République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 10 avril 2025 à 20h30
3e législature - 2e année - 12e session - 65e séance
IN 193-C et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à l'IN 193-C et au PL 13609. C'est un point fixe que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Monsieur Nicollier, vous avez la parole.
M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Remarque.) Oui, c'est vrai qu'il faudrait se mettre en pré-sommeil ! (L'orateur rit.) L'initiative 193 remet sur le devant de la scène la problématique des soins dentaires et plus particulièrement la difficulté d'accès à ces soins pour une partie de la population. Cette problématique a été abordée au travers d'une première initiative traitée en 2012, vous vous en souvenez sans doute, suivie d'une motion en 2013, d'un projet de loi constitutionnelle en 2016 et d'un contreprojet à l'IN 160 en 2018. Aujourd'hui, nous traitons du contreprojet à l'IN 193.
L'initiative a en effet été refusée par le Grand Conseil, qui a adopté le principe d'un contreprojet. Pour l'élaborer, une sous-commission a été créée. Celle-ci, avec le soutien d'une collaboratrice du DCS que nous remercions, a rédigé un texte, lequel a recueilli une majorité de votes favorables au sein de la commission de la santé. Lors des travaux en commission, des amendements ont par ailleurs été déposés; ils étaient au nombre de quatre et ont tous été acceptés. Je me permets de le mentionner pour souligner le caractère surprenant, pour ne pas dire scélérat, de l'amendement général déposé hier, puis reformulé et déposé à nouveau aujourd'hui. Deux ans après l'aboutissement de l'initiative, soumettre un amendement général quelques heures avant le vote final est soit une plaisanterie, soit un coup fourré. Il semble de prime abord que cela ne soit pas une plaisanterie. Revenons toutefois au contreprojet adopté par la majorité des députés présents à la commission de la santé... (Brouhaha.)
Le président. Monsieur le député, un instant, s'il vous plaît. Les personnes qui veulent discuter sont priées de le faire à l'extérieur ! Vous pouvez continuer, Monsieur Nicollier.
M. Pierre Nicollier. Merci, Monsieur le président. Le contreprojet permet de résoudre les points bloquants qui avaient empêché l'émergence d'une majorité en faveur de l'IN 193 au sein de cette assemblée.
Le premier est la création d'un poste de médecin-dentiste cantonal. La majorité a estimé qu'il fallait s'assurer que la responsabilité de la santé bucco-dentaire de la population soit assumée par le médecin cantonal, et non pas par un médecin-dentiste cantonal. Contrairement à la création d'un poste centré sur les dentistes, cela permet d'assurer une vision plus globale de santé publique, tout en garantissant que la santé bucco-dentaire sera bien prise en compte dans la politique sanitaire du canton. Par ailleurs, le contreprojet fixe dans la loi la coordination entre les départements de la santé, de l'instruction publique et de la cohésion sociale. A nouveau, contrairement à l'initiative, le contreprojet permet une vision plus large au bénéfice de la population.
Le deuxième point bloquant est la distribution arrosoir de bons de 300 francs à une population qui reçoit déjà de l'aide de l'Etat. La majorité de la commission a estimé que le Conseil d'Etat devait mettre en place une stratégie d'aide ciblée, définir un plan de législature pour la santé bucco-dentaire et identifier les groupes les plus susceptibles d'en bénéficier.
Le contreprojet fixe également dans la loi le soutien financier aux mesures de prévention et de soins. Il ne s'agira par contre pas de distribuer de l'argent à la population, mais de financer des prestations. Ce texte prévoit finalement une obligation pour le Conseil d'Etat d'établir un bilan après chaque législature. Je souligne par ailleurs que seuls 5% des bons distribués au cycle d'orientation sont utilisés par les jeunes; la distribution de bons est donc inefficace.
En résumé, le contreprojet demande au Conseil d'Etat de développer une stratégie, et que celle-ci soit coordonnée entre trois départements.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Pierre Nicollier. Merci, Monsieur le président. Les véritables laissés-pour-compte sont les classes moyennes. Avec le contreprojet, le Conseil d'Etat a la liberté de proposer des mesures adaptées et justes. Je vous prie donc de bien vouloir suivre la majorité de la commission et de voter le contreprojet tel que proposé par cette dernière, en refusant l'amendement. Merci.
Mme Jacklean Kalibala (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, l'initiative «Pour des soins dentaires accessibles à toute la population» est composée de trois éléments simples: renforcer la prévention des maladies bucco-dentaires, créer un service du médecin-dentiste cantonal chargé de mettre en place un plan d'action pour promouvoir la santé bucco-dentaire et octroyer un chèque annuel de 300 francs à toutes et tous les bénéficiaires de subsides d'assurance-maladie qui ne reçoivent aucune autre aide équivalente, à faire valoir auprès d'un ou d'une médecin-dentiste ou d'un ou d'une hygiéniste.
Mon préopinant a essayé de vous vendre ce contreprojet construit à la hâte. De fait, dès le moment où le Conseil d'Etat a renoncé à formuler un contreprojet, l'initiative a été traitée succinctement pendant trois séances de commission, avec une seule audition avant la rédaction dudit contreprojet et sans aucune consultation sur le contenu de ce texte.
Alors, que propose-t-il ? Des modifications législatives vides, qui ne font que mettre par écrit ce que l'Etat a déjà la capacité de mettre en oeuvre. Fixer simplement l'existence de la santé bucco-dentaire dans une loi ne va pas améliorer l'accès aux soins. La barrière financière aux soins bucco-dentaires ne va que se renforcer. Avec la diminution du pouvoir d'achat, les ménages modestes auront de moins en moins d'argent disponible pour les soins dentaires.
A ce sujet, le conseiller d'Etat chargé de la santé a été clair: l'amélioration des dispositifs actuels est déjà prévue et cela ne nécessite pas de base législative spécifique. Ce contreprojet a donc comme seul but de leurrer la population et de diminuer les chances d'acceptation de l'initiative. Il ne se base pas sur des avis d'experts ni sur les besoins des professionnels sur le terrain.
La critique principale formulée à l'encontre de l'initiative, c'est que le chèque de 300 francs par année ne serait pas suffisant pour la totalité des soins dentaires. Certes, mais il n'y a pas de proposition alternative dans le contreprojet. Celui-ci n'aborde absolument pas la question de la prestation directe à la population demandée par l'initiative. Les personnes qui se trouvent actuellement hors des catégories pouvant recevoir de l'aide continueront à ne pas en toucher. A l'inverse, telle que proposée par l'initiative, la simple consultation avec des professionnels de la santé bucco-dentaire permettrait déjà de faire de la prévention individuelle et de renforcer les bonnes pratiques essentielles dans la vie courante. Ces consultations renforceraient également le travail de prévention des médecins-dentistes et contreraient la tendance actuelle, dénoncée par les dentistes eux-mêmes, qui consiste à se concentrer sur les gestes techniques coûteux.
En ce qui concerne le poste de médecin-dentiste cantonal, le contreprojet laisse complètement de côté cet élément, malgré deux auditions de l'association des dentistes pour appuyer ce besoin. Ce poste permettrait non seulement de chapeauter le programme de prévention et de promotion de la santé bucco-dentaire, mais également d'assurer la surveillance et la coordination de cette profession, insuffisante à l'heure actuelle.
S'agissant de l'amendement général du Centre, il a le mérite de représenter une vraie réflexion et de proposer des mesures concrètes avec une prestation directe à la population. Toutefois, cette proposition se focalise uniquement sur les enfants de moins de 16 ans, or ces derniers constituent déjà la population qui bénéficie le plus d'aides et de mesures mises en place pour les soins bucco-dentaires. Certes, le service auprès des adolescentes et adolescents manque de structure et nécessite une vraie refonte, ce qui a été relevé lors des auditions, mais le Conseil d'Etat a d'ores et déjà prévu des mesures et un budget dans ce sens.
De plus, l'aide financière est proposée uniquement pour les soins réalisés par un médecin-dentiste et non par les hygiénistes, ce qui est incompréhensible quand on parle de détartrage et de prévention. De nouveau, on se retrouve avec une proposition qui aura probablement un impact réel limité.
Même si elle peut soutenir l'amendement général, afin d'améliorer véritablement la prévention et la santé bucco-dentaire pour la population qui est contrainte de renoncer à ces soins, la minorité vous recommande de refuser ce contreprojet cosmétique et d'accepter l'initiative ! Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Marc Saudan (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, nous serons tous d'accord dans ce parlement quant au fait que cette initiative soulève un problème relatif à l'hygiène bucco-dentaire, qui représente un souci de santé majeur. Finalement, la solution pourrait être très simple: il suffirait que les gens se lavent les dents, et on n'aurait plus tellement de souci. Malheureusement, ce n'est pas le cas, et il convient de trouver une stratégie face à ce problème.
Comme l'a relevé mon préopinant, le chèque de 300 francs n'est pas une solution, puisqu'il est très très peu utilisé et qu'il constitue un arrosage systématique. De plus, il est imposable, ce qui pourrait poser des problèmes vis-à-vis des prestations complémentaires, et il ne touche pas forcément la population qui en aurait le plus besoin.
Le contreprojet a le mérite de soulever la nécessité d'établir un plan d'action précis, permettant de déterminer en début de législature les actions qui seront entreprises. Surtout, il soutient les organisations qui permettent véritablement de prodiguer ces soins et d'administrer ces traitements, comme la Croix-Rouge, ce qui a été relevé lors du travail de commission.
Quant à l'amendement déposé vingt-quatre heures avant le vote final, c'est évidemment un peu cavalier, c'est un manque de respect par rapport au travail mené en commission. En plus, il s'agit d'un amendement rédigé hâtivement, comme l'a relevé ma préopinante. Pourquoi viser uniquement les moins de 16 ans et ne pas aller jusqu'à 25 ans ? De nouveau, on ne touche pas la population cible. En outre, on finance des soins dentaires pour les moins de 16 ans, et ce quel que soit le revenu des gens, ce qui paraît quand même aberrant dans la mesure où même les familles qui ont les moyens de payer les soins de leurs enfants profiteraient d'une aide de l'Etat. Nous trouvons que cet amendement est complètement à côté de la plaque, si je puis dire; nous voterons donc bien entendu contre cette proposition, mais en faveur du contreprojet. Merci.
M. Michael Andersen (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont d'ores et déjà été dites par mes préopinants, mais que prévoit cette initiative ? Pour rappel, elle vise la création d'un poste de médecin-dentiste cantonal, l'octroi d'un chèque de 300 francs à l'ensemble des bénéficiaires des subsides d'assurance-maladie, ce qui représente 45 millions de francs, et un renforcement de la prévention en matière de soins bucco-dentaires.
A la demande du Grand Conseil, la commission de la santé, à travers une sous-commission, s'est penchée sur l'élaboration d'un contreprojet visant à réunir l'ensemble des remarques qui nous ont été faites par les professionnels de la santé. Parmi ces informations, il y a le fait que Genève dispose déjà d'infrastructures dans le domaine bucco-dentaire pour les personnes qui n'auraient pas forcément les moyens de se faire soigner chez le dentiste en raison du coût de cette prestation - et nous sommes conscients de cette situation. Actuellement, le problème dans ce domaine est le manque de coordination. Il faudrait mieux aiguiller ces gens; cela est prévu dans le contreprojet.
Quant au chèque de 300 francs, comme l'ont dit les professionnels de la santé et les dentistes eux-mêmes, il serait complètement inefficace au vu de certains coûts qui devraient être couverts et des dommages que certains patients pourraient avoir dans leur dentition. Les seuls qui ont soutenu cette mesure, ce sont les hygiénistes; on se demande bien pourquoi, quand on sait qu'il y a 45 millions à la clé !
Comme l'a dit mon préopinant, M. Saudan, l'administration fiscale a relevé le risque que ces 300 francs soient imposés. Cela signifie qu'on vous donne 300 francs, mais que vous êtes imposés sur ce montant. Cela comporte le risque de faire rentrer certaines personnes dans un système d'imposition alors qu'elles ne l'étaient pas et d'avoir une influence sur les prestations complémentaires.
Tous les professionnels nous ont dit que le critère des subsides d'assurance-maladie était mauvais: il ne touche pas les working poors ni la classe moyenne, qui est composée de gens qui pourraient aussi avoir besoin d'aide dans le domaine de la santé. Ce critère n'est donc pas le bon.
Il faut quand même le dire, à Genève, les prestations complémentaires prennent en charge, sur présentation de certains devis, les frais bucco-dentaires. L'Hospice général les couvre également. De plus, à Genève, on est capables de refaire la dentition de nos détenus. En parallèle, le département considère qu'il n'est pas nécessaire d'engager un médecin-dentiste cantonal et que tout cela pourrait être géré sous l'égide du médecin cantonal.
On est face à un contreprojet qui vise à assurer la prévention dans le domaine bucco-dentaire, à mieux cibler et à laisser une certaine marge de manoeuvre au Conseil d'Etat dans le choix des personnes qu'il souhaite toucher dans le cadre des mesures qui seront prises. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, je vous encourage à soutenir ledit contreprojet. Quant à l'amendement du Centre, qui est complètement cavalier et qui émane d'un groupe qui n'a même pas souhaité participer aux travaux de la sous-commission, ne serait-ce que pour daigner réfléchir à un contreprojet, je vous invite à le refuser. Je vous remercie.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, il est vrai, comme l'a dit le député Saudan, que nous avons déposé cet amendement il y a un peu plus de vingt-quatre heures. Je vous prie de nous en excuser, mais il est vrai aussi que le contreprojet dont nous parlons a été déposé relativement tardivement et que ce n'est pas la première fois que nous recevons si tard des amendements de deux, trois, voire quatre pages; il arrive parfois qu'ils soient déposés le matin même de notre session. J'ajouterai à l'intention de M. Saudan que cet amendement n'est pas à côté de la plaque - dentaire ! -, mais qu'il correspond à un excellent compromis entre l'initiative et le contreprojet.
Ce dernier a été établi dans le cadre d'une sous-commission, qui ne regroupait que des représentants de la droite, la gauche n'ayant pas accepté d'en faire partie. Cela posé, il faut tout d'abord relever que ce texte donne beaucoup trop de pouvoir au Conseil d'Etat, puisqu'il laisse l'ensemble du financement des actions de prévention et de promotion être géré par voie réglementaire - ça m'étonne du PLR et de l'UDC qu'ils donnent autant de pouvoir au gouvernement, alors que généralement ils préfèrent lui enlever ses prérogatives. Ensuite, ce contreprojet n'amène rien de plus que ce qui figure dans l'excellent plan de prévention et de promotion de la santé, établi par le département. C'est donc un texte qui, à mon avis, représente un vide abyssal.
L'amendement général que nous vous proposons en tant que groupe du Centre part du constat suivant: si la santé bucco-dentaire est certainement meilleure en Suisse et à Genève que dans d'autres pays et régions, la situation demeure quand même inquiétante pour nombre d'enfants issus de couches populaires moins favorisées, avec des conséquences à long terme sur la vie sociale et professionnelle. On sait qu'une personne pourvue d'une dentition calamiteuse aura de la peine à s'intégrer et à trouver un emploi, suivant ce qu'elle recherche.
Genève a les moyens de parvenir à un meilleur équilibre dans ce domaine. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Dans la mesure où je présente un amendement, Monsieur le président, j'ai un peu plus de temps, je vous remercie ! Ce que nous vous proposons, c'est tout d'abord bien entendu le maintien des actions de prévention et de prophylaxie dentaires. Ensuite, un examen préliminaire par un pédiatre quand l'enfant a entre 12 et 18 mois, puis un examen par un dentiste quand il a entre 3 et 4 ans. Enfin, une aide financière de 50% à condition que le suivi des actions de prévention et de promotion soit réellement respecté. Par ailleurs, pour des enfants qui sont à Genève...
Le président. Monsieur le député, vous devez mettre fin à votre intervention.
M. Jean-Marc Guinchard. Je vous remercie. J'ajouterai que notre amendement ne coûterait que 12 millions, par rapport aux plus de 40 millions de l'initiative. Je vous invite à accepter cet amendement et, s'il est rejeté, à refuser le contreprojet.
Mme Louise Trottet (Ve). En résumé, cette initiative, dont nous avons déjà amplement parlé dans cette enceinte, est somme toute très intelligente, et ce n'est pas une initiative arrosoir, contrairement à ce qui a pu être dit par certains préopinants. Ce texte cible les personnes qui touchent les subsides d'assurance-maladie et qui ne reçoivent par ailleurs pas d'autres aides pour financer leurs soins dentaires. En ce sens, il touche parfaitement la classe moyenne, contrairement à ce qui a été affirmé précédemment, ou en tout cas une tranche de cette classe moyenne qu'on soutient insuffisamment.
Ensuite, le poste de médecin-dentiste cantonal que propose également cette initiative a été soutenu par les milieux que nous avons auditionnés, ces mêmes milieux que vous citez lorsque vous dites que l'aide ne serait pas bien ciblée, qu'elle s'ajouterait de manière inutile à ce qui se fait déjà. Donc quand il s'agit de citer les milieux, citez-les in extenso et prenez en compte toutes leurs remarques ! Le poste de médecin-dentiste cantonal est nécessaire. Il l'est pour assurer la coordination, il l'est également pour garantir un meilleur contrôle de ce qui se fait en matière de pratiques et de tarification chez les médecins-dentistes.
Enfin, l'initiative ancre un plan de prévention et de promotion de la santé bucco-dentaire. C'est pour ces trois éléments qu'elle est intéressante et que nous la soutenons, comme nous l'avons déjà dit.
Maintenant, venons-en au contreprojet. A la base, nous avions les ébauches d'un contreprojet novateur, basé sur une taxe au sucre, élaboré avec des experts sur le plan tant scientifique que juridique; c'était un texte empli de courage politique, que nous aurions étudié avec intérêt et probablement voté. Hélas, un peu dans la foulée de la polémique assez justifiée autour de l'impôt auto, il a été peu courageusement abandonné et remplacé (à la dernière minute, parce qu'évidemment il ne restait plus de temps pour formuler une vraie alternative) par un contreprojet alibi, un peu à l'image de ce qui avait été fait pour l'initiative piétonne.
Ce texte sur lequel nous votons ce soir est en quelque sorte une simple formalisation de ce qui est déjà pratiqué. Il n'y a pas un sou de plus pour la santé bucco-dentaire, pas un sou de plus pour les familles, pour la classe moyenne inférieure, qui, on le sait, ne consulte pas assez le dentiste et ne va pas pouvoir payer des milliers de francs pour faire remplacer des dents défaillantes, ce qui entraîne des conséquences sociales et sanitaires désastreuses.
En résumé, le groupe Vert va refuser le contreprojet tel qu'il est présenté et quand même voter l'amendement «last minute» du Centre. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, nous avons décidé l'an dernier du sort de cette initiative en la refusant. Elle sera soumise au peuple, et la seule question qui se pose aujourd'hui est celle de savoir si on va le laisser choisir entre l'initiative et un contreprojet ou ne lui soumettre que l'initiative. Nous avions voté l'an dernier le principe d'un contreprojet, la commission de la santé a travaillé dans ce sens et elle vous présente le PL 13609, qui modifie la loi sur la santé.
Ce texte inscrit dans la loi que la santé bucco-dentaire fait partie de la santé; c'est un pas majeur, parce qu'actuellement ce n'est pas le cas. Alors qu'on ne vienne pas nous dire que ce n'est pas une avancée législative ! Je rappelle aussi que le but de cette modification législative est d'améliorer la santé bucco-dentaire de la population. Les dispositions que nous allons voter dans quelques instants (et je vous invite à le faire) vont mettre l'Etat face à ses engagements: il devra mesurer l'effet des actions qu'il va entreprendre pour améliorer la santé bucco-dentaire de la population. Cela figurera dans la loi, c'est du concret. Quelles sont ces actions ? Des actions de promotion, de prévention, de dépistage et de soins. Contrairement à ce qui a été dit, le Conseil d'Etat devra s'engager à proposer au début de chaque législature un plan d'action, lequel nous permettra de suivre la mise en oeuvre des mesures que je viens de mentionner, en fonction de l'état de la population. Ainsi, nous pourrons voir où nous en sommes et déterminer ce qu'il reste à accomplir et comment nous allons poursuivre ces actions visant à améliorer la santé bucco-dentaire de la population.
Le seul élément qui est exact, c'est effectivement qu'un règlement fixera le catalogue des prestations qui seront prises en charge par l'Etat. Alors qu'on ne vienne pas nous dire que cette nouvelle loi ne va pas du tout offrir de prestations à la population prises en charge par l'Etat; c'est exactement l'inverse ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Toutes les actions qui rentreront dans le champ de cette loi seront, pour les populations qui nécessitent des actions concrètes afin d'améliorer leur état de santé bucco-dentaire, prises en charge par le budget de l'Etat, sur la base d'un catalogue défini.
C'est une avancée, c'est plus concret, plus précis, plus réaliste que l'initiative - et je ne parlerai pas de l'amendement général proposé, qui n'a pas été discuté, qui n'a pas été évalué, qui n'améliore pas la situation, qui va coûter beaucoup plus cher...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Pierre Conne. ...et qui risque de placer la population devant un choix impossible à faire le moment venu. Je vous invite donc à voter le PL 13609. Merci, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG). Actuellement, une partie de la population se retrouve exclue des soins dentaires. Au fil des années, un certain nombre d'avancées ont été obtenues, notamment la permanence de la Croix-Rouge, qui permet un soutien direct pour les working poors, lesquels n'ont pas les moyens de payer à la fois la prophylaxie et les soins dentaires, qui sont très coûteux, comme chacun le sait.
Quelques progrès non négligeables ont donc été réalisés, mais ils sont hélas insuffisants. Il faut aller beaucoup plus loin. Nous avons la possibilité de suivre l'initiative, qui sera de toute manière soumise au peuple, mais elle comporte malheureusement un certain nombre de défauts, notamment cette somme de 300 francs; il y a une certaine rigidité, un manque de souplesse à cet égard. Par ailleurs, ce texte, dont nous avons déjà beaucoup débattu, contient d'autres aspects trop rigides.
Une autre possibilité s'offre à nous, celle de soutenir ce contreprojet. Le MCG estime qu'aucun des deux textes n'est sans doute parfait, que chacun a des défauts, mais qu'il faut donner la parole au peuple et le faire avec une certaine transparence.
Excusez-nous, chers collègues du parti du Centre qui avez proposé à la dernière minute un amendement, mais il n'est pas très sérieux de formuler une modification très longue et très précise aussi tard pour un objet aussi important. Cela peut créer une certaine confusion et égarer le peuple au moment du vote. Un examen de cet amendement en commission aurait été souhaitable. Nous n'avons malheureusement pas pu le faire, raison pour laquelle le groupe MCG le refusera. En revanche, nous sommes très favorables au vote du contreprojet tel qu'il est apparu à l'issue des travaux de commission, lesquels ont été conséquents, puisque la sous-commission s'est réunie au cours de nombreuses séances.
Je crois qu'il faut mener un travail sérieux et donner le choix au peuple. Votez le contreprojet tel que sorti de commission ! Après, ce n'est pas nous, députés, qui aurons le dernier mot, mais le peuple; laissons-le juger, à la fois pour l'initiative et le contreprojet. C'est ce que demande le MCG, en vue d'obtenir de véritables progrès en matière dentaire et que cela se fasse via le processus démocratique régulier. Merci, Monsieur le président.
M. Thomas Bruchez (S), député suppléant. Aujourd'hui, 20% de la population, soit une personne sur cinq, doit renoncer aux soins dentaires pour des raisons financières. Dans le contexte actuel d'explosion du coût de la vie, cette part risque encore de s'accroître. Les conséquences sont absolument catastrophiques, puisque quand les gens ne vont pas se faire soigner, leur situation se détériore et il faut finalement intervenir, avec à la clé des coûts extrêmement conséquents qui doivent être pris en charge.
C'est pour faire face à cette situation qu'on a lancé l'IN 193, qui prévoit, comme cela a été dit, trois mesures: d'abord, l'octroi d'un chèque de 300 francs aux personnes bénéficiaires des subsides d'assurance-maladie qui ne touchent aucune autre aide (c'est-à-dire 26% de la population), à faire valoir auprès d'un dentiste ou d'un hygiéniste dentaire. Ensuite, la mise en place de campagnes d'information pour renforcer la prévention. Enfin, la création d'un poste de médecin-dentiste cantonal, qui serait chargé de mettre en oeuvre un plan pour promouvoir la santé bucco-dentaire.
La droite, qui ne manque jamais une occasion de montrer sa déconnexion vis-à-vis des besoins de la population, n'a pas voulu de cette initiative. Mais pour ne pas faire trop mauvaise figure, elle a accepté le principe d'un contreprojet. On ne s'attendait pas à grand-chose de la part de la droite mais, honnêtement, on est quand même déçus ! Le contreprojet tel que sorti de commission ne propose rien, si ce n'est quelques ajouts cosmétiques dans la loi portant sur la prévention de la santé bucco-dentaire, pour donner l'impression qu'on se soucie de la question.
Tout était donc clair jusqu'à ce stade: d'un côté, une initiative nécessaire répondant efficacement aux besoins de la population, de l'autre, un contreprojet alibi de la droite, qui ne répond absolument pas aux besoins de la population et ne change rien dans la pratique. C'était bien sûr sans compter Le Centre qui, pris d'états d'âme à la dernière minute (ou peut-être avec la volonté de faire bonne figure avant une certaine échéance de ce dimanche), nous a envoyé il y a à peine plus de vingt-quatre heures un amendement général. Honnêtement, celui-ci améliore nettement le contreprojet - en même temps, vous allez me dire qu'il n'est pas difficile de faire nettement mieux que le vide intersidéral ! Il propose en particulier une aide pour les mineurs jusqu'à 16 ans avec une possibilité de remboursement jusqu'à 50% des frais, c'est pourquoi le groupe socialiste le soutiendra. Malgré cette amélioration, le contreprojet n'est pas suffisant. On se limite aux mineurs, mais c'est aussi une grande partie des adultes qui a besoin d'aide et qui renonce à se faire soigner, s'exposant ainsi à des conséquences graves sur le plan sanitaire et financier.
Pour toutes ces raisons, nous avons bien sûr voté en faveur de l'IN 193 (et nous la défendrons lors de la campagne) et nous refuserons ce soir le contreprojet. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Nidegger, votre groupe n'a plus de temps de parole. Je cède le micro à M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a écouté avec beaucoup d'attention cet intéressant débat sur la santé bucco-dentaire, qui fait écho à la discussion précédente relative à l'entrée en matière sur l'initiative. Je le redis ce soir, le Conseil d'Etat partage la préoccupation des initiantes et initiants concernant la détérioration de la santé bucco-dentaire. Mais - parce qu'il y a un mais - il partage cette préoccupation s'agissant de certaines catégories de la population, et en tout cas pas de façon générale. Mesdames et Messieurs les députés, vous qui suivez l'actualité avec attention, vous aurez relevé qu'en début de semaine, l'Office fédéral de la santé a rendu publique une grande enquête sur la santé bucco-dentaire dans laquelle il constate que de façon générale, elle s'est améliorée ces vingt dernières années. Sur la base d'éléments statistiques tout à fait intéressants et probants, on observe que pour une large part de la population, les efforts ont porté leurs fruits, notamment dans le domaine de la prévention - et c'est plutôt heureux.
Alors c'est vrai que ça touche un peu moins le canton de Genève et que certaines catégories de la population ne sont pas couvertes par ces progrès. On doit le déplorer, mais ça doit nous inciter - et c'était déjà le propos du Conseil d'Etat, Monsieur le président, il y a un an - à nous demander si l'initiative atteint vraiment sa cible. De toute évidence non, car malgré tout, quoi qu'on en dise, elle arrose. Elle arrose, et même généreusement: on parle d'une somme d'environ 45 millions, cela a été rappelé tout à l'heure, à raison du critère des subsides d'assurance-maladie.
C'est là le premier défaut de l'initiative: elle arrose trop largement et ne cible pas. Elle manque en réalité sa cible, s'agissant de certaines catégories de la population que nous avons pu identifier avec l'aide précieuse de la Croix-Rouge (M. Baertschi l'a dit tout à l'heure), que nous subventionnons à hauteur de plus d'un million. Nous avons confirmé cette subvention depuis l'année passée, ce dans le but d'atteindre les populations réellement touchées.
Parce qu'il est vrai, Mesdames et Messieurs, que notre dispositif de santé présente une lacune, pour des motifs historiques. Contrairement à ce qui est prévu dans d'autres pays, notamment le grand pays voisin qui nous borde, notre assurance-maladie de base ne couvre pas la santé dentaire; c'est bien dommage, mais c'est une réalité.
A cet égard, le Conseil d'Etat estime donc que l'initiative manque sa cible, mais il approuve le contreprojet, qui permet effectivement de gagner en coordination, d'aiguiller correctement et de couvrir convenablement les besoins, à condition qu'on y mette quelques moyens (mais le gouvernement s'y est engagé), non seulement pour la prévention, mais également pour les soins, via le programme de la Croix-Rouge.
Les besoins, je le rappelle, sont identifiés dès l'enfance. Ce n'est pas ma collègue Anne Hiltpold, chargée de l'instruction publique, qui va me démentir, elle qui est responsable de ces programmes de prévention. Ils sont très systématiques au primaire, un peu moins au cycle d'orientation, hélas, mais nous savons que nous pouvons progresser sur ce point. En association avec les dentistes genevois, il est possible au premier, deuxième et troisième degré du cycle d'orientation de bénéficier d'un contrôle annuel, or cette mesure n'est utilisée qu'à hauteur de 5% - cela a été rappelé tout à l'heure. Il y a donc un potentiel d'amélioration quant à l'exploitation des dispositifs existants. C'est sans doute un effort de sensibilisation et d'information que nous devons mener - le contreprojet le permet et nous y incite.
S'agissant du médecin-dentiste cantonal, on pourrait rejoindre les initiants mais, vous le savez, c'était un peu une mode dans les années 90: on a eu un délégué pour ceci, un responsable de cela, une madame ou un monsieur chargé de telle ou telle politique publique... Cela n'a pas d'effet magique, ce n'est pas cela qui va réellement changer la donne. Ce qui va changer la donne, ce sont les programmes de prévention. Je rappelle que le Conseil d'Etat investit 7 millions supplémentaires dès cette année dans ces programmes de manière générale, et en particulier pour les questions de santé bucco-dentaire - vous l'avez soutenu dans cette démarche, et il vous en remercie.
S'agissant de l'amendement général - qualifié de scélérat par le préopinant libéral rapporteur de majorité, à mon sens à juste titre, dans la mesure où subrepticement, à la dernière minute, il amène des éléments qui n'ont été ni discutés ni vérifiés, et dont les coûts dépassent largement les 12 millions... (Commentaires.) J'aimerais souligner, en citant les services de mon collègue Apothéloz, qu'évidemment, si l'on ouvre les critères pour prétendre au remboursement des soins dentaires à toute personne mineure de moins de 16 ans (sans condition de revenu des parents, sans relation avec la situation économique !), c'est sans doute une générosité très électorale, mais très à côté de la plaque - je le maintiens, et le député Saudan avait raison de le dire -, qui serait mise en oeuvre à la faveur de cet amendement. Il n'a pas été étudié, il n'est pas sérieux et visiblement, il n'atteindra pas son but. Le Conseil d'Etat s'y oppose donc tout à fait clairement, tous départements concernés confondus, et il regrette que ce soit le président de la commission de la santé - mais je ne garderai pas de dent contre lui ! - qui formule une telle proposition à la dernière minute, après des mois et des mois d'analyse de cette initiative.
Pour toutes ces raisons, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous recommandons évidemment de rejeter cet amendement, quelle que soit la qualification qu'on lui accole, de refuser l'initiative, un peu à regret, en reconnaissant que les initiants pointent du doigt une vraie problématique, et de soutenir des deux mains le contreprojet, qui va dans le bon sens, qui met en lumière les vrais enjeux et qui nous permettra, à nous Conseil d'Etat, d'avoir du vent dans les voiles pour nous attaquer, ou continuer de le faire, à cette problématique de la santé bucco-dentaire. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13609 est adopté en premier débat par 57 oui contre 32 non.
Deuxième débat
Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'amendement général déposé par M. Guinchard, que vous avez toutes et tous reçu.
Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 53 non contre 39 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 9, al. 1 (nouvelle teneur), à 23B (nouveau).
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13609 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui contre 42 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 193-C.