République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 août 2025 à 16h10
3e législature - 3e année - 3e session - 15e séance
M 3152
Débat
La présidente. Nous passons à l'urgence suivante, à savoir la M 3152, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro au premier signataire, M. Vincent Subilia.
M. Vincent Subilia (PLR). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je crois que nous en conviendrons tous, la sécurité est notre première liberté. Elle est une priorité et elle exige que nous soyons toutes et tous mobilisés. Or, à l'instar de ce qui a pu être énoncé hier dans ce même contexte sécuritaire, mais au sujet d'un autre objet, il nous apparaît que l'heure est grave, dès lors que la sécurité, notre sécurité, votre sécurité se détériorent.
Et ce n'est pas une question de perception, dont on dit qu'elle est la nouvelle mesure de la réalité, c'est une véritable réalité documentée par un certain nombre de faits - et ils sont têtus ! Je donnerai deux chiffres pour vous en convaincre, qui n'émanent pas de Genève, mais bien de l'Office fédéral de la statistique. Le premier porte sur l'objet même de la motion que nous avons déposée: les actes de brigandage ont connu une augmentation de 68% entre 2023 et 2024. Le second documente le fait que Genève occupe tristement la deuxième place dans le classement des cantons affichant le taux d'infractions le plus élevé de Suisse. On pourrait identifier d'autres chiffres.
Je le disais, la sécurité est l'un des fondements d'une démocratie fonctionnelle. Or, depuis plusieurs mois, la situation sécuritaire se dégrade, avec plusieurs cas de home-jacking accompagnés d'événements particulièrement violents. Vous me pardonnerez cet anglicisme; c'est l'intitulé qui est employé, comme j'ai pu l'expliquer à certains députés qui m'interpellaient avec candeur à ce propos. Le home-jacking, pour le dire de façon extrêmement simple, c'est une intrusion dans un domicile avec une arme (elle peut être factice ou non) pointée sur l'occupant des lieux, qui en est habituellement le propriétaire, ou sa compagne, elle aussi molestée sous la menace de cette arme dans le but de dérober des biens.
Je vous laisse imaginer le trauma que cela induit sur le plan psychologique. Or, ce cas de figure s'est produit de façon récurrente. Le PLR estime que la lutte contre cette forme de criminalité particulièrement violente doit être érigée en priorité absolue pour l'Etat - c'est l'objet de la motion que nous déposons ce jour. Elle demande la mise en oeuvre d'un certain nombre de mesures qui peuvent naturellement faire l'objet d'un travail d'affinage en commission, notre parti fait preuve d'ouverture sur ce point. A n'en pas douter, la commission ferait une analyse attentive des services de la magistrate. Les mesures visées devraient être en mesure - précisément ! - de répondre à cet enjeu; celui-ci préoccupe beaucoup l'UDC, je le sais, et c'est pour ça qu'elle nous écoute, notamment M. Nidegger !
Parmi les mesures en question, il s'agit notamment d'augmenter immédiatement les ressources opérationnelles sur le terrain pour lutter contre le home-jacking, en redéployant les effectifs et, si nécessaire, en déléguant la sécurisation des événements non essentiels ou même en réduisant l'étendue de certaines autorisations accordées dans le cadre d'événements sur la voie publique. Il s'agit de la même dialectique que celle qui nous a animés hier.
La deuxième mesure concerne la mise en place d'un système de recherche automatisé de véhicules et de surveillance du trafic, basé sur des caméras de lecture automatique des plaques d'immatriculation, en vue d'identifier les véhicules faisant l'objet de recherches. Ce dispositif est utilisé dans d'autres cantons; Genève serait bien inspirée de faire de même.
Il s'agit aussi de restreindre les capacités de passage aux frontières durant la nuit. Mesdames et Messieurs, sans vouloir basculer dans l'idéologie, encore une fois, les chiffres sont têtus: ces actes de violence sont en grande majorité, pour ne pas dire exclusivement, imputables à une violence importée à Genève de par la porosité de nos frontières ! J'estime qu'il est important de le souligner, quoi que l'on puisse penser des vertus, notamment économiques, du Grand Genève - et je suis le premier à les défendre !
L'objectif est également de faciliter des projets de vidéosurveillance. Des réticences se font entendre, y compris dans mes rangs, sous l'angle du respect de la vie privée. Ce stade est désormais dépassé, la vidéosurveillance (ou vidéoprotection) a fait ses preuves, ailleurs en Suisse ainsi qu'à l'étranger, dans le cadre de la poursuite des infractions. Nous devons pouvoir nous en inspirer ! Il convient par ailleurs d'étendre les contrats locaux de sécurité en collaboration avec les polices municipales, qui constituent l'un des maillons essentiels de cette chaîne de sécurité.
Mesdames et Messieurs, la presse s'est largement fait l'écho de ces préoccupations, qui ne sont pas propres au PLR, quand bien même la motion émane de nos rangs, mais qui animent l'entier de notre plénum - je crois pouvoir le dire, et j'en ai parlé avec certains de nos excellents collègues de la gauche de l'hémicycle.
Nous ne pouvons pas transiger sur l'autel de la sécurité. Vous le savez, comme je le rappelais, il en va de vies humaines, parfois traumatisées; je me permets de le dire, et mon propos ne consiste pas à faire état d'une criminalité à deux vitesses. J'entendais avec beaucoup d'intérêt les propos de notre ministre cantonale de l'économie: il en va aussi de nos conditions-cadres sur le plan économique.
La presse a relaté un cas extrêmement grave, celui d'une octogénaire sans signe extérieur de richesse qui a fait l'objet d'un home-jacking, avec ce que cela peut induire comme conséquences psychologiques. Mais l'article sous-tend aussi - et ces confirmations, nous les obtenons au sein notamment de mes fonctions professionnelles - que des personnalités, certes nanties, mais qui contribuent de façon extrêmement large à la prospérité de notre canton, s'interrogent tous les jours sur la volonté de poursuivre leurs activités à Genève...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Vincent Subilia. ...en payant davantage d'impôts et, parce qu'elles ont été victimes de ce type de drames...
La présidente. Monsieur Subilia, vous devez conclure.
M. Vincent Subilia. Je vais conclure, Madame la présidente. ...décident de tirer la prise. Je conclurai en disant la chose suivante... (Rires.)
La présidente. Non, c'est trop long, Monsieur le député !
M. Vincent Subilia. ...il n'y a pas de fatalité en matière de sécurité. (Commentaires.) On se réjouit que Mme la conseillère d'Etat, qui nous a promis la primeur de ses réponses dans la «Tribune de Genève» du jour, puisse le faire pour qu'ensemble, nous apportions une réponse ferme à ce fléau. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Masha Alimi (LJS). Le sujet est en effet sérieux. Il s'agit de lutter contre le phénomène de home-jacking, que personne ne nie. C'est un délit grave qui mérite toute notre attention. En 2024, treize cas ont été recensés dans notre canton. Cela montre qu'il s'agit certes d'un problème réel, mais quantitativement limité par rapport à d'autres enjeux sécuritaires auxquels notre population est confrontée au quotidien.
C'est précisément pour cette raison qu'il me paraît inapproprié de voter ce texte dans la précipitation, sans analyse approfondie ni auditions. Si nous voulons être cohérents et efficaces en matière de sécurité, il convient d'élargir le périmètre de réflexion afin de traiter également d'autres infractions qui ont un impact plus important sur la vie quotidienne des citoyennes et des citoyens.
Je propose donc que cette motion soit renvoyée à la commission judiciaire et de la police afin qu'elle y soit étudiée de manière sérieuse. La commission pourra mener les auditions nécessaires, entendre les personnes concernées sur le terrain et évaluer la pertinence des mesures envisagées.
Je tiens aussi à préciser - j'en profite puisque j'ai la parole - que contrairement à certains membres du PLR, je respecte le travail de mes collègues. On peut être en désaccord, parfois fermement, mais jamais de façon méprisante. Le respect doit rester la base de nos débats !
Pour le groupe Libertés et Justice sociale, il n'est donc pas question de voter ce texte sur le siège. La sécurité exige du sérieux, non pas des raccourcis. Merci, Madame la présidente.
M. François Baertschi (MCG). Cette motion demande d'augmenter les ressources opérationnelles (si j'ai bien compris !) pour lutter contre le home-jacking en redéployant les effectifs. Certes, mais où va-t-on trouver ces effectifs, vu que selon les syndicats de police, ceux-ci sont déjà limités, insuffisants, voire très contraints (chacun en fera sa propre description) ?
Faut-il abandonner certaines tâches ? J'ai souvenir, tout récemment - cela date d'il y a quelques mois -, d'un restaurateur qui a été victime de cambriolage de manière répétée en très peu de temps: je crois que sur une période de deux mois, il a été cambriolé trois, quatre fois, de telle sorte que son assurance menaçait de ne plus le couvrir. Il y a donc des enjeux sécuritaires très importants à Genève. On assiste à une dégradation. Quant à la volonté de... Je remercie le groupe PLR d'avoir déposé ce texte, je pense que c'est une bonne chose de s'engager contre le home-jacking, contre cette insécurité.
Mais il ne faut pas faire uniquement ça, à savoir se limiter à un coup marketing ou publicitaire, il faut également voter les budgets quand il s'agit d'augmenter les postes de policiers, autant dans la gendarmerie que dans la police judiciaire, parce que les deux sont nécessaires et représentent des exigences pour la sécurité des Genevois. C'est quelque chose d'important.
Je pense également qu'il y a une contradiction entre la volonté d'augmenter les effectifs et le fait de vouloir les bloquer par les lois corsets, sur lesquelles nous allons voter à la fin du mois de septembre, je le rappelle. Est-ce qu'on va se contraindre à ne pas pouvoir augmenter les effectifs et demander... Alors je ne sais pas, à un moment donné, il faut être magicien ! On dit qu'il faut redéployer... Mais où va-t-on trouver ces effectifs ? Y a-t-il des fantômes qui se cachent ? Je pose la question à la magistrate, elle nous répondra. Dispose-t-elle de policiers cachés à l'hôtel de police ? Peut-être ! Elle nous le dirait sans doute, enfin, j'ose l'espérer ! Mais j'ai quelques doutes sur le fait qu'il y ait de tels effectifs cachés à trouver: on nous indique de manière très claire qu'on est dans une situation de sous-effectif. Alors on peut restructurer, certes, mais il y a quand même passablement d'opposition à cela.
Il y a urgence, il faut s'occuper rapidement de ces problèmes de sécurité. Pour ce faire, il faut renvoyer cette motion ainsi que les autres textes en commission. Il convient surtout de se donner les moyens de mener une politique sérieuse en matière de sécurité, je crois que cela dépasse véritablement les lignes politiques de chacun, c'est vraiment une question d'utilité publique générale ! Merci, Madame la présidente.
Mme Dilara Bayrak (Ve). M. Baertschi m'a ôté les mots de la bouche, c'est assez curieux de voir le PLR se plaindre du manque de prise en charge effective de certaines infractions, notamment par la police, alors qu'il ne lui donne pas les moyens de faire son travail. Le constat de cette motion, on peut le partager, il est clair; ce n'est pas parce qu'on va voter le renvoi en commission qu'on souhaite plus de home-jacking, clairement pas !
Mais la solution qui est retenue est extrêmement douteuse. On nous propose de mettre en place une surveillance automatisée du trafic, de fermer les frontières, de déléguer la sécurisation des événements privés à des services privés; on pourrait aussi appeler l'armée pour des rondes dans les quartiers les plus chauds de Genève et demander à tous les services privés de sécurité du canton de surveiller les communes les plus touchées !
Personnellement, je m'insurge un peu quand M. Subilia affirme que seuls les propriétaires sont visés par des home-jackings. Non, il y a aussi des locataires. (Remarque.) Vous n'avez mentionné que les propriétaires, Monsieur Subilia.
Je tiens à souligner que vouloir, par cette démarche, mettre en avant un phénomène qui est en augmentation est tout à fait louable. Cependant, je dois vous dire, Monsieur Subilia - vous lui transmettrez, Madame la présidente -, que vous parlez très bien, mais vous ne proposez pas grand-chose. (Rire. Commentaires.)
J'invite la commission judiciaire et de la police à entendre ce que fait la police. Pourquoi prioriser le home-jacking et non pas les autres violences, les autres victimes ? Pourquoi cette infraction-là ? Pourquoi partir du principe que la police n'est pas déjà en train de fonctionner avec des effectifs limités ? En réalité, c'est bel et bien déjà le cas. Via les appels à l'aide que nous avons relatés hier, la police nous dit qu'elle fonctionne à flux tendu. Ce n'est pas une question de priorisation, mais de moyens.
Les constats et postulats sur lesquels se base cette motion sont erronés. Pour ma part, je me réjouis d'entendre la police. Je me réjouis également que le PLR nous explique pourquoi telle infraction est priorisée par rapport à d'autres, surtout vu qu'on parle souvent du crack... (Remarque.) ...et d'autres infractions. Pourquoi ne faudrait-il pas prioriser les faillites frauduleuses ou d'autres infractions économiques, qui sont tout aussi importantes et qui impactent tout autant l'image de Genève ? Merci. (Applaudissements.)
M. Yves Nidegger (UDC). A défaut d'être un bon texte, cette motion est un bon coup de gueule qui tombe évidemment à pic, puisque des statistiques sorties d'un chapeau nous sont présentées par le Conseil d'Etat; selon celles-ci, l'insécurité serait statistiquement en baisse à Genève ! Et là, on ne parle pas d'insécurité qui serait en hausse, mais de crimes qui sont en hausse !
Le brigandage, chers collègues, c'est un crime passible de dix ans de prison. Pour ce qui est de la gravité, ça fait partie du haut du panier des actes qu'on peut reprocher aux individus. Vous pouvez y ajouter des lésions corporelles graves, voire un meurtre, vu les méthodes utilisées par ces braves gens !
Ce qui est un peu curieux, c'est que le PLR, qui est le chantre de l'ouverture des frontières, se plaint ensuite de sa conséquence et de l'absence de contrôle aux frontières. Cette conséquence, c'est le home-jacking ! On le sait, il s'agit d'une criminalité organisée importée. Où se passent les démolitions, les arrachages de bancomats ? Où se passent les home-jackings ? Assez proche de la frontière, parce que grâce à Schengen, celle-ci est le seul endroit où l'on n'a pas le droit de mener un contrôle de personnes. On peut le faire partout ailleurs, avant et après le crime, mais pas pendant ou plutôt au moment du passage de la frontière qui permettra de le commettre sur notre territoire, tant qu'on n'a pas des raisons suffisantes d'intercepter quelqu'un.
Par conséquent, on ne peut pas vouloir une absence de contrôle aux frontières, parce que c'est bon pour l'économie - et c'est vrai que c'est le cas, il faut le reconnaître, mais à quel prix ? -, et en même temps ne pas subir les conséquences de cela, à savoir le marché du crime au niveau européen et la possibilité de venir faire ce que l'on veut dans cet eldorado du crime qu'est la Suisse, puisque y est concentrée une quantité de richesses tout à fait phénoménale en comparaison avec de nombreux autres pays.
Où est le problème ? Il réside dans le fait qu'il n'y ait pas de contrôle au moment de l'entrée sur le territoire et que le droit de suite dont la police dispose pour franchir à nouveau la frontière afin de poursuivre un criminel suppose qu'avant de la traverser, elle ait ledit criminel dans son champ de vision. Comme les policiers sont coincés dans des bouchons au centre-ville et qu'ils mettent du temps à arriver, le meilleur endroit, celui où vous êtes sûr que vous ne serez pas inquiété, c'est la frontière, qui pourtant, historiquement, constitue la protection que les peuples utilisent pour garantir leur sécurité, intérieure et extérieure. Voilà tout le paradoxe de la chose !
Je pense qu'il faudrait effectivement renvoyer ce texte en commission. On pourrait demander au chef des gardes-frontière pourquoi, malgré la multitude de caméras qui détectent toutes sortes de passages, nous n'avons pas les ressources nécessaires pour agir. Il serait aussi souhaitable d'auditionner la police judiciaire pour qu'elle nous explique que ce n'est pas un problème de moyens; les effectifs sont là, mais ils sont utilisés à très mauvais escient, en tout cas sur la base d'une priorisation retenue par le Conseil d'Etat qui n'a rien à voir avec celle des citoyens.
M. Matthieu Jotterand (S). Mesdames et Messieurs les députés, voilà un texte sur lequel on aurait presque pu être d'accord à l'unanimité en lisant le titre: évidemment, tout le monde est contre le home-jacking. Simplement, comme Mme Bayrak l'a dit, il y a bien d'autres priorités pour l'Etat.
La pratique, le crime qu'est le home-jacking augmente fortement, de façon bien supérieure à la croissance démographique. Mesdames et Messieurs de la droite, vous avez voté les lois corsets, qui rendent impossible d'y apporter une réponse. Heureusement, la gauche et les syndicats ont lancé un référendum. Vous avez donc encore la chance d'éviter cela et de garantir que l'on puisse répondre à cette hausse de cas plus importante que la croissance démographique.
Par ailleurs, sous prétexte de lutter contre le home-jacking, le texte de la motion ne demande en réalité rien d'autre qu'une privatisation des tâches de la police - pourtant mission régalienne s'il en est ! -, une restriction du droit fondamental de manifester et une limitation des événements populaires pour protéger quelques multimillionnaires ou milliardaires. Il est également prévu de procéder à de l'identification automatisée par vidéosurveillance, de restreindre la libre circulation ainsi que de fermer les frontières, et enfin de développer une application mobile de délation.
Vous voyez, pour une motion qui part certes d'un but honorable, c'est quand même un peu beaucoup que de formuler toutes ces demandes qui sont hors sujet, comme aurait dit un prof s'il s'agissait de la copie d'un élève à l'école primaire. On parle en fait de personnes privilégiées, de la rive gauche; il suffit de voir dans l'article de la «Tribune de Genève» de ce jour les communes concernées. (Commentaires.) C'est pour ça que vous avez délibérément oublié les propriétaires... pardon, les locataires, Monsieur Subilia, et ce n'est pas pour rien, on parle du centile supérieur de la population.
Pour prévenir le home-jacking, il y a une solution simple, c'est l'initiative pour l'avenir de la jeunesse socialiste, sur laquelle nous voterons en septembre. Réduire les effarantes inégalités de patrimoine permet de prévenir les infractions telles que le home-jacking... (Commentaires. Rires.) ...en redistribuant les richesses !
Enfin, un dernier mot pour relever que vous avez voté l'urgence afin qu'on en discute pour finalement accepter le renvoi en commission, comme vous l'aviez fait pour les commerçants de la rue de Carouge, alors que vous avez refusé le débat sur les élèves frontaliers; une sorte de school-jacking... (Rires.) ...perpétré par le Conseil d'Etat, dommage ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Alia Chaker Mangeat (LC). Tout d'abord, je dois dire que je suis assez choquée par les propos qui viennent d'être tenus. Je vois qu'à gauche, il y a une hiérarchisation, non pas dans les missions de la police, mais dans le choix des victimes: un millionnaire ne mériterait pas d'être reconnu en tant que victime. Je trouve que vous traitez les victimes de home-jacking de manière assez méprisante et scandaleuse ! (Commentaires. Applaudissements.)
Le Centre remercie les auteurs de cette motion, qui fait d'ailleurs écho à celle déposée par notre groupe et qui a été renvoyée hier en commission. Evidemment, ce texte reflète aussi la question importante que nous avons soulevée quant à la priorisation des missions de la police. Vous vous scandalisez du fait qu'on évoque une priorisation des missions, mais enfin, avant de donner des moyens, on regarde ce qu'on peut faire avec ce qu'on a. Ça me semble être le b.a.-ba d'une gestion saine des finances publiques. Avant d'augmenter les effectifs, on analyse la situation et on fait le bilan. C'est exactement ce que demande cette motion.
Ensuite, sur la priorisation à proprement parler. Vous êtes choqués parce qu'on parle de faire du brigandage une priorité, mais enfin, c'est tout à fait logique, dans le cadre de cette priorisation des missions, que les crimes visant l'intégrité physique des citoyens soient classés avant les autres. Le brigandage en fait partie, tout comme les agressions sexuelles. Le fait de les prioriser ne signifie pas qu'on priorise les riches; mais évidemment, ils sont des cibles privilégiées pour ce qui est du brigandage. Quand il s'agit de crack, on sait que ce sont plutôt des gens défavorisés qui en consomment: nous avons appuyé de la même manière les mesures de la police contre le crack. Au Centre, en tout cas, on ne fait pas de distinction entre les victimes !
Cette motion mérite d'être étudiée en commission. Elle évoque certaines pistes qui doivent effectivement être examinées, nous devons auditionner les personnes compétentes pour nous renseigner sur ces différentes approches. Nous demandons évidemment que ce soit fait rapidement, avant que Genève ne devienne vraiment un eldorado pour les brigandages. C'est vrai que la croissance est exponentielle s'agissant de ce type de crime; je pense que c'est pour cette raison que le brigandage a été pointé du doigt. Ces situations entraînent des conséquences particulièrement graves dans des familles genevoises, parfois avec des enfants ou des personnes âgées présents sur les lieux. Je trouve qu'il ne faut pas le sous-estimer, raison pour laquelle je remercie l'auteur de ce texte. Voilà, Le Centre soutient avec grand intérêt cette motion. Je vous remercie.
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il y a dix ans, les cambriolages étaient au plus haut dans notre canton. Qu'avons-nous fait collectivement ? Nous nous sommes renforcés, les forces de police judiciaire ont orienté leurs ressources sur ces filières criminelles, les communes ont organisé avec les polices cantonale et municipales des séances d'information et de formation vis-à-vis des habitants dans les quartiers touchés, les habitants ont adapté leurs comportements, sécurisé leurs logements, muni ceux-ci de vidéosurveillance et d'alarmes, la technologie a bien aidé et le chiffre a commencé à baisser. Ce n'est pas qu'il y ait moins de groupes criminels qu'il y a dix ans, mais nous leur avons rendu la tâche plus difficile.
Qu'ont-ils fait alors ? Comme nous, ils ont adapté leurs comportements: arnaques cyber, vols à la fausse identité (faux plombiers, puis faux banquiers, puis faux policiers), escroqueries, brigandages. Et dans le brigandage, quelle est l'infraction la plus fréquente ? L'arrachage de bijoux, plus particulièrement de montres de grande valeur, car pour les criminels, risque minimum, rendement maximum ! Il y a aussi quelques home-jackings, heureusement plus rares, vu la violence et les impacts psychologiques gravissimes de ce mode opératoire.
Aujourd'hui, comme il y a dix ans, nous devons nous renforcer. Les forces de police judiciaire orientent leurs ressources sur ces filières criminelles, les communes organisent avec les polices cantonale et municipales des séances d'information et de formation vis-à-vis des habitants dans les quartiers touchés, les habitants vont adapter leurs comportements, sécuriser leurs logements, munir ceux-ci de vidéosurveillance et d'alarmes, et la technologie va nous aider.
Globalement, nous sommes plus forts aujourd'hui qu'hier, et les chiffres sont moins élevés. Alors évidemment, si on se base uniquement sur les données relatives à quelques mois et à un phénomène bien spécifique, les variations peuvent être significatives. Ne perdons pas de vue que l'on parle d'une dizaine de cas annuels. C'est une dizaine de trop, mais c'est à mettre en perspective avec les 250 à 300 cas de brigandage annuels (toutes catégories confondues), les 15 000 à 16 000 vols ou encore les quelque 3000 escroqueries.
Mais la bonne nouvelle, je le répète, c'est que nous sommes plus forts aujourd'hui qu'hier; tant la prévention que le travail d'enquête s'adaptent continuellement aux évolutions des phénomènes criminels, et la société le fait aussi collectivement.
Ce cadrage étant fait, venons-en à la motion, à la lettre des habitants de la commune ou à celle de la commune elle-même, vu que finalement, c'est du pareil au même ! La première invite contient la demande suivante: «augmenter immédiatement les ressources opérationnelles sur le terrain pour lutter contre le home-jacking [...]» Effectivement, même si j'adorerais, je ne suis pas une magicienne et je n'ai pas de baguette magique. La police judiciaire met tout en oeuvre, via des moyens humains, techniques et collaboratifs, pour lutter contre cette criminalité organisée, qui nécessite des moyens d'investigation et d'enquête. Ceux-ci sont déployés par la police judiciaire. Par ailleurs, cette dernière n'est pas directement affectée dans le cadre de la sécurisation des événements qui se déroulent sur l'espace public cités dans la motion.
Quant aux tâches à prioriser, Mesdames et Messieurs, en tant qu'entité détentrice du monopole de la force publique, il est assez rare que la police fasse quelque chose qu'elle n'est pas légalement obligée de faire. Dès lors, si on veut mettre plus de forces dans ce domaine, il faudra bien les prendre ailleurs ! Qu'est-ce qu'on dépouille ? Je ne sais pas, la sécurité routière, mais il me semble que c'est quand même un phénomène très important et conséquent en nombre; plusieurs fois votre parlement a décidé de travailler sur ce point. Est-ce qu'on dépouille la lutte contre d'autres types de criminalité ? Est-ce qu'on dépouille la lutte contre le crack ? Il y a des ressources qui sont déployées dans ce domaine, et les consommateurs de crack aiment en général assez peu se plaindre de l'inactivité de la police ! Je n'ai pas de solution miracle, comme cela a été dit, mais quand vous proposez de réorienter les forces, je vous invite à réfléchir à la question de savoir où il faut les prendre. Si vous proposez d'aller les chercher dans des missions que nous sommes obligés de mener, on va avoir un problème !
La deuxième invite demande au Conseil d'Etat de «mettre en place le système de Recherche automatisée de véhicules et de surveillance du trafic [...]». Dans le cadre de ses enquêtes, la police judiciaire met ponctuellement et sur certains axes routiers ciblés des dispositifs LAPI (lecteurs de plaques d'immatriculation), pour tenter d'identifier par recoupement les véhicules impliqués dans la commission de crimes ou de délits.
De plus, la police judiciaire collabore avec l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF), qui bénéficie aussi dans le cadre de ses prérogatives de lecteurs de plaques d'immatriculation dans certaines zones frontières, permettant également d'identifier des véhicules utilisés par la criminalité transfrontalière. Malgré la réelle plus-value que peuvent apporter ces dispositifs dans la prévention et la répression de la criminalité organisée, leur utilisation est limitée par l'absence de bases légales spécifiques. Toutefois, des initiatives sont lancées, aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau des cantons, pour adapter le cadre légal et le rendre approprié à l'utilisation des LAPI à des fins policières.
Vous proposez également de «restreindre les capacités de passage aux frontières durant la nuit [...]», avec une petite variante proposée par le parti LJS. Le passage aux frontières est de la compétence de l'OFDF. Il faut également tenir compte des principes de l'espace Schengen concernant la libre circulation des personnes. Le rétablissement des contrôles automatiques aux frontières est du ressort de l'autorité fédérale.
La coopération transfrontalière, notamment avec la France, est dynamique et quotidienne, et les échanges d'informations sont permanents. La police judiciaire, toujours, collabore également avec ses homologues européens, en particulier avec la police et la gendarmerie françaises. Des équipes franco-suisses d'enquête en commun sont ponctuellement mises en oeuvre. En outre, les accords de Paris, en particulier l'article 10, permettent également de faciliter et d'accélérer les démarches judiciaires en France voisine.
La motion invite ensuite le Conseil d'Etat «à faciliter les projets pilotes de vidéosurveillance dans les communes [...]». Alors là, Mesdames et Messieurs les députés, la balle est dans votre camp. L'article 42 de la LIPAD permet aux communes genevoises d'installer et d'exploiter des systèmes de vidéosurveillance, afin, je cite, de «garantir la sécurité des personnes et des biens se trouvant dans ou à proximité immédiate de lieux publics ou affectés à l'activité d'institutions publiques, en prévenant la commission d'agressions ou de déprédations et en contribuant à l'établissement des infractions commises le cas échéant».
Un certain nombre de conditions devront être respectées: finalité, intérêt public prépondérant, proportionnalité, transparence, signalétique, gestion de la sécurité et conformité des données. Le site du PPDT (préposé cantonal à la protection des données et à la transparence) contient les modèles de documents et de guides, fournissant toutes les informations nécessaires à la mise en place d'un projet communal d'essai pilote (modèles de délibérations communales, de règlements relatifs à l'installation de l'exploitation d'un système de vidéosurveillance, de directives sur le processus de traitement d'un dossier, etc.).
Bref, nous allons faire ce que nous faisons toujours, parce que c'est notre devoir, à savoir appliquer la loi. Evidemment, si une commune entend mettre en place un dispositif conforme à la LIPAD, une autorisation lui sera délivrée. Avec tout ce qui est développé dans le domaine, je ne vois pas très bien ce qu'on pourrait faire de plus.
Pour ce qui est de l'invite suivante, à savoir «encourager l'extension des contrats locaux de sécurité à un nombre accru de communes [...]», Mesdames et Messieurs les députés, je vous indiquerai à nouveau que nous le faisons déjà. Pour élaborer un contrat local de sécurité, encore faut-il que la commune en question ait une police municipale, ce qui, je vous le rappelle, n'est pas le cas pour plus de la moitié d'entre elles !
La présidente. Il vous faut conclure, Madame la conseillère d'Etat.
Mme Carole-Anne Kast. Je conclus ! Enfin, quant à la demande d'«analyser la pertinence de la mise en place d'une application mobile de signalement, permettant aux citoyens proches d'un incident de transmettre rapidement des informations utiles aux forces de l'ordre pour orienter leur intervention», on peut toujours réfléchir à des modèles ayant pour but de renforcer la possibilité de signaler des événements à la police. Mais aujourd'hui, il en existe un qui est extrêmement performant, qui travaille H24 et qui permet de géolocaliser les appels immédiatement: il s'agit du 117, et je vous invite évidemment à en faire usage ! Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. (Remarque.) Oui, Monsieur Subilia, sur l'amendement.
M. Vincent Subilia (PLR). Un amendement a été déposé, ce qui, si je ne m'abuse, devrait nous permettre, si on le souhaite, de reprendre la parole, ce que je vais m'empresser de faire. Merci beaucoup. (Commentaires.)
La présidente. Monsieur le député, nous votons d'abord sur la demande de renvoi en commission. Je lance la procédure de vote.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3152 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 92 oui (unanimité des votants).