République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 25 septembre 2025 à 17h
3e législature - 3e année - 4e session - 17e séance
PL 13536-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
La présidente. Nous passons à l'ordre du jour et commençons par les objets liés suivants: PL 13536-A, M 3029-A et M 3030-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole est au rapporteur de majorité, M. Thierry Arn.
M. Thierry Arn (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. La commission de l'enseignement supérieur a consacré cinq séances à l'étude de ces trois objets. Ces deux propositions de motions et ce projet de loi ont été déposés suite à différentes actions qui se sont déroulées dans les locaux de l'université, notamment son occupation par des étudiants au mois de mai 2024; ils sont en lien avec la liberté d'expression, la neutralité et l'engagement des institutions académiques.
Le PL 13536 vise à inscrire dans la loi la neutralité politique et religieuse de l'université en interdisant toute manifestation à caractère politique ou religieux dans ses locaux. Son auteur évoque la multiplication d'actions perturbant des conférences ou visant certains groupes d'étudiants. La commission a longuement débattu de la pertinence et des limites de cette notion de manifestation, certains craignant des atteintes aux droits fondamentaux et au rôle civique de l'université.
La M 3029 demande, en raison de la guerre à Gaza, que l'Université de Genève et les hautes écoles suspendent leurs collaborations avec les institutions israéliennes ne respectant pas le droit international et qu'elles renforcent leur soutien aux étudiants et aux chercheurs palestiniens. Le débat s'est centré sur la légitimité d'un boycott académique et les liens entre l'université et les institutions israéliennes. Certains membres de la commission ont exprimé leurs inquiétudes quant aux risques de politisation de l'université et à la cohérence d'une telle mesure.
Enfin, la M 3030 vise à protéger l'université en tant que lieu de débats tolérants en réagissant aux actions militantes jugées intimidantes. Son auteur met l'accent sur la nécessité de garantir des débats contradictoires, sans violences ni pressions. Des membres de la commission ont toutefois pointé l'ambiguïté des termes employés et la difficulté de concilier liberté d'expression et interdiction de certaines formes d'engagement.
La commission a dans un premier temps traité ces objets séparément, avec l'audition des auteurs, puis conjointement, reconnaissant qu'ils abordaient une problématique commune, soit la place de l'université dans le débat sociétal. La commission a auditionné le rectorat pour éclairer les pratiques et la marge d'action actuelles des institutions. Le traitement de ces trois textes reflète les tensions entre neutralité, engagement éthique et préservation de l'espace académique comme lieu de dialogue.
A noter que le rectorat a été auditionné à deux reprises sur ces objets. En effet, lors de la première audition, il a indiqué à la commission qu'un comité scientifique avait été créé pour établir un rapport sur le rôle des universités dans le débat public. Lors de la deuxième audition, il a présenté ce rapport et les recommandations qu'il contenait. Le rectorat a en outre indiqué qu'il était opposé à ces trois textes, estimant que la marge de manoeuvre dont il disposait actuellement était suffisante.
A l'issue des travaux de la commission, les trois objets ont été soumis au vote et ont tous été refusés avec des majorités différentes: les députés LJS et Le Centre se sont alignés sur la position du rectorat alors que les autres groupes ont soutenu l'un ou l'autre objet, ce qui explique les différents rapports de minorité.
Mme Virna Conti (UDC), rapporteuse de minorité. Le projet de loi 13536 rappelle que l'université doit avant tout demeurer un lieu de formation et de recherche, et non une tribune de militantisme. Concrètement, il propose d'interdire toute manifestation politique ou religieuse dans l'enceinte universitaire. Il est vrai que le militantisme joue un rôle dans la vie démocratique. Par contre, lorsqu'il envahit l'université, il risque de détourner celle-ci de sa mission première: transmettre des connaissances, développer la recherche et former des esprits critiques.
Un militantisme excessif peut générer tensions et polarisations, créer un climat de peur ou d'autocensure et nuire à la liberté académique. De plus, il peut mobiliser les ressources de l'institution au détriment de son rôle fondamental. L'université doit rester un espace de débats rationnels, nuancés et respectueux, sans pression idéologique. Lorsque les salles deviennent le théâtre d'occupations, de blocages ou de censure intellectuelle, l'expérience éducative des étudiants et l'indépendance du corps enseignant s'en trouvent compromises.
Au printemps 2024, l'Université de Genève a été occupée par des groupes d'activistes à la suite du conflit israélo-palestinien. Ces événements ont suscité un sentiment d'insécurité parmi les étudiants et les professeurs. Des slogans radicaux, des expositions à caractère politique et des actions d'intimidation ont transformé l'université en lieu de confrontations idéologiques, au détriment de son rôle académique. Ces incidents s'ajoutent à d'autres perturbations: interruptions de conférences ou débats publics, agressions symboliques contre des enseignants ou encore manifestations empêchant la tenue d'événements académiques.
Ces comportements nuisent à la liberté d'expression, au respect mutuel et au climat serein nécessaires à l'enseignement supérieur. L'université n'a effectivement pas vocation à devenir une caisse de résonance militante. Les occupations et actions radicales récentes démontrent les risques d'une politisation excessive: mise en cause de la sécurité, entrave aux activités académiques, pression sur certains enseignants et chercheurs, diffusion de discours extrêmes, incompatibles avec le pluralisme économique et démocratique.
L'université ne doit pas se transformer en champ de bataille idéologique; si elle doit rester un lieu de débats et de réflexion critique, elle ne saurait tolérer des actions qui perturbent son fonctionnement. Réaffirmer la primauté du savoir sur l'idéologie est une condition essentielle pour garantir la mission de l'université: former des esprits libres et assurer l'excellence académique au service de la société. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC vous demande d'accepter ce projet de loi. Merci.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de minorité. Nous sommes saisis de trois textes qui portent sur le rôle de l'université dans la cité et les débats de société ainsi que sur la liberté académique. Ça a été un débat passionnant et passionné. Chacun de ces trois textes adopte un angle différent.
Je présenterai la M 3030, qui a été motivée par l'occupation récente des locaux de l'université à Uni Mail en 2024, mais qui a aussi rappelé les dérives qui avaient eu lieu le 29 avril et le 17 mai 2022 lorsque des militants avaient interrompu des réunions internes à l'université ou même des conférences organisées par des facultés de l'Université de Genève, rendant les débats impossibles, avec de la violence verbale, voire physique.
L'idée de la M 3030, c'est justement de rappeler la nécessité que l'université garantisse la liberté de débats contradictoires, qu'elle soit le creuset des libertés de demain en étant libérée de toute idéologie partisane ainsi que de prévenir, d'interdire toute manifestation de nature idéologique et menaçante.
Comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, nous avons entendu l'université qui, lors de sa dernière audition, est venue nous relater les conclusions du comité scientifique qui a été mis en place. La minorité que je représente a été assez convaincue par ce rapport scientifique sur les principes qui ont été développés, élaborés par l'université et sur la base desquels sept résolutions ont été adoptées par le comité scientifique.
D'abord, la question de la réserve institutionnelle, soit la substantifique moelle de ce rapport, c'est l'idée que l'université, qui doit être le creuset de débats, doit avoir une certaine réserve sur certains sujets. Les autres résolutions concernent notamment la nécessité de défendre la liberté académique et la liberté d'expression ainsi que le besoin de préserver les accords de collaboration et les partenariats scientifiques. D'autres résolutions encore, également importantes, visent quant à elles la question des collaborations scientifiques.
Le comité scientifique a considéré qu'il n'appartient pas à l'université d'interrompre ses collaborations avec les universités d'un Etat, car cela constitue une forme de positionnement contraire au principe de la réserve institutionnelle. La minorité que je représente a été convaincue par ce travail, mais demande de soutenir la M 3030, qui vise justement à réaffirmer la nécessité que l'université soit un lieu de débats. Pour ce qui est du projet de loi...
La présidente. Vous parlez sur le temps de votre groupe.
M. Alexandre de Senarclens. Oui, eh bien justement, je vais représenter mon groupe au sujet de ce texte. S'agissant du projet de loi, même si nous pouvons partager les soucis évoqués par les auteurs, nous considérons que ce texte va trop loin, qu'il est trop strict, parce que justement, l'université doit être un lieu où l'on débat, notamment sur les questions politiques, voire religieuses, et c'est précisément dans cette enceinte que ces échanges peuvent avoir lieu. Après, la question, c'est comment on tient ces débats, et ça, c'est l'objet de la M 3030.
Pour ce qui est de la proposition de motion 3029, on tombe justement dans ce que le comité scientifique de l'Université de Genève a énoncé, à savoir la question de la réserve institutionnelle. Nous n'avons pas été convaincus par le fait qu'il faille sanctionner des universités, en l'occurrence israéliennes, qui sont, à notre sens, des endroits où, en Israël, on réfléchit différemment du gouvernement extrémiste de ce pays. Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Refuser ce projet de loi, c'est simplement dire oui aux agressions physiques qui ont eu lieu à l'université. Je rappelle que certains participants à des conférences ont été agressés alors qu'ils étaient simplement invités par l'université à s'exprimer lors de débats. A ce propos, une députée s'est permis de rigoler quand ce sujet a été évoqué en commission - c'est vraiment une honte !
Concernant l'université, la représentante du département qui suit les travaux de la commission s'est bornée à rappeler que cette institution est autonome. Oui, et alors ? Tout devrait être permis au sein de l'université parce qu'elle est autonome ? Non ! Honnêtement, il faut commencer un peu à cadrer plutôt que de tout autoriser - parce que refuser ce projet de loi, c'est justement rendre possible ce type d'agressions et d'occupations illégales.
Il faut quand même rappeler que l'université a été occupée illégalement et que des plaintes ont été déposées, mais elles ont été aussitôt retirées, par peur du syndicat des étudiants. Parce que oui, il faut le dire ici, l'université a peur du syndicat des étudiants, qui est tout-puissant, qui fait tout et à peu près n'importe quoi, et qui surtout fait tout ce qu'il veut au sein de l'université. Il est inutile de rappeler l'affaire des agendas qui contenaient des propos largement qualifiés d'antisémites.
Voilà où on en est aujourd'hui: l'université peut tout faire, tout dire, et elle ne protège nullement les étudiants pris à partie lors de toutes ces manifestations qui ont eu lieu en son sein - ça, il faut aussi le rappeler.
Ce qui a été dit est totalement faux: le projet de loi ne remet nullement en cause la liberté académique. Encore une fois, on demande simplement de cadrer un peu plus l'université s'agissant de ce type d'événements, notamment lorsque des conférences ont lieu, et de garantir la sécurité des intervenants qui y sont invités. Voilà ce que propose ce texte, je vous remercie de lui faire bon accueil et d'accepter l'entrée en matière ainsi le projet de loi lui-même. Merci.
M. Leonard Ferati (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aurais tant voulu vous parler du texte que nous avons déposé, de sa portée, de sa volonté de cibler certaines universités israéliennes qui collaborent avec le gouvernement Netanyahou, des universités qui, par leur recherche, leurs théories ou leurs technologies, participent directement à l'appareil militaire et à la rhétorique déshumanisante qui justifie l'oppression et la destruction d'un peuple.
Vous évoquiez l'occupation de l'université, Monsieur Florey - vous transmettrez, Madame la présidente -, que diriez-vous de parler de l'occupation d'un territoire ? J'aurais voulu vous présenter ce texte dans la perspective de cette rentrée académique, mais quelle rentrée reste-t-il à Gaza aujourd'hui ? Il n'y a plus de livres, ils ont brûlé; il n'y a plus de salles de classe, plus de bibliothèques, elles sont réduites en poussière ou transformées en hôpitaux de fortune.
Alors faites ce que vous voulez, finalement, de ce projet de loi, adoptez-le, si ça peut vous apaiser, mais souvenez-vous qu'il y a deux ans, lorsque j'ai pris la parole sur ce conflit pour la première fois, certains d'entre vous se sont levés et ont quitté la salle. Lorsque nous employions le terme génocide, vous nous accusiez d'exagérer; lorsque nous évoquions les morts, vous nous répondiez que c'était des mensonges; lorsque nous dénoncions les enfants ensevelis sous les décombres, vous rétorquiez que c'était des «fake news»; lorsque nous parlons de boycott, vous parlez d'exagération.
Quand nous avons pris position dans les médias, des lobbys ont tenté de nous réduire au silence; quand nous avons mis en garde contre le risque de se retrouver du mauvais côté de l'histoire, certains ont même osé nous insulter lâchement en nous traitant d'antisémites. Honte à celles et ceux qui ferment les yeux, honte à celles et ceux qui refusent de voir la réalité en face !
Permettez-moi de vous dire que nous en attendons également beaucoup plus de la part du comité scientifique, de l'université et de la rectrice qu'un concept bancal de réserve institutionnelle. La responsabilité de la communauté estudiantine est pleinement engagée lorsque ladite université s'engage dans la collaboration avec les universités qui contribuent à l'appareil étatique génocidaire de Netanyahou.
Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il est aujourd'hui difficile, voire impossible, de se regarder dans la glace sans admettre que nous sommes dans une situation de génocide; c'est reconnu au niveau international et par des indicateurs de l'ONU. Qu'attendons-nous ? Qu'il ne reste plus aucune université ? Qu'il ne reste plus aucun Palestinien ? Qu'il ne reste plus rien à faire pousser sur ce territoire, ni fleurs ni arbres, rien du tout ?
Mesdames et Messieurs, je pense que l'histoire nous jugera sévèrement. Finalement, faites ce que vous voulez de ce projet de loi, mais faites en sorte de pouvoir vous regarder dans la glace ! Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Lara Atassi (Ve). L'université est un forum d'idées où le partage et les débats permettent de mettre en avant les valeurs démocratiques et humaines; c'est ce qu'on entend de l'autre côté de l'assemblée, tout le monde est d'accord. Mais lorsqu'il s'agit d'appliquer ces idées, alors là, des oppositions s'élèvent de partout.
J'aimerais d'abord évoquer le PL 13536 et la M 3030. A travers ces textes, les auteurs visent à réduire la liberté d'expression et de manifestation des étudiants, par le biais, en ce qui concerne le projet de loi, d'un texte tellement mal écrit et tellement extrême qu'il empêcherait même la tenue d'une exposition, voire peut-être de simples journées d'accueil pour les nouveaux étudiants.
Je tiens à rappeler que les membres de la communauté universitaire, et en particulier les étudiantes et les étudiants, sont des citoyennes et des citoyens comme les autres et qu'à ce titre, il est intolérable de limiter leurs droits fondamentaux, d'autant plus dans ce lieu de vie démocratique qu'est l'université.
En ce qui concerne la M 3029, il est important que l'université respecte ces valeurs, non seulement sur le sol genevois, mais aussi dans ses collaborations internationales. Ainsi, il est de son obligation, y compris dans le cadre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, de couper ses liens avec toutes les institutions complices de crimes internationaux.
Cela a été fait pour certains lieux d'études en Suisse, par exemple la HES-SO a récemment mis fin à la collaboration entre la HEAD et le Shenkar College of Engineering, Design and Art en raison de sa participation au génocide en Palestine à travers ses collaborations avec l'armée israélienne et son soutien concret à l'effort de guerre. A ce titre et suite à une analyse détaillée, le rectorat a considéré - je le cite - que «les conditions nécessaires à un dialogue académique fondé sur des valeurs partagées ne sont [...] plus réunies», et la collaboration a été suspendue.
Nous demandons par conséquent au Conseil d'Etat d'encourager le rectorat à revoir sa politique de réserve institutionnelle et à mener le travail qui a déjà été fait par la HES-SO consistant à couper les liens avec les établissements travaillant avec des institutions militaires israéliennes ou participant d'une manière ou d'une autre au nettoyage ethnique et à la colonisation en Palestine. Le groupe des Verts vous demande donc d'adopter la M 3029 et de rejeter les autres textes. Merci. (Applaudissements.)
M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, l'université est un lieu de débats, de discussions, d'échanges entre des avis qui ne se ressemblent pas. Si tout le monde est d'accord, il n'y a pas besoin de chercher une solution ni de faire preuve d'innovation ou de créativité.
Le projet de loi propose l'interdiction de toutes les manifestations. Il pose deux problèmes majeurs. Le premier, c'est qu'il existe déjà un règlement de l'université qui fixe un cadre clair et qui détaille l'ensemble des sanctions prises contre des manifestations qui constitueraient un abus. Le deuxième élément, c'est la loi. Elle prévoit des sanctions pour toute manifestation qui sortirait de son cadre. Avec l'interdiction de l'ensemble des manifestations, nous interdisons l'innovation, la créativité !
Le groupe LJS vous invite à refuser l'ensemble de ces objets, aussi bien le projet de loi que les deux motions, afin de laisser la liberté aux institutions académiques, protégées par la loi, de définir leur encadrement et leur règlement. Je vous remercie.
Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, juste quelques informations de la part du Conseil d'Etat, qui vous propose de refuser ces trois textes pour différentes raisons. On l'a vu, ça a été dit, ces objets concernant l'université demandent de prendre des mesures et/ou d'adopter des bases légales, soit pour que l'université adopte une stricte neutralité politique ou religieuse, soit pour interdire les manifestations politiques ou religieuses, soit pour suspendre les collaborations avec des institutions académiques israéliennes, soit pour mettre en place des mesures et une politique de soutien en faveur des étudiants palestiniens, soit pour garantir une liberté de débats contradictoires, ou encore pour prévenir, voire mettre fin, si nécessaire, à des manifestations idéologiques qui seraient l'affirmation d'une vérité contre une autre sans vrai débat ou avec menaces.
Le Conseil d'Etat considère que ces trois textes doivent être refusés, tout d'abord parce que le droit de manifester et la liberté d'expression doivent être garantis. L'université et les hautes écoles sont et doivent rester un espace d'échanges et de débats. Cela signifie d'une part que les personnes qui interviennent et qui débattent doivent être protégées et d'autre part que les étudiants qui souhaitent étudier dans ces institutions puissent le faire également en toute tranquillité.
L'université interdit déjà en son sein tout prosélytisme religieux, tout prosélytisme politique, toute activité cultuelle, toute publicité, tout message qui diffuserait un contenu contraire à la loi, aux bonnes moeurs ou à l'ordre public. Toutes formes d'appel à la violence, d'antisémitisme et d'islamophobie sont interdites, déjà parce qu'elles sont évidemment proscrites par la loi, mais aussi parce qu'elles sont incompatibles avec les valeurs de l'institution telles que définies dans sa charte d'éthique et de déontologie.
L'utilisation des lieux, des locaux de l'université pour des manifestations est réglementée par des directives qui nécessitent des autorisations et qui doivent respecter les principes que je viens d'énoncer. Le non-respect de ces règles et de ces directives peut entraîner des sanctions administratives, civiles et pénales, comme une interdiction d'entrée. L'université a les moyens d'agir, elle l'a fait par le passé, en cas d'incitation à la haine ou à la violence, de discrimination ou d'atteinte à l'intégrité des personnes. Elle a aussi procédé à des sanctions administratives, à des plaintes civiles ou encore à l'exclusion des locaux.
Mesdames et Messieurs, le projet de loi 13536 qui interdit toute manifestation de nature politique ou religieuse va à l'encontre de la garantie de la liberté d'expression et du droit d'organiser des manifestations, alors même que l'université, comme je viens de le dire, a les moyens d'agir en cas de problème. Il n'y a donc pas de nécessité de légiférer.
Quant à la M 3030, elle soulève une problématique qui préoccupe en effet les autorités politiques et académiques: comment garantir la liberté d'expression et le dialogue dans les hautes écoles tout en assurant la sécurité et en évitant toute censure ? A nouveau, j'aimerais relever que les hautes écoles disposent déjà des moyens pour agir en cas de problème et qu'il n'y a pas de déficit de base légale ou de base réglementaire qui ne permettrait pas aux écoles d'intervenir en cas d'atteinte à la liberté d'expression ou à l'intégrité des personnes ou des biens.
Et puis, pour ce qui est du rôle de l'université dans le débat public, comme cela a été dit, l'université a fait appel à un comité scientifique pour se positionner sur cette question. Le comité scientifique a mentionné ce concept de réserve institutionnelle, que l'université a fait sien. Ensuite, elle a annoncé mettre fin à des accords de collaboration avec des institutions israéliennes qui arrivaient à échéance ou qui étaient non stratégiques.
Certains l'ont relevé, la HES a fait de même: elle a mis fin à son partenariat avec une université israélienne qui entretenait des liens avec l'armée. Début juin, le rectorat a également fait part de son indignation sur la situation à Gaza.
J'aimerais encore ajouter qu'il existe de nombreux projets et partenariats dont le but est de soutenir les étudiants, les chercheurs réfugiés, notamment palestiniens. Il s'agit des programmes Horizon académique, Gaza Health Initiative (pour l'accueil d'étudiants palestiniens), InZone ou encore Scholars at Risk. Pour toutes ces raisons, la M 3029 n'a plus lieu d'être, et le Conseil d'Etat vous invite également à la refuser, tout en vous remerciant pour le débat passionnant sur le rôle de l'université face à ces questions très intéressantes. Merci beaucoup.
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 13536 est rejeté en premier débat par 70 non contre 17 oui et 2 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de motion 3029 est rejetée par 56 non contre 29 oui et 1 abstention (vote nominal).
Mise aux voix, la proposition de motion 3030 est rejetée par 58 non contre 33 oui (vote nominal).