République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

PL 13580-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le projet de loi de Louise Trottet, Raphaël Dunand, Marjorie de Chastonay, Léo Peterschmitt, Angèle-Marie Habiyakare, Julien Nicolet-dit-Félix, Cédric Jeanneret, Marc Saudan, Sophie Bobillier, Céline Bartolomucci, Uzma Khamis Vannini, Emilie Fernandez, Pierre Eckert, Laura Mach, Yves de Matteis, Patricia Bidaux, Jean-Marc Guinchard, François Erard, Jean-Charles Rielle, Grégoire Carasso, Sylvain Thévoz, Matthieu Jotterand, Jacklean Kalibala, Oriana Brücker, Anne Carron, Thomas Wenger, Lara Atassi modifiant la loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l'emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac (LTGVEAT) (I 2 25)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 28 et 29 août 2025.
Rapport de M. Marc Saudan (LJS)

Premier débat

La présidente. J'ouvre le débat sur le PL 13580-A (catégorie III) en cédant la parole à M. Saudan.

M. Marc Saudan (LJS), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, au coeur du PL 13580 examiné par la commission de la santé se trouve un objet devenu en quelques années un phénomène de société: la cigarette électronique à usage unique, plus connue sous le nom de puff. Au premier abord, ces petits tubes bariolés se veulent ludiques: arômes sucrés, couleurs vives, prix modique. Ils séduisent un public très jeune, préadolescent et adolescent, qui y voit un gadget inoffensif.

Pourtant, dès qu'on lève le couvercle, la réalité est beaucoup plus sombre. Les puffs contiennent parfois des doses très élevées de nicotine, quelquefois supérieures au seuil légal et sous la forme de sel de nicotine, ce qui renforce le pouvoir addictif. En 2022, la Suisse a importé environ 10 millions de cigarettes électroniques jetables, dont la durée de vie se limite à un nombre de bouffées allant de six cents à deux mille avant de finir à la poubelle ou dans la nature. Elles reposent sur une batterie au lithium - je ne reviendrai pas là-dessus, puisque nous venons de voter 20 millions pour éviter que celles-ci finissent dans les décharges.

Nous sommes donc face à un produit attractif pour les jeunes, fortement addictif, et dont l'impact sur l'environnement est disproportionné. Le constat sur le plan sanitaire est sans appel. D'abord, les puffs constituent un produit hautement addictif et conçu pour séduire. En outre, les contrôles menés à Genève révèlent que 40% des ventes enfreignent l'interdiction de vente aux mineurs. Ces produits, présentés comme ludiques, créent les fumeurs chroniques de demain.

Certes, la question de la compétence cantonale a été soulevée. Nous savons qu'un recours est possible et qu'un grand cigarettier a déjà contesté l'interdiction en Valais, mais la commission a estimé à l'unanimité que l'intérêt public en matière de protection de la santé et de l'environnement devait primer sur ce risque juridique, d'autant plus que plusieurs cantons ont déjà légiféré et qu'un mouvement international est en marche. Enfin, signalons que les Chambres fédérales ont elles-mêmes accepté une motion demandant l'interdiction de ces produits, même si nous savons tous que la législation fédérale prend du temps. Comme souvent, Genève a choisi d'agir pour protéger sa population et d'envoyer un signal clair à Berne - elle le fait du reste dès à présent.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est un acte de responsabilité politique. Il ne s'agit pas de nous substituer à la justice, mais d'affirmer une priorité: la santé de nos jeunes et la protection de notre environnement passent avant les intérêts commerciaux de l'industrie du tabac. Pour toutes ces raisons, la commission de la santé vous invite à l'unanimité à soutenir ce projet de loi. Merci.

Mme Louise Trottet (Ve). Je remercie le rapporteur pour son excellent résumé de la situation. C'est un vote particulier auquel nous nous livrons aujourd'hui: nous pourrions être le troisième canton suisse à interdire la vente des puffs. Néanmoins, bien que les travaux en commission aient abouti à une unanimité, on l'a dit, le parcours après le dépôt du rapport sur ce projet de loi n'a pas été sans remous. Ceci... (L'oratrice montre une affiche.) ...est un exemple de la campagne menée par un cigarettier dont je tairai le nom qui vise à changer l'opinion sur la vente de puffs et à influencer le débat démocratique sur cet objet. Ceci... (L'oratrice montre une lettre.) ...est un courrier que la députation a reçu cette semaine pour la dissuader de voter le projet de loi dont il est question.

Vous voyez donc les moyens que mettent en place les milieux concernés, alors que la loi n'est même pas encore entrée en vigueur, et vous pouvez imaginer ceux qu'ils adopteront une fois que la loi sera votée pour essayer de la contourner et déposer recours après recours. C'est pour cette raison que le groupe Vert a déposé une demande de clause d'urgence afin que cette loi entre en vigueur aussi vite que possible et qu'il n'y ait pas de référendum. Je vous remercie d'avance de voter la clause d'urgence et la loi pour montrer aux cigarettiers que nous ne sommes pas impressionnés par leurs manoeuvres. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.) 

La présidente. Merci, Madame la députée. Si vous pouviez éviter de faire de la publicité pour ces personnes, ce serait à mon avis plus intelligent. Merci. Je passe la parole à M. Dunand.

M. Raphaël Dunand (LJS). Merci, Madame la présidente. En tant que collectivité engagée pour la santé publique, la protection de l'environnement et la prévention auprès des jeunes, le canton de Genève doit interdire la vente de ces puffs. Ces produits présentent un triple risque, on l'a dit: sanitaire, environnemental et social. Leur prolifération rapide, leur impact écologique massif et leur attractivité auprès des mineurs posent un vrai problème.

Je le disais, il s'agit d'un produit à fort impact environnemental. Le nom même de ces cigarettes électroniques, dites jetables, n'incite pas à les recycler; en outre, elles contiennent des plastiques difficilement recyclables, des batteries au lithium de basse qualité qui explosent à tout moment chez les recycleurs, on en a parlé tout à l'heure, et des résidus de nicotine qui peuvent intoxiquer la faune et la flore de notre beau canton.

Il existe également un problème de dépendance chez les jeunes, qui constituent un public cible. Pourquoi est-ce que je dis ça ? Parce qu'on ne contrôle pas la dose de nicotine contenue dans ces cigarettes; elles viennent de Chine déjà emballées et on n'a aucun moyen de contrôler ce qu'elles contiennent. Les emballages, l'excellent rapport de M. Saudan l'a montré, sont conçus pour attirer les jeunes, et ces cigarettes ont un goût de pomme, de fraise, de cassis; c'est vraiment fait pour promouvoir ces produits auprès de ce public. Elles ne coûtent pas cher et sont donc facilement accessibles. Des contrôles ont certes été effectués, mais le canton, ou en tout cas les services concernés, ont de la peine à contrôler la vente et à gérer la vente aux mineurs - c'est très compliqué et difficile à réguler.

Pour finir, c'est un non-sens en matière de santé publique. Contrairement aux différents patchs, sachets de nicotine, etc., aux moyens de rompre la dépendance des patients à la nicotine, ces cigarettes présentent un risque, je l'ai dit, parce qu'elles sont complètement... (Commentaires.) S'il vous plaît ! Si ça ne vous intéresse pas, vous pouvez... (Commentaires. Rires.)

La présidente. Oui, merci, Monsieur Dunand. (La présidente rit.)

M. Raphaël Dunand. Contrairement aux cigarettes électroniques rechargeables... (Remarque.) 

La présidente. S'il vous plaît ! Je suis sûre que vous avez des conversations très intéressantes, mais pour ma part, j'aimerais bien entendre M. Dunand. Merci.

M. Raphaël Dunand. Merci, Madame la présidente. Je disais que la dose de nicotine de ces cigarettes électroniques jetables est incontrôlable, et que celles-ci ne peuvent pas être utilisées pour sevrer des patients.

Au mois de juin, après un débat au National et aux Etats, la Confédération a accepté le principe de l'interdiction. On sait très bien que ça prendra du temps, et à Genève, on doit montrer la voie et aller de l'avant. Aujourd'hui, on peut agir avec la clause d'urgence, que je vous demande de soutenir également, aller de l'avant et montrer qu'à Genève, on prend les devants et qu'on se soucie de nos jeunes, de la santé publique, de notre environnement et de nos recycleurs, comme on l'a dit tout à l'heure. Je vous demande et conjure de soutenir ce projet de loi, ainsi que la clause d'urgence qui l'accompagne. Merci.

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Je tiens tout d'abord à féliciter et à remercier le député Saudan pour la qualité de son rapport, qui reflète bien les travaux que nous avons menés en commission. Nous avons auditionné de nombreux spécialistes de la santé, dont des tabacologues, qui nous ont bien mis en garde contre les méfaits de ces cigarettes électroniques jetables. Cela a déjà été dit, même si la plupart des échoppes, notamment les dépanneurs, ne respectent pas l'interdiction de vente à des mineurs... La vente de ces puffs à des mineurs incite ces derniers à commencer à fumer - c'est très agréable, semble-t-il -, et évidemment, les rend addicts très rapidement, ce qui est un gros problème de santé publique.

Quant aux adultes, les tabacologues auditionnés ont bien fait la différence entre les cigarettes électroniques rechargeables, qui peuvent être une alternative valable pour les gens qui essaient d'arrêter de fumer - j'en sais quelque chose - et les puffs, qui créent des problèmes environnementaux et sociaux. Je regrette à cet égard les actions de lobbying des cigarettiers. Ces derniers vendent un produit mortel et le savent ! Bien entendu, ils se défendent en disant: «Lorsqu'on donne des cigarettes, on prévient toujours que ça peut entraîner des conséquences négatives pour la santé.» Ça me fait doucement rigoler.

Quant à la clause d'urgence demandée, le groupe a décidé d'octroyer la liberté de vote, et à titre personnel, je la soutiendrai et vous encourage à faire de même. Merci.

Mme Jennifer Conti (S). Mesdames et Messieurs les députés, on l'a dit, ces produits, c'est une honte ! Ils sont conçus pour attirer les jeunes: ils sont roses, colorés et bon marché. En Suisse romande, une étude montre que depuis 2020, ils sont devenus la forme de cigarette électronique la plus répandue chez les jeunes. Au Royaume-Uni, leur consommation chez les 11-17 ans a triplé en deux ans. Chaque puff peut contenir jusqu'à l'équivalent de 150 cigarettes électroniques, et la dépendance est quasi immédiate à un âge où le cerveau est encore en développement. On sait que les coûts liés au tabagisme pèsent de plusieurs milliards sur notre système de santé.

En plus d'être une bombe au niveau sanitaire, ils sont une bombe écologique. On l'a vu en Suisse: 84 incendies liés aux batteries en lithium ont été recensés en seulement dix-huit mois entre 2023 et 2024. Cela représente près d'un feu par semaine dans les centres de tri et de recyclage. Genève en a fait les frais: un recycleur a subi deux incendies majeurs entre juin 2023 et août 2024. Outre les coûts, il faut aussi parler de la santé des travailleurs et travailleuses de ces lieux de recyclage, qui sont directement impactés par ces incendies.

Pour terminer, il est important de dire que c'est un marché totalement, mais totalement incontrôlable. La prolifération des puffs... Chaque semaine, de nouveaux modèles apparaissent; apparemment, on va même sortir des cure-dents contenant de la nicotine. C'est une véritable honte ! Le marché n'est pas du tout contrôlé. L'OMS le dit, la prolifération est anarchique. Aussi, pour protéger la santé des jeunes, nous vous incitons à faire comme la majorité de la commission de la santé, à savoir soutenir ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.) 

M. Lionel Dugerdil (UDC). Chers collègues, pour le groupe UDC, il est d'ordinaire interdit d'interdire. Néanmoins, compte tenu des problèmes de santé publique créés par ces puffs, des problèmes écologiques (les incendies dans les centres de tri, leur incinération après qu'ils ont été jetés à la poubelle et les problèmes de toxicité du mâchefer que cela engendre) et du fait que le metteur en marché se déresponsabilise totalement de l'un comme de l'autre, il nous paraît pertinent de légiférer. Dans notre groupe, nous avons décidé la liberté de vote sur ce sujet. A titre personnel, je soutiens non seulement ce projet de loi, mais également l'amendement Vert, et je demande à mon groupe de faire de même.

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, mon intervention a simplement pour but de rappeler que ce projet de loi ne vise pas à interdire la cigarette électronique: c'est effectivement un dispositif très utile, je pense qu'on l'a déjà dit, que l'on substitue à la cigarette pour que les personnes qui en ont besoin puissent recevoir à un moindre risque, voire avec une absence totale de risque pour la santé, les doses de nicotine nécessaires. Cet aspect-là de la cigarette électronique n'est pas du tout concerné par le projet de loi.

Pour répéter ce qui a déjà été dit, ce texte vise à interdire un dispositif très particulier, qui d'ailleurs à ma connaissance n'est ni produit ni commercialisé par l'industrie qui nous a écrit, puisque les puffs sont importés en grande partie de Chine. Sont visés ces dispositifs particuliers, parce qu'ils contiennent des produits (non seulement les doses de nicotine, mais aussi les additifs, les colorants, les arômes, etc.) qui ne sont pas contrôlés et puis surtout, évidemment, en raison du risque environnemental lié aux piles en lithium qu'ils contiennent. On voit aujourd'hui, du moins je le constate en me baladant dans mon quartier, des puffs abandonnés dans les préaux. En outre, les auditions que nous avons menées ont clairement indiqué que dans certaines circonstances, il suffisait d'un tout petit choc sur ces dispositifs pour qu'ils prennent feu; ils présentent donc une réelle dangerosité. Mon intervention avait pour but de bien clarifier les éléments.

Pour toutes ces raisons, le groupe PLR votera le projet de loi ainsi que la clause d'urgence, et pense que, dans le fond, ça fait office de réponse du berger à la bergère au courrier que nous avons reçu. Merci, Madame la présidente.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG est 100% en accord et en phase avec le projet de loi. Par contre, nous ne sommes pas d'accord de voter la clause d'urgence: je rappelle que ce texte a été déposé le 13 janvier, on n'est pas à quarante jours près. Pour nous, la démocratie doit rester ouverte et praticable par les uns et les autres, et nous faisons confiance à notre population pour qu'elle n'entre pas dans le jeu de participer à un référendum contre ce projet de loi. Bien au contraire, je pense qu'on doit être soutenu par la population. Nous sommes des représentants du peuple: comme ce parlement va voter ce texte à l'unanimité, j'ai de la peine à imaginer que quelqu'un va lancer un référendum puis qu'il récoltera le nombre de signatures nécessaire à la tenue d'une votation. Nous voulons que la population puisse se prononcer si elle le souhaite, parce que la démocratie, c'est la richesse de notre pays. Donc oui à ce projet de loi, oui à tous les arguments avancés par les uns et les autres, mais non à la clause d'urgence.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je lance la procédure de vote.

Mis aux voix, le projet de loi 13580 est adopté en premier débat par 88 oui contre 1 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 1 (souligné). 

La présidente. Nous votons à présent sur l'amendement de Mme Louise Trottet, dont je vous donne lecture:

«Art. 2 (souligné) Clause d'urgence (nouvelle teneur)

L'urgence est déclarée.»

Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 62 oui contre 20 non et 4 abstentions (majorité des deux tiers atteinte). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) ainsi amendé est adopté.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 13580 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 88 oui contre 1 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 13580