République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2217-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Non à la Voie Bleue à Corsier-Port, mais oui à la Voie Bleue au bon endroit
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 28 et 29 août 2025.
Rapport de majorité de Mme Uzma Khamis Vannini (Ve)
Rapport de minorité de M. Jacques Jeannerat (LJS)

Débat

La présidente. Nous poursuivons avec le traitement des urgences, en commençant par la P 2217-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à la rapporteure de majorité, Mme Uzma Khamis Vannini.

Mme Uzma Khamis Vannini (Ve), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Madame la présidente. Tout d'abord, je voudrais m'excuser pour une petite inadvertance dans mon rapport de majorité: je ne suis pas physionomiste et j'ai confondu M. Sylvain Thévoz avec M. Alexis Barbey ! (Rires.)

Une voix. Alors ça, il faut le faire ! Là, Sylvain, tu as marqué des points !

Mme Uzma Khamis Vannini. C'est bien sous les présidences de MM. Alexis Barbey et Sandro Pistis que les séances se sont tenues, avec les auditions suivantes. Tout d'abord, la commission a auditionné Mme Soulié et M. Jordan, pétitionnaires. La séance d'après, elle a entendu le magistrat, M. Pierre Maudet, ainsi que M. Benoît Pavageau, directeur des transports collectifs.

Ont ensuite été auditionnés: Mme Karine Bruchez, maire d'Hermance, M. Benoît Gaillard, président de la CGN, M. Frédéric Rochat, associé gérant de la banque Lombard Odier, M. Bernard Taschini, maire de Bellevue, et M. François Beetschen, ingénieur des ports au DSM. La séance suivante, la commission a procédé aux auditions de M. Christophe Baumberger, adjoint au maire de la commune de Corsier, et de M. Charles Lassauce, secrétaire général de la commune de Corsier.

Après les fêtes de fin d'année, nous avons poursuivi nos travaux avec l'audition de M. Pierre Corboud, archéologue et préhistorien, puis celle de M. Nathan Badoud, archéologue cantonal. Enfin, le 23 juin 2025, la commission a reçu Mme Alice André, responsable de la communication et du marketing, M. Pierre Baudet, directeur opérationnel... (Remarque. Rires.) Arrêtez de me faire rire, cher collègue ! ...et M. Romain Jordan, administrateur de Lakeway SA.

Pourquoi est-ce que je vous énonce tout ça ? Parce que toutes ces auditions nous ont permis de travailler à fond le dossier. D'ailleurs, vous avez vu que le nombre de pages du rapport est conséquent.

Une voix. 214 !

Mme Uzma Khamis Vannini. 214 pages, en effet ! Ce qu'il faut retenir, c'est également les annexes, qui sont très importantes. Une des premières questions qui s'est posée, c'est celle du site. Le site palafittique, inscrit au patrimoine de l'UNESCO, est-il suffisamment protégé ? (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Tient-on assez compte de ce site pour pouvoir aller de l'avant ?

Le deuxième élément qui a été pris en considération est la position de l'Office fédéral des transports. Là, suspense, je vous laisse sur votre faim...

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe. (Rires.)

Mme Uzma Khamis Vannini. Oui, je sais ! La majorité de la commission a choisi de renvoyer cet objet au Conseil d'Etat. Mais nous allons voir ce qui va en advenir suite au débat. (Exclamations.)

M. Jacques Jeannerat (LJS), rapporteur de minorité. Ce projet est original, audacieux, financé en grande partie par des privés, non invasif et précurseur ! De quoi s'agit-il ? De créer une ligne de bateaux pour transporter des piétons, seuls ou avec leur vélo, de Corsier à Bellevue et de Bellevue à Corsier. Genthod ! Excusez-moi, je me suis trompé ! Enfin, Genthod ou Bellevue... (Exclamations.) Peu importe ! (Commentaires.)

Nous avons constaté que les gens qui habitent sur une rive et travaillent sur l'autre n'auront pas besoin de passer sur le pont du Mont-Blanc, ce qui va réduire la circulation automobile entre la rive gauche et la rive droite, respectivement entre la rive droite et la rive gauche.

Ce projet est tout à fait intéressant et n'est pas invasif. Pourquoi ? Parce qu'il ne prévoit pas de construction de parkings. Par exemple, dans la zone du port de Corsier, les gens ne pourront accéder au débarcadère qu'en venant à pied, à vélo, en covoiturage (pour autant que la voiture reparte) ou en bus. Aucune place de parc n'est prévue !

Il s'agit donc vraiment d'un système moderne, dans l'air du temps... Comment on appelle ça ? ...de mobilité douce et incitatif ! C'est très intéressant. Les communes, aussi bien celles de la rive droite que celles de la rive gauche, étaient toutes favorables. Je dis «étaient», car après les élections, le point de vue de Corsier a un peu changé. Mais bon, voilà, toutes les communes avoisinantes du lac Léman sont favorables à ce projet.

Que demande la pétition ? Que le projet de la Voie Bleue soit repris par l'Etat de Genève. Mais l'Etat est déjà partie prenante puisque l'archéologue cantonal s'est prononcé favorablement quant au choix du port de Corsier, malgré le site palafittique. Il a émis des recommandations, sous forme de directives, que la CGN a acceptées.

Après le vote de la commission à la fin du mois du juin, l'Office fédéral des transports... Là, je donne une explication pour les gens qui ne sont pas des spécialistes: pour faire naviguer un bateau en Suisse sur le plan commercial, à savoir transporter des personnes ou des marchandises, il faut une autorisation, une concession de l'Office fédéral des transports.

A la mi-juillet, cet office a donné son accord, après avoir consulté l'Office fédéral de la culture, qui, interpellé quant à la présence d'un site palafittique, a rendu une réponse positive. Par conséquent, toutes les conditions sont réunies pour que ce projet, je le répète, original, audacieux, financé par des privés, non invasif et précurseur puisse prendre le large !

Je vous invite à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, pour montrer que nous avons fait le boulot. Grâce à l'énumération de toutes les auditions que vous venez de donner, chère collègue, on constate qu'on a fait le job. On ne va pas renvoyer ce texte au Conseil d'Etat !

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Jacques Jeannerat. Volontiers, Madame la présidente. Pourquoi ne faut-il pas le renvoyer au Conseil d'Etat ? D'abord parce que le gouvernement a répondu à des questions écrites urgentes que notre excellent collègue UDC Andersen a posées. Il a donc déjà pris position dans le cadre des réponses données à ces questions. Dès lors, il est inutile de lui renvoyer cette pétition. Il convient maintenant de la déposer sur votre bureau, Madame la présidente, et d'aller de l'avant, puisque dès le 15 septembre, on pourra naviguer et donc se déplacer en mobilité douce entre Genthod - ou Bellevue, comme vous voulez ! - et Corsier ! Merci.

Une voix. Bravo Jacques !

Mme Christina Meissner (LC). Si l'urgence a été demandée, c'est parce que la navette Corsier-Bellevue de la CGN débute à la mi-septembre, c'est donc bel et bien maintenant que nous devons nous positionner, surtout que nous avons effectivement fait le job en commission.

Je rappelle qu'il s'agit d'un projet expérimental, à un endroit pourvu d'un embarcadère et avec un bateau qui existe déjà. Ce n'est peut-être ni le meilleur des sites ni le meilleur des bateaux, mais ils ont le mérite de rendre possible un test consistant à vérifier si l'offre est en adéquation avec la demande. Sans test, il sera impossible de savoir s'il existe réellement un problème. Celui-ci pourrait venir du choix de l'emplacement ou du fait que le port est difficile d'accès, puisque les bus se trouvent en haut de la colline et non au niveau du quai. On verra aussi si le mouvement de ces bateaux de la CGN met en péril le site palafittique, alors même que des mesures d'évitement ont été préconisées et semblent être suffisantes.

La durée du test est de trois ans. Douze communes et une banque en assument le financement. Ce point a son importance, car la reprise par l'Etat de ce projet, comme le demande la pétition, aura forcément un coût pour le canton, ne l'oublions pas ! Puisque cela fait longtemps qu'on cherche une façon de traverser d'une rive à l'autre autrement qu'à la nage, n'est-il pas temps de se jeter à l'eau avec un bateau ? Le Centre votera pour le dépôt de cette pétition.

Cependant, un dernier élément mérite d'être relevé, à savoir le changement intervenu au niveau de la commune de Corsier. Elle s'oppose aujourd'hui à ce projet; le Conseil d'Etat ne peut pas juste dire que les discussions ont eu lieu et qu'il n'est pas nécessaire de revenir vers les autorités communales. Quoi que décide le canton s'agissant de mobilité ou d'aménagement, la concertation est nécessaire. Il devrait donc sans plus tarder discuter avec les nouvelles autorités de Corsier. Un accord n'est possible que si on se parle, c'est bien connu ! Merci.

La présidente. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. Wenger. (Un instant s'écoule.)

Une voix. On n'entend rien !

M. Thomas Wenger (S). Oui, c'était mon micro qui ne marchait pas ! Merci, Madame la présidente. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je souhaite revenir sur les auteurs de cette pétition et leur association intitulée «Sauvons la baie de Corsier». La personne qui porte ce texte est une dame qui habite au quai de Corsier et qui se trouve donc vraiment à deux pas du débarcadère d'où partira cette nouvelle Voie Bleue. On peut dès lors comprendre qu'elle ait un certain nombre d'inquiétudes.

Là où on comprend un peu moins, c'est que lors des auditions des trois pétitionnaires, on a constaté que l'un deux, qui est un avocat bien connu, est lui-même administrateur de Lakeway SA (c'est marqué comme ça dans le rapport). On se demande donc quel est le lien entre cette pétition et un administrateur de Lakeway SA. On se rend compte que cette société veut exploiter une marque qui s'appelle LX Lake Express, un projet privé de mobilité douce visant à relier les deux rives du Léman grâce à des catamarans électriques équipés de foils. Au fond, on réalise que le pétitionnaire qui a été auditionné a des intérêts dans une société qui développe un projet concurrent à la Voie Bleue, ce qui pose quand même un certain nombre de questions.

Pour revenir sur le projet en lui-même, il ne date pas d'il y a quelques années. Cela fait bientôt dix ans qu'on parle de relier les rives; au début, ce n'était pas via ce projet-là, mais avec une navette lacustre qui devait relier Anières à Versoix. Malheureusement, un référendum sur le financement a été lancé dans la commune d'Anières. Les référendaires ont demandé par courrier au maire d'Anières de l'époque de revenir avec un nouveau projet situé dans les communes de Corsier, Anières et Hermance.

Cela a été fait à partir de 2020-2021, pour finalement arriver à ce projet de Voie Bleue, qui a la concession de l'Office fédéral des transports, cela a été dit, et qui sera inauguré le 15 septembre. Il réunit douze communes, la CGN et des sociétés privées, dont une grande banque qui va accueillir près de deux mille collaboratrices et collaborateurs; il est donc bénéfique de leur offrir une alternative de transports publics.

Ce projet est soutenu par le canton. Il y aura de la place pour les vélos et les trottinettes, en plus des 80 places pour les passagères et les passagers. C'est une nouvelle voie lacustre, un nouveau transport public, qui devrait accueillir 60 000 personnes par année. Est-ce qu'on veut que ces personnes, au lieu de prendre cette navette, fassent le tour avec leur voiture par le pont du Mont-Blanc ? Ce n'est en tout cas pas la politique que souhaite le groupe socialiste.

Et puis, par rapport à l'accès au débarcadère, comme cela a été dit, cela pourra se faire via les transports publics. Il y a plus de 18 bus aux heures de pointe (entre 6h et 8h ainsi qu'entre 16h et 18h) qui desservent l'arrêt Corsier port. Il y a aussi des pistes cyclables, et on peut également s'y rendre en trottinette ou à pied, bien entendu. Il n'y aura pas de parking. Pour ce qui concerne les transports, ce projet ne posera donc pas de problème pour Corsier, ni de l'autre côté pour Bellevue.

Par conséquent, le groupe socialiste ne soutient pas le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Nous sommes d'avis qu'il faut la déposer sur le bureau du Grand Conseil, afin de ne pas envoyer le message que le parlement refuse de soutenir cette Voie Bleue. Le groupe socialiste appuie ce projet et cet essai. J'espère qu'une majorité de ce Grand Conseil soutient toujours ces projets permettant d'aller vers une mobilité plus durable. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, une fois n'est pas coutume, le groupe des Vertes et des Verts a décidé de soutenir non seulement une banque, mais aussi la traversée du lac ! (Rires.) Plaisanterie à part, nous avons examiné cette pétition lors de notre caucus et avons décidé en majorité de suivre la minorité, c'est-à-dire de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Comme cela a été dit, la concession fédérale a été reçue et l'exploitation débutera bientôt. Il ne nous semble pas utile de mettre des bâtons dans les roues d'un projet qui est en marche - ou qui est mis à flot, si vous préférez ! Nous soutiendrons donc la mise en place de cette Voie Bleue en tant que projet pilote. Nous sommes conscients que tout n'est pas parfait en l'état et appelons donc à faire évoluer cette liaison. La transition vers un bateau électrique est bien entendu souhaitable. Une autre place d'amarrage sur la rive gauche doit être envisagée et éventuellement construite, mais cela prend du temps.

Nous estimons qu'il est important qu'une liaison soit mise à disposition des employés de la banque Lombard Odier dès son ouverture. Les habitudes de mobilité doivent être prises dès le départ, après il est plus difficile d'en changer.

Comme chacun le sait, le U lacustre est déjà passablement encombré. Si on peut le décharger de quelques centaines de voitures, ce sera toujours ça de pris. Le bilan carbone de l'opération se discute: même avec un bateau diesel prévu dans une première étape, la compensation par rapport à la baisse de circulation sur le U lacustre est à peu près neutre dans cet état.

Nous relevons aussi avec plaisir que 40 places seront disponibles pour les vélos. Ce chiffre est quand même assez exceptionnel, même dans un bus vous n'en trouvez pas autant ! Le fait qu'elles soient si nombreuses dans un bateau est un élément extrêmement utile, qui permettra aux usagers de poursuivre aisément leur parcours vers les communes de la rive gauche, en allant d'Hermance à Puplinge, ou de la rive droite, en allant de Versoix à Chambésy.

Halte à l'immobilisme ! Le test est prévu pour trois ans et devrait débuter le 15 septembre. La gratuité de ce dispositif jusqu'en décembre a été annoncée. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. (Applaudissements.)

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, rappelons qu'à l'origine de ce projet, il y a évidemment une banque, mais avant d'être une banque, c'est un employeur important. Il y a aussi un partenaire associé, le groupe Richemont, qui est effectivement une multinationale, mais également un employeur important. Ces deux structures se sont employées à répondre aux injonctions, aux demandes, aux invitations formelles de la LMCE, en mettant en place un plan de mobilité pour leurs équipes au sein duquel l'accent est mis sur la mobilité douce, c'est-à-dire les vélos et le Léman Express.

Evidemment, en reprenant les contours du Léman Express et en tenant compte des lieux d'habitation de leurs employés, ils ont constaté que toute une partie du canton n'était pas facilement accessible, à savoir celle dont on parle, soit les rives qui vont de Vésenaz jusqu'en France, également en direction des Voirons. Je pense qu'il faut saluer leur initiative qui consiste à réhabiliter les voies de communication professionnelles, à savoir les transports publics lacustres, pour les bicyclettes. C'est de ça qu'il s'agit. Cela s'inscrit dans leur plan de mobilité pour leurs employés, et c'est cette vision qui les a animés.

A partir de ce moment, ils ont bien entendu constitué un comité de pilotage. Assez rapidement, ils se sont entendus pour dire: «Au fond, on ne sait pas à quoi on va s'exposer. Il faut donc qu'on fasse les choses du mieux possible, mais avec le moins d'investissement au départ, parce que si au bout d'un certain temps on s'aperçoit que le modèle ne fonctionne pas pour différentes raisons, il vaut mieux ne pas avoir lancé le projet avec des investissements trop importants.»

C'est la raison pour laquelle ils ont cherché un point d'ancrage. Le site le plus fiable (qui n'était par ailleurs peut-être pas l'emplacement idéal en fonction du tracé), c'était Corsier. Evidemment, la compagnie qui était immédiatement disponible pour fournir un bateau facilement aménagé pour transporter lors de chaque trajet 40 cyclistes, c'était la CGN. C'est ainsi que le projet a été monté.

D'emblée, le comité de pilotage a été extrêmement attentif à différents aspects, notamment le fait d'éviter les nuisances pour la circulation des riverains et de protéger le site palafittique. En effet, ils ne nous ont pas attendus pour s'assurer que le tracé de circulation des bateaux respecte ce site.

Mesdames et Messieurs, nous sommes face à une idée originale et généreuse. Il s'agit d'un projet expérimental, cela a été dit. Nous devons soutenir ce test, afin de pouvoir évaluer le modèle et, on l'espère, choisir demain le meilleur tracé avec un bateau électrique - peut-être d'ailleurs qu'il y aura différentes options pour ce qui est du parcours. Par conséquent, encourageons ce projet et déposons cette pétition sur le bureau du Grand Conseil ! L'inauguration a lieu le 15 septembre à 8h30 à Bellevue; nous sommes tous invités à réaliser quelques trajets d'essai gratuits. J'espère que nous nous y retrouverons, dans la joie et la bonne humeur ! Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Michael Andersen (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, la pétition que nous examinons aujourd'hui ne s'oppose pas au principe d'une traversée lacustre, je crois que cela a été dit. Bien au contraire, elle reconnaît la pertinence d'une telle traversée et son intérêt pour la mobilité, mais elle dit clairement une chose: la Voie Bleue ne doit pas se faire à Corsier, car c'est le mauvais endroit avec les mauvais moyens !

Pourquoi ? Tout d'abord parce que la baie de Corsier est un cadre unique. En plus d'abriter un site palafittique classé à l'UNESCO, c'est un lieu où se déroulent de nombreuses activités nautiques qui l'animent: voile, aviron, paddle et baignade. Sur le plan de la mobilité, Corsier est tout simplement mal desservi: une seule ligne TPG, un arrêt avec une pente à 400 mètres pour rejoindre le quai, aucune infrastructure adaptée aux personnes à mobilité réduite, une piste cyclable discontinue, un chemin d'accès étroit sans possibilité de dépose-minute. Résultat, ce projet conduira inévitablement à du trafic supplémentaire et à du parking sauvage. Ajoutons que cette traversée qui relie Corsier à Bellevue est plus longue que celle qui partirait d'autres sites, comme Cologny, augmentant ainsi l'empreinte carbone et réduisant l'efficacité de ce trajet.

De plus, ce projet est mal ficelé économiquement et politiquement. Il a été initié par une banque privée pour ses propres employés, comme cela a été relevé. Pourtant, c'est le public qui paierait l'essentiel de la facture, contrairement à ce qui a été dit par le rapporteur de minorité - qui semble être devenu rapporteur de majorité; c'est ce que je comprends ! Une garantie de déficit de 1 à 1,2 million de francs par an serait à la charge des communes, alors que la contribution privée est marginale.

A titre anecdotique, je vous invite également à consulter le rapport de la CGN, notamment en ce qui concerne ses actionnaires. Vous découvrirez des choses très intéressantes, mais je ne suis pas là pour vous les donner ce soir !

Par ailleurs, entendre que ce projet... Enfin, que le public... C'est une information complètement erronée. Si on s'intéresse maintenant au nombre d'usagers: au départ, on parlait de 1700 personnes, et aujourd'hui, selon les derniers rapports, on nous indique que ce sera 125 personnes. M. Wenger est en train de nous dire qu'avec ces 125 personnes, le U lacustre sera modifié et qu'on va pouvoir traverser le pont du Mont-Blanc de manière plus rapide et plus efficace ! On se réjouit !

Enfin, comme cela a été souligné par les Verts, un vieux bateau à diesel de la CGN serait utilité. Il consommerait 64 000 litres pour transporter une poignée de passagers. On peut dès lors douter de l'efficacité de ce mode de transport. Ce choix est d'autant plus incompréhensible que les Mouettes genevoises n'ont même pas eu la possibilité de répondre à un appel d'offres, alors que leur directeur a confirmé en commission qu'elles pouvaient parfaitement adapter ou transformer leurs bateaux pour assurer cette traversée. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il existe donc des alternatives bien plus cohérentes. Cela a été dit, la commune de Cologny est prête à accueillir cette traversée au débarcadère de la Tour carrée, avec un meilleur accès aux transports publics.

Pour finir, je suis pour le moins surpris des interventions du parti socialiste et des Verts, qui reviennent sur leur position en commission, alors même que nous sommes en train de parler d'un projet qui bénéficie principalement à quelques personnes, souvent attaquées par ces mêmes groupes, notamment du point de vue fiscal.

Quant au PLR, je peux comprendre sa division en commission, très vite édulcorée par des intérêts privés qui priment sur les intérêts publics, tant que cela bénéficie à son propre électorat, voire ses finances, ce qui est cocasse quand on sait que l'exécutif de la commune de Corsier, à majorité PLR...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Michael Andersen. ...très bien complété par un magistrat UDC - le premier du canton ! -, s'oppose fermement à cette Voie Bleue.

Mesdames et Messieurs, la Voie Bleue peut être une belle idée, mais à Corsier elle devient un projet déstructuré et coûteux, au service d'intérêts privés. C'est pour toutes ces raisons que nous vous invitons à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. (Commentaires.)

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la Voie Bleue, c'est la Genève qui perd, qui oppose les riches aux pauvres. Et vous pensez bien que nous, nous ne sommes pas d'accord avec cela, car nous aimons autant les riches que les pauvres. (Rires.) C'est bien connu, nous sommes le Mouvement Citoyens Genevois ! (Commentaires.) Vous pouvez rire, mais pour la mobilité, on sacrifie l'environnement, le lac de Genève et l'opportunité de valoriser enfin ce plan d'eau magnifique. (Remarque.) Oui, je pense aussi, c'est vrai ! (Rires.) On sacrifie donc notre environnement et ce plan d'eau magnifique pour une banque privée, ou plutôt pour certains actionnaires ! Voilà ce qui est moche dans cette histoire.

On a évoqué 60 à 65 tonnes de carburant. Moi, je parle de 80 tonnes de carburant pour se rendre au boulot en bateau; c'est tellement plus fun que de traverser le pont du Mont-Blanc avec la circulation et le trafic incessant qu'on connaît, c'est une réalité !

Et puis il faut aussi mentionner le site palafittique qu'on sacrifie. Ce site est exceptionnel, d'ailleurs il faut en appeler à M. Pierre Corboud, remarquable spécialiste de ce lieu protégé mondialement par l'ONESCU... L'UNESCO, excusez-moi de ce lapsus ! (Rires.)

Monsieur Wenger, vous avez la mémoire courte et vous êtes peu reconnaissant, mais ce n'est pas grave ! Je le redis, ce projet, c'est la Genève qui perd ! L'architecte cantonal aurait dû être entendu, il ne l'a pas été; c'est une erreur de la commission. Il a totalement manqué à l'évaluation de ce dossier. Je pense donc qu'il faut tout simplement renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Merci, Mesdames et Messieurs les députés.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. J'ai suivi avec beaucoup d'attention ce débat. J'aimerais remercier le dernier préopinant, parce que ça faisait des années que je cherchais une contrepèterie sur l'UNESCO, et vous nous l'avez offerte ! (Rires.)

Je serai très bref, parce qu'il s'agit d'une pétition - non qu'il faille prendre à la légère les pétitionnaires, ce type d'objet a cette vertu d'attirer l'attention sur un potentiel problème, de permettre un débat et d'en connaître le dénouement. On verra dans quelques instants si l'issue du débat est un dépôt sur le bureau du Grand Conseil ou un renvoi au Conseil d'Etat.

Dans cette affaire, le Conseil d'Etat a eu une position plutôt neutre. Celle-ci consiste d'abord à dire que nous disposons d'un plan d'eau magnifique, qui n'est pas valorisé tout à fait correctement sous l'angle des transports. Là, nous rejoignons plusieurs personnes qui se sont exprimées sur l'argument de délester, modestement, mais autant que possible, le pont du Mont-Blanc de toutes les personnes qui y passent et qui peuvent emprunter une autre voie, navale par hypothèse. Ces solutions sont les bienvenues, mais évidemment, et je rejoins le député Andersen, ce n'est que le début.

Dans les semaines à venir, le Conseil d'Etat aura l'occasion de présenter un plan plus ambitieux, qui permettra de penser non pas en termes d'alternatives, mais dans une logique cumulative, la possibilité, ici avec les Mouettes, là avec des acteurs privés - nous ne sommes pas fermés à la présence d'autres intervenants, il faut juste, effectivement, que les intérêts soient clairement posés -, d'une intensification de l'usage du plan d'eau. Cela pourrait se faire pour rallier les deux rives - à Genève, on n'est parfois ni riche ni pauvre, si on a bien suivi, et on n'est aussi ni de gauche ni de droite, on pourrait être tout à la fois avec ces différents projets - ou pour rallier le centre-ville aux bords du lac un peu plus loin. Je pense ici évidemment à la rive droite en particulier.

Tout ça pour dire, Mesdames et Messieurs les députés, que si vous déposez cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, nous le prendrons comme un encouragement, en respectant une certaine neutralité, parce que nous sommes l'autorité régulatrice avec l'OFT, à poursuivre nos investigations sur l'intensification de l'usage du plan d'eau, si possible à terme dans la communauté tarifaire, dans une logique d'accessibilité - je n'ai pas dit gratuité, mais accessibilité - et de facilitation. Qui sait, peut-être que cela permettra d'avoir dans quelques années ce que d'autres lacs de Suisse connaissent déjà, à savoir une véritable intensification du franchissement du plan d'eau. Voilà, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de passer au vote.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2217 au Conseil d'Etat) sont rejetées par 61 non contre 22 oui et 6 abstentions.

Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2217 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 84 oui et 4 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

La présidente. Avant de passer au prochain point, je souhaite un joyeux anniversaire à notre collègue Romain de Sainte Marie. (Vifs applaudissements.)