République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 20 juin 2025 à 8h
3e législature - 3e année - 2e session - 9e séance
PL 13621-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
La présidente. Nous reprenons nos travaux avec les états financiers. Pour information, le temps total de débat pour les états financiers des entités du périmètre de consolidation est de septante minutes, soit sept minutes par groupe pour tous les objets qui sont soumis. Les interventions des députés sont limitées à cinq minutes et celles des rapporteurs à trois minutes. Les rapports de gestion déposés sont traités en même temps que les états financiers auxquels ils se rapportent. Nous commençons avec le PL 13621-A et le PL 13622-A portant sur les SIG. Je passe la parole à M. Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Madame la présidente. J'aimerais d'abord remercier les Services industriels pour la qualité de leur gestion.
Le premier élément qui apparaît, c'est une augmentation de la dette, mais, comme vous le savez, il s'agit d'une dette d'investissement et non de fonctionnement. Par conséquent, cela représente une augmentation, par la suite, du capital des Services industriels de Genève. Ce n'est pas ça qui pose problème.
Le deuxième débat qui a eu lieu en commission et qui est important a porté sur les fameux investissements actuels dans le réseau de chauffage provenant de l'extraction de l'eau du lac. Un débat se tient aujourd'hui à la commission de l'énergie autour de deux projets de lois, débat qui consiste à déterminer quelle est la meilleure méthode pour financer ce réseau, et une partie considère que le coût est trop élevé pour les utilisateurs. Tout le débat portera sur le fait que les SIG ont un coût d'investissement qui leur est propre; de ce fait, ceux qui devront se chauffer doivent payer un peu plus cher, aujourd'hui; à partir d'un certain temps, ce sera en diminution. Or, si c'était l'Etat qui avait fait le réseau primaire, les choses auraient été différentes. Ce qui peut arriver, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que, si les projets passent, le coût du chauffage diminuera. Les SIG seront alors en déficit et l'Etat devra peut-être renflouer les SIG. Voilà la question qui est posée; le débat se tient aujourd'hui à la commission de l'énergie et je pense que, tout au long de cette année, les choses seront liquidées.
Pour le reste, Mesdames et Messieurs, ces deux projets de lois ont été acceptés par la majorité de la commission. Merci, Madame la présidente.
M. François Baertschi (MCG). Contrairement à ce que dit le rapporteur, la situation des SIG est inquiétante pour les générations futures, parce que l'endettement qu'on est en train de créer va se chiffrer en milliards, qui seront payés par les générations à venir. Ce sont les contribuables, ce sont les consommateurs qui devront régler la facture. Or, celle-ci sera très lourde, et ce sans compter toutes les incertitudes liées à quelque chose d'extrêmement ambitieux, mais de très périlleux, car on ne connaît ni l'efficacité du système des réseaux techniques structurants ni tous les coûts de réparation de ces RTS - vous savez, ce qui bouche toutes les rues du canton de Genève. Nous allons véritablement droit dans le mur. Le MCG dit attention ! C'est une vraie catastrophe, et il ne faut pas se laisser abuser par les propos lénifiants du rapporteur. Merci, Madame la présidente.
M. Adrien Genecand (PLR). Le groupe libéral-radical rejettera ces deux projets de lois pour les raisons suivantes. Un peu comme l'année passée, pour la période 2023, les SIG n'ont en quelque sorte pas montré beaucoup plus d'honnêteté dans la production quotidienne. Je vais vous donner deux éléments pour lesquels il n'est, à mon avis, pas acceptable... Déjà à l'époque, ne serait-ce qu'à propos de la question des pertes réseau, notre parlement avait refusé les comptes 2023. Cette année, Mesdames et Messieurs, il y a deux éléments, dont le plus important est le fait (vous l'avez certainement appris) que la fixation du prix en général, pas la question des pertes réseau, est sujette à un litige devant la Commission fédérale de l'électricité, l'ElCom: celle-ci n'accepte pas le prix facturé aux Genevois par les SIG pour la période de 2013 à 2018. Ce qui se dit, c'est qu'il s'agit d'un montant de l'ordre d'une centaine de millions. On verra, peut-être que ça n'arrivera pas. Certes. Quoi qu'il en soit, ce montant n'est pas provisionné aux comptes.
Mesdames et Messieurs, pensez que si, par hasard, les SIG perdent devant notre juridiction fédérale, on aura une centaine de millions à retrouver, et ça ne concerne que la période 2013-2018, il faut donc partir du principe que pour la période allant de 2018 à aujourd'hui, ça ne fonctionne pas mieux, parce que les mesures n'ont probablement pas changé. Ça veut dire qu'on a dans la chaussure un caillou d'une centaine de millions. Si vous regardez ce qui est produit aux comptes et ce dont les SIG auront besoin en général pour traiter de la question des réseaux thermiques structurants, vous constaterez qu'il s'agit d'une somme colossale. C'est la première raison pour laquelle je vous encourage à refuser les comptes 2024 des SIG. Sans cela, vous donnez, toujours à mon avis, une forme de blanc-seing très dangereux à l'entité surveillée, qui, du coup, pense pouvoir continuer à faire un peu comme elle veut.
Le deuxième élément porte sur la fixation des prix. On l'a relevé à propos des réseaux thermiques structurants et lors des débats dans ce parlement, et on l'a lu sous la plume d'une éminente juriste de l'ASLOCA dans le journal de l'association, il n'est pas acceptable que ce soit aux locataires de payer. Contrairement à tout ce qui a été dit... Nous étions malheureusement les seuls à nous opposer à la proposition d'octroyer le monopole aux SIG dans le domaine des réseaux thermiques structurants, et nous avons perdu devant le peuple haut la main. Il faut se rappeler que tout avait été promis alors: on avait en effet garanti aux Genevois que ça ne coûterait pas plus cher et qu'en plus, ça se réaliserait facilement, avec une mobilité qui serait encore plus soyeuse qu'elle ne l'a jamais été. Or, le temps a démontré que c'était absolument faux.
Il est important, Mesdames et Messieurs, de donner un deuxième signal à propos des réseaux thermiques structurants: le prix ne peut pas et ne doit pas être payé par les locataires pour que les SIG puissent se verser eux-mêmes les salaires médians les plus élevés de l'administration et parmi les entités parapubliques. Ces salaires sont en effet au niveau de ceux de l'Université de Genève, alors que, je vous le rappelle, historiquement, la première fonction des SIG était d'aller relever les compteurs - je ne veux pas être insultant. La mission a évidemment changé, mais la médiane se situe quand même au même niveau que celle de l'Université de Genève. Cette entité a parfaitement compris qu'avec le monopole, elle peut très bien vivre. Comme les actionnaires - le canton et les communes - n'arrivent pas à s'entendre et que le client est captif, qui gagne ? Eh bien, c'est l'entité subventionnée. Voilà la seconde raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je vous encourage à refuser les comptes et la gestion des SIG. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, mon préopinant a déjà ouvert le feu s'agissant du problème des réseaux thermiques structurants. Cette question, récemment parue dans la presse, risque de nous coûter jusqu'à 80 millions, puisqu'il va falloir rouvrir 2,5 à 2,6 kilomètres. Ce problème ne date cependant pas de cette année: il semblerait qu'il était déjà présent les années précédentes. Pour exemple, dans le lac Léman vivent les moules appelées quagga, qui polluent le lac, vous le savez. Les SIG ont oublié d'utiliser ce qu'on nomme un racleur pour protéger ces fameux tuyaux qui font polémique en ce qui concerne les soudures. Comme le tuyau mesure environ 1,5 kilomètre et qu'il descend à 45 mètres de profondeur, il a fallu modifier la structure du Vengeron et la facture finale serait de l'ordre de 11 millions. Voilà où on en est. Mon préopinant Adrien Genecand l'a dit, ce n'est pas aux utilisateurs de payer la casse une fois de plus, et j'estime que chacun doit assumer. Il paraîtrait d'ailleurs que la direction générale des SIG soit décimée, puisqu'il y resterait deux personnes sur huit. Je pense que le nouveau président prend les choses à bras-le-corps pour faire, si j'ose dire, le ménage.
Je souhaite relever un autre point, qui concerne les déchets. Apparemment, aux Cheneviers, il existe ce qu'on appelle le code 40, qui permettrait à des entreprises de bénéficier de prix plus bas que toutes les autres; il s'agirait d'une espèce, comment dire ? d'arrangement pour les bons clients. Il y a donc inégalité de traitement. J'aimerais avoir des réponses, Monsieur le président, et si vous n'en avez pas, je déposerai des questions écrites urgentes, ce que je sais bien faire. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC refusera ces deux projets de lois. Je vous remercie.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Le feu est ouvert, comme on l'a clairement dit à l'instant. Pourquoi ? Parce que les SIG, vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, sont une entreprise très particulière: ils sont une entreprise de droit public qui jouit d'une situation de monopole sur un certain nombre de ses activités et qui, surtout, ne cherche pas à maximiser ses ventes, mais qui, tout au contraire, est un partenaire de l'Etat dans la transition énergétique et écologique. Au final, c'est une entreprise qui, du point de vue des consommateurs, fait très bien son métier, dans le sens où elle livre ses services sans discontinuité à des prix plus que concurrentiels.
Alors évidemment, quand on a pour dogme politique qu'on ne peut pas générer de l'efficacité ou de la qualité de vie sans concurrence, sans maximisation du profit et sans introduction du privé dans l'économie, cette réussite provoque une certaine frustration. On a entendu des propos parfaitement excessifs, on vient d'en entendre certains. On a aussi entendu un député insinuer dans les médias que l'installation de tuyaux non conformes par un sous-traitant était due au fait que trop de Verts siègent dans le conseil d'administration. On va suggérer à Mme Yunus Ebener ou à M. Zbinden de mettre leur casque de chantier et d'aller vérifier chaque soudure du chantier de la rue Pierre-Fatio ! Ça allongera le chantier de quelques semaines, mais on n'est peut-être pas à ça près, si l'on veut incriminer ses adversaires politiques. En outre, on vient à l'instant d'apprendre qu'ils devront aussi enfiler leur combinaison de plongée pour racler les moules quagga afin d'être sûrs que le travail a été bien fait ! C'est complètement ridicule, évidemment.
Il y a des difficultés - elles sont relevées par les médias avec énormément de complaisance, on imagine bien d'où provient l'information à laquelle la presse accède -, mais elles ont trait à l'opérationnel et sont somme toute assez communes. Elles sont certes regrettables, mais demeurent relativement fréquentes lorsqu'une entreprise d'une ampleur pareille doit évoluer dans un environnement urbain extrêmement dense et doit être à la pointe de l'innovation technologique.
Les RTS, c'est aussi cela, Mesdames et Messieurs: un chantier très important qui demande beaucoup d'investissements, cela a été relevé. Les investissements, donc la dette des SIG, ce n'est pas quelque chose de négatif, c'est du patrimoine qui appartient à l'entreprise et donc, par ricochet, à l'ensemble des citoyennes et citoyens de ce canton, et qui vise à assurer la transition écologique à laquelle le canton, les citoyennes et les citoyens aspirent.
Nous ne prétendons pas que tout va bien aux SIG: certaines choses dysfonctionnent - nous le savons, nous le disons, cela a été souligné. Le président du conseil d'administration prend des mesures, et nous nous en réjouissons. Néanmoins, nous refusons les propos excessifs, nous nous opposons à ce que le politique s'insère dans l'opérationnel et nous sommes très satisfaits, il faut le dire, des réponses de la directrice financière, qui fait preuve d'une excellente maîtrise de l'aspect financier et de l'aspect métier dans l'entreprise. Nous ne voyons aucune raison de rejeter ces deux rapports, que nous allons évidemment approuver. Je vous remercie.
M. Adrien Genecand (PLR). Le parallèle que voulait reprendre le député Nicolet-dit-Félix entre le nombre de Verts au conseil d'administration et la gestion des SIG, je le lui laisse. S'il a eu du plaisir à le refaire, c'est que vraisemblablement ça a touché juste quand mon collègue l'a fait.
Le troisième point concernant les SIG, en plus des autres... Je vous rappelle le premier: l'ElCom n'accepte pas la façon dont les SIG ont fixé leurs tarifs pour la période 2013-2018 (100 millions sont probablement en litige) et pour la période allant de 2018 à aujourd'hui (il y a également litige). Le deuxième point, c'est ce que je vous ai expliqué à propos de la fixation du prix des réseaux thermiques structurants. Troisièmement - c'est vrai qu'on aurait pu mettre en avant ce point, il y a eu tellement de choses durant l'année 2024-2025 pour les SIG, mais il s'agit de le dire une dernière fois -, on compte déjà 80 millions pour un des premiers tronçons. Néanmoins, nous sommes obligés de refaire ce tronçon d'autoroute, ce qui engendre un nouveau coût de 80 millions que l'on devra chercher à un moment où un autre. Je pense qu'il est de notre devoir, Mesdames et Messieurs, de dire non aux comptes 2024, pour envoyer un signal aux SIG indiquant que la façon dont cette entreprise a été gérée ne nous convient pas. Je vous remercie.
M. François Erard (LC). Chers collègues, c'est vrai que l'année 2024 a été passablement mouvementée pour les SIG, avec différents éléments et faits qui ont été largement répercutés dans la presse. Je relève quand même que la gouvernance actuelle des SIG a tenu compte des diverses propositions émanant de la Cour des comptes et des audits internes et qu'en 2024, les SIG se sont dotés d'une nouvelle stratégie. Celle-ci vise à ce que cette entreprise industrielle soit au service - je le répète: au service - de ses clients, particuliers, collectivités, etc. Cela étant dit, il est vrai que la situation financière des SIG demeure préoccupante: leur exercice est déficitaire.
Quant à ce qu'a déclaré mon collègue Baertschi - vous transmettrez, Madame la présidente -, des investissements sont en effet effectués: 275 millions sont investis, et ce principalement pour la transition énergétique. Ce n'est ni de l'argent dilapidé ni servant au fonctionnement, c'est véritablement de l'investissement, et je crois qu'il est absolument nécessaire: on ne peut pas investir dans cette transition sans mettre de l'argent. Je dirais que la situation n'est pas catastrophique, il est à mon avis important que cette transition énergétique soit faite en bonne et due forme.
Pour terminer, je relève qu'en tant qu'auditeur, on l'a dit... Les SIG doivent travailler avec trois systèmes comptables distincts: IPSAS, Swiss GAAP RPC et IFRS (ce sont des référentiels). Or, quand on est spectateur-auditeur en commission, il n'est pas toujours facile de s'y retrouver, parce qu'il existe des règles très différentes. Toutefois, comme on l'a souligné, la directrice financière agit avec maestria dans ce domaine.
J'ajoute un dernier point, qui concerne les crédits alloués aux SIG. C'est vrai que la quasi-totalité de l'enveloppe financière et des investissements de 500 millions accordés par le Conseil d'Etat jusqu'en 2026 est quasiment épuisée, et qu'il ne restait plus que 50 millions à la fin de l'année 2024; il faudra donc effectuer de nouvelles demandes. Je répète: la situation financière est précaire, mais pas désespérée, et je crois que cette entreprise s'est maintenant dotée d'une nouvelle gouvernance, qui devrait faire face avec maestria aux défis à venir. Pour ces raisons, Le Centre vous propose d'accepter ces deux rapports. Je vous remercie.
Mme Caroline Renold (S). Nous sommes tous d'accord sur un point: la mission des SIG est fondamentale, et la transition énergétique ainsi que la lutte contre le réchauffement climatique qui l'accompagne représentent un des énormes chantiers pour les prochaines décennies. Le parti socialiste aimerait souligner que c'est uniquement parce que les SIG constituent une entreprise publique que nous pouvons avoir tous ces débats, que nous pouvons discuter et examiner les questions de tarification: nous ne pourrions absolument pas nous pencher sur celles-ci s'il ne s'agissait pas d'une entreprise publique avec la responsabilité et les obligations de transparence qui lui incombent. C'est pourquoi le parti socialiste est très content que les débats puissent continuer dans l'arène parlementaire.
De même, nous sommes très heureux de savoir que les bancs de droite nous rejoignent sur la considération suivante: ce n'est pas aux locataires seuls de payer la facture de la transition énergétique, dans la mesure où cette transition bénéficie à toutes et à tous. C'est notamment pour cette raison que, comme l'a relevé M. Genecand, l'ASLOCA s'oppose à ce qu'un rendement soit facturé aux locataires, puisque les fonds propres sont uniquement les factures réglées par les consommateurs.
Cela étant, des investissements conséquents sont effectués et d'énormes chantiers ouverts. Or, ce parlement, qui a soutenu les réseaux thermiques structurants, ne pouvait pas ne pas savoir que d'immenses chantiers qui impacteraient la circulation dans la ville et les comptes des SIG seraient menés. Nous devons nous montrer responsables et l'assumer. D'ailleurs, les SIG ont accepté leur responsabilité en annonçant qu'ils allaient changer les tuyaux défectueux venant de sous-traitants. Je vous rappelle que ce n'est pas la première fois que survient ce genre de problème. On rencontre en effet le même problème dans le tunnel du Gothard: des tuyaux de canalisation défectueux fournis par des sous-traitants vont entraîner de gros travaux. Ce problème va malheureusement avec la sous-traitance, la concurrence internationale et les marchés publics qui forcent les entreprises publiques à choisir les offres les moins chères et les entreprises à diminuer leurs prix. Il n'y a pas de miracle: au bout d'un moment, si l'on contraint tout le monde à baisser les prix, on a de la sous-traitance et moins de contrôles sur la qualité.
Nous estimons qu'il est fondamental que ces questions puissent être examinées dans l'enceinte parlementaire, notamment celle des tarifs, étudiée actuellement au sein de plusieurs commissions. Le parti socialiste approuvera les comptes et le rapport de gestion des SIG. Je vous remercie.
La présidente. Merci bien. La parole revient au rapporteur, qui parle sur le temps de son groupe.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Le débat est un peu byzantin. En réalité, la question est la suivante: qui doit payer ? C'est un réseau public, et que ce soit les SIG ou l'Etat, de toute façon un des deux doit le faire. Que peut-il se passer ? On peut dire aux SIG: «Baissez les prix.» Que vont faire les SIG ? Ils répondront: «Bon, d'accord, si la majorité du parlement veut que l'on diminue les prix, on les baissera.» Ensuite, ils seront déficitaires. Qui devra l'assumer ? L'Etat ou les SIG, qui devront alors s'endetter. Quoi qu'il en soit, c'est un débat byzantin, parce que ce sont des deniers publics qui doivent financer ce réseau, Mesdames et Messieurs les députés - voilà la question.
C'est pour ça que j'étais personnellement d'avis - et je le suis toujours - que le réseau primaire, je dis bien primaire, devant à terme arroser toute la république, doit être un réseau d'Etat financé par les impôts, comme on le fait pour des travaux, pour les routes, etc. Le réseau secondaire, quant à lui, doit être assumé par les SIG. Mais les choses ne vont pas être faites ainsi. Alors qu'est-ce qu'il peut se passer ? Je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés, on peut très bien exiger que les SIG baissent leurs prix, mais ils seront déficitaires. Vous le savez, ce n'est pas une entreprise privée avec des marchés, mais publique, elle sera alors à un moment donné obligée de demander à l'Etat de combler son déficit. Voilà la question.
C'est pour ça que je disais, Mesdames et Messieurs les députés, que c'est un débat byzantin. De toute manière, il s'agit de deniers publics et le coût n'est pas mis en question. On aurait pu discuter des coûts de ce réseau (étaient-ils surdimensionnés ou surfaits ?), mais le débat n'est pas là. Il porte sur la question suivante: qui doit financer et qui doit payer ? Comme c'est toujours un réseau public, ce sont toujours les citoyens. C'est un débat qui se tient, aujourd'hui, à la commission de l'énergie, et j'espère, Mesdames et Messieurs, qu'on pourra arriver, les uns et les autres, à un accord. Merci, Madame la présidente.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites. Il existe néanmoins un phénomène intéressant: des députés semblent apprendre une information quand elle paraît dans la presse, alors qu'elle figure depuis des années dans les rapports de gestion, qu'ils n'ont visiblement pas lus. C'est le cas du différend des SIG avec l'ElCom: cela fait des années que c'est posé et que c'est géré par le conseil d'administration. Je dois dire que je n'ai pas d'avis personnel sur ce sujet, tellement c'est technique et juridique. Le contentieux avec l'ElCom est acté et figure dans des rapports que vous avez validés toutes ces dernières années. Mais c'est très bien, c'est peut-être le rôle des journalistes que d'aborder parfois des sujets pour que les députés siégeant dans les commissions idoines puissent se rendre compte des objets qu'ils ont validés tout au long de leur mandat !
Il en va de même s'agissant du code 40 évoqué par M. Ivanov. On en a parlé à plusieurs reprises dans les médias. Effectivement, un prix est fixé par les Cheneviers depuis des dizaines d'années pour les recyclages genevois. C'est une manière de structurer le marché en tenant le raisonnement suivant: «Si vous amenez de la matière que vous avez fait l'effort de recycler, vous avez un avantage économique par rapport à ceux qui amènent de la matière qui n'a pas été recyclée.» C'est extrêmement vertueux. (Remarque.) C'est donc ce code 40, demandé par les milieux économiques, par la FER et notamment les organisations derrière ces recycleurs, qui repose effectivement sur une base légale ténue, qui se justifie économiquement sans problème, mais pour lequel nous avons déjà convenu avec eux que nous devons aller de l'avant dans le cadre de la nouvelle loi sur les déchets. Là encore, aucune rumeur, aucune chose secrète, on en a même parlé, sinon dans ce parlement, du moins en commission.
Pareil pour les réseaux thermiques structurants, Mesdames et Messieurs les députés. C'est du reste intéressant, les propos sont complètement contradictoires. D'une part, le MCG s'écrie: «Ouh, attention à l'endettement !» D'autre part, on nous dit: «Selon le surveillant des prix, il faut diminuer les prix. L'entreprise devra alors davantage s'endetter.» Qu'est-ce qu'on doit faire ? Fournir à l'entreprise les moyens de rembourser son investissement, ou au contraire, baisser les prix au point qu'un endettement serait effectivement, Monsieur Baertschi, tellement élevé qu'à la fin, il devrait être épongé par les propriétaires, à savoir l'Etat de Genève et les communes ? Voilà la quadrature du cercle.
S'agissant des réseaux thermiques structurants, on a clairement annoncé que 250 kilomètres de tuyaux devaient être posés dans les sols, et je rappelle pour ceux qui font mine de le découvrir maintenant qu'on en a déjà déposé 120. Soit dit en passant, sur les 250 chantiers ouverts aujourd'hui dans la république, combien sont liés aux RTS ? (Remarque.) Parmi les 250 chantiers ouverts qui touchent la circulation, combien sont liés aux RTS ? Est-ce que vous avez posé la question ? (Un instant s'écoule.) Personne ne le sait. C'est intéressant, parce que tout d'un coup, les RTS semblent l'alpha et l'oméga de la mobilité à Genève, et personne n'a objectivé en quoi les chantiers RTS pouvaient avoir un impact sur la mobilité par rapport à l'ensemble des autres chantiers, notamment les chantiers privés.
Pour revenir aux RTS, Mesdames et Messieurs, c'est un investissement dans la souveraineté énergétique. J'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer au sein de cet hémicycle, la Suisse dépense 10 milliards de francs chaque année pour acheter du mazout, du pétrole et du gaz à l'étranger. Est-ce que les souverainistes de ce parlement ne trouveraient pas plus intéressant d'investir cet argent dans les PME locales en le consacrant à l'indépendance énergétique et à la production locale d'énergie ? Voilà en effet ce qui se joue.
Après, certains journalistes s'exclament: «Mais c'est horrible, on doit placer des tuyaux dans les sous-sols !» A les suivre, les gens n'auraient toujours pas d'eau courante, on n'aurait pas d'électricité - ou on aurait des pylônes ou autres - parce qu'au XIXe siècle, on n'aurait pas installé de tuyaux dans les sous-sols. Les SIG sont chargés de notre sous-sol, Mesdames et Messieurs les députés, et ce depuis des décennies ! Pour le bien commun ! Donc, cette critique consistant à faire mine de tout d'un coup découvrir que les SIG creusent effectivement des trous pour entretenir les conduites de gaz, pour permettre la télécommunication, en lien avec Swisscom, pour permettre les réseaux d'eau, l'évacuation d'eau et demain les réseaux thermiques... C'est la même philosophie depuis le XIXe siècle: tout cela a toujours été fait au service de notre économie, de notre prospérité. Donc, à un moment donné, il faut savoir ce que l'on veut. Le Conseil d'Etat est clair: les SIG représentent le bras industriel de l'Etat. Il en va des réseaux thermiques comme des réseaux d'eau et des réseaux d'électricité: le progrès est continuellement passé par des logiques de réseau. A Genève, on a toujours demandé aux SIG d'effectuer les travaux pour nous, pour notre bien-être. C'est donc un investissement pour les générations futures.
Bien sûr, qui dit chantier dit risque de sous-traitance. En ce qui concerne les 80 millions des tuyaux au bord de l'aéroport, le premier responsable est le sous-traitant. Pourtant, on en parle comme si c'était aux contribuables d'éponger cette somme. Je suis désolé - certains députés font semblant de découvrir comment fonctionne le marché de la sous-traitance -, mais il est évident que quand un sous-traitant pose du matériel défectueux, c'est à lui de le changer, et je pense bien que l'entreprise se battra devant les tribunaux pour faire admettre que le coût de remplacement de ces tuyaux ne doit pas être à sa charge, mais à celle du sous-traitant. (Remarque.)
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, il y aurait encore beaucoup à dire, et ce n'est pas le lieu. Cependant, je pense qu'au bout d'un moment, il faut sortir de cette cabale politique permanente contre les SIG et considérer que cette entreprise gère un milliard de francs, gère des chantiers et se situe dans le volet industriel de l'action publique. Les chantiers, c'est compliqué et incertain, mais ils constituent un défi indispensable pour notre république. Cette entreprise n'est certes pas exempte de défauts et des améliorations doivent y être apportées, on l'a dit, mais globalement, on a l'électricité au prix le plus bas de Suisse, un réseau d'alimentation d'eau en service, des tuyaux qui fonctionnent et de bonnes prestations des SIG - je crois que la population n'a pas à s'en plaindre. Nous devons accompagner cette entreprise avec un esprit critique, mais en gardant en tête qu'elle travaille pour le bien public. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote sur ces projets de lois.
Mis aux voix, le projet de loi 13621 est rejeté en premier débat par 46 non contre 34 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, le projet de loi 13622 est rejeté en premier débat par 49 non contre 35 oui et 2 abstentions.