République et canton de Genève

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PL 13263-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier le projet de loi de Stéphane Florey, Christo Ivanov, Patrick Lussi, Marc Falquet, Virna Conti, André Pfeffer, Thomas Bläsi, Sébastien Thomas, Philippe Perrenoud, Guy Mettan, Gilbert Catelain, François Baertschi, Florian Gander, Daniel Sormanni, Philippe Morel, Jean Romain, Pascal Uehlinger, Patrick Malek-Asghar, Antoine Barde, Serge Hiltpold, Yvan Zweifel, Adrien Genecand, Murat-Julian Alder, François Wolfisberg, Patrick Dimier, Fabienne Monbaron, Danièle Magnin, Diane Barbier-Mueller, Jacques Béné, Beatriz de Candolle portant interdiction de l'écriture dite « inclusive »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 25, 26 janvier, 1er et 2 février 2024.
Rapport de majorité de Mme Christina Meissner (LC)
Rapport de minorité de M. Yves Nidegger (UDC)

Premier débat

Le président. Nous poursuivons dans l'ordre du jour avec le PL 13263-A, classé en catégorie II, trente minutes. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, le projet de loi dont nous traitons entend interdire l'écriture dite inclusive - vous savez, l'écriture avec les points médians, barres obliques, tirets, etc. -, qui rend effectivement l'écriture et la lecture assez compliquées en français. La commission a traité ce texte et a refusé l'entrée en matière à une très large majorité, puisque seule l'UDC a voté pour.

Pourquoi ? Je vous rappelle que la commission a travaillé sur la question de l'écriture, notamment à travers ce que l'on a appelé la LED-Genre, l'une des déclinaisons de la loi contre toutes les discriminations. Le projet de loi est devenu la loi 12843 et son article 12 proscrit l'utilisation de l'écriture dite inclusive de manière très claire. Et dans la LED-Genre, il est indiqué que le champ d'application s'étend au canton, aux communes et aux institutions de droit public. Il s'avère que si nous votions le texte de l'UDC, le champ serait plus limité puisqu'il ne permettrait par exemple pas d'empêcher l'université d'utiliser l'écriture inclusive dans sa communication, ce que la LED-Genre permet.

Alors certes, il y a peut-être un monde entre la loi et son application, mais l'écriture inclusive est en tout cas déjà proscrite légalement et dans une loi dont le champ d'application est beaucoup plus large que celui du texte qui nous est soumis. Raison pour laquelle la commission vous recommande de le refuser.

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de minorité. La majorité de la commission nous fait un rapport «bonne idée, mauvaise réponse», en disant au fond qu'il n'y a pas de problème puisqu'une disposition figure dans la LED-Genre, cette loi qui a été votée par une majorité crépusculaire aux dernières semaines de la dernière législature, avant que cet hémicycle se repeuple de manière un peu plus raisonnable. Si cette interdiction du point médian avait suffi à régler la question, ça se saurait ! Il y a par ailleurs, et c'est aussi mentionné dans le rapport de majorité, une M 2697 acceptée en 2022 qui a donné lieu à plusieurs rapports - A, B, C, dont les deux derniers du Conseil d'Etat - en 2022 et en 2023, et si ça a été le cas, c'est que le Conseil d'Etat, manifestement, s'est assis sur la motion sans aucune intention de la mettre en oeuvre.

On nous dit donc, en gros: nous vivons une... On le reconnaît puisque l'aspect du point médian ou du tiret intersectionnel, qui ne représentent pas véritablement l'entier de la question, a été inscrit dans une loi. On reconnaît qu'il y a un problème, et il y a des tas de précédents dans l'histoire relatifs à la prétention d'un Etat ou d'un régime de changer la façon de penser en changeant la langue: à l'époque de la Révolution française, sous la Terreur, vous deviez dire «citoyen» et non «monsieur» sinon vous passiez à la guillotine; sous Lénine, vous deviez dire «camarade» et pas «monsieur» sinon vous étiez fusillé; et puis il y a eu toute une réforme de la langue allemande par les nazis.

Aujourd'hui, ce sont les intersectionnels qui ont... Enfin, à la suite d'un virus qui s'est échappé d'un laboratoire de sociolinguistique et a contaminé les facultés en général, faisant perdre ces dernières à pas mal d'intellectuels, on discerne aujourd'hui une véritable intention de modifier la façon de parler et d'écrire, parce que l'on sait très bien que pour penser, eh bien il faut des phrases ! Quand vous voulez passer d'un point A à un point B par un raisonnement logique, des mots sont nécessaires à votre réflexion. Et lorsqu'on pilote vos mots, comme dans «1984» avec la novlangue - ou le néoparler dans la dernière traduction de cet ouvrage d'Orwell extrêmement actuel, dont je vous recommande la relecture -, lorsqu'on agit sur les mots et l'utilisation autorisée ou non de certains termes ou de certaines façons de dire les choses, eh bien vous êtes entré dans le totalitarisme !

Face à cela, il faut évidemment une loi qui interdise de manière transversale l'écriture inclusive. Celle-ci va très au-delà de certaines marques de ponctuation qui viennent saloper la lecture de pas mal de textes et continuent d'ailleurs à être utilisées. Donc, si on dit «bonne idée, mauvaise réponse» ou alors qu'on critique, comment dire, le champ d'application de la norme proposée par les signataires - je n'en étais pas, de ces signataires, curieusement, mais c'était avant que j'arrive...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur.

M. Yves Nidegger. Volontiers, Monsieur le président. L'intention de déposer un tel texte est absolument saine. La réaction des partis qui ont voté la LED-Genre... Elle est un chef-d'oeuvre d'«inclusionnalisme» ! Inclure, c'est un très joli terme, mais l'«inclusionnisme» est une idéologie, comme la commune est un joli terme et le communisme une saleté. Des tas d'autres jolis termes ont servi à des idéologies. Vous construisez d'ailleurs un système de pensée et vous vous piquez, en tant qu'Etat, de l'imposer parce que le réel vous déplaît; on change donc le réel plutôt que l'idée.

On est dans quelque chose à combattre de manière solennelle, de manière claire, et le faire au moyen d'une loi dédiée à cela me paraît être un chemin tout à fait juste face à la non-application de ce qui existe déjà: une motion d'un côté, une loi de l'autre. Il faut faire quelque chose de plus musclé. Une motion, c'est typiquement ce qui doit amener le Conseil d'Etat à modifier quelque chose, y compris en changeant la loi lui-même, et si la motion n'est pas suivie d'effet, lorsque le Conseil d'Etat ne le fait pas et s'assied sur la motion année après année, il faut que le parlement change la loi par lui-même !

Je vous recommande donc, parce que je reconnais une petite discrépance avec la couverture de la norme telle qu'elle est proposée dans la motion, qui n'a pas été étudiée puisqu'on a simplement refusé d'entrer en matière... La question mériterait d'être retravaillée et je vous prie par conséquent de renvoyer cela en commission afin de faire de cette excellente intention un excellent texte.

Le président. Bien, Mesdames et Messieurs, nous allons procéder au vote sur le renvoi en commission, mais je donne tout d'abord la parole à la rapporteure de majorité.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Je crois que M. Nidegger, dans tout son discours, va bien au-delà du texte qui est proposé; nous ne sommes pas aujourd'hui en train de remettre en cause la LED-Genre dans son ensemble. Revenons aux points, aux virgules et aux tirets pour rappeler que la question est déjà traitée, qu'il n'y a pas besoin d'une autre loi pour légiférer sur ce qui est déjà inclus dans la loi actuelle. Je ne parle pas d'inclusivité dans l'écriture, mais d'inclusion dans la loi ! Donc non au renvoi en commission !

Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, j'ouvre le vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13263 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 71 non contre 8 oui.

Le président. Nous poursuivons le débat et je passe la parole à Mme Zuber-Roy.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Merci, Monsieur le président. Comme l'a exposé la rapporteure de majorité, ce qui est visé à travers ce projet de loi est déjà interdit par la LED-Genre. Plus précisément, cette LED-Genre prévoit que «l'Etat ne reproduit pas de stéréotypes de genre»; que dans sa communication interne et externe, dans la rédaction législative et administrative, et dans les relations avec son personnel et la population, l'Etat utilise en premier lieu des termes neutres - c'est ce qu'on appelle la rédaction épicène - et que quand ce n'est pas possible, la formulation ne doit pas porter atteinte à la lisibilité des textes. Et là, il est clairement précisé - dans une loi, je vous le rappelle - que les «pratiques rédactionnelles ou typographiques au moyen notamment de barres obliques, de parenthèses, de points médians ou de tirets» sont proscrites. Au moment où nous avons adopté cette loi, en mars 2023, vous nous avez déjà fait le reproche - et il n'est pas entièrement faux - d'être très précis pour un tel texte.

Aucune forme n'est obligatoire et aucune manière n'est interdite: il est juste spécifié que ça doit rester lisible ! M. Nidegger nous dit que c'est la police de la pensée par les mots, alors que son projet de loi, à l'exact inverse, veut carrément interdire les termes épicènes ! Cela signifie que si le texte de M. Nidegger passe, je n'aurai plus le droit de dire «les membres du Grand Conseil» - c'est ça, un terme épicène ! Je devrai dire «les députés», point ! Pas les «les députées et les députés», évidemment: on voudra... Je suis navrée, mais c'est votre projet de loi - pardon: Monsieur le président, vous transmettrez à M. Nidegger que c'est son projet de loi qui veut limiter la façon dont on s'exprime.

En matière législative, le travail a donc été fait, et même de manière très précise. Maintenant, la réalité, c'est qu'on a un gros problème s'agissant de l'application de la loi. Les petits points, les points médians, les barres obliques, il y en a partout ! Une directive de l'université - datée de 2020, certes, mais ce serait peut-être bien que l'université se rende compte que des lois changent - conseille encore d'utiliser, comme dernière méthode possible, les tirets et les barres obliques, contrairement à ce que la loi dit clairement ! Je ne vous parle même pas du nombre de courriers qu'on reçoit de l'école, en tant que parents, qui contiennent chaque fois des traits, des tirets et autres - et je vous passe les détails quand on est employé de l'Etat. Cette loi, réellement, n'est pas appliquée !

Vous transmettrez à M. Nidegger, Monsieur le président, que rechanger la loi n'aura pas d'effet ! Mais on aimerait bien que celle-ci soit maintenant appliquée ! Le PLR lance donc un véritable appel au Conseil d'Etat pour qu'il fasse appliquer cette loi et j'en profite pour transmettre ce même appel au Bureau du Grand Conseil: de plus en plus de rapports de commission comportent de nouveau ces tirets, ces petits points. C'est contraire à la loi; ce sont des documents officiels et je souhaiterais que la loi soit là aussi appliquée ! Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée. Au sujet du Bureau, vous avez raison, Madame. (Commentaires.) La parole va à M. Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est justement ce qu'a évoqué Mme Zuber-Roy, à savoir la LED-Genre, qui pose ici un vrai problème. Cette loi, cela a été dit, n'a jamais été appliquée et elle n'a absolument rien résolu. C'est pour ça que j'avais déposé un projet de loi spécifique qui interdit tout simplement l'écriture inclusive et englobe toutes les entités de ce canton qui sont rattachées à l'Etat. Y compris l'université, qui continue à utiliser l'écriture inclusive, à communiquer par le biais de l'écriture inclusive, tout comme d'autres entités cantonales qui l'utilisent régulièrement, par exemple les TPG: je reçois régulièrement des communications internes rédigées en écriture inclusive.

Finalement, toutes les études démontrent que l'écriture inclusive est néfaste pour la langue française; un professeur avait même été auditionné, M. Louis de Saussure, de l'Université de Neuchâtel...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Stéphane Florey. ...qui avait clairement démontré que c'est néfaste... (Commentaires.) ...et c'est pour ces raisons qu'il faut adopter ce projet de loi ou tout du moins le renvoyer en commission pour qu'il soit réétudié et qu'on applique finalement l'interdiction de l'écriture inclusive. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une nouvelle demande de renvoi en commission et je cède la parole, avant de passer au vote, aux rapporteurs. Madame la rapporteure de majorité, vous pouvez y aller.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Je veux juste rappeler que, à l'évidence, ce n'est pas la loi qui pose problème mais son application; ce n'est pas en renvoyant ce texte en commission qu'on va régler quoi que ce soit. C'est non !

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de minorité. Le renvoi est évidemment soutenu. Lorsqu'on dit que la LED-Genre n'est pas appliquée, c'est tout à fait faux ! Elle est appliquée intégralement, sauf la disposition dont on parle.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13263 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 72 non contre 10 oui.

Le président. Nous poursuivons les débats. La parole va à Mme Bobillier.

Mme Sophie Bobillier (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à suivre les travaux de la professeuse et historienne Eliane Viennot, qui affirme: «La langue française n'a pas besoin d'être féministe, mais démasculinisée.» Elle explique que nos problématiques linguistiques sont d'ordre politique: le français a été déféminisé et masculinisé par les élites masculines afin de renforcer l'idéologie discriminante qui régnait à l'époque.

Jusqu'au XVIIe siècle, les formes féminines des noms de métiers étaient courantes et visibles, mais avec l'essor de la place des femmes dans l'espace public et politique, une invisibilisation linguistique s'est mise en place. En 1689, les titres considérés comme élevés dans la hiérarchie sociale ou associés à des femmes dotées d'un savoir, notamment académique, ont été bannis. Ainsi, des professions telles qu'autrice, professeuse, mairesse, poétesse, philosophesse, médecine, peintresse, jugesse ont été interdites et effacées de la langue française. Il ne s'agit donc pas d'une invention moderne, mais bien d'une réhabilitation de mots qui ont existé et dont l'usage a été supprimé.

Le langage inclusif n'est pas une tare. Trop souvent, on le réduit à un point médian qui peut heurter certains, mais il ne se limite pas à cela. Si nous savons interpréter sans difficulté l'abréviation «M.» ou «Mme» comme signifiant «Monsieur» et «Madame», nous pouvons aussi nous habituer à toute forme d'écriture inclusive. C'est une question d'usage et d'habitude, avec de nombreuses variantes possibles, comme «Bonjour tout le monde» au lieu de «Bonjour à tous». Imaginez si j'avais commencé mon intervention par «Monsieur la présidente» ou «Mesdames les députées». Trouveriez-vous cela acceptable ? Messieurs les députés, vous sentiriez-vous inclus dans mon discours ?

Si vous doutez encore de l'importance de cette question, je vous invite à écouter le podcast de Victoire Tuaillon, produit par Binge Audio, sur l'écriture inclusive, ou plutôt exclusive. Une Parisienne, baignant dans la langue de l'Académie française, interroge des spécialistes en psycholinguistique des universités de Fribourg et Berne, qui analysent scientifiquement l'impact du langage - inclusif ou exclusif - sur notre cerveau et nos représentations; les psycholinguistes apportent des exemples frappants. L'un des plus révélateurs est celui d'un nourrisson dans une poussette: selon que l'on répond «c'est une fille» ou «c'est un garçon» à la question de son genre, les réactions des passants varient considérablement alors qu'il s'agit du même bébé. Cela illustre parfaitement à quel point nos représentations sont conditionnées par le langage et, sur de nombreux aspects, influencent les inégalités dans notre société.

Ainsi, les Verts vous invitent à refuser ce projet de loi et à utiliser, autant que faire se peut, l'inclusivité dans le langage, qui renforce une société équitable et heureuse. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, pourquoi la majorité a-t-elle refusé ce projet de loi ? C'est parce qu'il y a quand même plusieurs problèmes, notamment s'agissant de sa portée; il entretient une forme de confusion entre différentes méthodes, disons, d'épicénisation du langage. Alors que dans la modification de loi déjà votée pour les actes officiels, on parle clairement des questions de point médian, de tous les signes qui ne peuvent pas être traduits à l'oral, eh bien dans le texte que propose l'UDC, on fait un grand mélange en interdisant les doubles flexions. On ne pourrait plus dire «Mesdames, Messieurs», par exemple ! C'est complètement ridicule. On ne pourrait plus utiliser non plus de termes neutres comme «le lectorat». On voit donc bien là qu'on élargit considérablement la portée de la loi, dans une optique qui s'apparente vraiment à de la censure. Alors je sais que c'est un peu de saison, on le voit aux Etats-Unis, mais je pense qu'on n'est pas obligé de suivre ici cette même voie.

Il y a également un deuxième problème - et non des moindres - avec ce texte: contrairement au cadre légal actuel qui circonscrit clairement à certains actes officiels, soit des actes de l'Etat, le fait qu'on ne puisse pas utiliser les points médians et les tirets, on a avec ce projet de loi un élargissement qui est complètement inapplicable. C'est une forme de censure vraiment très élargie puisqu'il s'appliquerait non seulement à l'Etat, mais aussi par exemple aux étudiants, qui devraient... étudiants et étudiantes, puisque j'ai encore le droit d'utiliser la double flexion, j'en profite donc ! Merci à l'UDC de me laisser encore cette possibilité - vous transmettrez, Monsieur le président. Les étudiants et les étudiantes - ou le corps étudiant - ne seraient plus libres, dans le cadre de la rédaction de leur mémoire, de leurs travaux, d'écrire en utilisant des termes neutres ou la double flexion, par exemple.

«Last but not least», la cerise sur le gâteau, si je peux me permettre: il serait également interdit d'utiliser la double flexion dans les Conseils municipaux ! Ça figure clairement dans le projet de loi et on voit bien là que c'est totalement absurde. Au Grand Conseil, on pourrait peut-être continuer à l'utiliser, mais plus dans les Conseils municipaux. On voit bien que ce texte est extrêmement mal ficelé et complètement absurde et liberticide. Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les membres du Grand Conseil, je vous remercie de bien vouloir le refuser ! (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Certains se sont amusés à vouloir réinventer la langue française, une langue française qui s'est forgée au fil des siècles en partant du latin. Au lieu de suivre l'évolution naturelle qui a permis à cette belle langue française de prendre la forme que nous connaissons, au lieu de permettre à notre langue française d'évoluer selon son cours naturel, des esprits chagrins ont inventé un concept fumeux: l'écriture inclusive. Cherchant à créer une nouvelle langue, comme dans le roman visionnaire de Georges Orwell «1984», ils ont inventé cette novlangue qui s'appelle écriture inclusive. Par l'ajout systématique d'un genre et l'abus du tiret, ils ont fait une cure de politiquement correct et se sont échinés à massacrer systématiquement la langue française. Ainsi, au lieu de dire «tous», on devrait écrire et donc dire «tous-t-e-x-s». (L'orateur s'emploie à prononcer toutes les lettres. Rires.) Et je vous vois venir: devrait-on écrire et dire, au lieu de «frontalier», «frontalier-x-s-ère» ? (L'orateur s'emploie à prononcer toutes les lettres. Rires.) C'est trop me demander ! (Rires. Applaudissements. Commentaires.) Comme le groupe MCG, je voterai oui à ce projet de loi qui demande de mettre fin à l'écriture inclusive. Je vous propose d'en faire de même. (Commentaires. Rires.)

M. Patrick Dimier (MCG). Juste un mot pour rappeler à cette docte assemblée qu'en français, le pluriel est neutre ! (Applaudissements.)

Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Merci, Mesdames et Messieurs les députés, pour ce débat parfois affligeant et, il faut le dire, parfois drôle. (Rires.) Mesdames et Messieurs, la LED-Genre a effectivement réglé la question s'agissant des points médians, des tirets, etc., qui rendaient la lecture difficile. Si vous recevez des courriels de l'administration qui ne sont pas écrits conformément à la loi, je vous invite à le faire savoir de façon à pouvoir rappeler à l'administration que si la loi l'autorise aujourd'hui à utiliser «les députées et les députés» ou «les membres du Grand Conseil», elle ne l'autorise en revanche pas à mettre des points médians qui compliquent la lecture.

Je vous assure que tout est mis en oeuvre pour que cette loi, qui a été votée, soit respectée; n'hésitez donc pas à nous faire savoir si tel n'est toujours pas le cas. J'ai eu des retours; chaque fois, je les envoie au département ou au service concerné de façon à rappeler ce qui a été voté.

Je vous recommande de refuser ce projet de loi. Merci beaucoup.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 13263 est rejeté en premier débat par 68 non contre 21 oui.