République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2211-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : De l'air et de l'espace plutôt que du gris et de la pollution à la route des Jeunes
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 19 et 20 juin 2025.
Rapport de majorité de M. Jacques Jeannerat (LJS)
Rapport de première minorité de Mme Lara Atassi (Ve)
Rapport de deuxième minorité de M. Jean-Pierre Tombola (S)

Débat

La présidente. Nous poursuivons avec la P 2211-A. La parole est à M. Jeannerat.

M. Jacques Jeannerat (LJS), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Cette pétition demande purement et simplement de requalifier l'axe Jonction-P+R de l'Etoile, donc la route des Jeunes. Il est vrai que cette desserte autoroutière et les routes latérales répondaient à un besoin pendant plusieurs décennies, puisqu'on était essentiellement en zone industrielle ou en zone d'entrepôts, et que le visage de ce quartier va changer. On ne peut pas dire qu'il est en train de changer, parce que le PAV met beaucoup de temps à se mettre en place, mais il va changer. La vocation de cette autoroute et des routes qui lui sont parallèles doit bien sûr aussi évoluer; il en va de la qualité de vie dans ce futur quartier idéal que tous les Genevois réclament et qu'une grande partie de ce parlement appelle de ses voeux.

La majorité de la commission a été sensible à cet élément-là. Nous avons voulu en savoir un peu plus et surtout savoir où en était le Conseil d'Etat dans ce dossier. Nous avons donc procédé à une audition, celle de M. Antoine Gillot, ingénieur chargé du suivi du PAV. Il a pu nous expliquer que des études ont été lancées en 2020, qui vont exactement dans le sens de la pétition. Celle-ci est donc quasiment inutile, ce qu'elle demande figure dans les plans du Conseil d'Etat.

Un détail à relever toutefois: la proposition, ou le plan du Conseil d'Etat, va un peu moins vite que ce que la pétition demande. Mais si l'on veut faire les choses correctement, il faut que la partition soit jouée dans le bon ordre. La suppression du P+R Etoile pourra se faire seulement quand on aura construit - je me réfère au débat de ce matin - le P+R de la patinoire du... du... (Remarque.) ...du Trèfle-Blanc, voilà (je cherchais le mot «trèfle» - trèfle à quatre feuilles, je ne sais pas si on aura de la chance avec ça, mais on verra !). Il faut procéder par étapes. On ne peut pas démanteler le P+R Etoile, qui a son utilité actuellement - il est très occupé -, tant que le nouveau n'est pas construit. Or on a à peine les plans et pas encore le crédit de construction pour celui-ci. Laissons donc les choses se faire gentiment.

Cette pétition est bourrée de bon sens. Mon groupe en accepte l'idée de base, et moi aussi, à titre personnel, mais de grâce, il ne sert à rien de l'envoyer au Conseil d'Etat: il a déjà fait tout le boulot et il va nous répondre ce qui figure dans le rapport en lien avec sa feuille de route.

Voilà ce que j'avais à dire. Je vous invite donc à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

Mme Lara Atassi (Ve), rapporteuse de première minorité. Chères et chers collègues, le PAV, c'est le secteur en développement de Genève, et nous avons l'ambition d'en faire un modèle d'urbanisme moderne. Pour cela, nous avons remis la Drize à ciel ouvert, nous prévoyons des rues arborisées, des voies vertes, des axes vélos forts, un quartier bien dense en logements... et - et ! - une bonne vieille autoroute des années 90 ! Bien sûr, je ne suis pas bien placée pour critiquer ce qui est né dans les années 90... (Rires.) ...mais il y a quand même matière à discuter.

Premièrement, cette route des Jeunes est accompagnée d'une voie centrale et d'un prolongement autoroutier A1a qui représentent un complexe routier à sept voies. Toutes celles-ci, sauf une, sont destinées au transport individuel motorisé, ce qui implique un niveau de pollution atmosphérique et sonore proportionnel à l'importance de cette route. De plus, cette barrière de béton est infranchissable pour tous les autres usagers, ce qui rend dangereuse l'utilisation d'un autre mode de transport et tue toute possibilité de voir s'implanter une vie de quartier.

Deuxièmement, la présence de cette voie autoroutière est une incohérence urbanistique. C'est un «dead end» autoroutier, qui entre à l'intérieur de la ville, à l'intérieur même de la deuxième ceinture urbaine, avec un lot considérable de voitures dans un espace qui, au sens de la LMCE, devrait accueillir un trafic restreint et donner la priorité à la mobilité douce et aux transports en commun. Cette incohérence est renforcée par la présence du P+R, qui représente un appel d'air au centre de ce qui sera le quartier du PAV: c'est un appel d'air pour les voitures à cet endroit alors qu'elles devraient être stoppées avant. Afin de lever cette incohérence, il faudrait encourager le report modal en amont de la ceinture urbaine, voire bien avant, avec la création de P+R à la frontière ou en périphérie du canton et la mise en place de transports publics efficaces et de voies cyclables sécurisées qui permettent d'entrer dans la ville.

Cela sera rendu possible par la requalification de cet axe et des routes qui le constituent, qui entraînera la réduction du trafic individuel. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Cela permettra de libérer de l'espace pour les aménagements nécessaires, c'est-à-dire une piste cyclable séparée du trafic, des voies propres pour les transports publics et un espace de déambulation agréable et arborisé pour les piétons, ce qui favorisera l'implantation de commerces locaux et une riche vie de quartier. La place laissée pour l'arborisation permettrait également de créer des îlots de fraîcheur dans un quartier qui est très bétonné et de favoriser le retour d'une biodiversité importante, en synergie avec les trames bleues qu'on est en train de créer par la remise à l'air de la Drize et bientôt de l'Aire.

Ces discussions sont bien sûr déjà en cours au sein du département: une étude, peut-être, portera sur la possibilité de mettre en place un premier aménagement qui verra le jour peut-être, une fois - on ne sait pas.

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Lara Atassi. Mais si l'on veut que ces aménagements se fassent avant 2035 ou 2040, il faut prendre des décisions maintenant. Il est vrai que la construction du PAV est lente, mais la première étape des travaux arrive déjà à terme. Il faut prendre les décisions aujourd'hui pour qu'elles soient mises en application en cohérence avec les travaux du PAV et surtout avec nos objectifs climatiques, qui sont, je le rappelle, une réduction de 50% de nos émissions d'ici à 2030. Sachant que quasiment 30% de ces émissions proviennent de la mobilité terrestre, il faut urgemment activer les leviers que nous avons pour réduire cette empreinte, et cela passe par la réduction du trafic individuel et la mise en place d'alternatives souhaitables, car meilleures, à ce trafic. Pour ces raisons, la première minorité vous recommande de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Merci.

M. Jean-Pierre Tombola (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette pétition, déposée par l'Association transports et environnement, invite à une requalification rapide de la route des Jeunes et de son tronçon nord. Elle propose également la suppression du P+R de l'Etoile afin que le tronçon sud soit limité au transport individuel motorisé tout en restant ouvert aux déplacements professionnels pour desservir la zone industrielle. Il s'agit de l'arrivée de l'autoroute A1, et cet axe comprend effectivement sept voies, infranchissables, ce qui veut dire qu'il n'y a que l'automobile qui est utilisée, au détriment d'autres modes de transport.

Parler de la disparition du P+R Etoile n'est pas un tabou au moment où, effectivement, le quartier du PAV évolue. On envisage d'amener un peu plus de vie, de requalifier les espaces, de rendre l'Aire au plein air pour améliorer la qualité de l'habitat. Cette pétition s'inscrit donc pleinement dans une vision de long terme pour donner un peu plus de vie et d'espace dans ce quartier.

Plusieurs parkings sont en construction à cet endroit: un parking de 1200 places est prévu au Bachet-de-Pesay, lié à la patinoire du Trèfle-Blanc; celui de Pictet est en train de se construire dans la même zone, alors que le parking des Noirettes est vide. Si le P+R Etoile venait à être supprimé, il y aurait suffisamment de places de parc pour absorber les voitures. L'idée de la requalification de la route des Jeunes, en passant de sept à quatre voies, serait de donner à d'autres usagers la possibilité de l'utiliser. D'autres personnes veulent en effet utiliser cet axe, mais avec des moyens de transport de mobilité douce: le vélo, la marche et autres.

Mesdames et Messieurs les députés, quand nous parlons de la qualité de vie, nous sommes tous d'accord, mais lorsqu'il s'agit de prendre des mesures, certains sont réticents, et ce n'est pas normal. Oui, le Conseil d'Etat prévoit des mesures, mais elles sont très lointaines, comme l'a relevé le rapporteur de majorité. Il est temps que cette route soit requalifiée, et il faut que cela soit anticipé; c'est maintenant qu'il faut commencer à anticiper l'avenir, pas plus tard. Mesdames et Messieurs les députés, la deuxième minorité vous recommande le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, qui justement pourra en inscrire les demandes dans ce qu'il a prévu de faire et les intégrer dans ce qu'il est en train de faire. Je vous remercie.

Mme Christina Meissner (LC). Cette pétition a effectivement été déposée par l'ATE et ses représentants, Mme Caroline Marti et M. Matthieu Jotterand, qui sont par ailleurs nos chers collègues députés dans ce parlement, je tiens quand même à le souligner. L'objectif est de supprimer des infrastructures existantes. Existantes certes depuis les années 90, mais qui subsistent aujourd'hui.

Le secteur du PAV est en effet en plein développement et il devrait nous offrir un urbanisme moderne, d'abord au profit des futurs habitants. Cette pétition demande ainsi de sauver la biodiversité à cet endroit: or, excusez-moi, mais il n'y a pas grand-chose à sauver dans cette zone industrielle, si ce n'est justement sa connectivité exceptionnelle en matière de transports, notamment ferroviaire, mais aussi avec la route des Jeunes, qui lui offre un accès direct à l'autoroute de contournement, et que la pétition veut supprimer.

Ce texte demande aussi la suppression du parking de l'Etoile. Mais avant de démolir des infrastructures, il conviendrait d'abord d'offrir des alternatives: d'abord, des P+R en périphérie et des liaisons ferroviaires efficientes, depuis la France voisine notamment.

Quant à améliorer la biodiversité dans ce quartier, à cet endroit, il ne faut pas rêver, il n'y en a pas: les rivières ont été enterrées il y a belle lurette et les zones de verdure sont surtout présentes en périphérie. Dès lors, cette zone devrait privilégier une approche multifonctionnelle et multiétages, qui réponde aux besoins des futurs habitants, mais aussi des entreprises: vivre, travailler, fabriquer, livrer localement. Une qualité de vie, c'est aussi par là que ça passe.

A Zurich, une autoroute traverse aussi tout un quartier: étrangement, Zurich a réussi cette superposition des usages en offrant des pistes vélos, des parcs tout en gardant l'autoroute en dessous. Alors pourquoi pas nous ? Démolir des infrastructures pour mettre de la nature là où elle n'existe pas et en même temps - je ne peux m'empêcher de le faire remarquer - démolir des quartiers de villas, où la nature existe bel et bien, c'est une aberration.

Dès lors, le dépôt de cette pétition est une évidence. Le Conseil d'Etat travaille déjà sur les plans, laissons-lui le temps pour cela; je pense qu'il le fera bien - mais, j'espère, un petit peu plus rapidement que tous les gouvernements précédents.

Une voix. Bravo !

M. Christian Steiner (MCG). Il faut rappeler quelques faits et corriger des imprécisions. Dans le PAV - Praille-Acacias-Vernets -, le PLQ Acacias 1 est en vigueur, le référendum n'est pas passé. On va donc réaliser Acacias 1, et qu'est-ce qui est prévu en plus des 2200 appartements ? Un espace professionnel pour deux appartements. Il y aura donc cinq mille habitants et plus de deux mille emplois sur place, avec le principe de la ville au quart d'heure, c'est-à-dire que tout est atteignable en un quart d'heure.

Il ne faut cependant pas oublier que la tour Pictet, qui est en construction, abritera plusieurs centaines d'emplois; sur la route des Acacias, il y a aussi plusieurs centaines d'emplois; Rolex, rue François-Dussaud, c'est mille emplois. Qu'est-ce qu'on va faire dans ce quartier ? Au lieu de l'idyllique ville au quart d'heure, on va fabriquer une pompe à pendulaires, pour ne pas utiliser d'autres expressions. (Commentaires.) Comment ces pendulaires vont-ils arriver ? Car ce sont des centaines qui viendront. Il ne faut donc surtout pas s'en prendre aux voies de circulation et au trafic. Le P+R a toute son utilité pour le moment, il ne faut surtout pas y toucher. Le jour où un parking plus grand sera utilisé, notamment pour d'autres événements, pourquoi pas une requalification. Néanmoins, il faut encore préciser que l'urbanisme s'est fait avec un minimum de places: il y aura cinq cents places de parking pour les cinq mille habitants d'Acacias 1. Peut-être que le P+R de l'Etoile servira juste à leur offrir une place. On ne se fait pas de souci pour les vélos: pour cinq mille personnes, dix mille places sont prévues, qui seront vides, comme dans le reste de la ville.

En ce qui concerne la végétalisation, nous faire croire que l'on pourrait créer un lieu de promenade et de détente sur une voie d'accès à une zone industrielle et artisanale, ça relève de l'écoblanchiment. (Remarque.) Quand on parle de végétalisation, on en arrive toujours à la même logique et à la conclusion que le seul endroit où on peut planter un arbre, en ville de Genève, si on écoute la majorité, notamment celle du Conseil municipal, c'est une place de parc ! Non, soyons sérieux, déposons cette pétition sur le bureau. Merci.

Mme Uzma Khamis Vannini (Ve). Ce n'est pas d'une pompe à frontaliers qu'on devrait parler, mais d'une infrastructure qui pompe l'air. La pétition s'appelle «De l'air et de l'espace [...]». Je vous demande de fermer les yeux juste une seconde et de vous imaginer sur une terrasse. Rappelez-vous cet agacement que vous ressentez lorsque vous avez quelqu'un qui passe bruyamment à vos côtés; si, comme dirait l'autre, au bruit s'ajoute l'odeur, vous vous direz que vous êtes très, très, très agacé d'être sur cette terrasse où on vous pompe l'air, l'espace et on vous casse les oreilles. Avec sept voies de circulation, c'est ça que l'on va imposer à la population qui va vivre là-bas. Peut-être que c'est un choix politique, mais ce n'est en tout cas pas celui des Verts. Je vous remercie.

M. Pierre Conne (PLR). Le PLR soutiendra la proposition de dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, rejoignant notamment les arguments du rapporteur de majorité et de Mme Meissner. Pour se figurer ce qui se passe aujourd'hui, certains se souviendront que cette route des Jeunes a été déposée un jour, comme ça, au milieu de nulle part, par un vaisseau spatial, sans qu'on sache trop ce qui y entrerait et ce qui en sortirait: une espèce de bout d'autoroute au milieu de la ville. Finalement, avec le temps, c'est devenu l'entrée sur l'autoroute de contournement, et maintenant l'entrée en ville par l'autoroute de contournement, mais également une pénétrante pour la ville, une transversale pour pouvoir passer à partir de là sur la rive droite.

Ce que le département nous a très bien expliqué, c'est que cette vocation de transversale était caduque. Effectivement, tout le secteur, et notamment la portion dont on parle, va être réaménagé afin de servir les besoins de ce nouveau quartier extraordinaire qui va se développer dans la région, ce qui nous permet de dire très objectivement que sur le fond, les attentes des pétitionnaires sont parfaitement rejointes par les projets aujourd'hui planifiés.

Je conclurai en relevant la différence entre la vision des rapporteurs de minorité et la nôtre. Dans leur vision, le changement de classification d'un axe routier est une fin en soi, alors que pour nous, c'est un moyen pour une fin, c'est-à-dire pour servir un nouveau type d'urbanisme. C'est pourquoi nous vous proposons de raison garder et de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Merci.

M. Sylvain Thévoz (S). Cette autoroute n'a pas été déposée là par hasard: c'était un projet qui visait à réaliser la traversée du lac, ou en tout cas la traversée du Rhône avant l'heure, avant les projets néfastes de la droite, dans les années 60. Heureusement, cela a été stoppé, le quartier du Seujet n'a pas été rasé, vous n'avez pas une autoroute aujourd'hui. Ces sept voies étaient donc destinées à se poursuivre jusque de l'autre côté, et vous auriez alors eu une ville de Genève coupée en deux par une autoroute de sept voies.

Maintenant, il s'agit de continuer à faire reculer l'autoroute, qui débouche au P+R Etoile et qui va le long de la route des Jeunes, avec ces sept voies qui s'avancent vers la ville d'une manière totalement anachronique, passéiste. Nous regrettons, au parti socialiste, qu'il y ait encore une majorité, tristement, pour s'accrocher à des reliquats du passé qui n'amènent que nuisances et pollution, et surtout sont néfastes pour les commerces. On dit: «Un futur quartier va arriver là, c'est le PAV.» Mais est-ce que les commerçants sont heureux que se mêlent à un flot continu de véhicules - de frontaliers, diront les membres du MCG, tandis que d'autres diront de trafic de transit, c'est notre cas - les personnes qui souhaitent se déplacer avec leur véhicule de travail ? Vous ne pouvez pas faire déboucher une autoroute en plein centre-ville et imaginer que ça va bien se passer.

Il faut donc évidemment faire reculer cette autoroute, comme l'a fait Zurich, qui a reconverti un tronçon d'autoroute en tunnel à vélos, renforçant et accélérant la mobilité douce. Si ce n'est pas fait avant 2040 ou 2045, on sera obligé de constater que M. Maudet, le magistrat, se paie de mots. Il nous fait rêver ! Il nous dit : «Attendez jusqu'en 2029, 2040, 2050», mais est-ce que les Genevois ont envie d'attendre que ce soient leurs enfants qui, dans vingt ans, puissent enfin se déplacer à vélo en sécurité à Genève ? Qu'on gagne enfin une ou deux voies sur des autoroutes de sept voies en plein centre-ville ? Qu'enfin le pont du Mont-Blanc soit un peu réduit ?

Pourtant, ça se fait ailleurs. Certains honnissent la France, mais voyagez, allez voir à Paris les quais de la Seine, allez voir à Lyon les quais du Rhône ou de la Saône. Ces espaces ont été requalifiés, ils sont accueillants, dignes d'intérêt et renforcent le commerce local. Pourquoi n'arrive-t-on pas à le faire à Genève ? Pourquoi n'arrive-t-on pas à supprimer une voie sur une autoroute de sept voies qui arrive en plein centre-ville ? (Remarque.) Au nom de quoi ? Au nom de l'économie ? Non, ça lui nuit. Au nom de quoi, du passé ? D'un attachement à la route ? Je souhaiterais volontiers entendre M. Maudet là-dessus.

Il faut aller plus vite, il n'y a aucune nécessité vitale de garder ces sept voies, si ce n'est celle d'un enracinement politique dans le tout-voiture, qui nuit non seulement à ceux qui ont besoin de leur véhicule motorisé individuel, mais surtout à ceux qui veulent évoluer vers la société de demain, plus apaisée. Merci beaucoup de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, elle est frappée au coin du bon sens. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Atassi pour cinquante-quatre secondes.

Mme Lara Atassi (Ve), rapporteuse de première minorité. Merci, Madame la présidente. J'aimerais revenir sur certains éléments. On a prêté des intentions aux rapporteurs de minorité: je tiens à dire que nous ne visons pas une requalification. Franchement, pour ma part, ça m'est égal de savoir comment la route est nommée dans le registre de l'Etat.

C'est vrai qu'on a des visions différentes. Premièrement, c'est la question de la temporalité, qui a déjà été répétée, et la deuxième chose, c'est un problème concret: le PAV sera un quartier très dense, avec beaucoup de logements, une belle vie de quartier, on espère; et pour pouvoir apporter cette vie, il faut des rues apaisées et des déplacements en mobilité douce. Pour ça, il faut prendre l'espace là où il existe, c'est-à-dire sur les voies de transport individuel motorisé. Le préalable pour avoir une certaine qualité dans les transports publics, c'est de retirer les voies de mobilité individuelle.

M. Jacques Jeannerat (LJS), rapporteur de majorité. A une exception près, tous les députés qui ont pris la parole dans ce débat poursuivent le même objectif. Tous ! Les demandes formulées dans cette pétition sont déjà dans la feuille de route du Conseil d'Etat. Il ne sert donc à rien de la renvoyer au Conseil d'Etat, il faut la déposer sur le bureau du Grand Conseil.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. La question de la temporalité est effectivement centrale. Je rejoins les propos du rapporteur de majorité. On comprend que certains et certaines souhaitent que le fait de se débarrasser des véhicules privés soit le préalable et d'autres la conséquence. La vérité est entre les deux: le département, le Conseil d'Etat, souhaitent privilégier la voie de la simultanéité.

J'aimerais rappeler ici la double vocation de cette route des Jeunes, qui va s'éteindre avec le développement du PAV mais qui, en l'état, ne peut pas être totalement abandonnée du jour au lendemain. Il est important de rappeler la première de ces vocations. On évoque tout le temps le transport de personnes lorsqu'on traite de ce thème. Il faut se souvenir qu'il y a également à Genève un besoin de transport de marchandises et que toute la zone Praille-Acacias-Vernets est une zone aujourd'hui remplie d'entreprises d'un certain volume. Des entreprises de transport, même de déménagement, y sont installées, et l'accessibilité de la zone est actuellement vitale pour elles. C'est donc un point central pour notre économie, pour l'achalandage général. Prenons simplement une grande enseigne orange que j'éviterai de nommer ici, qui se répartit dans toute une série de succursales dans la ville: l'arrivée des marchandises se fait en partie par rail mais aussi en partie par route.

Je vous rappelle également que Genève, avec la plateforme de Bardonnex, est le point d'entrée du sud-ouest de la Suisse et qu'un certain nombre de camions arrivent directement dans ce quartier depuis l'autoroute. Cela va évoluer, vous le savez aussi: nous avons un projet de demi-jonction autoroutière à Vernier - avec le support de la commune - qui va permettre d'accéder plus directement à la zone industrielle de Meyrin-Satigny-Vernier. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, tout se tient. On ne peut pas tout faire simultanément, il faut respecter un certain nombre de paramètres.

La deuxième vocation de cet axe, M. Thévoz y a fait référence, est appelée à disparaître. Il est vrai qu'il a été conçu dans les années 60 pour faciliter le transit entre le nord et le sud, le sud et le nord du canton, non pas sur le lac mais sur le Rhône. Aujourd'hui encore, beaucoup d'automobilistes ont l'habitude de prendre la route des Jeunes pour ensuite emprunter le pont Sous-Terre et monter du côté de Saint-Jean. Cette vision sera bientôt caduque, à condition, je le répète ici et je le fais à des fins pédagogiques, à condition que vous souteniez et que Berne soutienne le projet du Conseil d'Etat, qui découle par ailleurs de la LMCE, de renforcer en passant à trois pistes l'autoroute de contournement, qui est le vrai périphérique de Genève. C'est une condition sine qua non pour désengorger le centre-ville, vous le savez et nous le savons.

Le Conseil d'Etat n'est pas obtus. Il travaille notamment avec l'Office fédéral des routes sur l'affectation de la troisième piste autoroutière sur l'ensemble du pourtour du canton à certaines heures, à certains moments, pour du covoiturage, pour des véhicules de transport en commun. On conçoit donc ici une évolution et une adaptation, mais il ne sera pas possible d'imaginer simplement que l'ensemble des véhicules actuellement présents au centre-ville s'évaporent, qu'ils soient liés aux marchandises ou aux personnes. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons effectivement à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil: nous vous expliquons, et le rapporteur de majorité a raison, que nous convergeons sur les objectifs, mais en raison de la temporalité, on ne pourra pas faire autrement.

Je finis sur une anecdote qui mettra tout le monde d'accord, je pense: cet été, vous pouvez être sûrs que dans ce quartier, ce sera relativement statique, parce qu'il va y avoir des chantiers, et ce sera l'occasion de constater la pacification partielle et temporaire de ce secteur, j'imagine en tout cas autour de la rue Antoine-Jolivet. Je vous remercie de votre attention.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2211 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 54 oui contre 28 non (vote nominal).

Vote nominal