République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 23 mai 2025 à 16h15
3e législature - 3e année - 1re session - 4e séance
M 3126
Débat
La présidente. Nous reprenons le traitement de nos urgences et abordons la dernière d'entre elles, à savoir la M 3126. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme Fabienne Monbaron, première signataire.
Mme Fabienne Monbaron (PLR). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, je pense qu'il n'y a pas besoin de longues explications. Vous savez tous pourquoi cette motion a été déposée, le sujet est d'actualité. Nous aurions pu ajouter au début de ce texte qui fait état de la multiplication des travaux le mot «notamment», en disant que cette multiplication des travaux était notamment due à la mise en place des réseaux thermiques structurants, car, en réalité, si l'on regarde un peu en arrière, cela fait plusieurs années que notre canton, ses habitants, ses commerçants et ses entreprises souffrent des travaux routiers, et ceux en lien avec les réseaux thermiques structurants, qui certes sont nécessaires, sont la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
Jusqu'à il y a peu, il était déjà facile de se demander si l'un des services préaviseurs des autorisations de construire ou celui qui délivre lesdites autorisations s'était posé la question de savoir si un chantier autorisé pouvait générer un conflit avec un autre situé à proximité. Aujourd'hui, nous avons la réponse: vraisemblablement, personne ne s'en préoccupe. Avec un résultat que chacun constate: tout est paralysé au centre-ville.
Et quand on dit tout, c'est tout: les transports professionnels, les transports individuels, tous modes confondus, et même les transports publics, qui en viennent à se demander s'ils ne devront pas supprimer certaines courses vu les retards, qui peuvent aller jusqu'à une heure ! Les vélos se retrouvent à zigzaguer entre les autres véhicules, les cyclistes et les piétons subissent les gaz d'échappement et les habitants voisins sont excédés.
Cette situation n'est pas acceptable, les milieux économiques l'ont déjà fait savoir, et la population se manifeste également sur les réseaux sociaux. On dit souvent que les Genevois ont une grande gueule; en l'occurrence, ils ont un réel motif de l'ouvrir. Il n'est pas non plus normal que ce soit à notre parlement de relever cela et que nous devions demander des mesures par rapport à une situation qui n'aurait jamais dû exister.
Au vu du nombre de chantiers déjà en cours - dont certains sur lesquels on ne voit aucun ouvrier pendant plusieurs jours -, on avait déjà l'impression d'une administration travaillant dans sa bulle, loin de la réalité du terrain, qui a choisi de voir si ça passe ou si ça casse, pour ensuite prendre des micromesures destinées à calmer le jeu. Cette fois, ce n'est clairement plus possible !
Il y a quelques mois, la commission des transports a eu l'occasion de se rendre sur différents carrefours au centre-ville en compagnie de l'ingénieur chargé de la régulation des feux, qui lui a expliqué quelles étaient les difficultés rencontrées dans ce domaine. Nous avons pu constater qu'il s'agit d'un travail quasi chirurgical, basé sur un système qui a atteint ses limites. Il n'est donc pas possible d'attendre une solution uniquement de ce côté-là.
Pour ceux d'entre vous qui auraient l'idée de demander un renvoi en commission, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que nous ne souhaitons pas mener de nombreuses auditions pour que ces personnes nous expliquent pourquoi cela ne fonctionne pas; nous préconisons plutôt le vote de cette urgence, car urgence il y a, pour que les personnes rétribuées au sein de l'administration cantonale, des SIG et, in fine, le Conseil d'Etat - puisqu'il semble qu'il faille faire appel à ce dernier - se mettent à travailler conjointement pour trouver des solutions efficaces et durables, et ce rapidement !
Le conseiller d'Etat chargé de la mobilité a annoncé ce jour lancer une concertation dans le but de prendre les mesures que nous préconisons dans cette motion. Nous en rajoutons une couche en demandant de ne pas délivrer d'autorisations de nouvelles ouvertures de chantier sur la voirie...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Fabienne Monbaron. ...tant que les mesures palliatives ne se concrétisent pas. Pour la petite histoire, il y a plus de vingt ans, à Wabern, après consultation de la population et des commerçants concernés, puis avec leur accord, on a fermé la route principale durant neuf mois pour permettre la réalisation d'une ligne de tram. Chacun a fait des efforts, les travaux ont été soutenus et le délai a été tenu. Chez nous, ça prend trois ans. Généralement, la coordination fait défaut, malgré la commission de coordination existante; on fait, on défait, on ouvre, on referme, on rouvre, ce qui génère des nuisances encore plus importantes.
Il y a donc largement matière à amélioration. Il faut maintenant que les personnes, services et milieux concernés se parlent, qu'ils avancent ensemble, que ceux qui ont une autorité prennent des mesures et que celles-ci soient communiquées clairement et suffisamment en amont de leur mise en oeuvre. Nous vous remercions de soutenir cette motion. (Applaudissements.)
M. Jean-Louis Fazio (LJS). Chers collègues, comme les taxis qui viennent de manifester sous nos fenêtres pendant une heure, je sillonne moi aussi chaque jour les rues de Genève dans le cadre de mon métier pour intervenir chez des particuliers ou sur des chantiers. Et je peux vous le dire sans détour, depuis deux semaines, mes ouvriers et moi vivons un véritable calvaire. Nous passons plus de deux heures et demie par jour dans les bouchons, et aux Eaux-Vives, on est pris dans une souricière. Pour accéder au quartier ou en sortir, les embouteillages sont permanents et les temps de trajet sont devenus imprévisibles. Il est impossible de fixer ou de tenir les délais des rendez-vous auprès de nos clients, avec les conséquences que cela implique sur le chiffre d'affaires.
Alors qu'il y a quelques mois, ce plénum a accepté la pétition émanant de l'association de commerçants et d'habitants Ô Vivre Ensemble qui demandait justement au Conseil d'Etat et à la Ville de Genève d'étaler les travaux (je cite: aménagement du BHNS route de Frontenex, réalisation du 30 km/h dans le quartier, volonté de la Ville de Genève de végétaliser la rue des Eaux-Vives) et de ne pas bloquer les accès à ce quartier, là, on trouve le moyen de paralyser totalement le canton. C'est comme si rien ne s'était passé et que rien n'avait été discuté à ce sujet.
Ce que nous demandons, ce n'est pas un traitement de faveur, mais une prise en compte réaliste des contraintes que subissent les commerçants et artisans de ce canton. Ils n'en peuvent plus, c'est la curée, Mesdames et Messieurs ! Genève a toujours su conjuguer innovation et pragmatisme. Je suis convaincu qu'ensemble, nous pouvons trouver des solutions qui améliorent la mobilité sans sacrifier l'économie locale. Au sein du groupe LJS, nous remercions les auteurs de cette motion et soutiendrons l'ensemble des invites. Merci.
Mme Louise Trottet (Ve). Madame la présidente, j'ai failli commettre un crime de lèse-majesté en omettant de saluer votre brillante élection hier ! Cela est désormais fait.
Mesdames les députées, Messieurs les députés, le PLR pose une question importante avec cet objet: comment garantir la fluidité du trafic dans l'intérêt de notre économie, et j'irai même plus loin, dans l'intérêt de notre société en général ? Personne, et je m'en réjouis, ne remet en question la pertinence aiguë des réseaux thermiques structurants (RTS) pour notre souveraineté énergétique, pour la transition écologique, etc. Seulement, et il faut l'admettre, ils aggravent la situation du trafic, déjà fortement congestionné dans notre canton, lequel reste très centré sur la voiture. Pourtant, elle ne constitue pas le mode de transport le plus efficace; n'importe quel ingénieur en transports vous le démontrera aisément.
Mais il faut aller plus loin dans l'argumentation sur cet objet et parler des conséquences, en cas d'inaction du Conseil d'Etat, que pourrait avoir le fait qu'une ambulance ou qu'un camion de pompiers soit bloqué dans le trafic: elles seraient absolument effarantes et il faut les éviter à tout prix ! On peut également mentionner les conséquences sur la qualité de l'air de tous ces bouchons au centre-ville et le risque accru d'accidents que crée tout ce chaos, avec des automobilistes parfois excédés. Des solutions existent, notamment celle consistant à mettre en place des mesures concertées et efficaces afin d'optimiser le trafic.
Il peut par exemple s'agir de mesures permettant de prioriser les transports publics, la mobilité douce et les mobilités actives, mais également bien entendu les personnes à mobilité réduite, les déplacements professionnels, les ayants droit et les véhicules d'urgence. En revanche, il ne s'agit pas, comme proposé dans la presse ce matin par le magistrat chargé de la mobilité, de commencer à discriminer les frontaliers. C'est une idée dangereuse et mauvaise pour notre cohésion sociale.
Le groupe Vert a déposé une proposition de motion qui ira droit en commission. Nous proposons, à choix, soit de voter l'amendement socialiste bienvenu, qui adoucit la proposition PLR, que nous ne pouvons pas voter en l'état, soit de renvoyer ce texte en commission afin qu'il soit traité conjointement avec notre objet. J'ai entendu hier soir dans ce parlement que pour obtenir des réponses rapides, le passage en commission était plus efficace que le fait de demander une réponse au Conseil d'Etat dans les six mois; je vais donc m'y fier. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Souheil Sayegh (LC). Chers collègues, cette motion déposée en lien avec les réseaux thermiques structurants n'a finalement plus de sens, parce que ça chauffe tellement en ville qu'on n'a plus besoin de ces réseaux thermiques ! (Rires.)
On constate un manque de coordination concernant ces travaux, et le parlement n'est ici que le porte-parole de la population. On le répète depuis des années, que ce soit avec la Ville de Genève et les communes avoisinantes ou au niveau du canton lui-même, ça ne se coordonne pas: on ouvre, on referme, on rouvre et on referme à nouveau.
Aujourd'hui, même les vélos, les trottinettes, les piétons et les transports collectifs ont de la peine à circuler dans le centre-ville. Et quand on a la chance de voir un ouvrier sur le chantier, on peut se dire que ça avance, mais non, les seules personnes qu'on voit - et qu'on salue ici -, ce sont les personnes en jaune, qui essaient tant bien que mal de réguler le trafic. On se dit qu'ils peuvent donner un coup de main, mais les pauvres subissent les affres de la population, de toutes les personnes présentes à un carrefour, alors qu'ils essaient de faire passer les piétons. Je saisis l'occasion de les remercier pour le travail effectué.
Une chose qui m'a fait plaisir en lisant le journal... Mme Trottet a relevé l'aspect concernant les frontaliers dans les annonces du Conseil d'Etat. Pour ma part, je salue la couche supplémentaire que le gouvernement a mise sur la traversée du lac, qui pourrait résoudre tous ces problèmes et faciliter également la circulation. Je sais, et on le sait tous, que ça prendra du temps. Mais que le Conseil d'Etat soit ici remercié pour les travaux qu'il mènera à ce sujet.
Par conséquent, Le Centre, par ma voix, soutiendra le texte déposé par le PLR - et je remercie mon groupe pour ce soutien - et refusera l'amendement socialiste ainsi que le renvoi en commission. La population attend que ça avance et pas forcément qu'on en discute encore et encore, parce qu'au final, on sait tous de quoi on va parler, à savoir des travaux. Et les quinze membres de la commission où serait renvoyé ce texte ne sont pas les maîtres d'ouvrage; ce n'est pas à nous de discuter de ça. Il nous faut vraiment empoigner le problème dès aujourd'hui, et pas dans un, trois ou six mois ! Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG). L'enfer est pavé de bonnes intentions, ainsi en est-il des réseaux thermiques structurants, avec lesquels on nous annonçait le paradis, alors que nous découvrons un enfer immédiat, celui des travaux, d'une ville obstruée, véritablement mise à l'arrêt certains jours, et en plus de ça, des coûts gigantesques qui pourraient atteindre jusqu'à 1 milliard de francs. On ne sait pas trop qui paiera ce montant, ce sera en partie les consommateurs au travers de leur facture d'électricité ainsi que les contribuables, enfin toute personne qui se retrouve captive et qui ne peut pas faire un autre choix que de payer. Tout ça est fait avec de bonnes intentions, mais sans qu'il y ait véritablement de garantie scientifique et technique que les bienfaits annoncés seront réellement présents, malheureusement !
J'entends dans cette salle, et je m'en réjouis, quelques députés prendre conscience de l'importance du trafic frontalier, qui est problématique et dont les effets sont encore démultipliés par ces obstructions. Parce qu'il faut bien en être conscient, à Genève, il existe une sorte de masochisme; on ne sait pas trop d'où ça vient, chacun a beaucoup de bonnes idées, mais elles n'ont aucune cohérence au final. On se retrouve à créer des politiques catastrophiques pour Monsieur et Madame Tout-le-Monde, comme ce paradis qui a véritablement des airs d'enfer. Il est sans doute prédestiné que ce soient les réseaux thermiques qui nous emmènent aux enfers, il s'agit vraisemblablement d'un mauvais réglage des températures ! Mais je suis très pessimiste, et mon groupe l'est également, concernant l'avenir de Genève. Malheureusement, les directions prises ont été mal choisies à tous les niveaux.
Il faut limiter la casse, et c'est ce que permet cette motion, modestement, voire très modestement, mais il faut bien avancer avec les petits moyens dont nous disposons, pour essayer d'atténuer les difficultés. Ce qu'il faudrait, ce sont des mesures plus générales, mais pour ça, il appartient à notre Grand Conseil de trouver des majorités et d'avoir le courage nécessaire pour empoigner ce problème, arrêter de mettre des rustines et véritablement soigner le mal. Merci, Madame la présidente.
M. Matthieu Jotterand (S). L'enfer est peut-être pavé de bonnes intentions, mais c'est également le cas des urgences de ce jour ! Très concrètement, quel est l'intérêt d'une telle motion ? On pourrait facilement envoyer une résolution pour dire en effet qu'il faut faire quelque chose. Je pense que ces dernières semaines, l'ensemble de la population, à moins d'avoir été en vacances exactement à ce moment-là, a remarqué qu'il y avait besoin de faire quelque chose. La problématique est donc bien réelle, on est d'accord. Toutefois, je pense que la population est en droit d'attendre de nous, en tant que parlement, en tant que pouvoir législatif, un peu mieux qu'une petite motion, écrite à la va-vite, juste avant le dépôt des urgences, histoire de dire: «On vous a écoutés !» On vous a écoutés, oui, mais on fait quoi ?
Très concrètement, cette motion privilégie les mauvaises solutions en voulant créer un blocage des autorisations de travaux. Pourquoi ? Parce qu'il y a des travaux liés aux réseaux thermiques structurants, aux transports publics ou encore à plein d'autres choses, notamment à la réfection des conduites de gaz. Si on bloquait ces chantiers, cela pourrait conduire à un danger. Cette motion est donc dangereuse !
On a aussi entendu beaucoup de mauvaises solutions durant ce débat, comme la traversée du lac. J'attends toujours un seul exemple d'une agglomération pour laquelle construire ou élargir un périphérique a permis de décharger le centre-ville en diminuant le nombre de voitures. Pour l'instant, on a fait le contraire: les TPG ont dû retirer des bus de la circulation parce que sinon, c'était le chaos. On limite ainsi encore le nombre de places dans les véhicules de transports publics, ce qui est catastrophique. Pourquoi est-ce qu'on se retrouve dans cette situation ? Il y a une seule solution concrète pour réduire les problèmes d'encombrement en ville, en partant du principe simple et évident que ce qui crée les bouchons, c'est un amas, un surplus de voitures: c'est d'enlever des voitures ! C'est assez simple, on en a le pouvoir. Mesdames et Messieurs, utilisez ce pouvoir pour résoudre le problème des Genevois.
Si vous mettez deux cents personnes dans un bus, vous supprimez deux cents voitures; vous verrez qu'il n'y a pas besoin d'une tonne de bus pour résoudre simplement le problème et laisser les professionnels - M. Fazio le soulignait, ils sont en difficulté actuellement - effectuer leur travail, bénéficier de temps de trajet prévisibles et faire fonctionner l'économie. Faire fonctionner l'économie, c'est réduire le nombre de ces voitures qui, actuellement, bouchent complètement Genève.
Parmi les mauvaises solutions proposées par cette motion, il y en a aussi qui impactent les conditions sociales des ouvriers ainsi que les nuisances pour les riverains, notamment en sous-entendant qu'il faudrait que les travaux aient plus fréquemment lieu la nuit, selon le modèle 3-8. Surtout pas, Mesdames et Messieurs, surtout pas; ce serait encore pire ! Une pensée aussi pour les hommes en jaune, qui gagneraient fortement à être mieux payés, mieux formés et mieux sécurisés.
Par conséquent, nous avons déposé un amendement général, dans le but de proposer une nouvelle motion qui permette de réfléchir en commission, raison pour laquelle nous demandons le renvoi en commission.
La présidente. Vous demandez le renvoi à quelle commission ?
M. Matthieu Jotterand. La commission des transports.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Madame la présidente. J'aurais presque pu être d'accord avec une partie du discours de notre collègue socialiste. Cependant, j'y vois une contradiction, c'est qu'au début de son intervention, il vous dit qu'une motion est inutile, et finalement, il prône le renvoi en commission. Je n'ai pas saisi le pourquoi de la chose, ce n'est pas très clair comme discours.
Sur les constats de cette motion, il est évident, et on ne peut pas le nier, qu'ils sont totalement justes. Quand j'entends dire qu'il faut trouver des solutions, il faudrait peut-être se pencher sur ce qu'a voté ce parlement au cours des dix dernières années, notamment le fait que nous ayons proposé à maintes reprises d'avoir un vrai coordinateur des chantiers, mais que cela ait toujours été refusé. Vous avez également refusé l'abolition, l'abrogation de la LMCE - puisqu'il faut quand même l'admettre encore une fois, depuis que cette loi est en vigueur, la situation ne s'est jamais améliorée. Certains rejettent constamment une nouvelle traversée du lac, et la traversée de la rade a également été refusée. Ce parlement s'est aussi opposé à la création des nouvelles routes L1 et L2, tout le monde s'en souvient.
Aujourd'hui, la situation est la suivante: à force de tout refuser, tout est bloqué ! Voilà la réalité actuelle. Il faut simplement arrêter de vouloir fermer des rues. Il faut simplement arrêter de vouloir végétaliser les routes. Il faut simplement arrêter de vouloir fermer la ville à la circulation.
La population et le nombre de véhicules augmentent. Depuis que je suis dans ce parlement, on parle d'une augmentation du trafic de l'ordre de 20% à 30% par année, et c'est encore le cas aujourd'hui. Comment voulez-vous absorber cette réalité si vous bloquez et fermez constamment la circulation en ville ? Ce qui est en train de se passer actuellement au centre-ville - et là, le département est quand même un peu responsable -, c'est qu'on donne des autorisations de fermeture, notamment à la rue de Carouge, et qu'on supprime des places de parc pour végétaliser. On l'a vu à la place de Neuve, cela a aussi bloqué une partie de la circulation.
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Stéphane Florey. Tous ces éléments font qu'effectivement, l'économie et la population en ont marre et nous demandent de faire quelque chose de concret. C'est pour ça qu'il faut voter cette motion. Je vous remercie, Madame la présidente.
Une voix. Très bien !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je cède le micro à M. Jotterand.
M. Matthieu Jotterand (S). Merci, Madame la présidente. Le but de ce renvoi en commission...
La présidente. Désolée, Monsieur Jotterand, mais vous n'avez plus de temps.
M. Matthieu Jotterand. ...est justement d'aboutir à un texte solide. (Le micro de l'orateur est coupé.)
La présidente. Excusez-moi, Monsieur le député. Je cède la parole à M. Steiner pour six secondes.
M. Christian Steiner (MCG). Merci, Madame la présidente. J'aimerais juste dire qu'en matière de bouchons, la cerise sur le gâteau, ce sont les aménagements tactiques ou les essais tels que ceux mis en place à la rue de la Croix-Rouge; on utilise l'aménagement tactique uniquement pour créer des bouchons ! Par conséquent, ça, c'est facile à éviter.
La présidente. Merci. Je passe la parole au conseiller d'Etat Pierre Maudet.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci beaucoup, Madame la présidente, de me donner la parole pour exposer la position du Conseil d'Etat sur cette motion et plus généralement sur le sujet qui anime les discussions. J'ai effectivement pu vérifier cette fin de semaine que Genève était constituée d'environ 550 000 ingénieurs en circulation, qui tous ont des idées, certaines sans doute très bonnes. Quant à celle de l'ingénieur qui vient de s'exprimer - je rebondis dessus au passage, Madame la présidente -, l'idée qui a été soutenue, au demeurant par votre parti notamment, c'était de diminuer le nombre de feux pour fluidifier la situation. Mais visiblement, une expérience qui précisément supprime un feu de circulation pour favoriser le transit est perçue de façon différenciée.
Tout cela pour dire, Mesdames et Messieurs, d'abord par rapport au constat qui a été évoqué tout à l'heure par Mme Monbaron, que celui-ci est partagé par le Conseil d'Etat. La situation n'est pas satisfaisante, elle est même très insatisfaisante. Ce n'est pas nouveau, et les réseaux thermiques structurants sont de ce point de vue là le symptôme d'un mal connu. Cela a été rappelé tout à l'heure par MM. Florey et Jotterand ainsi que par Mme Trottet, le trafic augmente et provoque une congestion.
Vous ne m'en voudrez pas, Madame la présidente, de filer la métaphore médicale, elle est de circonstance lorsqu'on traite du trafic à Genève: on peut parler de congestion, de thrombose, de caillots, de rupture d'anévrisme, et lorsqu'il y a - c'est malheureusement parfois le cas - une intervention policière musclée durant un après-midi dans un quartier, par exemple celui des Pâquis, c'est bien logique que l'intervention se déroule, mais force est de constater que cela bloque l'ensemble de la ville. Lorsque le surlendemain, c'est un incendie au centre de la rive droite qui bloque le trafic en début de journée, bien évidemment, cela fiche en l'air l'intégralité du dispositif pour l'ensemble de la journée.
Cette situation, on la connaît, vous la connaissez, mais c'est vrai que depuis dix jours environ, on fait face à un surcroît de difficultés avec les travaux liés à l'introduction des réseaux thermiques structurants, qui ont fait l'objet d'une conférence de presse par les SIG en début d'année et qui sont annoncés et planifiés depuis un an.
On voit que n'importe quel incident entraîne pour l'ensemble du trafic des blocages particulièrement conséquents. Et malheureusement, je l'ai dit ce matin dans la presse, c'est ce à quoi nous devons nous attendre pour les trois prochaines années. Les SIG ont présenté ces travaux extrêmement importants, et je me permets ici de répondre, Madame la présidente, à quelques reproches qui ont été adressés tout à l'heure et dont je prends volontiers acte. Mais ces reproches, Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, ils ne sont pas nouveaux. Le rythme, la chronologie avec laquelle les travaux se font, sont tributaires notamment des recours, sur lesquels nous n'avons pas prise et qui sont parfois longs à traiter du côté du Pouvoir judiciaire. Ces recours viennent dans certains cas de la gauche, dans d'autres ils viennent de la droite.
La rue de Carouge en est un bon exemple. Il s'agit d'un axe municipal - et j'ajoute cet élément ici, Mesdames et Messieurs les députés, parce qu'il y a un enchevêtrement de compétences municipales et cantonales en la matière. Cet axe municipal est très important parce qu'un tram y passe, mais cela reste du réseau secondaire. Il y a eu des demandes d'autorisation. Celles-ci ont évidemment été suspendues une fois les recours déposés. Tout d'un coup, les recours sont levés et la commune peut poursuivre les travaux. Il se trouve qu'ils étaient rendus nécessaires depuis des années par les conduites de gaz dont la vétusté menaçait de causer, vous l'imaginez bien, de gros problèmes pour tous les immeubles avoisinants.
Il faut savoir qu'il y a 6500 demandes d'autorisation de chantier par année, qui vont du dégrappage d'un mètre carré à des travaux beaucoup plus conséquents, comme ceux de la rue Pierre-Fatio. Ces travaux font l'objet de procédures compliquées, qu'on peut envisager de simplifier - je ne vous cache pas que c'est mon intention. Mais il faut aussi comprendre que l'autorisation que l'on octroie pour qu'ils puissent se dérouler passe par toute une série d'offices qui rendent des préavis liants.
Pour vous donner un exemple de cette complexité, je relève que pendant longtemps, on a privilégié les travaux durant l'été. En raison du réchauffement climatique, il est de moins en moins possible de les réaliser à cette période de l'année. En raison des températures, l'OCIRT (l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail) interdit la réalisation de travaux durant la journée au-delà d'un certain seuil. Alors faut-il les faire la nuit ? Si c'est la solution qu'on retient, on a immédiatement des oppositions de riverains qui, évidemment et à bon droit, ne souhaitent pas qu'on les dérange durant la nuit. Ces arbitrages sont compliqués, Mesdames et Messieurs les députés.
Il n'en demeure pas moins que deux notions fondamentales guideront la réponse que le Conseil d'Etat apportera à cette motion - je pars de l'idée, Madame la présidente, que ce texte nous sera renvoyé, cela ne fait en effet pas vraiment sens de l'envoyer en commission. Parmi ces deux paramètres fondamentaux, il y a d'abord la sécurité, cela a été dit tout à l'heure. Je ne peux pas tolérer, et ce indépendamment de la casquette de la santé que je coiffe également, qu'en raison de goulots d'étranglement et de caillots dans la circulation, en raison de l'impossibilité de passer avec des véhicules d'urgence, des personnes voient leur vie menacée; qu'il s'agisse des pompiers ou des ambulances, c'est totalement inadmissible !
On ne peut pas non plus considérer comme acceptable que des gens qui vivent du transport professionnel - et c'est ici une réponse aux milieux économiques, qui ont bien fait de nous interpeller - doivent multiplier par deux ou par trois le temps passé dans les embouteillages; je pense ici à des artisans, à des gens actifs dans la restauration, traiteurs et autres.
En moyenne, on a cinq heures et demie de bouchons par jour à Genève. Cinq heures et demie, Mesdames et Messieurs les députés, sur certains axes. Et ça augmente maintenant de façon dramatique. Evidemment, pour notre économie, pour l'emploi, pour le tissu vital de notre société, c'est extrêmement problématique. Il faut prendre en compte ce paramètre de sécurité ainsi que le paramètre de tranquillité, avec les arbitrages que nous proposerons, qui viseront peut-être à concentrer les chantiers sur une période réduite, avec des horaires plus larges - les travaux commenceront plus tôt et finiront plus tard -, ce qui permettra de concentrer les nuisances; c'est une option sur laquelle nous allons travailler.
Il nous a été reproché, et j'entends cette critique, de ne pas suffisamment coordonner. Pas plus tard que cet après-midi à 14h a eu lieu une séance avec les milieux économiques pour parler de ces questions-là. Toutefois, lors de cette séance, Mesdames et Messieurs, c'est important de le dire, il y avait beaucoup de docteurs autour de la table, mais peu de patients. Ce que je veux dire par là, c'est que chacune et chacun va devoir faire un effort. Je crois que Mme Monbaron l'a dit, et je le souligne moi-même: en matière de circulation, par exemple, nous avons besoin que le milieu économique fasse passer le message aux entreprises. Je pense ici à celles qui se trouvent dans la zone industrielle de Meyrin-Satigny, au sein de laquelle, je vous le rappelle, il y a cent mille places de parc privées, souvent gratuites et mises à disposition des employés, alors qu'on développe des plans pour convaincre les employés de basculer, là où c'est possible, vers un transfert modal et l'utilisation des transports publics. On attend donc aussi des entreprises qu'elles donnent à leurs employés et employées des signes très clairs concernant ce changement dans la manière de se déplacer.
Et je rectifie un propos qu'on m'a attribué: je n'ai parlé nulle part de frontaliers, j'ai parlé de pendulaires. La question n'est pas de savoir si on vient de France ou pas; on peut venir du canton de Vaud, de France, de la couronne urbaine, la problématique quotidienne que l'on connaît, ce n'est pas celle des frontaliers, mais celle des pendulaires, dont les frontaliers représentent en effet une part extrêmement importante. Mais on ne peut pas - et là, je me tourne vers le MCG, parce que vous êtes en pointe là-dessus -, et vous ne le souhaitez d'ailleurs pas, développer pour les Français, côté français, toutes les infrastructures possibles et imaginables. Par conséquent, sauf à considérer qu'on muscle le dispositif de covoiturage, on va malheureusement subir ces nuisances encore un certain temps. Mais j'espère vous avoir à nos côtés lorsqu'on devra concrétiser ici la motion, votée par une large majorité de ce parlement, visant à favoriser les P+R côté français - voilà une réponse très concrète !
Madame la présidente, je vais conclure, parce que je ne veux pas prendre trop de temps. Le Conseil d'Etat accueille bien volontiers cette motion, il est préoccupé et insatisfait de la situation, il prend à coeur cette mission donnée par le parlement et vous répondra rapidement. Mais je vous le dis, Mesdames et Messieurs, ça passera peut-être par une proposition de modification réglementaire, voire légale - je sais qu'il n'y a pas de tabou pour vous. Parce qu'une difficulté qu'on rencontre aujourd'hui, c'est l'enchevêtrement des compétences, la multiplication des médecins sur le patient, l'absence de capacité d'arbitrer. Je prends volontiers ce rôle, mais il faut m'en donner les prérogatives et la possibilité, le cas échéant, de passer par des mesures un peu plus musclées, en concertation évidemment. Cela dans le but de déployer un résultat en faveur d'abord de la sécurité, ensuite de l'économie et de celles et ceux qui vivent des transports, avec également quelques contraintes pour favoriser un basculement vers les transports publics que nous appelons de nos voeux. Là non plus, ce n'est pas possible d'avoir un encolonnement de bus à la rue de Coutance, démonstration de l'inefficacité des transports en commun, parce que quelques personnes décident de rester toutes seules au volant de leur voiture, de forcer le passage sur la place Lise-Girardin et de congestionner l'ensemble de la ville.
Voilà, Mesdames et Messieurs, le message du Conseil d'Etat est le suivant: prenons ensemble en main ce délicat dossier, chacun avec ses responsabilités, et agissons rapidement, car nous ne pouvons pas nous contenter de cette situation. Et si cette motion nous est renvoyée, nous vous donnons rendez-vous rapidement pour une réponse, peut-être avec quelques adaptations à apporter quant à la façon d'octroyer les autorisations de chantier. Je vous remercie de votre attention.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission des transports. Je prie l'assemblée de se prononcer sur cette demande.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3126 à la commission des transports est rejeté par 54 non contre 30 oui.
La présidente. La demande de renvoi en commission ayant été rejetée, nous passons au vote sur l'amendement général déposé par Mme Caroline Marti et consorts, qui se présente comme suit:
«invite le Conseil d'Etat
- à réaliser urgemment le séquençage des travaux, notamment ceux liés aux réseaux thermiques structurants, afin de garantir la fluidité des différents modes de transport sur les réseaux primaire et secondaire;
- à créer, fluidifier et sécuriser des itinéraires alternatifs pour les différents modes de transport afin de compenser les axes routiers obstrués par des travaux;
- à optimiser l'emprise des chantiers sur les voies de circulation afin de bloquer uniquement la surface absolument nécessaire au bon déroulement des travaux;
- à tenir compte des travaux en cours lors de l'octroi de nouvelles autorisations de procéder à des travaux sur les voies de circulation dans les zones 1 et 2;
- à étudier, avec SIG et les entreprises concernées, toutes les mesures permettant de réduire au maximum la durée de ces travaux.»
Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 57 non contre 31 oui.
Mise aux voix, la motion 3126 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 60 oui contre 32 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)