République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 11 avril 2025 à 18h25
3e législature - 2e année - 12e session - 68e séance
M 3009-A
Débat
Le président. Nous poursuivons le traitement de l'ordre du jour avec la M 3009-A, qui est classée en catégorie II, trente minutes. Monsieur Nicollier, vous avez la parole.
M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur de majorité. Monsieur le président, merci beaucoup. Je suis très impressionné face à cette large audience, ça me stresse un peu ! (Rires.) Mesdames et Messieurs les députés, le traitement de cette proposition de motion tombe extrêmement bien, c'est l'occasion de donner quelques explications qui seront bien utiles lors des débats sur les lois visant à préserver les prestations publiques en maîtrisant les charges et les engagements lors de budgets déficitaires - ces fameux deux objets sur lesquels nous voterons au mois de septembre.
La présentation des travaux sur la M 3009 me permet en effet de clarifier certaines inexactitudes crasses qui fleurissent régulièrement dans notre assemblée. Les signataires dénoncent les grandes différences qui peuvent exister entre les recettes prévues dans les budgets et les résultats effectifs figurant aux comptes; ils invitent ainsi le Conseil d'Etat à étudier les méthodes d'évaluation des revenus fiscaux pratiquées dans d'autres cantons pour adapter la nôtre et à faire fi de la sincérité budgétaire lors de prévisions négatives.
Oui, vous avez bien entendu ! Je cite le texte: «à admettre a minima que les recettes projetées pour l'élaboration du budget de l'année suivante ne peuvent être inférieures aux recettes réelles figurant aux comptes de l'année précédente». On se fiche de ce qui pourrait vraiment entrer dans les caisses, on veut juste que ce ne soit pas moins que lors de l'exercice d'avant.
Mesdames et Messieurs, il faut commencer par rappeler que le budget et les comptes constituent des estimations. En particulier pour les comptes, les contribuables n'ont pas rempli leur déclaration d'impôts lors de leur établissement. Pour les budgets, eh bien c'est très logique, il n'est pas nécessaire de l'expliquer.
La méthode de l'AFC a été considérée comme excellente par la Cour des comptes et la commission de contrôle de gestion, même si elle a subi les effets des différentes crises globales traversées ces dernières années. Le canton a toujours insisté sur le caractère extraordinaire de cette période, et il est évident qu'il faut chercher en permanence à s'améliorer pour produire des estimations aussi correctes que possible.
De nombreuses démarches ont été entreprises et présentées lors des auditions en commission. Je vais en mentionner cinq. La première concerne les recettes des personnes morales. Vous savez qu'un questionnaire est envoyé aux grandes entreprises du canton; eh bien le nombre de firmes consultées a doublé, et un coefficient a été ajouté pour éliminer les biais systématiques.
Ensuite, le taux de croissance moyen est désormais calculé de manière distincte pour le commerce de gros, lequel représente la catégorie de personnes morales aux revenus fiscaux les plus hauts. Par ailleurs, le canton s'est rapproché des contribuables les plus importants ainsi que de leurs mandataires afin de mieux connaître leurs perspectives.
L'AFC a également rencontré les administrations fiscales des cantons latins ainsi que celles de Zurich et de Bâle-Ville, puis a adapté ses pratiques en s'inspirant du canton de Zurich, qui met en place des correctifs. Enfin, elle a indiqué prendre maintenant quelques dossiers connus pour définir une tendance qui est alors appliquée aux dossiers similaires.
Le canton n'a aucun intérêt à sous-estimer ou à surestimer des montants. Le principe de sincérité budgétaire est extrêmement important pour le financement de notre dette, cette dette publique nette genevoise qui est toujours la plus élevée d'entre tous les cantons, même après les baisses qu'elle a connues ces dernières années.
Concernant la seconde invite délirante proposant de ne pas prendre en compte les diminutions de recettes, je vous renvoie aux comptes 2024: les revenus de cette année étaient plus bas que ceux de 2023 à hauteur de 481 millions !
Finalement et pour rappel, l'Etat dépense annuellement pour chaque Genevois 7000 francs de plus que dans le canton de Vaud et 8500 francs de plus que dans celui de Zurich. Chaque année ! Avec un fonctionnement similaire au canton de Zurich ou de Vaud, Genève pourrait reverser annuellement à chaque citoyen la somme suivante: 8500 francs si on compare avec Zurich ou 7000 francs par rapport au canton de Vaud. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission vous invite à refuser cet objet.
Mme Emilie Fernandez (Ve), rapporteuse de minorité. Le timing politique est parfois bien adapté: cette proposition de motion, déposée en mars 2024 suite à la présentation des comptes 2023, revient aujourd'hui devant notre plénum alors que nous venons tout juste de prendre connaissance des comptes 2024, ce qui la rend très à propos.
Depuis dix ans, les comptes affichent de meilleurs résultats que ceux évalués au budget, et depuis le covid, ce delta représente quasiment 6,5 milliards. Genève est le champion des budgets hors cible, la marge d'erreur est nettement moindre dans les autres cantons.
Ce texte contient deux requêtes adressées au Conseil d'Etat. D'une part, étudier les différentes méthodes d'estimation des recettes fiscales utilisées dans les autres cantons, dont les prévisions sont plus précises que les nôtres, et s'en inspirer. D'autre part, admettre que les revenus prévus au budget ne puissent être inférieurs à ceux figurant dans les comptes précédents.
Concernant cette seconde invite, même si une telle méthode aurait permis des débats budgétaires plus réalistes ces dernières années, nous avons compris que le principe de sincérité budgétaire ainsi que le respect des normes IPSAS sont incompatibles avec celle-ci; c'est pourquoi nous avons proposé en commission de la retirer, ce que j'ai réitéré dans le rapport de minorité et que nous réitérons ici.
Alors que reste-t-il ? Eh bien simplement un objet qui dresse le constat que le système actuel ne convient pas et qui demande, pas pour le plaisir d'embêter la conseillère d'Etat, mais bel et bien pour lui permettre d'établir des budgets sur la base de données fiables, de revoir cette méthode en se renseignant sur ce qui fonctionne ailleurs.
Il faut rappeler que les erreurs d'estimation se répercutent également sur le budget des communes, où l'écart entre le budget et les comptes s'élève à 30% en moyenne.
La minorité se réjouit de la bonne santé financière du canton. Toutefois, ces inexactitudes faussent complètement le processus budgétaire. En effet, à l'automne, on se serre la ceinture pour éviter autant que possible un budget déficitaire, et on se retrouve en mars avec des comptes excédentaires mirobolants.
C'est bien là que se pose la question de la confiance et de la sincérité budgétaire. Si on limite systématiquement les dépenses destinées au fonctionnement efficace de l'Etat, au soutien de la population précaire ou du tissu associatif alors que les moyens sont en réalité disponibles, on perd en crédibilité et en confiance.
Ce d'autant plus que la majorité de droite tient un discours ambivalent à cet égard: d'un côté, elle affirme que les recettes sont conjoncturelles et peu fiables, car reposant sur un petit nombre de contribuables, de l'autre elle fait voter une baisse d'impôts qui va structurellement impacter ces résultats.
La conseillère d'Etat nous a assuré que l'AFC, consciente de la problématique, avait déjà pris un certain nombre de mesures pour revoir la méthode d'estimation, notamment rencontré les administrations fiscales de cantons comparables au nôtre et soumis notre système à un expert externe pour analyse, ce dont nous nous réjouissons.
Toutefois, nous estimons que c'est le devoir de notre parlement de demander formellement au Conseil d'Etat de continuer à travailler sur ce dispositif jusqu'à l'obtention d'estimations satisfaisantes. C'est précisément l'objectif de cette motion que nous vous invitons à soutenir. (Applaudissements.)
M. Michael Andersen (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je serai assez bref sur cette motion. Bien entendu, nous souhaiterions tous disposer d'une baguette magique afin d'estimer au mieux les rentrées fiscales dans le cadre du processus budgétaire. Bien entendu - et cela a été reconnu par Mme la conseillère d'Etat -, la méthode d'estimation est perfectible, mais elle est déjà améliorée année après année.
L'administration fiscale cantonale oeuvre précisément pour essayer de se rapprocher le plus possible des recettes effectives tout en développant une vraie méthode, il ne s'agit pas juste de dire: «On reprendra les montants des années précédentes.»
Je rappelle également qu'un panel d'entreprises est consulté, celles qui peuvent faire varier de manière importante les prévisions budgétaires, et l'Etat investit dans ce dispositif d'année en année.
Il faut encore ajouter, eu égard aux crises géopolitiques que nous traversons, que les revenus extraordinaires de ces dernières années ne sont pas forcément pérennes. Il y a certes eu des résultats exceptionnels, mais cela ne signifie pas que le processus budgétaire est biaisé, bien au contraire.
S'agissant des deux invites, tout d'abord de la première qui demande au Conseil d'Etat d'étudier les méthodes des autres cantons, Mme la conseillère d'Etat nous a indiqué, lors de son audition, qu'en 2021, quinze cantons en Suisse affichaient des écarts considérables entre les sommes budgétées et les recettes réelles tandis qu'en 2022, dix-sept cantons se trouvaient dans cette même situation: donc non, Genève ne fait pas moins bien que les autres, Genève ne doit pas forcément aller s'inspirer des pratiques des autres.
Ce d'autant plus que Genève a adopté les normes IPSAS - ce qui n'est pas le cas de tous les autres cantons -, lesquelles nécessitent une méthode fiable; il ne s'agit pas juste de dire: «On reprendra les chiffres de l'année d'avant.» Ainsi, la première invite est complètement inutile, elle ne sert fondamentalement à rien: Genève travaille d'ores et déjà avec les autres cantons, et ceux-ci ne font pas mieux.
Quant à la deuxième invite, consistant à reprendre ce qui a été effectué les années précédentes, elle ne tient pas la route en raison des normes que le canton de Genève se doit de respecter.
In fine - et la rapporteure de minorité elle-même l'a énoncé -, ce qui est visé à travers ce texte, c'est d'engranger beaucoup plus de revenus pour pouvoir dépenser plus, toujours plus. On connaît la politique de la gauche, ce n'est pas la sincérité budgétaire, mais une explosion des dépenses publiques. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à rejeter fermement cet objet. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion a été déposée en mars 2024 suite à l'annonce, ô combien surprenante, des comptes 2023 qui faisaient état de revenus extraordinaires. Ce qui est surprenant à ce stade, c'est la récurrence des mauvaises estimations, et ce qui frappe, c'est la hauteur du montant des rentrées exceptionnelles. L'extraordinaire devient ordinaire et se répète lors de chaque exercice. D'ailleurs, il vient de se reproduire il y a quelques jours encore dans le cadre de la présentation des comptes 2024.
Alors nous, les Vertes et les Verts, nous nous questionnons, soit sur la méthode de calcul, soit sur l'intention, parce que le sujet n'est pas anodin, cela peut avoir un impact réel sur la vie des gens. Oui, des prévisions fiscales erronées biaisent le processus budgétaire. Qu'est-ce que cela signifie ? Que les débats sont faussés, autrement dit que les données nous induisent en erreur.
Or quand nous, députés, menons nos discussions sur le budget, toute une série de négociations, d'amendements, d'arbitrages ont lieu. Concrètement, cela veut dire que des postes de travail nécessaires à la délivrance de prestations publiques sont en jeu, des postes pour réaliser les investissements votés par le Grand Conseil, des postes pour répondre aux besoins de la population.
Les erreurs d'estimation ont également des répercussions sur le soutien aux associations via l'octroi de subventions... (Brouhaha.)
Le président. Je vous coupe un instant, Madame la députée, excusez-moi. Ecoutez, Mesdames et Messieurs, vous avez eu droit à vingt-cinq minutes de pause tout à l'heure, alors pouvez-vous laisser notre camarade poursuivre son intervention ? Un peu de respect, s'il vous plaît !
Mme Marjorie de Chastonay. Merci, Monsieur le président. Je disais donc que des chiffres inexacts peuvent induire en erreur, notamment lorsque nous votons des subventions aux organisations reconnues d'utilité publique. Enfin, cela peut atteindre les conditions de travail de la fonction publique, car il faut savoir que le Conseil d'Etat utilise systématiquement celle-ci comme variable d'ajustement, que ce soit par l'annuité, l'indexation ou d'autres mesures encore.
Pour toutes ces raisons, pour gagner en crédibilité lors des débats budgétaires - parce qu'au final, c'est ça qui est en jeu -, parce que cette année encore, les comptes 2024 ont été bouclés sur un excédent extraordinaire alors que le budget 2025 avait été voté au rabais... A ce sujet, je rebondis sur ce qui a été soutenu tout à l'heure par M. Nicollier ou par M. Andersen - vous transmettrez, Monsieur le président - à propos de la gauche: non, notre but n'est pas de dépenser à tout-va; non, nous souhaitons simplement fournir des prestations de qualité, et il est essentiel de disposer d'estimations précises pour ce faire.
Enfin et surtout, nous ne voulons pas être bloqués par des lois dites corsets qui seront justement soumises à la population en septembre prochain, qui empêcheront le Grand Conseil et le Conseil d'Etat, en cas de budget déficitaire, de donner des moyens quand les besoins augmentent. C'est là que c'est important: en cas de budget déficitaire. Si le budget est déficitaire, on ne pourra plus octroyer de ressources, on ne pourra plus délivrer de prestations de qualité. Voilà pourquoi cette motion telle qu'amendée a toute son importance, et je vous recommande vivement de la soutenir. Merci. (Applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, en ce qui me concerne, je me pose quand même quelques questions, j'ai presque un petit sourire en coin quand j'entends les représentants de la majorité politique nous parler, la bouche en coeur, de sincérité budgétaire. Quand, dans les faits, les prévisions s'avèrent sous-évaluées depuis tant d'années, je me demande comment on peut encore venir prétendre, Mesdames et Messieurs, qu'il n'y a aucun problème, que les estimations sont très bien effectuées et que c'est en réalité la gauche qui tenterait de maquiller le système pour dépenser davantage.
Comment peut-on être fondamentalement contre, Monsieur Andersen - vous transmettrez, Monsieur le président -, une comparaison avec les autres cantons pour essayer de voir de quelle façon il serait possible d'affiner quelque peu ces évaluations ?
Evidemment, s'il était juste question de chiffres, ce ne serait pas si grave, mais ces projections - et c'est là que l'on comprend les intentions véritables de la majorité politique du canton - ont un impact fondamental, parce que cette même majorité a mis en place tout un arsenal afin de limiter les dépenses précisément en fonction des prévisions, qu'il s'agisse du mécanisme de frein à l'endettement ou des lois corsets, par exemple.
Voilà pourquoi j'ai un demi-sourire, parce que ce qui intéresse la droite, ce n'est pas vraiment la sincérité budgétaire, c'est de pouvoir faire fonctionner à plein régime les dispositifs de corsetage, de pouvoir trancher à la hache dans les budgets, année après année.
Je ne sais plus quel préopinant a indiqué: «Il n'y a pas d'intérêt à sous-estimer des montants.» Mais bien sûr que si ! Il y a clairement un intérêt par rapport aux mécanismes que vous avez institués ! Ce que nous dénonçons, au groupe socialiste, c'est qu'une majorité politique dans ce canton, au sein du Conseil d'Etat et du Grand Conseil, s'accommode, exercice après exercice, de la sous-évaluation des recettes, précisément parce que cela lui permet d'effectuer des coupes à son aise. Voilà le projet politique !
Le rapporteur de majorité compare pommes et poires, comme d'habitude: on met en parallèle les dépenses à Genève avec celles des autres cantons sans même plus se préoccuper des rentrées fiscales - pour le coup, on tombe carrément les masques - et sans se préoccuper non plus des différences dans la répartition des compétences.
On voit bien là, Mesdames et Messieurs les députés, le projet politique qui est celui de la majorité de notre canton: il s'agit de trancher à la hache dans les budgets, et dans ce but, eh bien on s'accommode de sous-estimations fiscales. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Le groupe MCG pourrait-il tenir son caucus à l'extérieur ? Merci. La parole est à M. Zweifel.
M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme le rapporteur de majorité l'a indiqué, cette proposition de motion comprend deux invites. La première explique en gros que le département des finances ne sait pas évaluer les recettes fiscales dans le cadre de l'élaboration du budget et qu'il faut par conséquent procéder autrement.
Alors moi je vous renvoie, pour ceux que ça intéresse, au rapport du réviseur, c'est-à-dire de la Cour des comptes, qui écrit - je vais le lire, comme ça vous ne pourrez pas prétendre que c'est de moi, puisqu'il y a tout un paragraphe à ce sujet: «Nous avons constaté l'enregistrement de correctifs importants sur l'année 2024.» L'explication suit: «Ces éléments résultent principalement de la performance remarquable du secteur du commerce de gros en 2023, bien moins marquée qu'en 2022» - voilà l'explication. «Les estimations sont établies sur la base d'un taux de croissance moyen» - l'explication continue. «Depuis 2023 et afin d'affiner les estimations, deux taux sont calculés», l'un comprenant l'activité des entreprises de commerce de gros, l'autre sur les autres entreprises du canton - le travail a donc été réalisé.
Et voici la conclusion du réviseur, à savoir de la Cour des comptes, à moins que quelqu'un dans cette salle - M. Mizrahi, par exemple - s'estime meilleur que cette institution pour énoncer les bonnes mesures à prendre: «Sur la base de nos travaux, nous considérons que les modèles et les hypothèses sont plausibles, les bases de données utilisées sont jugées fiables.» Ça, c'était pour la première invite.
Concernant la deuxième invite, j'en reviens également à M. Mizrahi, qui déclare qu'on sous-estime les revenus fiscaux dans le but de couper à la hache dans les charges, ce que nous aurions fait, soutient-il, toutes ces dernières années. Eh bien rappelons, Mesdames et Messieurs, qu'entre 2011 et 2024, la population de ce canton a augmenté de 14% tandis que les charges, elles - coupées à la hache par la majorité de droite -, ont baissé... Ah non, pardon: elles ont progressé de 33% !
Monsieur Mizrahi, j'ignore dans quel sens on tenait la hache, mais apparemment, ça n'a pas fonctionné ! Alors n'hésitez pas non plus, en plus des cours que vous entendez nous donner sur la révision et l'estimation, à venir nous expliquer comment manipuler une hache pour trancher dans les comptes, parce qu'on n'y arrive manifestement pas. Je suis preneur, dites-le à vos collègues de la commission des finances, et je les retrouverai au prochain budget.
Mesdames et Messieurs les députés, vous l'avez compris, il s'agit ici simplement de faire preuve d'un peu de bon sens, un bon sens qui consiste à refuser le présent texte, puisque sa seconde invite vise précisément à maquiller le budget afin de disposer de davantage de moyens pour dépenser plus.
Le jour où une crise surviendra après qu'on aura dépensé plus, pour trouver davantage de recettes, on nous donnera la solution socialiste que tout le monde connaît: augmenter les impôts ! Admettez-le: vous voulez augmenter les impôts ! Eh bien ce n'est pas notre cas, nous refuserons cette motion et continuerons à oeuvrer pour baisser les impôts. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo.
M. Jacques Blondin (LC). Mesdames et Messieurs les députés, l'avantage de prendre la parole en dernier, c'est que je n'ai pas besoin de répéter ce qui a été excellemment formulé par mon préopinant.
Pour ma part, je voudrais revenir sur le principe de sincérité budgétaire. Il est très facile de remettre en cause le travail effectué à l'administration fiscale, surtout après quelques années qui sont maintenant derrière nous, qui se sont révélées exceptionnelles et qui, effectivement, ont conduit à des écarts par rapport aux prévisions.
Cependant, des correctifs ont été mis en place, et on est déjà en train de les expérimenter. Le panel des entreprises consultées a été considérablement élargi, et s'agissant de l'exercice en cours - Mme la conseillère d'Etat nous en parlera -, un correctif très significatif (de mémoire, à hauteur de 300 millions) a déjà été apporté au budget. Ces mesures vont dans le sens de ce que la gauche demande.
Il se trouve que nous discutons aujourd'hui de cette problématique, j'espère juste qu'il n'y aura pas à craindre que l'état actuel de l'économie fasse que le correctif ne soit pas tombé au meilleur des moments - j'espère que je me trompe. Mais à mes yeux, le travail a été accompli.
Effectivement, le principe de sincérité budgétaire - et la commission des finances y est très attentive - doit être appliqué. Je crois que c'est le cas, la Cour des comptes nous a dernièrement confirmé que les choses étaient effectuées correctement.
Le résultat extraordinaire que le commerce de gros a réalisé ces dernières années nous a amené une manne financière exceptionnelle; il est à redouter qu'elle disparaisse en fonction de ce qui risque de se passer, mais pour l'exercice en cours, c'est-à-dire l'année 2025, un correctif important par rapport au budget a été ajouté dans les comptes 2024 que nous présenterons sous peu.
C'est la raison pour laquelle ces deux invites n'ont absolument aucune raison d'être. Je ne reviendrai pas sur la première. Quant à la deuxième, cela revient à jouer à la roulette, parce que les chiffres ne reposent sur rien. De ce point de vue là, j'estime qu'il serait dangereux d'entrer en matière.
Patience avant de voir ce qui se passera l'année prochaine, en espérant que nous restions dans les clous et enregistrions encore un excédent par rapport au budget. Les budgets sont des prévisions ou des prédictions, certains les interprètent de manière différente, mais le travail est réalisé, donc nous vous incitons à refuser cette motion. Merci.
Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, comme l'ont souligné tant M. le rapporteur de majorité que Mme la rapporteure de minorité, l'AFC est tout à fait consciente que pendant les exercices exceptionnels qu'ont constitué les années 2021, 2022 et 2023, la méthode d'évaluation employée n'a manifestement pas tenu compte d'événements extraordinaires tels que ceux survenus.
C'est la raison pour laquelle des mesures ont été adoptées. Certaines ont déjà été citées: augmentation importante du nombre d'entreprises consultées, contacts directs pris avec une partie des contribuables, rencontres organisées avec d'autres cantons qui appliquent également les normes IPSAS. Il est évidemment important, dans le cadre des estimations, de rencontrer les... (Brouhaha.)
Le président. Excusez-moi, Madame la présidente. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, pourriez-vous faire silence ? Un peu de respect, merci !
Mme Nathalie Fontanet. Je vous remercie, Monsieur le président. Il est évidemment important de rencontrer les représentants des cantons qui appliquent les mêmes normes que Genève, qui sont tenus à des exigences similaires en matière comptable.
Nous avons aussi, Mesdames et Messieurs, procédé à des ajustements en prenant des mesures financières qui modifient les prévisions budgétaires pour prendre en considération différents éléments. Très clairement, le budget 2023 ne contenait pas de mesures financières, donc d'ajustements des estimations. Dans le budget 2024, il y en avait à hauteur de 167 millions, soit une anticipation des correctifs pour les impôts périodiques ainsi qu'un montant supplémentaire pour les impôts non périodiques.
Quant au budget 2025, Mesdames et Messieurs les députés - et nous aurons l'occasion, lors des comptes 2025, de constater si nous avons été trop optimistes ou pessimistes -, il comprend des ajustements et des modifications pour 363 millions de francs, à savoir une anticipation des correctifs d'estimation pour les impôts périodiques de 169 millions et une amplification de l'impôt des personnes morales afin de corriger les biais dans les réponses du panel.
Nous avons analysé tous les résultats des panels d'entreprises sur les dix derniers exercices pour déterminer la différence entre le moment où une société évalue le montant de son impôt pour l'année qu'elle ne connaît pas encore, c'est-à-dire l'année à venir, et celui où elle nous communique son estimation; bien sûr, c'est celle-ci que nous utilisons pour le projet de budget, parce que l'entreprise ne sait pas ce qui va se passer l'année à venir, elle procède à une projection.
Ensuite, nous avons comparé ces chiffres avec les taxations effectives, et nous nous sommes rendu compte qu'il y avait effectivement un biais négatif, ce qui est toutefois assez normal, car on ignore dans quelle situation on risque de se retrouver, il y a des incertitudes, on ne connaît pas l'avenir, les entreprises pas plus que les économètres ne sont en mesure de prédire le futur. Partant, nous avons ajusté les sommes avec une modification de 148 millions.
Nous pensons que ces différentes mesures seront efficaces. Nous avons déjà pu constater un retour à la normale des recettes des personnes morales en 2024, donc la période exceptionnelle qu'ont représentée les années 2021, 2022 - surtout 2022 - et 2023 est passée. Nous avons également observé un recul du secteur du commerce de gros, qui ne réalise déjà plus, sur la base des comptes 2024, les mêmes recettes que celles enregistrées aux comptes 2023 et 2022. Aux yeux du Conseil d'Etat, les dispositions nécessaires ont été prises.
Enfin, nous avons sollicité une expertise (qui est en cours) pour déterminer s'il reste des pistes d'amélioration dans le cadre de nos prévisions fiscales. Sur la base de l'ensemble de ces éléments, nous estimons qu'il a été plus que répondu à la présente motion et qu'elle est aujourd'hui inutile. Au nom du Conseil d'Etat, nous vous recommandons dès lors de la rejeter. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs.
Le président. Merci, Madame la présidente du Grand Conseil... du Conseil d'Etat ! (Remarque.) Mais elle l'a peut-être été aussi, je n'en sais rien. (Commentaires.) Peut-être ! (Commentaires.)
Une voix. Je vous propose d'échanger vos places, Monsieur le président, vous pouvez venir jouer à «Vis ma vie» pendant une semaine !
Le président. C'est la dernière fois que je peux dire ça, donc je profite ! Elle le méritait, de toute façon. Enfin bref... Mesdames et Messieurs, nous passons à la procédure de vote. Avant de mettre aux voix la prise en considération de cet objet, je vous invite à vous prononcer sur la demande d'amendement de la minorité visant à biffer la deuxième invite.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 40 oui. (Exclamations à l'annonce du résultat.)
Mise aux voix, la proposition de motion 3009 est rejetée par 56 non contre 28 oui (vote nominal).