République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

M 3119
Proposition de motion de François Erard, Patricia Bidaux, Jacques Blondin, Alia Chaker Mangeat, Jean-Marc Guinchard, Souheil Sayegh, Thierry Arn pour une protection de la population et une lutte efficace contre le moustique tigre
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 22 et 23 mai 2025.

Débat

La présidente. Nous poursuivons nos urgences avec le traitement de la M 3119 en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à son auteur, M. Erard.

M. François Erard (LC). Merci, Madame la présidente. Moustique tigre: le retour ! Je ne reviendrai pas en détail sur les caractéristiques de cet insecte et les nuisances qu'il cause, puisque j'ai déjà eu l'occasion de le faire en novembre dernier lors du traitement de la M 2958, hélas sans succès. J'aimerais toutefois rappeler ici qu'il a été observé pour la première fois à Genève en 2019, qu'à terme, il va coloniser l'entier du canton et que nous remportons le triste record, par la commune de Thônex, de la population de moustiques tigres la plus élevée de Suisse. Ce problème n'est donc pas marginal, mais vraiment important.

Outre les désagréments qu'il provoque par ses piqûres, le moustique tigre transmet des agents pathogènes viraux, tels que le Zika, le chikungunya ou encore la dengue. Voilà le principal problème, on a là un véritable risque sanitaire causé par cet insecte. (Brouhaha.)

La présidente. Excusez-moi, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, est-ce qu'on peut avoir un peu de silence, s'il vous plaît ? Respectez les gens qui prennent la parole en les écoutant. Merci.

M. François Erard. Merci, Madame la présidente. Si aujourd'hui ces maladies sont surtout présentes dans les pays tropicaux, elles vont tôt ou tard arriver chez nous, changement climatique oblige. En 2024, des foyers autochtones ont été recensés en Italie, en Croatie, en France ou encore en Espagne. Un réel problème de santé publique nous attend donc.

Pourquoi Genève est-elle un périmètre à haut risque ? D'abord, notre territoire est petit, très urbanisé, avec une très forte densité de population et un aéroport international. Ce risque s'intensifie actuellement en raison de deux facteurs. Premièrement par l'augmentation des cas importés depuis les régions tropicales par l'aéroport: de nombreux voyageurs qui arrivent sont porteurs de ces virus. Ces personnes ne le savent pas forcément, mais elles arrivent, elles sont là, et si par malheur elles croisent un moustique, surtout présent entre mai et octobre, elles peuvent les transmettre à d'autres personnes. Le premier élément est donc la hausse des cas importés via l'aéroport.

Le second élément est la présence de plus en plus marquée du moustique tigre sur le territoire genevois. Cette situation a d'ailleurs fait l'objet d'un avertissement dans le bulletin de mai du service du médecin cantonal de Genève. Vous l'aurez compris, ce n'est pas en offrant à la population des tapettes à mouches que l'on va réussir à régler ce problème sanitaire majeur !

Aussi, la motion invite le Conseil d'Etat à mettre rapidement en oeuvre une lutte de type TIS sur le modèle tessinois. Que signifie cet acronyme ? Technique de l'insecte stérile. Pourquoi prenons-nous l'exemple du Tessin ? Ce canton a une expérience de plus de vingt ans avec le moustique tigre - il y a été repéré en 2003 - et a donc une certaine avance sur Genève.

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. François Erard. Merci, Madame la présidente. Or, le Tessin constate que toutes les mesures prises jusqu'à présent sont largement insuffisantes pour contrecarrer l'effet de cet insecte. Il a dès lors décidé il y a deux ans de mettre en oeuvre un programme de lutte de type TIS en collaboration avec la Haute école spécialisée de la Suisse italienne et l'Université de Bologne.

Alors je tiens à rassurer les gardiens de nos dépenses publiques: le canton n'aura pas besoin d'engager des cohortes de fonctionnaires chargés de capturer des moustiques mâles et, munis de loupes et de brucelles, de les châtrer dans d'abominables souffrances. (Rires.) Non ! C'est une technique biologique; elle consiste à élever des mâles qui seront irradiés pour être stérilisés avant d'être relâchés dans la nature. Les mâles stériles vont s'accoupler avec des femelles, donc ils ne seront pas privés de ces joyeusetés... (Rires.) ...mais les femelles ne produiront pas de descendance. Vous allez me rétorquer que lâcher des moustiques mâles, c'est imbécile puisque ça va augmenter les risques de piqûre ! Eh bien non, Mesdames et Messieurs, car chez les moustiques, seules les femelles piquent. (Exclamations. Rires.)

Une voix. C'est hyper genré !

Une autre voix. C'est hyper drôle !

Une autre voix. Comme toujours !

Une autre voix. Comme en politique ! (Remarque.)

M. François Erard. Cette technique TIS est largement appliquée depuis soixante ans dans de nombreux pays, et a notamment permis de lutter contre certaines maladies tropicales. Elle est expérimentée depuis deux, trois ans maintenant en Italie, en Grèce, en France ou encore en Allemagne, avec des résultats assez intéressants. Elle ne permet certes pas d'éradiquer l'insecte, mais, en conjugaison avec les autres méthodes préventives, elle permet de diminuer la population de l'ordre de 90%, ce qui est confirmé par les études conduites au Tessin. Chers collègues, il est de notre responsabilité de prévenir les risques sanitaires que la population genevoise va courir à brève échéance, nous vous invitons donc à réserver un bon accueil à la présente proposition de motion. Je vous remercie.

Mme Fabienne Monbaron (PLR). Tout d'abord, j'aimerais remercier les auteurs de cette motion, car il faut dire que les personnes qui ne subissent pas les assauts du moustique tigre ne peuvent pas se rendre compte à quel point celui-ci peut rendre la vie impossible. Il n'est clairement pas envisageable de rester tranquillement dehors quand des moustiques comme celui-ci tournent autour de vous.

Il est vrai que le Tessin est un canton pilote en Suisse, et qu'il teste depuis quelque temps la libération sur son territoire de ces moustiques mâles rendus infertiles en laboratoire pour diminuer l'expansion de cette espèce. Il est aussi vrai que si cette solution est probablement la plus probante, elle doit toutefois être accompagnée des mesures actuellement prises par les communes et le canton. Au travers de sa motion, Le Centre nous propose que cette technologie soit développée dans notre canton directement. Je pense qu'il s'agit a priori d'une bonne idée, parce que, on le sait, la chose la plus compliquée avec ces moustiques «trafiqués», entre guillemets, est de les transporter et de les faire arriver encore vivants à destination.

Or, à moins que les auteurs aient des renseignements supplémentaires qu'ils ne nous auraient pas donnés, on ne trouve dans cette motion aucune indication sur les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la mesure qu'ils préconisent - notamment les locaux, le matériel, le personnel - ni sur le coût que celle-ci engendrerait. Nous vous proposons un renvoi en commission pour avoir des explications plus étayées et un retour sur l'expérience entreprise avec succès au Tessin, en Italie ainsi qu'à Singapour. Dans le cadre d'un autre texte, les services cantonaux avaient été auditionnés en mars 2024, et il serait intéressant de profiter de cette occasion pour savoir ce qui a été mis en place depuis lors avec les communes pour nous prémunir au mieux de la période de reproduction, qui court entre début janvier et fin octobre.

Je vous souffle volontiers une question qui pourrait être posée dans cette commission. Genève a choisi un moyen de distribution du virucide à ces communes très différent de ce qui est proposé dans les autres cantons. La Confédération a en effet proposé aux cantons de recenser le nombre de litres de virucide dont les communes auraient besoin pour leur territoire, leurs bouches d'égout et les espaces dont elles ont la gestion, afin qu'ils puissent remonter ces chiffres à la Confédération et que celle-ci puisse effectuer une commande globale et procéder ensuite à une nouvelle distribution jusqu'au niveau des communes. Les communes des cantons qui ont pu choisir ceci ont pu bénéficier de ce produit pour un prix de 300 francs les 17 litres, mais à Genève, les communes ont été priées de s'adresser à des entreprises privées, et elles ont eu le bonheur de payer 900 francs la même quantité de ce produit. Voilà la question que je vous souffle. Je vous propose d'accepter le renvoi en commission. Merci.

Mme Léna Strasser (S). Beaucoup de travail a déjà été effectué en commission autour du moustique tigre sur la base d'une motion précédente, et le département nous avait démontré avoir pris la problématique au sérieux. Une plateforme spécifique a été mise sur pied pour chercher des solutions, et des personnes se réunissent régulièrement pour avancer sur cette question.

Il nous semble que cette motion, j'allais dire enfonce une porte ouverte - élargit le trou d'une moustiquaire déjà trouée. Voter ce texte ce soir en urgence revient un peu à dire au département: «Continuez à faire ce que vous faites déjà, mais choisissez la solution que nous vous proposons.»

Quant à nous, nous estimons qu'il faudrait renvoyer ce texte en commission pour avoir un état de la situation sur ce qui a été entrepris depuis le traitement de la motion précédente, que nous n'avions pas renvoyée au Conseil d'Etat justement parce que le département avait pris la question au sérieux. Je rejoins ma préopinante sur le renvoi en commission et remercie les personnes ayant pris la parole pour les explications très étayées sur cette problématique, qui semble aujourd'hui une urgence absolue à Genève. Merci beaucoup.

M. Stéphane Florey (UDC). Nous sommes d'avis qu'il faut lutter contre le moustique tigre, mais savoir vraiment comment on le fait est une question importante à laquelle nous sommes ici incapables de répondre. Le groupe UDC renverra ce texte en commission pour qu'il soit étudié et pour voir si les moyens proposés sont efficaces: peut-être que d'autres moyens sont aussi possibles. Pour avoir une réponse à toutes ces questions, nous voterons donc le renvoi en commission de cet objet. Je vous remercie.

Mme Uzma Khamis Vannini (Ve). Je vous adresse à vous, Madame la présidente, ainsi qu'à tout le Bureau toutes mes félicitations pour votre élection !

Madame la présidente, sauf erreur de ma part, un rapport a déjà été rendu par la commission de l'environnement et de l'agriculture sur ce sujet, rapport qui nous a donné certains éléments. Il paraît que la taille ne compte pas, mais avec le moustique tigre, on peut en être sûr ! C'était une pique pour répondre à celui qui a dit que seuls les moustiques femelles piquaient !

Figurez-vous qu'on a vingt ans de recul sur la TIS, qui permettent de connaître les effets de cette technique sur l'humain et sur l'environnement. Les Verts souhaitent aussi renvoyer ce texte en commission, mais nous proposons de le renvoyer à la commission de la santé, si on le veut bien, pour avoir un autre point de vue et pour compléter ce que nous avons déjà appris dans le cadre de la M 2958. Je vous remercie, Madame la présidente.

M. Christian Steiner (MCG). Mes félicitations, Madame la présidente, pour votre brillante élection !

Je côtoie le moustique tigre et la dengue depuis plusieurs années.

Une voix. La dengue aussi ?

M. Christian Steiner. Oui ! Cet insecte transmet entre autres cette maladie. (Remarque.) A ce sujet, il faut préciser qu'il existe quatre sortes de dengue. L'une d'elles, la dengue hémorragique, est particulièrement dangereuse. Elle a été introduite sous forme de guerre bactériologique à Cuba et a causé l'hospitalisation de mon fils.

Pour le reste, on s'étonne un peu d'une motion qui fait référence à M. Gottlieb Dändliker. J'ai eu la chance de côtoyer professionnellement ce dernier, il est parfaitement au fait de la lutte contre le moustique tigre.

D'après mon expérience - je parle de l'île de Cuba -, lutter contre cet insecte demande des mesures et des frais conséquents, c'est-à-dire des inspecteurs et une lutte constante s'agissant des flaques d'eau et de tout interstice où l'eau peut s'infiltrer. Je pense qu'il faut donc renvoyer cette motion en commission, évaluer les dangers, déterminer si l'on est vraiment confronté à ce quatrième type de dengue, hémorragique - potentiellement mortelle -, voir ce que l'on peut faire et la configuration de notre domaine public et savoir combien ça va coûter. Donc oui à un renvoi en commission. Merci.

M. Raphaël Dunand (LJS). Ecoutez, je ne sais pas quel moustique a piqué Le Centre s'agissant de cette proposition de motion, surtout que l'on a traité de ce sujet à la commission de l'environnement il y a à peine six mois. On avait soulevé la question de savoir si on était équipé pour faire face à ce problème de santé publique causé par les virus. Or, le département nous a démontré qu'il était capable de réagir rapidement et qu'une task force était en place. S'il existe un moyen plus utile, comme celui que propose la motion, c'est à étudier.

Je pense qu'il n'y a pas d'urgence et que renvoyer ce texte à la commission de la santé est une bonne chose. Pour agir, le département n'a pas besoin d'une motion supplémentaire, comme il l'a démontré il y a six mois, surtout que le laps de temps est assez court depuis la dernière motion 2958, qui demandait justement d'agir contre le moustique tigre. Il n'y a pas d'urgence, on peut renvoyer cette motion en commission. Je vous demande donc de le faire afin qu'elle soit traitée au mieux. Merci.

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Je lis les nouvelles, et je vois dans Swissinfo que Genève va tenir une permanence tous les vendredis après-midi et distribuer un anti-larve qui lutte contre le moustique tigre. Ça s'appelle le Bacillus thuringiensis israelensis, le BTI, et ça se présente sous la forme de granulés. Je souhaite demander à la conseillère d'Etat de nous répondre: où se fait cette distribution ? C'est paru dans Swissinfo et je pense qu'il est important d'en parler. Merci, Madame la présidente.

M. François Erard (LC). Si nous avons demandé l'urgence, c'est qu'il y a une réelle urgence à s'occuper de ce problème, ce n'est pas pour renvoyer cet objet en commission et pour que celle-ci traîne six mois. J'aimerais dire que ce que propose ce texte n'a rien à voir avec ce que proposait la motion à laquelle on a fait référence, celle de l'année dernière. Il contient une seule invite demandant un moyen de lutte efficace contre ce parasite - c'est d'ailleurs le seul.

Sachez que cette motion a aussi été discutée avec M. Gottlieb Dändliker, qui juge très important d'être appuyé pour pouvoir mettre ça en place. Donc j'ai de la peine à comprendre que ce n'est tout d'un coup pas un problème. Je crains fort que d'ici deux, trois ans, il soit vraiment trop tard et que nous nous trouvions face à un problème sanitaire majeur. Quant à moi et quant au Centre, nous n'accepterons pas un renvoi en commission. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

La présidente. Merci bien. La parole revient à M. Pascal Uehlinger pour treize secondes.

M. Pascal Uehlinger (PLR). Merci, Madame la présidente. Je pense que la dernière personne qui a vu Gottlieb aujourd'hui, c'était moi, à 14h. Aujourd'hui, de nouveaux protocoles sont mis en place pour lutter contre la transmission de la maladie et pas uniquement contre le moustique. Je vous propose de renvoyer ce texte à la commission de la santé.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à la conseillère d'Etat, Mme Bachmann.

Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. Merci, Madame la présidente. Dans la passion qui m'a saisie tout à l'heure à propos de la LHOM, j'ai oublié de vous féliciter pour votre brillante élection et je souhaitais corriger cela. Madame la présidente, toutes mes félicitations ! (Applaudissements. Rires. Commentaires.)

La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat ! Mesdames et Messieurs, sous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission de la santé. Je lance la procédure de vote.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3119 à la commission de la santé est adopté par 63 oui contre 7 non et 2 abstentions.