République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 juin 2025 à 17h
3e législature - 3e année - 2e session - 7e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de Mme Ana Roch, présidente.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Thierry Apothéloz, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers, Nathalie Fontanet et Carole-Anne Kast, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Anne Hiltpold, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Joëlle Fiss, Arber Jahija, David Martin, Pierre Nicollier, André Pfeffer, Skender Salihi et Geoffray Sirolli, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Sebastian Aeschbach, Céline Bartolomucci, Rémy Burri, Stéphane Fontaine, Philippe Meyer et Vincent Schaller.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du deuxième débat
E - ENVIRONNEMENT ET ÉNERGIE
La présidente. Mesdames et Messieurs, nous poursuivons le traitement des comptes avec la politique publique E «Environnement et énergie». La parole revient à M. Seydoux... qui doit d'abord récupérer son badge. (Un instant s'écoule.) Voilà, allez-y, Monsieur.
M. Laurent Seydoux (LJS), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vais simplement vous dire que la commission, à l'unanimité, vous encourage à voter cette politique publique.
Juste un petit point pour information: dans son ensemble, l'énergie consommée à Genève est composée pour 18% de renouvelable, dont 50% d'hydraulique, et pour 82% de non renouvelable, dont 40% pour le chauffage (gaz, mazout) et 32% pour les déplacements (carburant). Merci, Madame la présidente.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Lors d'une réunion conjointe de la commission de l'énergie et de celle des finances, nous avons reçu les SIG pour une audition qui s'est révélée intéressante; nous avons notamment évoqué la faible rentabilité de cette régie ainsi que l'augmentation de son endettement, ce qui, de notre point de vue, est assez inquiétant. En effet, on risque d'hypothéquer notre avenir sur plusieurs générations pour des choix que nous trouvons relativement périlleux.
Cela est bien évidemment dû aux projets GeniLac et GeniTerre, deux ouvrages pharaoniques qui, à notre sens, mettent en danger la pérennité des finances de l'Etat, non pas tant pour nous, mais pour les générations suivantes, pour les représentants politiques qui nous remplaceront dans quelques décennies.
Un autre élément que nous avons trouvé tout à fait intéressant lors de cet examen du rapport de gestion 2024 des SIG (c'est en relation avec la politique publique E, voilà pourquoi je me permets d'en parler), c'est que l'année dernière, avons-nous appris, des difficultés ont été rencontrées à quatre reprises en lien avec les dispositifs qui dispensent l'énergie solaire sur le réseau, donc il y a quand même des risques de perturbations importants.
Il semble ainsi qu'en cultivant une certaine vision de l'énergie solaire comme panacée à tous nos problèmes, nous faisions un peu fausse route. D'après ce qui nous a été indiqué, il faudrait plutôt la concevoir comme une source d'autoconsommation et étudier d'autres modèles que ceux que nous utilisons actuellement afin de les orienter sur le réseau, mais pas de la manière dont nous le faisons maintenant.
Alors certes, il s'agit d'une remise en cause de nombreuses politiques qui ont été choisies à la fois par la Confédération et par le canton. Sans doute faut-il parfois savoir se remettre en question; ces comptes constituent l'occasion de s'interroger.
C'est pour cela que je relève ce qui a été expliqué de manière très intéressante en commission. Exploiter le solaire, oui, mais à certaines conditions, pas de façon absolue, comme certains le souhaiteraient.
A ce propos, je me réjouis que l'initiative sur le sujet ait été refusée par le peuple et le contreprojet accepté, car celui-ci est beaucoup plus modéré et privilégie une approche pragmatique. Dans les années à venir, il faudra certainement revoir la politique générale qui a été menée en la matière, surtout quand nous nous retrouverons face à certaines réalités technologiques et économiques. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. François Erard (LC). Il est vrai que sur un territoire exigu comme le nôtre où se cristallisent des intérêts très divergents, que ce soit en matière de nature ou encore d'agriculture, nous devons souvent composer avec des situations complexes, et c'est ce à quoi s'emploie le département dans le cadre de cette politique publique. J'ajouterai que l'évolution du climat n'est pas pour arranger les choses.
Je relève avec satisfaction que tout ce qui concerne la politique et la promotion de la biodiversité dans l'agriculture constitue un volet prégnant de la politique E. A cet égard, nous devons trouver des solutions gagnant-gagnant entre l'activité économique agricole et la biodiversité.
S'agissant de l'agriculture et plus spécifiquement de l'OCAN, j'observe qu'un certain nombre de demandes ont été accueillies favorablement par le département, par exemple sur le plan du soutien à la filière animale, de la simplification de certaines réglementations, notamment dans le domaine de la viticulture, ou de la collaboration avec l'Office de promotion des produits agricoles de Genève (un contrat de prestations a été signé).
Cela étant, des besoins demeurent quant à la simplification administrative, cela a été exprimé à moult reprises. Je me mets à la place des agriculteurs et producteurs qui, s'agissant de certaines requêtes, se voient baladés d'un service à l'autre. Il est absolument nécessaire de simplifier les choses, parce que les processus sont parfois complètement ubuesques.
La question du changement climatique - je l'ai évoquée au début - implique une meilleure gestion de l'eau. En effet, la consommation d'eau est croissante, parce que la population augmente, les besoins sont de plus en plus importants.
Alors il y a l'agriculture, certes, mais également toutes les collectivités publiques, puisque à Genève, on plante énormément d'arbres et qu'il faut bien les arroser si on veut qu'ils survivent. Or aujourd'hui, on utilise de l'eau traitée pour de nombreuses choses: on nettoie les routes avec de l'eau traitée, on remet de l'eau traitée dans la Drize. Il faudra trouver des solutions. De multiples actions sont menées dans le cadre de cette politique publique, ce qui est très réjouissant.
Concernant - encore - la simplification administrative, un certain nombre de progrès ont été réalisés. Par exemple, il est désormais possible d'installer des pompes à chaleur par simple annonce. Comme on le verra prochainement, l'application du contreprojet à l'initiative solaire devrait également faciliter la mise en place de ce type d'infrastructures.
Pour conclure, Mesdames et Messieurs, je constate que mon insecte fétiche, le moustique tigre, figure en bonne place dans cette politique publique, et j'en remercie le département ! (Exclamations.) Le Centre soutiendra les comptes de la politique E et vous remercie d'en faire de même.
Une voix. Bravo, le moustique !
Mme Céline Bartolomucci (Ve), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, l'année 2024 marque une étape importante pour la politique environnementale du canton avec la clôture du premier plan biodiversité qui, pour rappel, compte 117 mesures. L'autre cap décisif, c'est la préparation du nouveau plan 2025-2030, qui témoigne d'un travail conséquent, structuré et surtout ancré dans la durée.
Le développement d'un référentiel biodiversité pour les projets d'aménagement, le soutien à l'agriculture - cela a été mentionné précédemment -, la stratégie d'arborisation visant la plantation de 150 000 arbres ainsi que les nombreuses actions de renaturation en préparation, notamment sur la Drize et le Nant d'Avril, tout cela traduit une vision claire et cohérente permettant de renforcer la résilience du territoire, qui en a aujourd'hui bien besoin.
Alors que les incivilités et autres épisodes de pollution de nos cours d'eau se sont multipliés ces derniers temps, nous saluons la volonté du département de mieux planifier la gestion intégrée de l'eau. Ce type d'action, souvent invisible pour le grand public, est essentiel pour l'adaptation climatique et la préservation de notre qualité de vie dans le futur.
Par ailleurs, l'encouragement apporté à l'économie circulaire, au réemploi des matériaux de chantier ou encore au tri et au traitement des déchets démontre une orientation positive vers une approche systémique et durable.
Notre groupe reste toutefois attentif à certains points qu'il convient d'améliorer. Ainsi, le fait que plusieurs mesures aient été différées, comme la réduction du recours aux produits phytosanitaires - seules 21% des actions ont été réalisées -, indique que des obstacles persistent dans leur mise en oeuvre, lesquels doivent être surmontés.
Nous appelons enfin le département à renforcer les indicateurs d'impact, car une politique publique environnementale ambitieuse doit pouvoir mesurer son incidence effective sur la biodiversité, les milieux, la santé des sols ou la qualité de l'eau en fonction de marqueurs chiffrés, et pas uniquement se baser sur des taux d'exécution budgétaire.
En guise de conclusion, nous saluons la bonne trajectoire suivie, les efforts déployés dans le cadre de la politique publique E ainsi que la volonté politique affichée, du moins du côté de l'exécutif. Le groupe des Vertes et des Verts acceptera les comptes de cette politique publique. Je vous remercie.
M. Jean-Pierre Tombola (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le groupe socialiste tient à remercier le Conseil d'Etat non seulement pour la qualité de son rapport, mais aussi pour la clarté des réponses apportées en commission aux différentes questions des députés.
Il s'agit ici d'une politique publique transversale qui touche des domaines de notre quotidien comme la protection de l'environnement, l'énergie, la gestion de l'eau, l'agriculture ou encore la nature. L'air que nous respirons doit être épuré. Le rapport du Conseil d'Etat met en avant les actions qui ont été menées sur plusieurs plans, de la protection de l'eau à l'approvisionnement énergétique de notre canton en passant par la sécurité énergétique et l'arborisation.
Il faut se rendre compte que la mise en oeuvre des programmes et projets de cette politique publique prend du temps: l'arborisation se fera sur quinze ans, le déploiement des réseaux thermiques structurants sur dix ou vingt ans, c'est tout à fait normal. S'agissant des réseaux thermiques structurants, sur les 250 kilomètres prévus, 188 ont été réalisés avec des raccordements qui sont déjà effectifs.
Le groupe socialiste soutiendra cette politique publique, laquelle devrait recueillir l'unanimité de notre Grand Conseil, car l'énergie, l'agriculture, le paysage, la protection de l'environnement, la lutte contre le réchauffement climatique, tout cela... (Remarque. L'orateur rit.) ...concerne notre quotidien et mérite notre attention. J'ai été un petit peu dérangé, mais je vous remercie d'approuver cette politique publique que nous voterons volontiers. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Philippe de Rougemont (Ve). Les derniers rapports publiés à la fin de l'année précédente sur les performances énergétiques du canton montrent une inflexion historique: on a commencé à réduire la consommation d'électricité, on augmente fortement - exponentiellement, même - la production d'énergie renouvelable, donc le virage est pris.
On est dans une région du monde où, je crois, quasiment tous les partis politiques se sont rendu compte du défi de la transition énergétique et du réchauffement climatique. Alors on est très forts dans le déclamatoire, mais on peine encore - et là, je ne regarde pas seulement le Conseil d'Etat, je pense surtout à la majorité qui manque au sein de ce Grand Conseil - à concrétiser les choses dans l'ampleur préconisée par le GIEC, lequel regroupe des experts en climatologie qui travaillent dans nonante pays, sont consultés pour des méta-études et donnent des conseils aux politiques. En fait, il faudrait multiplier par un facteur de 3 - au minimum de 3 ! - les performances énergétiques enregistrées ces derniers temps.
Dernièrement, avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'Etat a mis en place une task force énergie dont les résultats ont été mesurés et publiés par l'Université de Genève: c'était une réussite. Chaque année depuis une quinzaine d'années, grâce au programme éco21, on réduit la consommation d'électricité malgré la croissance économique, malgré la croissance démographique, malgré la croissance territoriale. Donc on y arrive, mais on doit vraiment prendre conscience qu'il faut agir beaucoup plus fortement dans ce domaine.
Est-ce que vous vous souvenez du plan directeur de l'énergie 2020-2030, Mesdames et Messieurs ? Je peux en rappeler quelques-uns des objectifs pour qu'on puisse faire une comparaison. D'ailleurs, un bilan intermédiaire du PDE a été publié récemment et montre, là aussi, que nous obtenons des résultats, mais à une échelle très insuffisante.
Voici l'un des objectifs: «Le territoire genevois anticipe et adapte ses infrastructures à ses besoins futurs [...]». Or l'encouragement enthousiaste apporté au projet du CERN ou à l'ouvrage du Trèfle-Blanc, est-ce réellement adapter nos infrastructures aux besoins futurs selon les informations qu'on possède sur le climat de demain ? Non, malheureusement pas.
Ensuite, l'objectif 1.4: «La température moyenne pour le chauffage diminue, la consommation d'eau chaude sanitaire et la consommation électrique des équipements dans les bâtiments sont réduites.» Oui, c'est le cas. Hélas, la task force qui a mené cette tâche à bien ne travaille plus, elle n'a pas été reconduite.
Dernière chose, le plan directeur éolien est attendu. Globalement, le travail est réalisé, mais il faudrait aller beaucoup plus loin. Les Verts vous recommandent de voter oui - mais un oui critique - à cette politique publique. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo.
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député. Il n'y a plus de demande de parole, je propose que nous procédions au vote de la politique publique E «Environnement et énergie».
Mise aux voix, la politique publique E «Environnement et énergie» est adoptée par 57 oui contre 20 non.
F - FORMATION
La présidente. J'appelle maintenant la politique publique F «Formation». La parole va à M. Seydoux.
M. Laurent Seydoux (LJS), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des finances, par 10 oui, 3 non et 2 abstentions, a approuvé cette politique publique et vous recommande d'en faire de même.
Le point important qui est apparu, c'est le nombre de places ouvertes dans l'enseignement spécialisé: il est inférieur à ce qui avait été planifié. Le DIP aimerait en créer davantage et prévoit des moyens supplémentaires, mais cela ne se matérialise pas toujours, car les entités qui s'en occupent doivent elles aussi trouver des lieux et dépendent d'autres financements.
La problématique des hospitalisations sociales revient de façon récurrente, elle est très coûteuse pour l'Etat. Afin de lutter contre cela, de nouvelles places dans les foyers ou au sein de familles d'accueil sont nécessaires. Or même si le département augmente les budgets dans ce but, il demeure tributaire des capacités existantes de la FOJ à ouvrir de nouvelles places.
Dans le cadre de cette politique publique, nous avons auditionné l'Université de Genève, dont le résultat net 2024 montre un déficit de 11 millions de francs, soit 7 millions de moins que ce qui avait été prévu dans le projet de budget. Ce déficit est notamment induit par une réduction de la subvention fédérale et de celle basée sur l'accord intercantonal universitaire.
L'UNIGE a réalisé des économies, tant sur les dépenses générales que sur les subventions octroyées. Le déficit 2024 est pris très sérieusement en compte par l'entité, qui a pour objectif de retrouver l'équilibre financier en 2027. Cela étant, malheureusement, la Confédération a déjà annoncé sa volonté de diminuer la subvention fédérale de base. Face à cette situation, l'université envisage un plan de coupes pour 2025 déjà; il ne s'agira pas de coupes linéaires, l'un des axes est de se réorienter sur les fondamentaux en abandonnant certaines formations moins porteuses. Merci, Madame la présidente.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste s'opposera à la politique publique F «Formation». Pourquoi refusera-t-il le rapport de gestion sur cette politique publique ? Notamment parce que certaines réformes, par exemple celle du cycle d'orientation, entreprises depuis 2024 déjà, sont menées de la mauvaise manière. Pourquoi ? Je citerai plusieurs raisons.
D'une part, il y a toujours un projet de loi en suspens, une véritable épée de Damoclès, qui provient de notre Grand Conseil et dont le traitement a été gelé en commission, qui prévoit une augmentation de l'enseignement de six heures pour les enseignants du cycle d'orientation. Cette épée de Damoclès pèse au-dessus de nos têtes et ne nous permet pas d'entamer sereinement une réforme du cycle d'orientation qui consisterait à mettre en avant d'abord les missions qui devraient être celles de l'école et non à déterminer comment réaliser des économies dans l'instruction publique.
Cela témoigne d'ailleurs d'un problème plus large, à savoir de l'entêtement du Conseil d'Etat à vouloir effectuer des économies dans la formation alors que nous connaissons, pour la troisième année consécutive - et c'est tant mieux - des comptes excédentaires. Tant mieux si les comptes sont excédentaires, mais alors arrêtons de chercher à opérer des coupes dans la formation, politique publique essentielle à l'égalité des chances et au futur de notre canton.
Pour preuve de cette véritable obstination du gouvernement à vouloir couper dans l'instruction publique sans développer une vision, dirais-je, plus lointaine, ses dernières réformes, passées par voie de directives, du cadre de référence s'agissant du temps de travail au primaire, au secondaire I et au secondaire II. C'est un réel problème, c'est une rupture des négociations avec les syndicats et un passage en force, une action unilatérale qui met à mal le partenariat social si cher à notre système suisse et genevois.
Par conséquent, le groupe socialiste refusera cette politique publique. Nous attendons de la conseillère d'Etat chargée de l'instruction publique qu'elle mène une réflexion en collaboration avec les partenaires sociaux sur les missions de l'école, notamment celles du cycle d'orientation qui doit effectivement être réformé, mais sans menacer les enseignantes et enseignants avec des coupes décidées de façon unilatérale, avec de sempiternelles petites économies qui viennent gangrener leurs conditions de travail. Voilà les raisons pour lesquelles nous vous appelons à rejeter cette politique publique.
Une voix. Oh !
Mme Céline Bartolomucci (Ve), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, la politique publique F «Formation» représente un quart du budget cantonal, soit plus de 2,3 milliards de francs. Nous reconnaissons bien sûr l'importance budgétaire de ce secteur ainsi que les enjeux qu'il soulève, mais nous ne pouvons ignorer l'esprit général qui se dégage de ce rapport, à savoir un pilotage technocratique dans lequel l'instruction publique est administrée comme une entreprise: on y parle ETP, productivité, efficience en oubliant les besoins humains, les parcours non linéaires, les particularités sociales, les enseignants et enseignantes, et bien sûr les élèves.
Par exemple, le rapport fait état d'un absentéisme certes préoccupant, mais analysé sous le prisme du contrôle et du soupçon. Or quid de la charge de travail réelle, de l'explosion des tâches administratives, de la diversité des publics qui augmente sans moyens spécifiques, du manque de remplaçants ? Le système s'épuise en silence, et au lieu de chercher à comprendre les causes du problème, on se méfie, on punit et on garde le focus sur le rendement.
La pédagogie spécialisée manque invariablement de ressources et de forces vives; les élèves à besoins particuliers ou en difficulté sociale ne bénéficient pas de dispositifs suffisants ni d'un accompagnement stable; le nombre d'hospitalisations sociales est en hausse, mais aucune réponse systémique n'est apportée face à cette réalité.
En ce qui concerne les filières différenciées du secondaire, on continue à orienter les jeunes trop tôt, creusant ainsi les inégalités, écartant des élèves avant même qu'il leur soit possible de démontrer leur potentiel.
Quant au secondaire II, qui concentre les plus grosses dépenses (918 millions), les tensions y sont multiples: classes surchargées, inégalités de parcours et, somme toute, peu de réformes structurelles. Bref, on y pratique davantage de la gestion de flux qu'on ne propose un accompagnement des trajectoires et des personnes.
Enfin, domaine cher aux Vertes et aux Verts, l'écologie est largement ignorée dans l'enseignement. Il n'existe ainsi aucune formation systématique aux enjeux climatiques, et les investissements dans les infrastructures scolaires (191 millions en 2024) ne sont pas conditionnés à des critères environnementaux. Pour nous, il s'agit d'un angle mort majeur, sachant que l'école devrait figurer au coeur même de la transition écologique.
Du côté des bonnes choses, tout de même, nous saluons les efforts déployés en matière de formation continue, composante essentielle pour la reconversion et l'adaptation aux mutations professionnelles. Mais - malheureusement, il y a un mais - l'offre reste encore peu accessible aux personnes précaires, aux femmes de même qu'aux personnes migrantes, alors que ce sont précisément ces dernières qui en auraient le plus besoin.
Les Vertes et les Verts aspirent à une politique de formation qui respecte les conditions de travail du personnel éducatif et qui forme les jeunes citoyennes et citoyens, toutes et tous sans exception, afin de les aider à relever les défis sociaux et climatiques de ce siècle et des prochains; ce n'est pas ce que montrent les comptes de cette politique publique, et c'est pourquoi, vous l'aurez compris, nous les refuserons. Je vous remercie.
Mme Patricia Bidaux (LC). Mesdames et Messieurs, si Le Centre a accepté cette politique publique en commission, il souhaite cependant émettre une alerte sur un point en particulier, à savoir la problématique du placement des enfants.
Le rapport 2024 de la Cour des comptes relève que le système genevois de protection de l'enfance a des soucis, et de gros soucis. 133 jours d'attente en moyenne entre une décision de placement et le placement effectif d'un enfant: on ne parle plus de retard, mais pratiquement d'abandon ! Pendant ce temps, celui-ci est baladé, parfois hospitalisé sans justification médicale.
Comme le rapporteur de majorité l'a demandé - et la question vient d'être abordée également -, est-ce qu'augmenter le nombre de places dans les foyers constitue vraiment la seule réponse pour éviter les hospitalisations sociales ? Les mineurs sont alors trimballés d'un endroit à l'autre sans que la décision initiale soit réévaluée régulièrement. Peut-on encore parler de protection de l'enfance ?
Dans le fond, combien de placements sont réellement nécessaires ? Combien seraient évitables grâce à un accompagnement parental renforcé ? Certes, il faut se montrer réaliste quant aux situations extrêmement complexes qui requièrent une décision, certains placements sont effectivement indispensables, mais il y a d'autres cas de figure. Pourquoi interrompt-on brutalement le soutien aux familles dès que la mesure tombe ? Ce n'est pas une fatalité, c'est un choix systémique.
Autres problèmes majeurs: opacité, entre-soi, concentration des expertises. Quand les mêmes cercles décident, exécutent et contrôlent, comment assurer l'intérêt supérieur de l'enfant ? Finalement, qui protège qui ?
Osons évoquer une autre transversalité. Nous avons longuement questionné le fait que de plus en plus de jeunes gens bénéficient de l'aide sociale; que dire de ces parcours particuliers ? Trop de jeunes issus des dispositifs de placement se retrouvent précarisés, à l'Hospice général, sans accompagnement en amont, preuve s'il en est que le système fabrique parfois les situations de vulnérabilité qu'il prétend corriger.
Il ne s'agit pas de pointer du doigt les professionnels qui, pour la plupart - en grande majorité, voire dans leur ensemble -, font de leur mieux, mais d'appeler à un changement radical: repenser la gouvernance, diversifier les expertises, remettre l'enfant, et non l'institution, au coeur du dispositif. Voilà notre message d'alerte sur cette politique publique qui, pour le reste, sera acceptée. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Leonard Ferati (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne m'attarderai pas ici sur l'importance capitale de la formation dans une démocratie comme la nôtre. Disons-le clairement: oui, l'ascenseur social fonctionne en Suisse. Certes, les enfants issus des milieux les plus modestes partent de plus loin, mais l'ascenseur fonctionne, précisément parce que nous disposons d'un système de formation solide et performant. C'est pourquoi je vous appelle à ne pas commettre l'erreur de fragiliser ce socle en y coupant des moyens.
Il y a des axes d'amélioration, bien sûr, notamment en ce qui concerne les conditions de l'apprentissage, dispositif si cher à notre canton et à notre pays. A cet égard, permettez-moi de citer un chiffre préoccupant: d'après l'Office fédéral de la statistique, à Genève, 37% des apprentissages sont interrompus avant la fin, soit presque le double de la moyenne nationale. J'invite le Conseil d'Etat à examiner cette problématique avec toute la rigueur qu'elle mérite.
Je souhaite ensuite attirer votre attention sur une réalité tout à fait inacceptable, comme l'a fait notre collègue Mme Bidaux, celle des hospitalisations sociales. Nous faisons partie, sans l'ombre d'un doute, de l'une des collectivités les plus riches du monde. Ainsi, il est proprement honteux qu'aujourd'hui encore, un enfant, un nourrisson se retrouve hospitalisé par défaut de solution sociale adaptée. La place d'un bébé, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas à l'hôpital.
Nous avons une obligation non seulement légale, je vous le rappelle, mais surtout morale. J'en appelle ici à la responsabilité de chacun. Aux députés de droite, je dirai ceci: épargnez-nous vos larmes de crocodile, l'indignation n'a de sens que si elle s'accompagne d'actes, et ces actes passent par l'octroi au Conseil d'Etat de moyens humains, financiers et logistiques suffisants pour qu'il puisse agir efficacement.
Mesdames et Messieurs les députés, s'il est un sujet qui doit transcender nos clivages politiques, c'est bien celui du sort réservé aux enfants. C'est pourquoi, lorsqu'un problème systémique est identifié, nous devons y apporter une réponse systémique: arrêter avec les pansements sur une jambe de bois. Je vous invite toutes et tous à vous emparer de cette question avec la détermination et l'urgence que son traitement exige. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la première minorité s'inquiète, s'agissant de la politique publique F, d'une certaine inflexion, liée vraisemblablement à différents choix politiques, vers une école plus élitiste, plus utilitariste et moins solidaire que celle qu'on a pu voir se déployer ces dernières années.
Alors que, à notre sens, l'instruction publique doit avoir pour ambition de former des citoyens éclairés, capables de mener des réflexions critiques et d'accéder à une compréhension du monde, on observe aujourd'hui l'émergence d'un projet éducatif qui cède le pas à une logique beaucoup plus instrumentale: on cherche, pour les besoins de l'économie, à éduquer les personnes qui s'inséreront le plus vite et le plus facilement sur le marché de l'emploi quand, en réalité, nous devrions simplement former les enfants de notre canton à la vie sociale et à la citoyenneté.
Cette orientation s'illustre par exemple dans le cadre de la réforme de la maturité, qui en est encore à ses débuts, mais qui, selon les informations qui transparaissent déjà, tendrait à mettre un petit peu de côté des branches - ou du moins à minimiser leur importance - comme les sciences humaines, les lettres, la philosophie, l'histoire, lesquelles se verraient reléguées au second plan par rapport aux disciplines scientifiques ou techniques.
D'autre part, tandis que, toutes ces dernières années, l'école s'est voulue de plus en plus inclusive, on assiste désormais à un retour en arrière, comme le montrent un certain nombre de décisions, là aussi très claires, du département de l'instruction publique.
D'abord, il y a le projet de loi dont nous discuterons demain, qui a fait l'objet d'un accord en commission, ce dont je me réjouis, mais qui, dans sa teneur d'origine - à laquelle le Conseil d'Etat tient manifestement, puisqu'il cherche à y revenir -, prévoit la création de sept, Mesdames et Messieurs, sept nouveaux établissements séparatifs, c'est-à-dire que les élèves à besoins spécifiques ne seraient pas scolarisés avec les autres enfants de leur quartier. Il s'agit vraiment d'un mouvement de recul par rapport aux différentes avancées qu'on a connues ces dernières années.
La tendance est un peu la même quand le département de l'instruction publique choisit de scolariser les enfants qui seront hébergés dans le centre fédéral d'asile du Grand-Saconnex in situ et non dans les écoles du quartier. Là encore, on privilégie une logique séparative alors que nous la souhaiterions beaucoup plus inclusive.
Je reviens également sur la problématique qu'a très bien exposée mon collègue Ferati à l'instant, à savoir l'augmentation massive du nombre d'hospitalisations sociales que nous connaissons ces dernières années. Alors que, dans les années 2010 et au début des années 2020, nous avions réussi à en réduire considérablement la quantité, depuis deux à trois ans, elles sont en très forte hausse. Or non seulement cela coûte extrêmement cher à l'Etat, mais c'est également une catastrophe d'un point de vue social et éducatif: un nourrisson ne peut pas passer ses premiers mois de vie - parce qu'il s'agit généralement de bébés, d'enfants de premier âge - dans un milieu hospitalier, qui n'est absolument pas adapté ni favorable à son développement.
Au sens de la première minorité, le DIP fait preuve d'une certaine passivité, même si des mesures sont actuellement à l'étude. En effet, cela fait plusieurs années qu'on lui pose la même question: «Que faut-il entreprendre pour limiter le recours aux hospitalisations sociales ?» Et on nous répond invariablement: «Oui, mais vous savez, c'est difficile de trouver des lieux; oui, mais vous savez, il faudrait davantage de familles d'accueil.» C'est vrai, les enjeux sont identifiés, mais il manque une politique beaucoup plus volontariste pour trouver des solutions à cette situation qui devient terriblement urgente.
A cet égard, la première minorité sera particulièrement attentive à la fois aux travaux sur les contrats de prestations de la FOJ et d'associations comme Astural afin de s'assurer que ces organisations disposent de moyens suffisants pour répondre aux besoins dans ce domaine, et au projet de budget 2026 qui devra prévoir les ressources nécessaires pour régler ce problème urgent. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Yvan Zweifel (PLR). Nous sommes tous d'accord sur un point: la formation représente une pierre essentielle à la réussite de notre société genevoise et suisse par extension, puisque des enfants correctement instruits auront probablement plus de succès dans la vie et apporteront une contribution positive dans de nombreux domaines de la société. Sur ce point, nous sommes tous d'accord.
Ensuite, les discours dévient. J'ai été un petit peu étonné en écoutant mes préopinants de gauche qui, en somme, nous expliquent que depuis une année ou une année et demie - soit depuis que le département a changé de main -, il se produirait une révolution telle que, tout à coup, l'école ne ferait plus son travail, l'école se muerait en succursale des plus grandes entreprises de ce pays.
Mesdames et Messieurs, voilà à peine un an et demi que le DIP a changé de main, et je ne me rappelle pas avoir entendu la gauche tenir le même discours lorsque c'est Mme Torracinta qui dirigeait l'instruction publique. Or ce qui se passe aujourd'hui est encore le reflet de ce qui a été mis en place par Mme Torracinta, donc par la gauche, pendant un demi-siècle - ou un quart de siècle.
Alors s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, sachons gardons raison ! (Exclamations. Commentaires.) Sachons raison garder, pardon - moi aussi, je manque un peu d'instruction ! On énonce que des coupes horribles sont opérées par la droite, à tel point que soudain, l'école n'aurait plus les moyens d'instruire, mais encore une fois, dites-moi où sont faites ces économies ! Montrez-moi à quel moment nous aurions, par hypothèse, diminué le nombre d'enseignants dans ce canton ! Le nombre d'enseignants continue à augmenter, il continue à augmenter de manière plus importante que la population et, proportionnellement, que le nombre d'élèves. C'est la réalité chiffrée. Bon, je sais, il ne faut pas parler de chiffres, il faut parler des élèves, de l'humain, de l'avenir. Mme Marti a quitté la salle, mais elle dirait tout à l'heure qu'avec mes chiffres, je réfléchis avec la froideur d'un tableur Excel; eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, si les élèves apprenaient davantage comment utiliser Excel, Word et d'autres choses, peut-être qu'ils seraient mieux préparés pour le futur.
Mesdames et Messieurs, on nous indique également que l'école devient une succursale de l'économie, comme s'il s'agissait d'un gros mot. Mais enfin, quel est le but de l'instruction publique ? Que nos enfants trouvent ensuite un travail ! Un travail qui leur plaise, évidemment, nous sommes bien d'accord, mais un travail qui leur permette surtout de vivre.
Mesdames et Messieurs les députés, quel est le problème ? A Genève, vous le savez, il y a 380 000 postes de travail et 240 000 personnes résidentes en âge et en mesure de travailler, toutes nationalités confondues. Nous devons donc trouver de la main-d'oeuvre ailleurs.
Dans cet hémicycle, nous avons un parti - je vois que M. Baertschi a appuyé sur son bouton, il pourra répondre tout à l'heure - qui aime se plaindre que l'on engage systématiquement des gens venant de l'extérieur, mais l'une des raisons à ce problème, c'est que l'on ne forme pas les élèves en vue des emplois qui existent pourtant en masse dans ce canton. Ce n'est donc pas injurieux de dire qu'à un moment donné, l'instruction publique doit se rapprocher non pas de l'économie - vilain mot honni par la gauche -, mais simplement de la réalité des entreprises et des emplois, emplois qui seront ceux de nos enfants plus tard.
M. de Sainte Marie s'énerve contre un projet de loi qui vise non pas à augmenter - il faut insister là-dessus - le temps de travail des enseignants, mais à ce que sur le temps pour lequel ils sont engagés, ils en passent un petit peu moins à faire de l'administratif - et je suis persuadé qu'ils seraient d'accord - et un peu plus devant leurs élèves, qu'ils soient par conséquent actifs plus de temps pour former les élèves. Il est question de six heures, mais en réalité, vous le savez, la proposition du Conseil d'Etat est claire: il s'agit de deux heures, deux heures non pas de travail en plus, mais deux heures de présence supplémentaire devant les élèves.
Il faut rappeler - désolé, je vais encore citer quelques chiffres - que cela représente des économies, oui, des économies de l'ordre de 9 millions ! 9 millions, c'est l'équivalent de soixante postes ! Ou de moyens supplémentaires que l'on pourrait investir en faveur de mesures concrètes pour la formation. Deux heures ! Non pas de travail supplémentaire, mais de présence en plus devant les élèves, et on ose s'en plaindre !
Moi-même qui suis père de plusieurs enfants, je constate qu'un certain nombre d'entre eux, que ce soit au cycle d'orientation ou au collège, à partir du 23 mai, ne vont plus à l'école. Enfin si, ils se rendent à l'école cinq jours pour faire leurs semestrielles.
Une voix. C'est le 12 juin.
M. Yvan Zweifel. Le 12 juin ? Non, j'ai dit le 23 mai. Le 23 mai !
Une voix. D'accord.
M. Yvan Zweifel. Excusez-moi, mais je me souviens que lorsque j'étais à l'école, on finissait à la fin juin, on avait cours jusqu'au bout. C'est juste une réalité: aujourd'hui, il y a moins de temps à disposition pour les élèves. Il s'agit d'un vrai problème qui doit être réglé, et c'est l'objectif du fameux projet de loi, à savoir plus de temps pour nos élèves, donc plus de formation pour ceux-ci.
Mesdames et Messieurs les députés, le PLR, lui, soutient sa conseillère d'Etat qui a effectivement des projets pour changer quelque peu l'orientation prise ces vingt-cinq dernières années. Quelque peu, disais-je, notamment en améliorant un axe essentiel, celui de l'apprentissage, qui est une réussite dans notre pays et dans les autres qui l'utilisent; il suffit d'observer ce qui se passe à côté, puisqu'on n'y connaît pas ce système - à côté, c'est la France -, pour voir ce que ça donne.
Dès lors, nous soutiendrons l'ensemble de ces projets, non pas pour bouleverser tout ce qui a été magnifiquement mis en place pendant vingt-cinq ans, mais pour défendre une formation qui instruit, qui prépare nos jeunes à l'avenir, et non qui les conditionne en fonction des programmes que chacun voudrait ajouter dans l'instruction publique. Mesdames et Messieurs, le PLR votera cette politique publique, pas tant parce qu'il la trouve excellente sous l'angle financier - nous devons en effet réaliser des économies, beaucoup plus que celles que l'on évoque ici -, pas pour le plaisir d'économiser, de tailler à la hache dans la fonction publique ou que sais-je encore, mais afin d'avoir plus de moyens pour une instruction de qualité, pour des jeunes qui réussissent, pour une société qui en profitera ensuite. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Pour revenir sur ce que disait, d'ailleurs fort à propos, mon excellent préopinant Yvan Zweifel, il y a d'une part la problématique de la formation. La qualité de notre instruction publique doit vraiment constituer une exigence collective afin que les jeunes puissent se lancer dans la vie avec tous les atouts en main, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas actuellement.
D'autre part, il y a un problème structurel au sein du DIP, un élément qui n'est certes pas nouveau, qui ne date pas de cette année, hélas, mais qu'il m'importe quand même de souligner, à savoir que ce département compte 678 frontaliers permis G ! (Exclamations.) 678 ! C'est un nombre effrayant. Rien que dans l'enseignement obligatoire, on en dénombre 311; au secondaire II, 163.
C'est beaucoup trop, et on constate que la tendance ne faiblit pas, malheureusement. Tout récemment encore, l'un de nos militants m'en faisait part, déplorant l'arrivée massive de troupes d'un pays dysfonctionnel qui s'appelle la France, où le régime macronien et une gauche déconnectée ont montré leurs limites... (Commentaires.) Cette dérive française regrettable à laquelle nous assistons à Genève nous vient par contrecoup, parce que nous ne sommes pas capables de gérer le département de l'instruction publique; c'est un problème qui ne date pas d'aujourd'hui, qui est hélas relativement ancien.
A cet égard, nous devrions instamment - c'est plutôt un voeu que je formule, mais on peut le faire au niveau des débats généraux sur les comptes - exiger un changement de politique en la matière, comme en d'autres. Merci, Madame la présidente.
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'interviens en suppléance de ma collègue Anne Hiltpold qui est en déplacement à l'étranger avec la CDIP, soit la conférence des directrices et directeurs cantonaux de l'instruction publique, pour une rencontre internationale de la plus haute importance, et qui, partant, est dans l'impossibilité de venir défendre aujourd'hui...
Une voix. En France ? (Rires.)
Mme Carole-Anne Kast. En francophonie ! ...les comptes et le rapport de gestion de son département.
Le hasard des annonces des médias, Mesdames et Messieurs les députés - puisque c'est ainsi que votre parlement travaille désormais - veut que lors de la dernière session du Grand Conseil, alors que je remplaçais également ma collègue jeudi soir - toujours en raison de sa participation à la CDIP, ce qui est pour le moins paradoxal -, vous ayez abondamment évoqué, tout comme maintenant, la question des hospitalisations sociales.
N'étant pas en mesure d'apporter des réponses à l'entier des points que vous avez soulevés, puisqu'il ne s'agit pas de mon département, je me contenterai de donner suite à la thématique des hospitalisations sociales: c'est un sujet que j'ai eu l'occasion d'étudier pour la dernière session et qui est revenu dans la plupart de vos interventions.
Lors de cette fameuse séance, Mesdames et Messieurs les députés, je vous ai proposé de renvoyer en commission la motion dont vous étiez saisis afin que le département ait la possibilité de vous présenter l'ensemble des actions qu'il mène dans ce domaine et que j'ai eu l'occasion de découvrir en préparant ce texte; vous avez refusé de le faire.
C'est regrettable, parce que la plupart des remarques que vous avez formulées cet après-midi n'auraient certainement pas eu lieu d'être si nous avions pu étudier ce dossier en commission - enfin, si vous aviez pu l'étudier, parce que je n'aurais pas été là. En effet, si vous aviez traité l'objet en commission, le département aurait eu l'opportunité de vous exposer tout ce qu'il met en oeuvre, comme j'ai essayé de le faire oralement pendant la plénière.
Il vous aurait parlé des millions investis dans le domaine, il vous aurait présenté la variété des pistes suivies, il vous aurait cité des chiffres; il aurait ainsi pu, j'en suis convaincue, vous rassurer quant à son travail déterminé pour trouver d'autres solutions que les hospitalisations sociales, tout comme il aurait évoqué aussi les difficultés qu'il rencontre en la matière.
Or parmi ces difficultés - cela a été souligné également -, il y a la question des ressources. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite, puisque vous reprochez au département et au Conseil d'Etat de ne pas agir suffisamment, à passer vous-mêmes à l'action: donnez-nous - donnons-nous ! - les moyens de lutter énergiquement contre les hospitalisations sociales, autrement qu'avec des commentaires lors du rapport sur les comptes.
Pour conclure, je vous remercie néanmoins de l'attention que vous portez à l'instruction publique, qui, sans l'ombre d'un doute - et cette opinion est partagée de manière unanime, me semble-t-il -, constitue l'une des politiques publiques les plus fondamentales pour l'Etat de Genève.
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la politique publique F «Formation» est adoptée par 47 oui contre 40 non.
G - AMÉNAGEMENT ET LOGEMENT
La présidente. Nous poursuivons nos travaux avec la politique publique G «Aménagement et logement». La parole est à M. Seydoux.
M. Laurent Seydoux (LJS), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Cette politique publique a été soutenue par 11 oui contre 3 non, sans aucune abstention, à la commission des finances. La poursuite de la politique du développement du territoire a permis d'offrir 2600 logements supplémentaires en 2024, dont 491 nouveaux LUP. Fin 2024, environ 7800 logements étaient en cours de réalisation. Par ailleurs, une nouvelle action a été engagée pour la construction des immeubles prévus dans les PLQ datant de plus de cinq ans afin de favoriser la production de logements; cette action consiste à interpeller l'ensemble des propriétaires pour connaître leurs intentions, et il semblerait que cela donne d'assez bons résultats. Merci, Madame la présidente.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Notre minorité s'opposera à cette politique publique lors du vote en plénière, en particulier parce que la politique du Grand Genève nous mène dans une direction tout à fait délirante avec ce qui s'appelle la VTT (la vision territoriale transfrontalière). Elle est heureusement à l'arrêt à l'heure actuelle, mais elle représente néanmoins une inquiétude, parce que nous allons toujours plus loin dans cette dérive institutionnelle qui conduit à ce que l'on nie l'existence du canton de Genève, à ce que l'on nie l'existence de cette réalité géographique, politique et socio-économique importante appelée canton de Genève. On veut noyer cela dans une sorte de masse informe qui serait un ensemble dénommé... A une époque, on l'a appelé espace valdo... genevo...
Des voix. Franco-valdo-genevois.
M. François Baertschi. Franco-valdo-genevois ! J'avais déjà oublié. Je m'étais empressé de l'oublier ! (Commentaires.) Maintenant, on parle du Grand Genève. On a tendance à ne pas s'en souvenir ! On veut nous entraîner sur des pentes enneigées avec cette VTT, cette vision territoriale transfrontalière. La seule interrogation que j'ai est la suivante: je me demande si ça ne représente pas une sorte de pneu crevé... (Commentaires.) ...qui nous amène dans la mauvaise direction. Quels que soient les commentaires qu'on peut entendre, on voit en tout cas que la vision régionale est un échec permanent qui se concrétise en grande partie dans cette politique publique, ou plutôt qui ne peut pas se concrétiser, ou qui se concrétise tellement mal que cela ne donne lieu à rien du tout.
Nous ne pouvons pas aller dans cette direction, qui a également été initiée par le plan directeur cantonal, lequel engendre un déséquilibre total entre les places de travail et les logements. On assiste à un phénomène qui n'est absolument pas maîtrisé, on va dans tous les sens, on se lance économiquement dans une fuite en avant, sans penser que des êtres humains doivent trouver un logement. On fait preuve d'une incohérence totale, c'est une course en avant ! Pour toutes ces raisons, la minorité MCG s'opposera à la politique publique G.
Mme Caroline Renold (S). Une politique publique du logement et de l'aménagement à Genève n'a de sens que si elle répond à la crise du logement et des loyers, qu'elle oeuvre ainsi à garantir le droit et couvrir le besoin fondamental de chacun et chacune de se loger à un prix abordable. Je crois que la crise du logement est bien connue de vous tous, mais je me permettrais quand même de vous rappeler que pour les locataires, qui représentent 80% de la population, les loyers sont trop chers !
Aujourd'hui, 56% de la population ne peut pas se permettre les loyers de l'offre, 56% de la population ne parvient pas à se loger sur le marché actuel du logement. Les augmentations de loyer lors d'un changement de locataire se sont élevées à 8% l'année dernière et à un total de 33% sur les quinze dernières années s'agissant des loyers de l'offre. Ces hausses massives des loyers sur le marché du logement ne sont économiquement pas justifiées. Les loyers ont augmenté même lorsque les taux d'intérêt baissaient. Ils n'ont pas diminué pendant cette période ! Le logement est un bien contraint et les consommateurs de logement sont captifs vu qu'il s'agit d'un bien fondamental. En outre, une pénurie rampante les empêche de trouver un logement sur un marché spéculatif.
Le parti socialiste acceptera la politique publique G, car elle a permis de construire des logements et de planifier des aménagements, et ce au-delà des frontières, malgré ce qu'indiquait mon préopinant, puisque dans la réalité l'agglomération genevoise ne s'arrête pas aux frontières du canton. Toutefois, nous souhaitons inviter le Conseil d'Etat à adopter une politique bien plus ambitieuse. Nous estimons en effet que la notion de loyer abordable n'est pas du tout assez mentionnée dans cette politique publique et que le plafond LGZD est considéré davantage comme un objectif que comme un réel plafond, alors qu'une politique proactive pour baisser les loyers en zone de développement devrait être menée par le Conseil d'Etat.
Nous pensons également que le gouvernement n'en fait pas assez pour protéger le parc locatif existant, notamment en luttant contre Airbnb. Aucune infraction n'a été constatée en matière d'Airbnb, parce que le Conseil d'Etat n'en fait pas assez pour lutter contre les «congés rénovation», cette nouvelle pratique qui nous vient de Suisse alémanique et qui consiste à résilier des baux pour ensuite relouer les logements plus cher après travaux. En somme, nous voulons inviter le Conseil d'Etat à être plus ambitieux dans cette politique publique pour défendre le droit au logement de toute la population. Je vous remercie.
La présidente. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Bayrak.
Mme Dilara Bayrak (Ve). Merci beaucoup, Madame la présidente. Vous m'excuserez, j'ai pris froid à cause du brassage d'air du MCG ! Aujourd'hui, il y a un véritable problème: les frontaliers qui viennent travailler en Suisse et qui habitent en France ne sont pas forcément des Français, ce sont beaucoup de Suisses qui n'arrivent pas à se loger à Genève. A un moment donné, il faut être cohérent. Lorsque l'on dit: «On ne veut plus construire, on ne veut absolument pas de frontaliers à Genève, etc.», on limite les moyens des Genevois de se loger directement dans le canton. Il faut le relever, tout comme il faut relever la réalité du terrain de ce qu'on appelle le Grand Genève, amplement critiqué par le MCG. Pendant des années, nous avons exporté nos logements en France voisine et dans le canton de Vaud. Au bout du compte, il faut prendre ses responsabilités et dire: «On forme une région pleine et entière, et cette région est grande. Nous communiquons entre nous. Genève se trouve du reste au milieu de cette région et fait office de métropole.» Il s'agit aussi de reconnaître ces réalités. La politique de l'autruche n'a pas marché, ça ne fonctionne pas, c'est pourquoi il convient à présent de réfléchir de manière durable, sur le long terme, à la façon dont on veut gérer cette région.
Les Vertes et les Verts vont soutenir cette politique publique. On peut effectivement faire bien davantage en ce qui concerne les logements, notamment les logements abordables, mais s'agissant des constructions et de la vision du territoire, nous souscrivons pleinement à ce qui est proposé par le Conseil d'Etat.
La présidente. Je vous remercie. La parole échoit à Mme Barbier-Mueller.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Merci, Madame la présidente. Je suis désolée, le courant d'air provoqué par le parti socialiste est passé par nous ! Je me permets par conséquent de rebondir sur les propos de Mme Renold, car ce ne sont que des propositions en carton - ils en sont bien conscients. On rabâche les mêmes problématiques. Si, aujourd'hui, on fixait tous les loyers des quatre-pièces à 1500 francs, la pénurie de logements n'en serait qu'exacerbée, et Mme Renold le sait pertinemment - vous transmettrez, Madame la présidente. La solution ne consiste donc pas à contrôler.
Mme Renold nous parle aussi de «congés rénovation». Ceux-ci n'ont pas lieu à Genève, ou alors sont le fait d'un propriétaire suisse alémanique: ce n'est donc pas une pratique courante, malgré la visibilité qu'ils ont envie de leur donner. Non ! La véritable solution - sur ce point, on peut peut-être rejoindre Mme Renold - consiste effectivement à construire davantage. Aujourd'hui, le Conseil d'Etat le sait, la volonté réelle est de densifier dans les quartiers qui ont été déclassés pour ce faire. Des milliers de logements n'ont pas été construits et ne le seront pas parce qu'on a revu la densité à la baisse pour satisfaire des velléités, probablement communales. C'est dommage, dans la mesure où le rôle du Conseil d'Etat est de coordonner les différentes parties et de porter l'ambition, sur le terrain, de loger la population. On a déclassé des parcelles agricoles qui ne seront plus jamais sur le marché, et on ne peut pas se permettre de les sous-densifier, parce qu'il faut aujourd'hui offrir des logements pour tous les habitants, c'est-à-dire pas uniquement des logements sociaux qui, eux, sont dévolus à une partie certes précarisée, mais qui ne représente pas du tout les 80% de la population genevoise. Il faut construire des logements pour l'ensemble de la population, y compris des logements en propriété par étage et locatifs accessibles à la classe moyenne. Pour ces raisons, le PLR soutiendra notre cher conseiller d'Etat ainsi que la politique du logement. Merci, Madame la présidente.
M. Stéphane Florey (UDC). Concernant la problématique du logement, il faut simplement se poser la bonne question: pourquoi autant de Genevois doivent-ils aller s'établir de l'autre côté de la frontière ? Eh bien notamment parce que les constructions sont systématiquement dévolues aux migrants (il faut quand même loger ces personnes); la classe moyenne qui va s'installer en France n'y a pas droit. De plus, les logements en PPE et en loyer libre sont aussi systématiquement occupés par des personnes à haut revenu qui viennent résider à Genève pour des questions économiques. Vous créez donc vous-mêmes des disparités en matière de logement.
La densification représente également un vrai problème. Quand on voit, notamment à Meyrin, que tous les anciens immeubles construits... Si l'on prend l'exemple de l'avenue Vaudagne, ils ont maintenant tous quasiment deux étages de plus, alors qu'on aurait pu les construire ainsi dès le départ. En plus de ça, on se permet de sous-densifier des zones déclassées comme les Communaux d'Ambilly ou, à Plan-les-Ouates, certaines parcelles des Cherpines. On peut donc se demander quelle politique on veut aujourd'hui.
La planification est mauvaise, c'est un fait. Quant au plan directeur cantonal, c'est une vraie escroquerie démocratique, puisque seul le Grand Conseil peut se prononcer. C'est pour ces motifs que nous sommes fermement opposés à la manière dont ce plan directeur cantonal est accepté: il faudrait a minima que le peuple puisse se déterminer à ce sujet.
Pour toutes ces raisons et bien d'autres - je ne vais pas trop m'étaler -, nous refuserons cette politique publique et vous invitons à faire de même. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. J'interviens juste pour répondre à la préopinante Verte - vous transmettrez, Madame la présidente. Elle nous dit que tous les gens qui partent de l'autre côté de la frontière sont des Genevois ne trouvant pas à se loger à Genève. (Remarque.) Cela me semble complètement faux: il suffit de voir les chiffres. Affirmer que les frontaliers sont des Genevois qui s'établissent de l'autre côté de la frontière, c'est un contresens complet. Les gens qui habitent de l'autre côté de la frontière viennent en partie de la région, mais il s'agit en majorité de personnes issues du reste de la France qui s'établissent à cet endroit parce qu'elles ne trouvent pas d'emploi dans leur pays, du moins pas un emploi aussi bien payé qu'à Genève. Elles bénéficient de conditions de vie très intéressantes, notamment pour ce qui est du logement, et à côté de ça elles touchent un salaire lui aussi très intéressant. Vivre à Genève avec un certain salaire ou habiter de l'autre côté de la frontière, ce n'est pas la même chose: le différentiel de pouvoir d'achat est assez impressionnant et augmente de plus en plus en raison du taux de change entre l'euro et le franc suisse.
Il faut quand même rappeler que les frontaliers dont on parle, ce sont des permis G, c'est-à-dire des personnes étrangères vivant à l'étranger et travaillant en Suisse. En l'occurrence, pour le canton de Genève, on est en train de dépasser les 120 000 permis G - c'est le dernier chiffre que j'ai, mais ça augmente mois après mois, année après année. Ce nombre est assez fou, on a une force d'attraction... Certains employeurs privés et publics trouvent un avantage à faire leur choix sur le marché de l'emploi comme s'ils étaient au supermarché. On se dit: «Plus c'est achalandé, mieux c'est.» Voilà en quelque sorte la réalité à laquelle on fait face, et il faut les dire, ces réalités. On ne peut pas prétendre, parce qu'on entrerait alors dans la mythologie: «Les frontaliers, ce sont des Genevois qui partent de l'autre côté de la frontière.» Non ! Malheureusement, c'est un phénomène minoritaire et ces gens-là ne sont pas des frontaliers; on peut les appeler des expatriés ou des Suisses qui habitent de l'autre côté de la frontière, mais ils sont globalement minoritaires. Merci, Madame la présidente.
M. Vincent Subilia (PLR). Sans vouloir prolonger indûment la discussion, Madame la présidente - vous me pardonnerez -, je pense que, puisque le rapporteur de deuxième minorité évoque la mythologie, il serait judicieux d'apporter un éclairage factuel et objectif au débat qui nous réunit ici.
Il n'est pas dans mes habitudes de me faire le porte-parole des bancs d'en face, à savoir de la gauche, mais je ne crois pas avoir entendu dans les propos des socialistes que les frontaliers seraient constitués essentiellement de Genevois. Ce n'est pas ce qui a été indiqué. En revanche, ce qui a été dit et qui est un fait avéré (j'estime que nous nous devons un minimum d'honnêteté intellectuelle), c'est que parmi les frontaliers, un tiers sont effectivement des Genevois qui, de par la pression foncière que l'on connaît, vivent de l'autre côté de la frontière. Aucune norme ne les y empêche, fort heureusement.
Je m'autorise avec un peu de gravité à prendre la parole parce que, de manière plus générale, je trouve que le discours tenu s'agissant des frontaliers - mais c'est le fonds de commerce du parti qui l'entonne, on le sait bien - est véritablement nauséabond. Je le dis de façon très claire: il est à mon sens insultant de voir systématiquement attaqués celles et ceux qui constituent une force de travail indispensable à la bonne tenue de notre économie, en particulier dans des domaines aussi essentiels que la santé ou le loisir (la restauration, l'hôtellerie), et d'entendre que l'on reproche à cette catégorie de la population l'entier des défaillances de notre canton. Je m'autorise à le dire, parce que cette rengaine qui transpire dans chacune des interventions ne correspond pas à une réalité défendable. Les maux, il faut les trouver essentiellement dans le canton de Genève, plutôt que d'incriminer de façon systématique celles et ceux qui, encore une fois, participent très largement au dynamisme bénéficiant à chacun dans le canton. Je tenais à le relever, et si d'aventure des Français nous entendent, eh bien je me permets de leur témoigner ici mon empathie au nom de celles et ceux qui, dans l'hémicycle, ne partagent pas ces propos insultants. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Christian Steiner (MCG). Je vais présenter les choses un peu différemment: les gens pour lesquels il faudrait manifester de l'empathie, avant d'en montrer pour le monde entier (je ne vais pas prononcer le terme précis), ce sont simplement les 10 000 ou 15 000 personnes sans emploi à Genève. Ce n'est pas, comme on l'a évoqué, des gens en rupture scolaire. Non ! Ils ont une qualification, ils disposent de la qualification de base reconnue en Suisse, ils sont sortis d'une école de commerce et possèdent un CFC d'employé de commerce - ils n'ont en revanche pas d'expérience pratique, évidemment. Ils sont des dizaines à sortir de formation, chaque année, et on les voit ! Ils passent par exemple un an et demi à chercher du travail et coûtent très cher en mesures d'insertion. Je peux citer l'exemple d'une personne qui, pendant le covid, a eu la chance d'avoir un contrat à durée déterminée: elle était à la charge de ses parents depuis un an et demi. Je parle de ces gens-là !
Nous ne sommes pas compatibles avec le pays voisin. Pour ce faire, il faudrait que le taux de l'euro se situe à environ 1,65 franc (entre 1,50 et 1,65 franc); nous serions alors compétitifs. Une entreprise préfère engager au salaire minimum ou CCT quelqu'un venu de très loin et bénéficiant de dix ans d'expérience plutôt que de donner sa chance à un jeune qui sort d'une école. C'est aussi simple que ça.
Donc faire preuve d'empathie, oui, mais pour les 10 000 ou 15 000 personnes sans emploi à Genève. Des gens sont refusés dans les régies publiques, aux HUG. Ils ont par exemple 60 ans, ils sont en pleine forme, pourtant ils ne trouvent plus d'emploi. Ce sont ces gens-là ! Toutes les régies publiques n'engagent pas. On a des critères, notamment RH, on veut faire travailler les gens de plus en plus longtemps, mais non ! Cela crée une concurrence, qui est naturelle. Il est naturel qu'un Français vienne «faire de la Suisse», comme on dit, car le salaire est très attractif. On le comprend, mais que faire pour les nôtres ? Augmenter encore le budget de l'Hospice général ? Laisser ces gens traîner ? Instaurer des mesures de réinsertion qui fonctionnent plus ou moins ? Le pire, c'est qu'un jeune qui cherche son premier emploi peut tomber, dans une association, sur un conseiller en réadaptation censé connaître le circuit économique, mais ayant un bel accent provençal, par exemple ! Non, ce n'est pas sérieux. C'est bel et bien pour nos 10 000 ou 15 000 demandeurs d'emploi qu'on ressent de l'empathie ! Merci.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Je ne pense pas avoir été insultant en parlant d'un processus. Ce qui est insultant, c'est de voir très souvent des résidents genevois maltraités par des personnes qui veulent faire la loi ici, qui veulent coloniser Genève. (Commentaires.) Cela en dérange certains que l'on exprime des réalités, mais c'est pourtant ce que vivent un certain nombre de personnes dans notre canton. Ces réalités dérangent, bien évidemment, mais ce n'est pas une insulte, je n'ai pas l'habitude d'insulter qui que ce soit, j'éprouve un grand respect pour autrui.
Le problème, ce ne sont pas les frontaliers, mais ceux qui les engagent. (Exclamations. Commentaires.) Parfois, la structure économique empêche certains employeurs d'embaucher des résidents genevois. Voilà le problème auquel il faudrait réfléchir de manière positive et intelligente, mais on n'arrive pas à mener cette réflexion. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. Jacques Jeannerat (LJS). On ne peut pas accepter les propos qui viennent d'être tenus... (Remarque.) Genève colonisée par les frontaliers ?! Mais c'est quoi ce langage ?! J'ai envie de quitter la salle quand j'entends ça ! (Exclamations. Applaudissements.) Les excellents propos du député Subilia sont à souligner. Oui, nous avons des demandeurs d'emploi à Genève, mais il y a parfois une inadéquation entre les emplois dont nous avons besoin et les prestations que les gens sont capables de fournir. Bien évidemment, dans une société, quiconque ne peut pas occuper n'importe quel job. (Remarque.) C'est la réalité ! Vous avez parlé, Monsieur le préopinant, d'éléments naturels; Genève est une ville attractive, mais notre canton possède un territoire exigu et ne peut pas construire autant de logements qu'il le voudrait.
Je reviens sur les propos que M. Florey a tenus tout à l'heure, selon lesquels on a mis de nombreuses années à construire deux étages supplémentaires à l'avenue Vaudagne. Je suis membre d'un petit conseil de fondation immobilière et nous avons construit 250 logements en surélévation, justement, il y a plusieurs années. Donc le travail se fait ! Il se fait ! On doit néanmoins savoir ce que l'on veut. On peut bétonner tout le canton, si vous le souhaitez, comme ça on n'aura plus... On peut même inviter les frontaliers à Genève, si vous voulez, mais alors les Dugerdil, Dunand et compagnie ne seront pas contents, car on devra construire sur leurs terrains de vignes. Il faut savoir ce que l'on veut ! Il y a un équilibre entre une vie harmonieuse, une vie à la campagne, à Genève, etc., et un certain nombre de frontaliers qui viennent - car oui, c'est vrai, mais c'est comme ça ! Et les frontaliers ne sont pas en train de coloniser Genève, c'est inacceptable ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Amar Madani (MCG). Je n'allais pas prendre la parole, mais j'aimerais répondre à mon préopinant. Il existe en effet un problème: un problème d'emploi, un problème relatif à nos jeunes diplômés qui viennent de terminer leur formation. Force est de constater qu'une très grande majorité de nos diplômés sont malheureusement confrontés à une concurrence déloyale. C'est une réalité. Pourtant, une bonne partie de cet hémicycle ne la voit pas de cette façon. Comme on l'a évoqué au cours du débat sur la politique sociale, nos jeunes commencent leur vie professionnelle avec l'aide sociale. Il ne faut pas cacher le problème, mais l'affronter de plein fouet.
Mesdames et Messieurs, les propos du MCG ne sont pas insultants, c'est une réalité. Nous ne sommes pas contre le frontalier en tant que tel, mais contre un système qui met sur le carreau nos résidents, nos enfants et nos diplômés, au profit de gens qui viennent de très loin au-delà de la frontière. Sans aucune animosité ! Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, j'invite nos préopinants à corriger leurs propos. (Exclamations.)
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, rappelons à notre vénérable collègue Jacques Jeannerat ce qu'il chante outre «In vino veritas», chanson fort amicale d'ailleurs et que l'on apprécie toujours en levant le verre et le coude. Il entonne aussi le «Cé qu'è lainô», qui représente ce pouvoir que nous avons eu, nous autres Genevois, de botter le cul des Savoyards pour faire en sorte qu'ils restent chez eux. (Exclamations.)
Vous nous dites qu'ils sont maintenant 120 000, 130 000 ? On se fait coloniser ! C'est une réalité, Monsieur le député. Regardez ce qui se passe aujourd'hui avec nos jeunes: nos voisins, nos amis sont tous en détresse, parce qu'ils ne trouvent pas de travail pour leurs enfants. Toutes les sociétés ont des RH français qui n'engagent que leurs copains, leurs voisins et les habitants de leur village. C'est juste une réalité ! Alors dire qu'on n'est pas envahi, eh bien non, Monsieur le député. Oui, on est envahi ! 1602 n'a servi à rien, parce qu'en 2025 ils sont bien là. (Exclamations.) Ils occupent des postes clés dans le canton et sont en train de nous envahir. Demain, vos enfants... (Rires.) Vous pouvez tous rigoler, ricaner, là... (L'orateur désigne les bancs de la gauche.) ...mais quand demain vos enfants arriveront sur le marché du travail, qu'ils ne trouveront rien, qu'ils resteront chez vous tels des Tanguy jusqu'à 30 ou 40 ans et que vous n'aurez plus de vie, vous repenserez aux propos tenus aujourd'hui ! Vous vous souviendrez de ce fameux jeudi 19 juin où l'on vous avait dit qu'on était envahi et qu'il fallait faire quelque chose. (Commentaires.) Bonne journée !
M. Jacques Jeannerat (LJS). Chers amis, j'ai eu plusieurs jobs dans ma vie. Le dernier que j'ai occupé me faisait bien gagner ma vie, mais au cours de ma carrière professionnelle j'ai aussi eu des postes dont le salaire était relativement bas. Comme j'ai dû élever quatre enfants au sein d'une famille recomposée et que je n'avais pas les moyens de me loger à Genève, j'ai habité dix ans de l'autre côté de la frontière, et je n'en ai pas honte ! (Exclamations. Huées. Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît ! (Commentaires.) La parole est à M. Carasso.
M. Grégoire Carasso (S). Merci, Madame la présidente. Vous n'aurez pas besoin de transmettre, puisque mes propos s'adressent à vous. Est-ce que les déclarations outrancières de notre collègue Cerutti sont suffisamment proches de vos convictions partisanes pour que vous vous absteniez d'intervenir, ou cela vous a-t-il simplement échappé ? (Commentaires.)
La présidente. Monsieur Carasso, je ne trouve pas ces déclarations outrancières, et ça n'a rien à voir avec mon appartenance politique. Je pense que chacun a le droit de s'exprimer. Aucune insulte n'a été proférée. On peut ne pas être d'accord avec les propos de M. Cerutti, et vous avez le droit de l'exprimer, mais ils ne sont pas pour autant outranciers. Merci. (Applaudissements. Commentaires.) Je passe la parole à M. Baertschi.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Je pense qu'il faut respecter le débat démocratique, les avis des uns et des autres. Pour ma part, je respecte les opinions d'autrui. En revanche je n'accepte pas, c'est vrai, qu'on me qualifie de personne insultante. Mon but n'est pas d'attaquer les frontaliers, mais de défendre les résidents genevois. Ce sont nos ennemis qui nous traitent d'anti-frontaliers, alors que nous sommes pro-résidents genevois. C'est notre combat, il peut être apprécié ou contesté, mais je crois qu'il faut le prendre en considération. Ce sont mes mots, ma façon de m'exprimer, et je n'entrerai pas davantage dans la polémique. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole est à M. Desfayes. Avant de vous céder le micro, Monsieur le député, j'aimerais rappeler à l'assemblée que nous traitons de la politique de l'aménagement et du logement. (Commentaires.)
Une voix. Ça m'avait échappé !
La présidente. J'imagine que lorsque l'on arrivera à l'économie et l'emploi, ça ira très vite, puisque les débats auront déjà été menés ! Vous avez la parole, Monsieur Desfayes.
M. Sébastien Desfayes (LC). Merci, Madame la présidente. Depuis quinze minutes, on parle effectivement d'autre chose - j'ai l'impression que le PLR est tombé dans le piège tendu par le MCG. Parlons donc d'aménagement et de logement ! Cette politique publique est un peu la quadrature du cercle, parce que l'on souhaite à la fois tout et son contraire. On veut un développement économique, mais l'UDC, qui je crois y est favorable, aimerait en même temps mettre Genève sous cloche. Le MCG, quant à lui, vote toutes les dépenses et toutes les baisses d'impôts: il est par conséquent plus ou moins en faveur d'un développement économique, nonobstant ce que vient de dire le député Baertschi, mais il ne veut plus de frontaliers, si j'ai bien compris, sans d'ailleurs s'en prendre aux pendulaires vaudois - on s'interroge du reste sur ce point, parce que ces derniers paient des impôts. Il souhaite, je crois, faire venir de nouveaux habitants dans le canton: 120 000 employés, disons 200 000 personnes, ce qui fait quand même du monde. Le parti socialiste, pour sa part, veut construire à tout-va et donc bétonner Genève pour créer des logements sociaux. Comment va-t-on faire ?
Il me semble que l'on vote pour la dernière fois sur la politique publique menée par le conseiller d'Etat actuel, que je tiens à remercier pour ses efforts. On a certes eu des disputes, mais même s'il ne m'écoute pas - vous transmettrez, Madame la présidente -, je retiendrai de lui une certaine empathie, une certaine humanité et, quand il le voulait bien (je précise: quand il le voulait bien), cette faculté extraordinaire de réunir les gens et de parvenir à un compromis. Alors je souhaite bonne chance à son successeur... (Remarque.) ...dont j'espère qu'il sera un homme du centre droit ou de la droite. Ce sera en effet la quadrature du cercle, car l'équation ne peut pas être résolue, et je crois que tous ceux qui ont suivi ces débats l'ont bien compris. Merci, Madame la présidente.
Une voix. Bravo !
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter sur cette politique publique.
Mise aux voix, la politique publique G «Aménagement et logement» est adoptée par 62 oui contre 20 non.
H - SÉCURITÉ ET POPULATION
La présidente. Mesdames et Messieurs, nous enchaînons avec la politique publique H «Sécurité et population». A la fin du débat sur celle-ci, je lèverai la séance pour que nous puissions aller manger, donc à vous de voir à quelle heure vous souhaitez terminer ! Monsieur Seydoux, c'est à vous.
M. Laurent Seydoux (LJS), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Dans le cadre de la commission des finances, treize députés se sont montrés favorables à cette politique publique - et vous demandent donc de la soutenir -, deux s'y sont opposés.
Les dispositifs policiers de plus en plus importants mis en place pour les manifestations sportives, culturelles ou politiques mobilisent des ressources importantes de la police, qui ne peut dès lors pas les consacrer à d'autres tâches régaliennes liées à la sécurité. Une réflexion devra être menée sur la priorisation des moyens engagés. Merci, Madame la présidente.
M. Sylvain Thévoz (S). Brièvement, Mesdames et Messieurs, nous prenons acte du fait que le Conseil d'Etat poursuit sa mise en oeuvre de la stratégie pénitentiaire 2022-2023, articulée autour de cinq axes essentiels. Contrairement à ce qu'avait annoncé M. Poggia, il ne sera pas possible de raser Champ-Dollon en 2030. Le gouvernement rappelle que les résultats préliminaires concernant le site de Puplinge ouvrent des perspectives intéressantes, malgré l'impossibilité de densifier comme prévu.
Nous sommes très curieux de découvrir ces perspectives intéressantes. Toutefois, si le procureur général Jornot continue à mener la même politique criminelle qu'actuellement au sein du Ministère public et qu'à cela s'ajoute le manque de ressources annoncé à l'Etat en raison des baisses fiscales successives, il est clair que la situation des lieux de détention sera encore plus compliquée à gérer et les droits fondamentaux des détenus, de leurs proches ainsi que les conditions de travail des agents de détention difficiles à garantir. La stratégie pénitentiaire votée par ce parlement risque de se retrouver rapidement en fort décalage avec la réalité du terrain. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo.
Mme Masha Alimi (LJS). En ma qualité de commissaire aux visiteurs officiels, j'ai eu l'occasion de m'entretenir à plusieurs reprises avec les équipes des établissements pénitentiaires et d'observer in situ les effets concrets de la politique publique relative à la privation de liberté et à ses mesures d'accompagnement. Je souhaite attirer l'attention de cette assemblée sur un axe fondamental, mais encore insuffisamment développé, celui de la réinsertion, notamment pour les personnes condamnées à des peines courtes ou moyennes.
Ces types de public, dont le retour en société est relativement rapide, nécessitent un accompagnement ciblé. Or, sur le terrain, l'offre d'activités structurantes reste notoirement insuffisante. Le taux moyen d'ouverture des ateliers est actuellement de 67%, ce qui signifie que plus d'un tiers du temps disponible n'est pas utilisé à des fins occupationnelles ou formatrices.
Cette situation résulte de plusieurs facteurs, dont certains relèvent clairement de déficits de pilotage ou de coordination. A titre d'exemple, l'atelier de menuiserie est fermé depuis plus d'un an, faute de personnel qualifié, sans qu'aucune solution alternative ait été mise en place à ce jour.
Pour notre part, nous avons formulé une proposition concrète, à savoir la création d'un atelier cuisine. Cette mesure aurait un double effet levier: elle créerait des places de travail pour les détenus tout en générant une économie budgétaire significative grâce à l'internalisation de la confection des repas, actuellement assurée en externe par les HUG.
S'ajoute à cela une problématique récurrente, l'impact des absences au sein du personnel de détention. L'accès aux ateliers, aux espaces de sport ou à d'autres activités est régulièrement suspendu pour des raisons de sécurité, faute d'encadrement suffisant.
Ce déficit de présence nuit à la continuité des parcours de détention et alourdit la charge pesant sur les agents présents. Il est impératif d'élaborer un mécanisme de remplacement souple, mais fiable, qui garantisse l'accès aux prestations prévues tout en préservant les conditions de travail du personnel.
Concernant les alternatives à la détention, notamment le système du bracelet électronique, nous déplorons l'absence d'indicateurs consolidés d'évaluation ou de planification stratégique. Aucune information tangible ne nous a été présentée quant à son déploiement effectif, son efficacité ou son taux d'utilisation. Le discours sur la désistance reste théorique, sans ancrage perceptible dans les dispositifs observé lors de nos visites.
Enfin, s'agissant de la planification pénitentiaire, les éléments livrés jusqu'à présent demeurent extrêmement généraux; nous restons dans l'attente d'orientations concrètes, d'un calendrier structuré et de projections capacitaires claires. En somme, la réinsertion doit se traduire par des actes effectifs et mesurables. Le travail en détention, la formation, les alternatives à l'enfermement, le soutien à la désistance: voilà les leviers d'une politique pénitentiaire cohérente et humaine. Merci.
Mme Dilara Bayrak (Ve). Concernant tout ce qui relève de la réinsertion, nous pouvons complètement souscrire aux propos de Mme Alimi. Pour le reste, le groupe des Vertes et des Verts est déçu quant à la politique menée dans le domaine de la sécurité. Le système de détention ne fonctionne pas, les établissements ne vont pas bien: Curabilis est en crise, La Clairière également; à La Brenaz et à Champ-Dollon, ce n'est pas beaucoup mieux.
Nous souhaiterions voir un véritable changement de dynamique, changement que nous réclamons depuis très longtemps; malheureusement, il n'arrive pas. Aujourd'hui encore, il n'y a pas de rapport sur la détention à Genève dans lequel figureraient des statistiques; nous en attendons un avec impatience, car ces éléments nous permettraient de corriger le tir, de définir comment améliorer le dispositif en place.
A ce propos, le système actuel n'est pas remis en cause uniquement pour des raisons idéologiques, mais aussi parce qu'incarcérer coûte extrêmement cher, et incarcérer à outrance est vraiment trop cher. On pourrait utiliser ces moyens dans le cadre des autres politiques publiques dont nous avons discuté tout à l'heure ou encore au sein même de celle-ci, par exemple en faveur de la réinsertion. En effet, grâce à la réinsertion, non seulement on diminue les risques de récidive, mais les personnes que nous parvenons à réinsérer peuvent ensuite se mettre à travailler, à payer des impôts, à contribuer à la société, en devenir des membres à part entière.
Ainsi, l'action menée dans le cadre de cette politique publique est malheureusement insuffisante par rapport aux ambitions que nous nourrissons en la matière, notamment parce qu'on pourrait rationaliser les coûts, mieux gérer les questions de détention et de réinsertion.
En ce qui concerne la police, nous sommes encore et toujours dans l'attente d'un retour de la formation policière à Genève. Nous avons voté une loi sur le sujet, mais sa concrétisation est sans cesse repoussée. Nous le regrettons, car la formation de la police telle que délivrée aujourd'hui a des conséquences ou plutôt mène à des positions extrêmement délétères et fatales. Il faut la revoir, l'adapter au terrain - au terreau, même - de Genève, déterminer les enjeux afin de préparer au mieux nos policiers et policières. Ce n'est pas un métier facile, c'est un métier qui, dès lors, mérite une formation adéquate.
Nous attendons du Conseil d'Etat une meilleure prise en charge de cette politique publique et, bien sûr, une meilleure dotation en postes, eu égard à toutes les fois où le gouvernement vient nous demander des moyens. La sécurité dans les rues est aussi en lien avec le nombre de personnes qu'on réussit à former - et à bien former, à former de manière adéquate et idéalement non violente - avant de les envoyer sur le terrain, et ces gens-là, il faut les payer.
Rappelez-vous, Mesdames et Messieurs, que malheureusement, même pour le plan crack, la droite avait, dans un premier temps, refusé d'accorder des postes; il a fallu insister, et c'est parce qu'on l'a placée devant ses propres incohérences qu'elle les a finalement votés. On retrouve cette problématique dans tous les pans de l'Etat, mais également lorsqu'on parle de sécurité. Merci. (Applaudissements.)
M. Jacques Blondin (LC). Le Centre acceptera cette politique publique. Toutefois, s'agissant du programme H02, l'une de nos grandes préoccupations concerne les absences et les carences ou les vacances actuelles au sein de l'office cantonal de la détention: la situation commence à durer et inquiète passablement de monde.
Alors effectivement, il s'agit indirectement d'un héritage de la personne qui était là avant vous, Madame la conseillère d'Etat. A priori, cela n'aurait pas trop d'influence sur les lieux de détention qui, eux, fonctionnent, même si - et on le voit depuis quelque temps dans la presse - les problèmes sont majeurs.
Juste un mot par rapport à ce type de préoccupations structurelles: la moyenne des absences à l'Etat tourne autour des 6% et quelques, je crois; dans les établissements pénitentiaires, le taux monte jusqu'à 20%, ce qui prouve qu'il y a quand même un certain... (Remarque.) Oui, oui, on a eu le chiffre... (Remarque.) Si, si, on a eu le chiffre dernièrement ! Bref, 20%, c'est beaucoup et c'est la preuve qu'il y a un certain problème structurel à ce niveau.
Il est à souhaiter que vous trouviez rapidement une solution pour doter l'office cantonal de la détention du personnel dont il a besoin et que l'assistance à ceux qui sont sur le terrain soit efficace. Merci.
Mme Alia Chaker Mangeat (LC). Je dirai quelques mots sur la politique de détention à Genève. Il est vrai que sur le papier, telle qu'elle est décrite dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat, la stratégie développée dans le cadre de cette politique publique nous convient. On y explique qu'elle s'articule autour de cinq axes: privation de liberté, réinsertion, alternatives à la privation de liberté, suivis extracarcéraux et prestations destinées aux personnes détenues ou suivies. Tout cela est très bien en théorie, mais malheureusement, la réalité est différente de ce résumé quelque peu idyllique.
En effet, les problèmes sont importants, notamment à Champ-Dollon. Il y a une surpopulation évidente dans cet établissement, ce qui est dû en partie à la politique criminelle menée à Genève. Tout à l'heure, M. Sylvain Thévoz l'a dénoncée, mais il faut ajouter qu'il s'agit d'une politique criminelle commune, signée à la fois par la conseillère d'Etat socialiste et M. Olivier Jornot, c'est une politique conjointe.
Et si, dans les priorités de la politique criminelle commune 2024-2026, figure la lutte contre la traite des êtres humains et l'exploitation, ce qui est très bien, il y est tout de même précisé: «y compris dans le domaine de la mendicité organisée». Bien sûr, tout le monde veut lutter contre la mendicité organisée, mais dans les faits, parmi les personnes détenues à Champ-Dollon, il y en a qui ont été amendées pour mendicité, qui ne pouvaient pas s'acquitter de la somme parce qu'en situation de précarité extrême et qui, par conséquent, se retrouvent en prison. Or ces gens incarcérés à Champ-Dollon ne sont pas les tenants du trafic d'êtres humains, ils représentent plutôt le dernier maillon de la chaîne de la mendicité, et finalement, ce sont eux qui sont punis, des démunis en situation de précarité extrême.
Ce que je dis ici trouve sa démonstration dans les arrêts du Tribunal fédéral, parce que certains font recours: des arrêts sont rendus qui établissent qu'ils sont en prison simplement pour avoir mendié. Parfois même, ils sont en récidive de mendicité, ce qui montre, en plus, que la politique de détention n'est pas du tout efficace, puisqu'ils recommencent. Et s'ils sont amendés pour récidive, ils font appel au Tribunal de police pour contester la sanction, donc le coût pour la société est énorme, aussi financièrement parlant. Un jour de détention coûte environ 350 francs, mais ce chiffre n'englobe pas le fait que les gens font recours, qu'une assistance juridique intervient, qu'un juge qualifié doit les recevoir au Tribunal de police... Et ils font bien de saisir le Tribunal de police, car souvent, celui-ci leur donne raison !
Cette politique de criminalité interroge, parce que de nombreuses personnes sont incarcérées à Champ-Dollon qui n'ont rien à y faire. Cela crée des tensions dans la gestion des effectifs de gardiens de prison, qui font un métier très difficile, cela met en péril les droits des détenus. Par exemple, on a lu dernièrement que, faute de personnel, certains d'entre eux n'ont pas pu voir leur avocat, n'ont pas pu sortir de prison comme ils auraient dû le faire, et cela n'est pas acceptable.
Sur ces questions, sur Champ-Dollon, tout comme Mme Bayrak, nous attendons des statistiques plus précises. On nous répond toujours que l'informatique ne permet pas de sortir des analyses détaillées; je suis très surprise qu'en 2025, ce soit encore le cas. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Murat-Julian Alder (PLR). Le groupe PLR votera bien évidemment cette politique publique, mais je souhaite tout de même réagir aux propos de mes collègues et consoeurs préopinantes, Dilara Bayrak et Alia Chaker Mangeat.
Tout d'abord, quand on entend la représentante des Verts, on a un peu l'impression qu'elle est en train de nous dire que comme la prison coûte trop cher, eh bien il ne faut pas y incarcérer des gens, même s'ils ont été condamnés par les tribunaux; non, non, ça coûte trop cher, donc on ne va pas les emprisonner, quand bien même c'est prévu par la législation fédérale, plus précisément par le code pénal suisse.
Mme Chaker Mangeat, quant à elle, évoque - à juste titre - une situation très délicate, le fait de placer des personnes en prison parce qu'elles n'ont pas payé une amende qu'on leur avait infligée. Là aussi, Maître Chaker Mangeat, je vous renvoie à l'article 106 du code pénal suisse qui prévoit le mécanisme de la conversion en un jour au moins de détention lorsqu'on ne s'acquitte pas d'une amende.
Mesdames et Messieurs, nous représentons le pouvoir législatif, nous sommes là pour veiller au bon fonctionnement des institutions, mais également pour rédiger des lois, tout comme l'Assemblée fédérale rédige des lois qui peuvent faire l'objet d'un référendum, mais que, une fois adoptées, tout un chacun est tenu de respecter.
Dans ces circonstances, il n'existe pas de politique criminelle à proprement parler: il y a un code pénal, il y a un code de procédure pénale, qui sont certes imparfaits, mais qui doivent être appliqués dans toute la Suisse, y compris à Genève, même si cela dérange la gauche. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. J'ai entendu certaines personnes mentionner les difficultés auxquelles Champ-Dollon est en proie et qui sont évidentes. Or ça me surprend un peu, parce que ce sont les mêmes groupes qui, il y a quelques années, se sont opposés à la prison des Dardelles. Si on avait construit l'établissement pénitentiaire des Dardelles, bon nombre de problèmes que nous connaissons actuellement ne se poseraient pas - peut-être pas tous, mais certainement quelques-uns.
Par conséquent, je pense qu'il faut parfois tenir compte de ce qui est prévisible avant de prendre certaines positions et ne pas se plaindre ensuite de situations dont on est en partie à l'origine. Merci, Madame la présidente.
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie pour vos interventions et je me félicite qu'un certain nombre des préoccupations de votre parlement rejoignent celles du Conseil d'Etat.
Je salue les éléments relevés par la commission des visiteurs officiels, qui s'est exprimée par le biais de sa présidente sortante, s'agissant des mesures pouvant être mises en place dans la détention afin de favoriser la réinsertion. A cet égard, Madame la députée, Mesdames et Messieurs, je me réjouis que lorsque nous aurons besoin de moyens supplémentaires pour réaliser l'atelier cuisine que vous, tout comme nous, appelez de vos voeux, le Grand Conseil nous les accorde.
Je me réjouis également que le Grand Conseil nous donne la possibilité de créer un pool de remplacement pour les agents de détention de tous les établissements carcéraux, parce qu'il s'agit d'un domaine où nous ne pouvons pas remplacer autrement les absents qu'en chargeant davantage le personnel en place. Il est partant nécessaire, pour assurer un équilibre et que nos collaboratrices et collaborateurs conservent une bonne capacité de travail, de trouver d'autres solutions. Et oui, je vous l'avoue, Mesdames et Messieurs les députés, cela passera par des ETP supplémentaires: c'est le seul moyen d'éviter que les personnes sur le terrain s'épuisent à remplacer celles qui ne pourraient pas y être, ce qui conduirait à une spirale descendante.
Enfin, je remercie M. Alder qui, dans sa dernière intervention, a indiqué quasiment tout ce que j'entendais mettre en avant, à une ou deux petites nuances près. On blâme le fait que certaines personnes soient incarcérées, et je peux partager cette critique. Toutefois, je rappelle que ce ne sont pas les collaboratrices et collaborateurs de la politique publique H qui fixent les peines de prison, mais bien les juges. Dès lors, je prends bonne note de la remarque et je la transmettrai au Pouvoir judiciaire, mais celui-ci, en vertu de sa totale indépendance, n'en fera probablement pas grand-chose, considérant certainement que sa priorité est d'appliquer la loi - et je ne vois pas très bien ce qu'il pourrait en faire d'autre.
Cela étant, Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui concerne les statistiques de la détention, je crains que lorsque notre administration oeuvre à répondre à vos attentes, elle soit parfois superbement ignorée. En effet, une motion a été traitée à la commission des visiteurs officiels demandant que nous légiférions pour fournir des chiffres. Le Conseil d'Etat a reçu cette requête, l'a traduite par une disposition réglementaire afin que le processus soit agile, rapide et efficace, et a publié les statistiques de la détention de manière extrêmement détaillée sur son site internet, certes avec une dizaine de jours de retard sur le timing annoncé, puisque nous avions parlé du premier trimestre et que nous avons dû le faire aux alentours du 10 mars... Ou du 10 avril, plutôt, le premier trimestre courant effectivement jusqu'à fin mars. Ainsi, je vous invite à aller consulter ces statistiques et à me faire part de ce qui, selon vous, manque dans ces chiffres pour que vous soyez renseignés au mieux, car notre intention est naturellement de pouvoir répondre à vos questionnements, pas de vous cacher une information ou une autre.
Mesdames et Messieurs, je conclurai sur une note positive. Mme Mangeat, dans son intervention - vous la remercierez au passage, Madame la présidente -, a véhémentement critiqué la loi sur la mendicité, mais cette loi est directement issue des travaux de votre parlement, ce n'était pas un texte du Conseil d'Etat. Je vous remercie de votre attention.
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la politique publique H «Sécurité et population» est adoptée par 44 oui contre 24 non et 15 abstentions.
La présidente. Mesdames et Messieurs, avant de lever la séance pour la pause, je vous propose un petit récapitulatif des soldes de temps de parole. Madame de Planta, pouvez-vous nous les communiquer ?
Mme Francine de Planta. Volontiers, Madame la présidente: M. Seydoux, rapporteur de majorité, dispose encore de huit minutes trente-sept, Mme Marti, rapporteure de première minorité, de dix minutes quarante et une, et M. Baertschi, rapporteur de deuxième minorité, de trois minutes treize.
S'agissant des groupes, il reste treize minutes vingt et une au PLR, huit minutes trente-deux aux socialistes, neuf minutes quarante et une aux Verts, vingt-cinq minutes et une seconde au MCG, vingt-trois minutes vingt-six à l'UDC, vingt-quatre minutes cinquante à LJS et huit minutes trente-huit au Centre.
La présidente. Merci bien. Voilà, Mesdames et Messieurs, vous êtes ainsi tous informés. Je vous donne rendez-vous à 20h30 pour la suite de nos travaux. Bon appétit !
La séance est levée à 18h40.