République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2179-C
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition : Arrêtons de mettre la vie d'élèves et de cyclistes en danger - Oui à l'installation d'une piste cyclable sur la route d'Annecy !

Débat

Le président. Ensuite, nous passons à la P 2179-C (catégorie III). Je cède la parole à Mme Habiyakare.

Mme Angèle-Marie Habiyakare (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à exprimer mon insatisfaction quant aux réponses apportées par le Conseil d'Etat à la pétition 2179, d'autant que ce sont des élèves qui se sont mobilisés. Ces jeunes, qui risquent leur vie chaque jour en empruntant la route d'Annecy à vélo, ont sollicité la création d'une piste cyclable, d'un aménagement pour leur sécurité.

Il est important de rappeler que la problématique a été relevée en 2005 déjà. En 2005, je commençais tout juste l'école enfantine ! Vingt ans se sont écoulés, et l'horizon envisagé par le Conseil d'Etat est à 2032 ! Les collégiens ont agi avec responsabilité en soulevant cette question cruciale; ils n'ont pas demandé de solution abstraite, mais des actions concrètes.

Or le rapport du Conseil d'Etat ne reflète pas l'importance de la situation. Le dossier a pris un retard considérable, et l'administration semble posséder une connaissance insuffisante du terrain. Par exemple, les étudiants ont dû fournir des informations concernant l'existence d'un stand de tir près de l'arrêt de bus «Croix-de-Rozon, route d'Annecy» qui n'était pas identifié par le canton; ce sont les élèves eux-mêmes qui ont dû le signaler !

Deuxièmement, un tronçon cyclable entre les arrêts «Croix-de-Rozon» et «Croix-de-Rozon, douane» a été omis sur la carte des pistes cyclables. Ici aussi, les jeunes ont dû corriger l'erreur. Enfin, s'agissant des chemins pédestres, l'Etat n'a pas su identifier certaines voies sauvages, ce sont encore une fois les collégiens qui ont dû fournir des photos pour les localiser.

Ces manquements révèlent que le Conseil d'Etat ne connaît pas suffisamment le terrain et se repose sur les informations des pétitionnaires pour rectifier ses erreurs. Comment accepter que ce soient les élèves qui apportent des renseignements essentiels quand l'administration devrait effectuer elle-même cette analyse de manière rigoureuse ?

La sécurité des jeunes ne constitue pas un dossier parmi d'autres: elle doit être prioritaire et recevoir une réponse rapide et efficace. Ces collégiens ont fait preuve de clairvoyance en pointant du doigt le problème et attendent une réaction à la hauteur de leur engagement. Je vous invite à renvoyer ce nouveau rapport du Conseil d'Etat à l'expéditeur afin d'obtenir une réponse satisfaisante. Les élèves et cyclistes méritent mieux ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Christina Meissner (LC). Ma foi, il faut quand même dire une chose à ces collégiens qui se sont effectivement impliqués - et c'est à souligner: nous avons déjà renvoyé une fois son rapport au Conseil d'Etat, il s'agit donc de la deuxième réponse qui nous est donnée, laquelle expose en long et en large la complexité du dossier.

Bienvenue, chers collégiens qui serez certainement à l'université, voire dans le monde du travail, quand l'aménagement pourra peut-être être réalisé, bienvenue dans le monde réel des adultes... (Exclamations.) ...bienvenue dans le monde complexe des législations contradictoires, bienvenue dans le monde paradoxal de l'administration, qui n'est pas toujours simple à comprendre ! Le fait que le Conseil d'Etat les ait associés - c'est ce que je constate - à la prise en main et à la mise en oeuvre de ce projet constitue un bon exercice pour eux.

Il est vrai, Mesdames et Messieurs, que nous-mêmes, en tant que députés, ne nous rendons pas toujours compte de l'impact des lois que nous votons, de leurs incidences sur le terrain, qu'il s'agisse de protection d'un type de zone, d'un type de patrimoine, d'un autre, etc. Des arbitrages sont à opérer, ils sont longs, ils doivent se faire avec bon sens et en collaboration avec ces jeunes. Merci beaucoup.

M. Francisco Taboada (LJS). Que dire après les propos qui viennent d'être tenus par mes deux préopinantes ? Chacune d'entre elles a raison en partie. En effet, une pétition munie de plus de 2378 signatures a été remise à notre Grand Conseil de la part de ces collégiennes et collégiens. Nous ne pouvons que les féliciter de s'être mobilisés sur un sujet éminemment sensible, celui de la sécurité de nos enfants sur les routes: bravo pour cet engagement, c'est bien.

Cela étant, j'aimerais rappeler qu'en 2019 - et en cela, je rejoins quelque peu la position de ma préopinante à qui vous transmettrez, Monsieur le président -, ce Grand Conseil a voté contre la construction des tronçons routiers L1 et L2 pour des raisons environnementales, ce qui a mis à mal le déploiement de cet axe pourtant très important - il s'agit d'une transversale principale qui mène au canton de Genève.

Bien sûr, il y a un sentiment d'amertume, parce que les jeunes n'ont pas obtenu la réponse qu'ils attendaient, c'est triste. D'un autre côté, nous pouvons nous réjouir, car notre démocratie a fonctionné de manière positive: le Conseil d'Etat est immédiatement intervenu, a accueilli ces étudiants, les a entendus. Malheureusement, il ne peut pas aller de l'avant comme ceux-ci le souhaiteraient.

Certaines mesures ont néanmoins été prises sur cette route - elles sont ce qu'elles sont -, notamment un abaissement de la vitesse de circulation. Ce n'est pas suffisant, mais c'est déjà quelque chose; bien sûr qu'il faudrait réaliser une piste cyclable, mais malheureusement, cela ne peut pas se faire à l'instant T.

Dès lors, le groupe LJS prendra acte de ce rapport, même si, comme je l'indiquais, celui-ci nous laisse un petit goût amer. Il est regrettable que le Conseil d'Etat, pour des questions environnementales, de patrimoine et autres, ne puisse pas accéder à la demande des pétitionnaires maintenant, mais ainsi que l'a souligné ma préopinante, cela relève aussi en partie de la responsabilité de ce Grand Conseil qui, voici quelques années, a adopté certaines postures dont nous subissons aujourd'hui les conséquences. Merci, Monsieur le président.

M. Matthieu Jotterand (S). Non, collégiens et collégiennes, ne vous arrêtez pas là ! Vous déposez une pétition munie de plus de deux mille signatures, tous les groupes s'écrient: «C'est vrai, il faut écouter ces jeunes qui se mobilisent ! Quelle beauté, cette démocratie bien vivante !» Et ensuite, à quoi ressemble la démocratie ? A quelques allers-retours dans des commissions, pas mal de blabla, assez peu d'action. Les élèves sont maintenant priés d'entendre que les politiques ont accompli leur travail, s'en félicitent, sont autosatisfaits, et puis circulez - toujours en danger -, il n'y a rien à voir !

Dans le cadre de ce travail, il a manqué un petit quelque chose. Il est vrai que la route concernée présente plusieurs problématiques - patrimoine, arbres, surfaces d'assolement -, mais il est un aspect qui n'a quasiment pas été remis en question ni n'a fait l'objet d'une réelle étude de ce parlement, à savoir la place de la voiture, l'impact du trafic individuel motorisé.

Peut-être l'axe en question n'est-il pas le plus aisé à modifier, mais dans la région Genève-Sud plus globalement, il n'y aura pas d'autre solution, tôt ou tard, que la mise à sens unique de certaines voies afin de permettre aux gens de se déplacer à pied - ce qui n'est actuellement pas possible par exemple sur la route de Troinex - ou à vélo en toute sécurité.

Ce ne sont pas de simples abaissements alibis de la vitesse qui vous permettront, Mesdames et Messieurs les députés, de vous endormir ce soir satisfaits de votre travail; ce serait en tout cas un niveau d'exigence particulièrement bas. Nous souhaitons de meilleurs résultats de la part de ce Grand Conseil. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés des rangs d'en face - vous transmettrez, Monsieur le président -, il est parfaitement vain de vous cacher derrière vos propres erreurs. En effet, c'est vous, entre autres, qui avez refusé et fait capoter, il y a quelques années, la réalisation des deux tronçons routiers cités dans la réponse du Conseil d'Etat, à savoir les fameuses liaisons communément appelées L1 et L2.

Si ces routes avaient été construites, nous n'en serions pas là maintenant, ce débat n'aurait pas lieu, il serait totalement inutile. Mesdames et Messieurs, vous devez reconnaître votre responsabilité, admettre que vous avez commis une erreur à l'époque quand il s'est agi de valider ces deux tronçons. C'est cela et rien d'autre que la population doit savoir aujourd'hui. Si vous aviez voté correctement, nous n'en serions tout simplement pas là ! Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je mets aux voix la demande de renvoi au Conseil d'Etat.

Une voix. Non !

Le président. Comment ça, non ? (Rires.)

Une voix. C'est juste une instruction de vote !

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 2179 est rejeté par 43 non contre 42 oui. (Exclamations à l'annonce du résultat.)

Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 2179.