux ! Et vous êtes pour une économie forte, pour la responsabilité individuelle ! Vous êtes pour la méritocratie, vous n'êtes pas pour ces... ces choses comme ça ! (Rires. Commentaires.) Réveillez-vous, s'il vous plaît !
Nous, au MCG, nous sommes bien naturellement contre ce projet de loi; nous sommes pour les amendements qui vont être proposés par LJS. Redonnons du pouvoir d'achat à ces pauvres taxis qui vivent dans la misère. (Remarque.) Et j'aimerais compléter, quand même: ce parlement a voté 10 millions il n'y a pas si longtemps que ça pour soutenir la Genève internationale. La Ville de Genève a voté 2 millions pour soutenir les commerçants de la rue de Carouge...
La présidente. Vous avez fini votre temps de parole.
M. Thierry Cerutti. ...on a voté des millions pour soutenir les commerces genevois...
La présidente. Monsieur Cerutti !
M. Thierry Cerutti. ...pendant le covid et on va aujourd'hui paupériser les taxis sous le prétexte qu'il faut sauver la planète... (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements.)
M. Jacques Jeannerat (LJS). L'article 18 de la loi sur les taxis et les VTC vise à limiter les émissions de CO2. LJS souscrit à cet objectif, c'est clair, net et précis. Cet article 18 s'appuie en fait sur deux piliers du développement durable: le pilier économique et le pilier environnemental. Il touche deux secteurs de l'économie, à la fois les entreprises de transport de personnes et les fournisseurs des véhicules: les garages et les concessionnaires qui sont à Genève. Il y a donc des conséquences directes, Mesdames et Messieurs, sur les PME locales. C'est très important ! Si l'objectif de ce projet de loi est tout à fait louable, les moyens pour y arriver doivent par conséquent être raisonnables.
Je donne un exemple: le fabricant européen a dit qu'un véhicule VTC de huit places - celui qui est le plus utilisé à Genève, en Suisse et en Europe de l'Ouest - ne serait prêt qu'en 2035. On m'a dit en commission: «C'est pas grave, Monsieur Jeannerat, c'est pas grave, à Londres, on a déjà des véhicules de huit places électriques.» Ils viennent de Chine ! Quand on importe 3 kilos de kiwis de Nouvelle-Zélande, tout le monde hurle dans ce parlement alors que les conditions de travail des agriculteurs de Nouvelle-Zélande sont assez proches de celles en vigueur dans l'Union européenne; par contre, on est d'accord de faire importer des véhicules de Chine où ils sont produits dans des conditions de travail lamentables. Vous voyez, Madame la présidente, le troisième pilier du développement durable, c'est le social ! Ce projet de loi est donc très important.
Il faut reporter la limite à 2035 comme le demandait le projet de loi initial. Oui à la sauvegarde de l'environnement, oui à la diminution de la pollution, mais oui aussi à la pérennité de petites PME qui ont besoin qu'on les traite raisonnablement dans les dix ans qui viennent.
M. Souheil Sayegh (LC). Madame la présidente, chers collègues, durant les travaux de commission, nous avons été sensibles, au Centre, aux arguments des taxis quant aux délais prescrits par la loi, quand bien même le département est venu nous dire qu'il était conscient du fait que cette loi est trop rigide telle qu'elle a été votée et qu'il était compliqué, pour les taxis et les VTC, de se mettre en conformité pour le délai imposé de 2027.
Puis, nous avons eu x séances de commission; x taxis et VTC sont venus nous voir et ont finalement réussi à nous convaincre qu'il fallait reporter ce délai de 2027 à plus tard. Mais plus tard, c'était quand ? A force de marchandages - 28, 30, 35, 45, et on entend aujourd'hui 55 - nous nous sommes mis d'accord sur 2028, parce que c'est un délai raisonnable et qui n'est pas si lointain, pour les nouvelles immatriculations. (L'orateur insiste sur les mots «nouvelles immatriculations».)
Aujourd'hui, c'est une impulsion qu'on aimerait donner; c'est-à-dire que si à la fin de la journée on ne fait pas ça, si on ne lance pas le mouvement, eh bien il ne se passera rien et on devra voir plus tard. Je suis d'accord, on a doublé le délai par deux, pour reprendre la formule de M. Cerutti - lui a parlé de tripler par trois, mais moi, je vous dis qu'on a doublé ce délai d'attente par deux (Rire.) -, pour passer de 2027 à 2028, au mois de janvier. Je rejoins M. Jeannerat, c'est vrai que ce n'est pas si grave que ça, mais en fin de compte, si l'échéance pour les nouvelles immatriculations - les nouvelles immatriculations, je le dis encore une fois - est fixée au 1er janvier 2028, au moins tout le monde est averti et le mouvement est lancé. Pour les autres, ce sera en 2030.
On a donc ce compromis qui sort de commission après toutes les discussions qu'on a eues, et franchement, on en a eu quand même quelques-unes; pour ne pas remettre l'ouvrage sur le métier - j'ai cru comprendre que d'autres complexités allaient encore arriver, peut-être qu'on en parlera bientôt -, concrètement, passons déjà ce cap-là. Si ça devient compliqué pour les taxis, je leur fais confiance pour revenir nous le dire - ils sont bien représentés ici: on pourra en discuter, parce que nous ne sommes pas tous fermés à cela.
Au final, Le Centre suivra donc le rapport de majorité; il votera et vous recommande de voter ce projet de loi tel que sorti de commission. Je vous remercie.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je voudrais commencer par rassurer le groupe des Verts et leur dire: nous ne vous haïssons point. (Rires. Remarque.) Parfois, vous nous rendez fous - je pense que c'est réciproque -, mais nous avons toujours eu à coeur de vous traiter comme des adversaires, jamais comme des ennemis !
Une voix. Oh, c'est beau ! Oh, c'est beau !
Des voix. Oh !
M. Murat-Julian Alder. Et je remercie le député démocrate-chrétien Sébastien Desfayes-Buffet... (Rires.) ...de me passer la pommade ! (Rires.)
Mesdames et Messieurs, je crois qu'il faut faire un petit peu d'histoire ! La raison pour laquelle on n'a pas pu atteindre les paliers qui figurent actuellement dans la loi, c'est que la LTVTC telle qu'elle existe aujourd'hui a été attaquée par un nombre incalculable de recours, jusqu'au Tribunal fédéral. Cela a eu pour effet de retarder l'entrée en vigueur du texte; pour cette raison, les délais inscrits dans la loi lorsque le parlement l'a adoptée étaient sans doute très ambitieux.
La solution qui vous est proposée aujourd'hui, plusieurs préopinants l'ont dit, c'est une solution de compromis ! Il s'agit de faire en sorte que les chauffeurs actuels ne soient pas pénalisés - on remercie d'ailleurs le département de l'économie et de l'emploi de faire preuve de mansuétude à l'égard des chauffeurs qui ne seraient pas parfaitement en conformité avec l'article 18, alinéa 2, lettre a, de la loi -, mais l'idée est quand même de permettre à ces chauffeurs de se préparer, d'anticiper l'échéance de 2030. Mesdames et Messieurs, c'est dans quatre ans ! On a donc largement le temps, le cas échéant, si c'est nécessaire, d'adapter la législation à ce moment-là. Si on fixe aujourd'hui le cap à 2035, le signal qu'on donne, c'est: on verra ça en 2035. Et en 2035, celles et ceux qui seront encore députés à ce moment-là ne manqueront certainement pas de déposer un nouveau projet de loi pour reporter l'échéance à 2045, à 2055, ou que sais-je.
Mesdames et Messieurs, il faut rendre ici hommage à l'objectif originel de ce projet de loi, qui était de ne pas pénaliser les chauffeurs actuellement concernés par cette loi, il faut permettre aux autres chauffeurs de se mettre en conformité, mais il faut quand même donner un signal. Parce que non, Mesdames et Messieurs, le dérèglement climatique, ce n'est pas un délire ! Non, le réchauffement climatique, ce n'est pas un mythe: c'est bien une réalité. Il n'y a qu'à regarder comme les glaciers fondent: on sait que huit glaciers ont disparu en Suède l'an dernier et je pense que personne ici n'aimerait que ça arrive aux glaciers de notre pays. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Stefan Balaban (LJS). Je serai bref comme un coup de klaxon - ah non, ça va, il me reste encore une minute ! Le problème, dans le cas de figure des chauffeurs privés, c'est que ces entrepreneurs - ces petits entrepreneurs - sont trop petits pour que le PLR les défende et trop riches pour être défendus par le parti socialiste. Et ces entrepreneurs sont des éléments importants de la Genève internationale, car ils transportent les touristes et les gens qui viennent pour affaires à Genève. Nous avons des dizaines d'événements internationaux à Genève, nous avons toute une saison hivernale durant laquelle les touristes viennent en Suisse; il faut les transporter à l'extérieur de Genève et ce ne sera pas en calèche et à cheval qu'on les emmènera à Gstaad ou dans d'autres zones touristiques. Pour cette raison, instaurer une contrainte à 2028, 2029 ou même 2030, ce n'est pas ambitieux. Un homme d'affaires, un entrepreneur, a besoin d'avoir une vision à long terme, a besoin d'investir - les leasings s'étendent sur plusieurs années - et il est donc beaucoup plus réaliste de ne pas tirer sur la corde et de leur donner un horizon temporel beaucoup plus long, à 2035. Merci.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Mizrahi pour trente-cinq secondes.
M. Cyril Mizrahi (S). Oui, Madame la présidente. Juste pour préciser: contrairement à ce qu'a dit le collègue du MCG, les tarifs n'ont pas triplé à Londres, mais seulement augmenté de 10,8% très exactement. Et les véhicules londoniens sont conçus et assemblés à Coventry, au Royaume-Uni, même si l'entreprise est effectivement en mains chinoises. Voilà, merci !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Nicolet-dit-Félix.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Très rapidement, je pense que le débat de ce soir...
La présidente. Pour trente secondes !
M. Julien Nicolet-dit-Félix. Oui, oui...
La présidente. Quinze secondes, pardon. (Rires.)
M. Julien Nicolet-dit-Félix. Merci. Si vous pouvez éviter de m'interrompre, j'en profiterai mieux ! (L'orateur rit. Rires. Commentaires.)
La présidente. Allez-y.
Une voix. «Time out» !
Une autre voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Julien Nicolet-dit-Félix. C'est rare qu'un artiste soit applaudi avant sa prestation ! (Rires.) Ce débat a illustré précisément ce que je mentionnais, soit cette inertie, cette tentation du conservatisme, voire une mauvaise volonté face au changement. Pour répondre à notre collègue Jeannerat, en matière de changement économique, l'intérêt économique des gens qui roulent beaucoup, c'est-à-dire des taximen, est d'ores et déjà aujourd'hui de passer à l'électrique. Déjà aujourd'hui ! C'était le cas hier, ça l'est encore aujourd'hui...
La présidente. Vos trente secondes sont passées, Monsieur Nicolet-dit-Félix.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. ...et ça le sera toujours plus demain. Et c'est pour préserver cet intérêt économique qu'il faut qu'ils fassent ce changement le plus rapidement possible. Je vous remercie.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je redonne la parole à... à personne, parce que vous n'avez plus de temps, Monsieur Cerutti. (Remarque.) Non, non, il a eu droit... (Commentaires.) Non, non ! (Commentaires.) Je passe la parole à Mme Bachmann.
Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais juste vous rappeler que la LTVTC, entrée en vigueur en 2022, a été votée à l'unanimité de ce parlement, que les articles relatifs aux normes énergétiques sont précisément un ajout de ce parlement et que la plus haute instance juridique de notre pays, soit le Tribunal fédéral, Mesdames et Messieurs les députés, vous a en l'occurrence donné raison ! Certes, au moment où le Tribunal fédéral a tranché, la première échéance de 2024 semblait un peu trop proche pour, d'un point de vue pragmatique, exiger son applicabilité du jour au lendemain, et le MCG a déposé ce projet de loi. Alors j'entends que le même parti qui a déposé le projet de loi s'y oppose aujourd'hui; c'est dommage.
Cela dit, étant non dogmatiques, mon département et mes services ont repris langue avec le SABRA, compétent pour ces questions de normes énergétiques. On s'est rendu compte que les deux premières échéances qui avaient été fixées se basaient sur les étiquettes et les labels énergétiques et que ceux-ci n'étaient pas forcément les plus pertinents en matière de non-émission de CO2. C'est la raison pour laquelle, suite au dépôt de ce projet de loi, nous sommes allés en commission et avons effectivement, avec le SABRA, proposé un amendement qui a été adopté et qui dit qu'à partir du 1er juillet 2030 - échéance quand même relativement lointaine - toutes les voitures en circulation ne doivent plus émettre de CO2. Le département peut parfaitement, et le Conseil d'Etat aussi, vivre avec le sous-amendement qui a été déposé et a trouvé une majorité pour instaurer une première échéance en 2028, avant celle de 2030.
Mesdames et Messieurs, je crois que la profession, avant tout, a besoin de clarté. J'espère que le compromis qui a trouvé une majorité en commission en trouvera également une ce soir, pour permettre à la profession de savoir à quoi s'attendre ces prochaines années et prendre les mesures nécessaires. Vous l'aurez compris, le Conseil d'Etat soutient ce projet de loi tel que sorti de commission et vous invite à l'accepter tel quel ce soir. Je vous remercie de votre attention.
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13410 est adopté en premier débat par 92 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement déposé par MM. Jeannerat, Florey et Balaban à l'article 18, alinéa 2:
«Art. 18, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Afin de limiter les émissions de CO2, toutes les voitures circulant dès le 1er juillet 2035 doivent ne plus émettre de CO2.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 32 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 18, al. 2 (nouvelle teneur), est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
La présidente. MM. Jeannerat, Florey et Balaban ont déposé un nouvel amendement à l'article 18, alinéa 2:
«Art. 18, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Afin de limiter les émissions de CO2, toutes les voitures circulant dès le 1er juillet 2030 doivent ne plus émettre de CO2.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 31 oui.
Mise aux voix, la loi 13410 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 63 oui contre 27 non et 1 abstention (vote nominal).