République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 20 juin 2025 à 10h
3e législature - 3e année - 2e session - 10e séance
PL 13587-A
Premier débat
La présidente. Nous commençons le traitement des urgences avec le PL 13587-A, qui est classé en catégorie II, trente minutes. Monsieur Saudan, je vous passe la parole.
M. Marc Saudan (LJS), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi fait suite à l'obligation que les cantons doivent appliquer relative au nombre de médecins pouvant pratiquer à charge de l'assurance de base; c'est la fameuse clause du besoin. En effet, la Confédération a déterminé un nombre maximum de médecins par spécialité pouvant s'installer dans les différentes zones du territoire. La commission de la santé a demandé l'urgence sur le traitement de ce texte en raison du délai de l'application des normes fédérales, fixé au 1er juillet 2025. Il convient, en préambule, de bien préciser que cette future réglementation concerne seulement la possibilité que les frais médicaux soient remboursés par l'assurance de base: elle n'est pas liée au fait d'obtenir le droit de pratique, qui dépend uniquement de la reconnaissance de la validité du diplôme de médecin.
Il est évident qu'en tant que médecin indépendant, je n'adhère pas fondamentalement à l'idée de limiter la possibilité de s'installer en pratique privée. Il faut néanmoins admettre, comme l'a montré le département, que chaque installation de médecin entraîne un supplément de coût pour l'assurance-maladie obligatoire d'environ un demi-million de francs, ce qui a évidemment une répercussion sur la hausse des primes. Il importe d'être conscient que cette limitation ne va pas forcément influencer de manière importante l'augmentation de primes que nous subissons chaque année - comme vous le savez, on nous annonce déjà une hausse de près de 5% cette année. Cependant, en médecine, on sait que l'offre crée la demande.
La commission s'est réunie à trois reprises, a procédé à l'audition du président de l'Association des médecins du canton de Genève (AMGe) et des coprésidents de l'Association des médecins d'institutions de Genève (AMIG), a reçu la prise de position de l'Organisation suisse des patients et a auditionné le département. L'AMGe a reconnu le besoin d'une régulation, mais elle souhaite l'effectuer en concertation avec le département (raison pour laquelle nous avons amendé le projet de loi pour y indiquer la présence de la commission quadripartite et sa composition: un membre de l'AMGe, un de l'AMIG, un des HUG et un de l'Association des cliniques privées de Genève), non sans avoir au préalable consulté les associations des représentants des patients en cas de besoin après la planification qui est faite tous les quatre ans.
Un autre point important était le fait, en cas de départ d'un spécialiste, de ne pas prendre forcément le premier de la liste d'attente, car si celui-ci avait une sous-spécialité... Par exemple, un orthopédiste spécialiste du pied ne peut pas être remplacé par un médecin ne s'occupant que de l'épaule.
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Marc Saudan. Merci, Madame la présidente. La notion de sous-spécialité a été introduite et sera discutée par la commission quadripartite. On l'avait déjà évoquée avec une motion votée l'année passée: possibilité a effectivement été laissée à la commission quadripartite de discuter de ce sujet - il s'agissait d'un amendement qu'on avait rédigé au moment où il y a eu la libération de certaines spécialités, dont les médecins généralistes.
Par ailleurs, les médecins en formation étaient inquiets pour leur futur, et il conviendra de discuter de l'avenir des Hôpitaux universitaires de Genève, car on ne pourra pas faire naviguer ce paquebot sans matelots. Pour l'heure, les médecins ayant obtenu leur FMH avant le 1er octobre 2022 ont reçu un numéro RCC, même s'ils sont restés à l'hôpital, et le gardent. Une liste d'attente a été instaurée, ce qui, si l'on veut s'installer, nécessite le départ d'un médecin de la même spécialité. Une de leurs craintes, tout à fait justifiée, était de perdre leur numéro RCC en cas de non-utilisation pendant six mois. Nous avons donc amendé ce projet de loi en ajoutant le terme «continue» à l'expression «formation post-grade». Pour explication, la formation postgrade est celle que vous suivez pour obtenir un titre FMH, la formation continue se déroule après l'obtention de ce titre, qui vous permet de demander votre numéro RCC. Cet amendement permettra à un médecin ayant obtenu son FMH puis éventuellement son numéro RCC de le garder s'il continue sa formation dans un hôpital, avec, par exemple, un poste de chef de clinique.
La commission a aussi demandé son avis à l'Organisation suisse des patients, et, comme vous l'aurez vu, selon l'article portant sur la limitation, sa consultation est requise. Pour ces raisons, je vous remercie d'accepter ce projet de loi, qui représente un juste compromis, afin de répondre à cette obligation légale fédérale sur l'octroi des numéros RCC permettant le remboursement par l'assurance obligatoire. Merci.
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de minorité. Je tiens à remercier le rapporteur de majorité: l'essentiel a été dit. Evidemment, ce n'est pas très agréable pour le représentant du parti libéral-radical que je suis d'accepter un contingentement dans le domaine médical, mais, comme il a été rappelé, il s'agit d'une obligation fédérale que nous relayons dans notre droit cantonal.
Le seul point dans mon rapport de minorité, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, est la suppression d'un alinéa de l'article 33B qui porte sur la caducité de six mois. Pourquoi ça ? Parce que le premier goulet d'étranglement est le cadre général de la loi. Celle-ci va limiter par spécialité, par sous-spécialité, le nombre de médecins, et y ajouter la caducité de six mois. Je défends ici la position de l'Association des médecins d'institutions, c'est-à-dire les jeunes médecins de ce canton. Ceux-ci sont venus plaider ce point en disant: «Vous voulez nous ajouter la caducité au contingentement, alors qu'on ne l'avait pas avant ?!»
Dans le rapport, j'ai détaillé quelques exemples, probablement pas assez nombreux. J'ai écrit: «La disposition actuelle ne prévoit que quelques cas très spécifiques (maladie, accident, maternité, formation postgrade) permettant une dérogation.» Ça veut dire que vous allez demander une dérogation en la justifiant, et l'office cantonal vous la donnera ou pas, mais, comme l'Association des médecins d'institutions nous l'a expliqué, de nombreuses situations légitimes justifient d'attendre un peu plus que six mois, par exemple un projet de cabinet qui est retardé, l'attente d'un espace de consultations, une transition académique, des responsabilités administratives ou des projets de recherche en cours. Pour toutes ces raisons, il nous semble tout à fait exagéré d'ajouter une énième spécificité locale, c'est-à-dire l'octroi d'une dérogation, ce qui relève des compétences de l'administration, alors qu'on a déjà un principe qui n'est pas libéral, à savoir le contingentement.
Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous enjoins de supprimer l'alinéa 3 de l'article 33B. Ça ne change pas le fond du problème - il y aura quand même un contingentement -, mais au moins ça permet aux médecins d'institutions, soit à notre avenir dans le domaine médical, aux fameux matelots dont le rapporteur de majorité parlait, de ne pas en outre devoir demander à l'Etat une dérogation dans les six mois (pour autant que ce soit possible dans les six mois), ce qui reviendrait à donner à l'administration cantonale un pouvoir non nécessaire en la matière. Je vous remercie de votre attention.
M. Léo Peterschmitt (Ve). Ce parlement a déjà eu l'occasion de débattre de la clause du besoin au début de la législature, et maintenant, rebelote avec désormais une obligation fédérale. Les Vertes et les Verts voient dans la clause du besoin un outil pour un système en crise. La pénurie de médecins, en particulier la pénurie de médecins de premier recours, constitue un risque majeur pour la santé publique - dans ce système de soins en crise, les médecins représentent en effet une ressource de santé importante pour la population. Nous devons garantir que le système soit efficient et qu'il puisse supporter les énormes défis de santé à venir.
La clause du besoin prend en compte la spécificité de la formation post-graduée et continue et intègre la consultation des représentantes et représentants des patientes et patients. Cependant, elle n'est qu'une partie de la solution; on peut penser à l'amélioration des conditions de travail pour les soignants - je regarde M. Maudet, on vous attend au tournant -, à la promotion de la santé et à la prévention. Il s'agit aussi de parler d'argent dans la médecine; je m'autorise à citer la professeure Samia Hurst qui, dans le numéro de décembre 2024 de la «Revue médicale suisse», déclarait: «On s'inquiète, à raison, que chacun gagne assez pour permettre à la médecine de poursuivre. On oublie de se demander si certains gagnent trop.» On aura peut-être l'occasion d'en discuter lors du traitement d'une des urgences. Merci beaucoup.
Mme Jacklean Kalibala (S). Tout d'abord, j'aimerais préciser que, bien que le département connaisse la date limite, fixée au 1er juillet 2025, ce projet de loi nous a été transmis tardivement et la commission n'a eu que deux mois pour traiter hâtivement un sujet très complexe. Malgré cet élément, elle a réussi à nuancer le texte proposé par le Conseil d'Etat, en garantissant la consultation systématique des différentes parties prenantes, notamment les patientes et les patients, les diverses associations de médecins ainsi que les jeunes médecins en formation.
Au parti socialiste, nous sommes particulièrement attentives et attentifs à ce que se fasse un réel suivi de la couverture des besoins de la population, avec des évaluations régulières de l'offre médicale confrontées à une analyse territoriale des besoins. Nous exigeons du Conseil d'Etat qu'il fasse bon usage de sa marge de manoeuvre en adaptant les nombres maximaux et les exemptions en fonction des besoins spécifiques des Genevoises et Genevois.
Il reste toutefois un point de discorde: la caducité du droit de facturation à l'assurance obligatoire des soins après six mois. Dans la copie originale du Conseil d'Etat, cette caducité s'applique uniquement aux nouveaux médecins autorisés à facturer à l'AOS. Cette application est extrêmement injuste pour les jeunes médecins, quand on sait que des médecins moins jeunes gardent leur droit de pratique sans pratiquer. Si le but de la loi est d'introduire un contrôle sur le nombre de médecins autorisés à facturer à l'AOS, il faut au minimum s'assurer que ceux-ci soient réellement disponibles pour les patientes et les patients. C'est pour cette raison que nous avons maintenu une caducité après six mois d'inactivité, pas seulement au début de l'activité, mais pendant toute la durée de l'autorisation, avec des exemptions justifiables.
Je sais que vous avez déjà tous entendu parler de certains spécialistes refusant des patients qui ont une assurance de base, mais acceptant encore des patients qui ont des assurances privées, ou même de délais d'attente plus longs pour les patients ayant une assurance de base que pour les patients qui ont des assurances privées. Le message envoyé aux médecins est le suivant: l'autorisation de facturer à l'assurance obligatoire des soins s'accompagne d'une obligation de pratiquer et de soigner la population. Pour les médecins en formation, que défend la minorité, il a été confirmé par le département que dans le cas d'un juste motif, par exemple six mois de formation complémentaire, cela est admissible: ils n'ont donc aucune raison de craindre que cette disposition impacte le début de leur pratique. Pour ces raisons, il faut refuser l'amendement de la minorité, qui enlève le seul élément d'un réel contrôle de l'activité des médecins, et voter le projet de loi tel qu'amendé en commission. Merci.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, je voudrais saluer une fois de plus la qualité et la rapidité du travail de la commission de la santé, qui se révèle une excellente commission de ce Grand Conseil. Je souhaite également relever les craintes du rapporteur de minorité, qui ne semble pas apprécier le contingentement imposé par la clause du besoin à une profession considérée comme libérale. Il faut quand même souligner que la profession de médecin n'est pas tout à fait libérale: dans la mesure où, dès qu'il s'installe, le médecin dit: «Coucou, me voilà !» aux assureurs et dans la mesure où il remplit les conditions posées par l'Etat et celles posées par l'assureur, il est automatiquement remboursé - c'est ce qu'on appelle l'obligation de contracter. Même si elle est remise en cause à l'heure actuelle au Parlement fédéral, cette obligation existe et garantit une certaine sécurité pour le niveau de vie des médecins.
Je tiens à relever deux choses en particulier. La première, c'est l'inscription de l'existence de la commission quadripartite non plus dans un simple règlement, mais dans la loi, ce qui lui donne une bonne assise et lui permet de continuer de fonctionner de façon satisfaisante comme elle l'a fait pratiquement depuis la première introduction de la clause du besoin dans les années 2000. La deuxième, c'est la collaboration qui pourra être établie avec l'Organisation suisse des patients; celle-ci est une organisation représentative et a également son mot à dire. Pour toutes ces raisons, le groupe du Centre soutiendra le projet de loi tel que sorti de la commission et vous recommande de faire de même. Je vous remercie.
M. Patrick Lussi (UDC). Pour l'Union démocratique du centre, il était important de participer dès le début, et surtout de comprendre quelle était la réelle finalité, car le projet de loi initial, bien que présenté tard, méritait quelques modifications. La commission a travaillé avec sérieux, des amendements ont été présentés et discutés, notamment ceux des associations qui ont été auditionnées ou de l'association des patients, qui n'avait pas pu être entendue. D'une manière générale, on peut dire (j'aime bien la conclusion du rapporteur de majorité) que c'est le moins mauvais compromis qu'on ait pu trouver sur le sujet, dans la mesure où nous avons l'obligation légale de voter là-dessus compte tenu des dispositions fédérales. Raison pour laquelle l'Union démocratique du centre a accepté ce projet de loi et vous enjoint également de le voter tel que sorti de commission, c'est-à-dire sans aucune autre modification. Je vous remercie.
M. Pierre Nicollier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite relever ce que mon préopinant, M. Guinchard, a dit. Effectivement, la médecine n'est pas libérale, les prix sont fixes, on est sûr que les factures sont remboursées et l'indépendance des médecins est attaquée de toute part, jour après jour, mois après mois. La législation fédérale crée un contingentement, et celui-ci va accroître le déséquilibre entre la médecine de ville et la médecine d'Etat, médecine de ville qui représente un reliquat de la médecine libérale et indépendante et que nous essayons de préserver. Aujourd'hui, le segment dont les coûts augmentent le plus rapidement est la médecine ambulatoire dans les établissements stationnaires, donc aux HUG. On sait que les prises en charge aux HUG coûtent plus cher que les prises en charge par les médecins de ville; de nombreuses études le montrent, et dans certains domaines, c'est jusqu'à deux fois plus cher.
Or, avec cette loi, on crée des bouchons à la sortie des HUG: on continue de fabriquer des médecins, mais on les bloque à l'hôpital. Comme celui-ci va encore grandir, on va de plus en plus appauvrir la médecine de ville, jusqu'à ce qu'elle disparaisse, j'imagine. C'est pour cette raison que ce projet de loi ne nous satisfait pas. On a besoin d'encourager les jeunes à entamer des études de médecine. On sait que l'on connaîtra une pénurie magistrale d'ici dix ans, pourtant, on est en train de faire le contraire de ce qu'on devrait faire, c'est-à-dire essayer de favoriser la formation de nouveaux soignants. Une motion a d'ailleurs été votée, sauf erreur à l'unanimité, par cette plénière. Cependant, on est en train de donner des indications complètement contraires, ce qui engendrera un crash plus violent que prévu. Pour cette raison, nous voterons contre ce projet de loi. Merci.
M. Léo Peterschmitt (Ve). J'aimerais juste répondre à ce qui a été dit. En estimant que l'installation de médecins de ville devrait être totalement libérale, ce qu'affirme mon préopinant Nicollier, c'est que finalement, peu importe: toutes les spécialités peuvent s'installer et on aura, comme maintenant, quinze mille neurologues, quinze mille cardiologues et quinze mille radiologues; quand la population connaîtra des problèmes de santé, il n'y aura plus de généralistes.
La médecine doit être pensée également comme une ressource pour la population pour que celle-ci puisse atteindre un bon niveau de santé: elle représente en effet une béquille importante de la santé. Aussi faut-il encourager et encadrer l'installation de médecins de premier recours; ils ne constituent pas une ressource illimitée, et lorsque la ressource n'est pas illimitée et qu'il faut les gérer pour les optimiser afin d'avoir un système de santé efficient... Le PLR parle d'efficience budgétaire toute l'année, na na na, na na na, na na na, par contre, quand il s'agit d'efficience du système de santé, on n'en veut plus. Je trouve ça très dommage, surtout que ça va à l'encontre d'une bonne santé publique. Merci.
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de minorité. Je ne reviendrai pas sur la petite boutade du préopinant Vert, membre d'un parti pour lequel - on le sait depuis les interventions de M. Nicolet-dit-Félix tout à l'heure - la dette est un patrimoine. Les leçons de morale sur les finances de la part des Verts, on s'en passe.
L'article 33B, alinéa 3, qui traite de la caducité, est une contrainte rigide, superflue et mal alignée avec ce qui existe déjà. La question est la suivante: quand ils voudront s'installer, est-ce que les jeunes médecins seront confrontés à une espèce de dilemme entre, d'une part, demander tout de suite leur inscription et s'installer dans les six mois, et, de l'autre, faire un projet de recherche avec l'hôpital, prolonger et améliorer leur formation pour x ou y raison ou encore maintenir leur apport à l'hôpital en début de carrière ?
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Adrien Genecand. On va forcer les gens à effectuer un choix qui n'est pas nécessaire et qui, à mon avis, Jean-Marc Guinchard l'a dit... En une minute, on n'a pas le temps de faire la critique du système de santé, de ses 100 milliards et du fait qu'il n'est pas libéral du tout (il y a obligation de contracter), mais le fait est qu'avec cette caducité, on envoie un signal extrêmement mauvais aux jeunes médecins: elle rend la situation encore plus complexe et superflue que ce qu'elle est déjà avec le contingentement.
Je termine en précisant que le vrai souci n'est pas la caducité, c'est que des spécialités sont surreprésentées, comme les psychiatres, pour vous donner l'exemple le plus rigolo. Est-ce que Genève a beaucoup plus de fous que le reste de la Suisse ? La réponse est non ! Il est évident qu'il y a des problèmes d'offre et de demande, par exemple dans le cas des psychiatres, mais ce n'est pas avec la caducité que l'on réglera ce problème d'économicité de la santé.
La présidente. Je vous remercie. La parole revient à M. Saudan pour quarante-trois secondes.
M. Marc Saudan (LJS), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Comme mon préopinant, je tiens à remercier mes collègues de la commission de la santé: cette commission oeuvre pour le bien des soins et de la santé de la population.
Pour revenir au sujet soulevé par le rapporteur de minorité, à savoir la caducité, on pourrait effectivement se poser la question. Le problème est que, dès qu'un médecin a son RCC, il bloque la place des suivants. Des médecins peuvent rester à l'hôpital ou décider de partir à l'étranger pendant deux ans, mais comme ils ont un numéro RCC, ils empêchent la sortie d'un médecin qui veut vraiment s'installer. Je pense donc que cette caducité est importante; elle ne péjore pas les médecins en formation, puisqu'on a ajouté le terme «continue». Tant qu'il reste à l'hôpital, tant qu'il travaille à l'hôpital, le médecin ne perdra pas son RCC. Il n'y a par conséquent pas besoin de supprimer cet alinéa. Merci, Madame la présidente.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je m'associe aux remerciements adressés à la commission de la santé, qui a travaillé avec diligence, même si, je le précise, le projet de loi a été transmis en janvier et que l'étude a commencé en mars. Cela dit, les trois séances consacrées à ce sujet avec les auditions afférentes ont permis d'améliorer cet objet, le Conseil d'Etat le concède volontiers, et de lui donner les contours nécessaires pour que ce mécanisme - dont je comprends et j'admets qu'il rebute certains, car c'est un mécanisme de régulation - puisse fonctionner.
Je le dis d'emblée: pour le gouvernement, il est important d'écarter l'amendement proposé par le PLR, parce que s'il était voté, ce serait comme si vous aviez un robinet sans la molette. Il est évident qu'un modèle de régulation sans régulateur, c'est-à-dire sans la caducité (autrement dit la durée, puisque par définition, dans un modèle de régulation, c'est la durée qu'on autorise qui postule ensuite la possibilité de demander une dérogation), un modèle dont on enlève cette molette-là n'a plus d'intérêt.
Il s'agit donc, vous l'avez bien compris, Mesdames et Messieurs, non de révolutionner le système de santé, mais d'appliquer le droit fédéral, avec des dispositions qui s'adaptent quand même - je veux souligner le consensus de la commission - à un biotope particulier. Ce biotope genevois est constitué d'une forte concentration de médecins, dont un certain nombre croient encore exercer une profession libérale - il y a visiblement consensus ici pour admettre que ce n'est plus le cas; mais d'autres se disent aussi, il est important de le souligner, Mesdames et Messieurs, que cet instrument de régulation n'est pas le seul à disposition. Plusieurs d'entre vous, le député Peterschmitt notamment, l'ont mentionné, le levier de la formation est important. L'incitation à développer des filières de médecine de premier recours est centrale et l'Etat y travaille, vous le savez.
J'aimerais rassurer également le député Nicollier: l'hôpital ne reste pas inactif et il peut s'inspirer de ce que fait avec succès le privé. Vous le savez, un centre de chirurgie ambulatoire, précisément, partagé avec le groupe Hirslanden, verra le jour l'année prochaine, qui doit nous inciter à mieux maîtriser nos coûts, à envisager un passage moins long et un retour à domicile plus rapide des patients et à nous inspirer de techniques de médecins de ville qui ont fait la démonstration de leur intérêt. Nous ne restons donc pas inactifs, et Dieu merci, pour veiller à ce que le système de santé s'adapte, nous ne comptons pas uniquement sur cet instrument, qui est certes régulateur, mais d'inspiration fédérale.
Ma conclusion ira au fait que notre système de santé marche sur la tête ! Cette considération plane: même si plusieurs d'entre vous n'ont pas osé le dire, cet élément est ressorti dans les discussions sur la clause du besoin. De l'extérieur, lorsqu'on ne connaît pas le débat... D'un côté on lit à longueur d'année qu'une pénurie de médecins arrive (et c'est vrai, on la voit venir), mais de l'autre côté on se dit qu'il faut appuyer sur le frein et réguler; d'un côté on veut accélérer, de l'autre on veut appuyer sur le frein ! Pourquoi ça ne marche pas ? En raison des paramètres globaux, M. Genecand l'a rappelé, pour un marché de 100 milliards (la santé, en Suisse, représentera 100 milliards de francs par an à partir de cette année), et parce qu'il y a des indications complètement contradictoires.
Ajoutons ce qu'ont vécu de nombreux assurés ces derniers mois à Genève s'agissant d'un volet pour le coup totalement différent de l'assurance de base, à savoir le volet de l'assurance complémentaire, l'assurance privée: des assureurs qui tiennent le couteau par le manche, qui contraignent les médecins et touchent à leur indépendance, font pression et prennent en otage les cliniques. Il faut souligner que nous devons - et c'est le vrai combat -, d'urgence dirais-je, à l'horizon de cet automne déjà, passer le cap de la clause du besoin et considérer les vrais problèmes, notamment la place des assurances et la capacité de rétablir un équilibre au bénéfice des assurés.
Voilà, Mesdames et Messieurs, pourquoi le Conseil d'Etat vous recommande de voter ce projet sorti amélioré de commission, en écartant l'amendement proposé par le PLR. Il vous donne la garantie - je m'adresse à la préopinante socialiste - que le régime dérogatoire, comme on s'y est engagé en commission, sera analysé, étudié, documenté, et ce en concertation avec la commission quadripartite; il s'agit en effet d'un processus de concertation associant toutes les parties prenantes. L'engagement, Madame la députée Kalibala, je le reprends ici vis-à-vis de vous: nous veillerons à faire usage de ces dérogations avec parcimonie et intelligence, mais aussi avec ouverture et concertation. Merci de votre attention.
La présidente. Merci bien. Mesdames et Messieurs, je lance le vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13587 est adopté en premier débat par 83 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. A l'article 33B, nous sommes saisis d'un amendement de la minorité visant à biffer l'alinéa 3.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 67 non contre 21 oui.
Mis aux voix, l'art. 33B (nouveau) est adopté, de même que l'art. 33C (nouveau).
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13587 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui contre 21 non (vote nominal).