République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 janvier 2025 à 18h
3e législature - 2e année - 9e session - 53e séance
M 2994-A
Débat
Le président. Nous attaquons notre dernière urgence, soit la M 2994-A, classée en catégorie II, trente minutes. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole.
Mme Louise Trottet (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cet objet a été traité à la commission de la santé entre mai et octobre 2024, et durant ses travaux, la commission a pu procéder à différentes auditions... (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
Mme Louise Trottet. ...dont celle du département de la santé, des services compétents au DIP, de la Dr Edan de l'unité Malatavie ainsi que de l'association Stop Suicide. Cette proposition de motion, déposée par le groupe MCG, est à replacer dans le contexte d'une augmentation majeure... (Commentaires.) ...de la souffrance psychique dans la population jeune, avec notamment une croissance des hospitalisations... (Brouhaha.)
Le président. Est-ce que le groupe UDC peut laisser parler la rapporteure ? Merci.
Mme Louise Trottet. ...de jeunes femmes en psychiatrie en 2021. Si l'on regarde les chiffres, on s'aperçoit qu'il s'agit en particulier de très jeunes filles: on parle presque d'enfants, âgées de 10 à 14 ans. Selon les chiffres de l'unité Malatavie, les hospitalisations à Genève avaient ensuite légèrement diminué en 2022, avant de repartir à la hausse en 2023. Il existe aussi d'autres indicateurs, comme les consultations aux urgences psychiatriques ou pédiatriques pour des motifs de risques suicidaires, qui ont de nouveau augmenté en 2023 et 2024 après l'accalmie de 2022.
Quand on examine les origines de la hausse des hospitalisations et de la souffrance en général, on remarque qu'elles sont multiples, mais elles sont encore incomplètement définies. Les statistiques pointent notamment du doigt les réseaux sociaux, la pandémie de covid-19, évidemment, avec l'isolement qu'elle a produit, mais également d'autres causes comme le changement climatique avec son corollaire qu'est l'éco-anxiété, les questionnements et difficultés autour de l'orientation sexuelle ou de genre ou les nouvelles addictions, en particulier les nouvelles addictions sans substance.
Il est nécessaire de rappeler également - le département de la santé l'a relevé en commission - que la catégorie d'âge en plus forte augmentation à l'AI est celle des 18-25 ans, et ce, souvent pour des questions de pathologie psychique. Les troubles mentaux chez les jeunes ont donc, en plus d'un poids individuel, des conséquences économiques très concrètes.
Bien que le système de santé genevois soit déjà riche en offres de soins pour la santé mentale - il faut le souligner -, il n'est pas épargné par une certaine saturation, notamment le secteur ambulatoire. Certaines avancées sont encore possibles, en particulier dans la prévention des troubles psychiques au niveau scolaire. Par exemple, l'accès aux classes d'école de l'association Stop Suicide - l'efficacité de leurs méthodes en matière de prévention du suicide a été prouvée - est bien meilleur dans certains cantons comme celui de Neuchâtel qu'à Genève où cet accès est sporadique.
La motion sur laquelle porte le rapport traité ce soir a été votée en commission à l'unanimité moins une voix dans sa version amendée en commission; elle demande notamment une meilleure coordination des structures ambulatoires et hospitalières...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Louise Trottet. Merci. ...pour que soient pris en charge les jeunes présentant une souffrance psychique. Elle demande aussi une prévention renforcée au niveau scolaire avec un meilleur accès des associations de prévention du suicide et une plus grande implication des psychologues dans les établissements où leur présence ferait défaut.
Au-delà du système de santé, cet objet pose la question essentielle de la manière d'améliorer la santé mentale dans le contexte d'aujourd'hui au sens large. Les variables qui influencent le bien-être psychique ne sont pas seulement médicales: on parle notamment de facteurs sociaux, de facteurs environnementaux, ainsi que probablement d'une quête de sens dans notre société en plein changement et avec de multiples crises, que l'on a déjà bien décrites dans ce parlement. Ce texte met en exergue le rôle crucial de l'école dans la formation d'une psyché saine et, par conséquent, la nécessité de soutenir le système scolaire dans ce rôle absolument essentiel. La majorité de la commission vous recommande donc d'accepter ce texte.
M. Marc Saudan (LJS). Il y a des sujets sur lesquels nous sommes tous d'accord, des sujets dont on parle peu, par pudeur ou parce qu'ils peuvent évoquer un malaise de société, et le suicide en est un. La période du covid a entraîné une augmentation nette des problèmes psychiatriques, notamment en raison de l'isolement social. Il faut donc soutenir la prévention et la prise en charge des idées suicidaires. C'est pourquoi le groupe LJS votera cette motion. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient à Mme Roch. (Un instant s'écoule.)
Mme Ana Roch (MCG). Merci, Monsieur le président. Excusez-moi, je n'avais pas vu mon micro clignoter ! Les points principaux présentés dans cette motion ont été bien relevés, et je remercie la rapporteure pour son rapport exhaustif. Je rappelle que le suicide est la première cause de mortalité chez les jeunes. Cet objet tire son origine de l'augmentation des hospitalisations et des idées - je ne veux pas dire l'envie - suicidaires chez les jeunes et surtout chez les jeunes femmes.
Il nous apparaissait primordial de pouvoir renforcer les actions déjà mises en place: on a des associations proactives et on les remercie, mais je pense qu'elles ne sont aujourd'hui pas suffisantes. On doit les soutenir, faire de la prévention dans nos écoles, mais de manière systématique. Je suis ravie de voir que la commission a pu prendre la mesure de l'importance de cette motion et vous enjoins de soutenir ce texte.
M. Pierre Nicollier (PLR). Cet objet soulève une problématique très préoccupante, et je voudrais commencer par remercier son auteure d'avoir porté le sujet à notre connaissance.
Le suicide est une problématique de santé publique majeure, comme on l'a relevé, et les statistiques nous montrent une hausse préoccupante des idées suicidaires chez les jeunes, en particulier chez les jeunes femmes. Ces chiffres font également apparaître une augmentation, comme on l'a souligné, des tentatives de suicide et une baisse de l'âge moyen des décès liés au suicide.
Je souhaite remercier aussi tous les acteurs de la santé et du social, dans les organisations publiques, privées et associatives, pour le travail effectué. Des moyens de prévention sont en place, mais ils peuvent être renforcés et nous devons en faire la promotion afin que ceux qui pourraient en avoir besoin les connaissent. Concrètement, des efforts sont également demandés s'agissant des programmes éducatifs de prévention dans les écoles, y compris sur les effets des réseaux sociaux. L'école est en effet identifiée comme un lieu clé pour la prévention des troubles psychiques, et les réseaux sociaux sont considérés à la fois comme un facteur de risque et une opportunité d'intervention. Pour toutes ces raisons, le groupe PLR soutiendra ce texte et vous invite à faire de même. Merci.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, cette motion est bienvenue et je remercie son auteure. Ceux d'entre vous qui ont pu écouter ce matin un reportage de la RTS-La Première ont pu se rendre compte que l'unité qui accueille des gens à tendance suicidaire a sérieusement augmenté ses consultations ces derniers temps: c'est un peu l'ère post-covid, ce sont les résultats du confinement, mais c'est également en raison de l'inquiétude face à l'avenir réservé à ces jeunes dans la situation que nous connaissons à l'heure actuelle.
Je fais deux constats à ce sujet, notamment en relation avec le covid. Le premier, c'est l'importance, que l'on sous-estime un peu, des covid longs; ceux-ci ont touché un nombre assez impressionnant de personnes, durent depuis deux, trois ans, laissent des séquelles importantes sur la santé et posent des problèmes dans le cadre du monde du travail en particulier.
Le deuxième constat que je fais, c'est que pendant le covid, pendant l'application de toutes les mesures et en particulier le confinement, nous nous sommes beaucoup occupés des personnes les plus fragiles de notre société, c'est-à-dire nos aînés. Nous avons toutefois, je pense, un peu négligé les jeunes, notamment ceux qui se sont retrouvés confrontés à un télé-enseignement pendant leur première année scolaire, leur première année de formation ou universitaire. Ce n'est en effet pas drôle de se retrouver derrière un écran, de ne pas avoir de contacts physiques avec ses profs, avec ses camarades. Le fait d'avoir brisé le lien social pendant toute cette période de confinement, ce n'est pas drôle pour un jeune: pas de fêtes, pas de relations sociales, pas de drague, et ça pose quand même un certain nombre de difficultés. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons vraiment à accepter cette motion. Je vous remercie.
Mme Jennifer Conti (S). Mesdames et Messieurs les députés, durant nos travaux, nous avons appris que l'association Stop Suicide avait sensibilisé plus de trois mille élèves à Neuchâtel lors d'ateliers de prévention, dont l'efficacité a été validée par l'Université de Berne; absolument toutes les classes de onzième année du canton y ont participé. On a donc été extrêmement surpris d'apprendre qu'à Genève, Stop Suicide n'avait pas un accès direct à l'ensemble des écoles et que l'association se démenait pour financer le peu d'ateliers qu'ils pouvaient donner. C'est pourquoi nous avons proposé un amendement, qui a été soutenu et que je me permets de lire: «En se basant sur le modèle neuchâtelois, mettre en place des ateliers de prévention du suicide auprès de tous les élèves de la 11e année pour la rentrée 2025-2026». Bien évidemment, nous nous réjouissons du soutien à cet amendement, mais nous attendons le même soutien lorsque nous viendrons avec une demande de fonds complémentaires pour financer l'ensemble de ces ateliers. Nous vous invitons à voter cette motion telle qu'amendée. Je vous remercie.
M. Michael Andersen (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion plus que nécessaire résonne comme un appel à l'action face à une situation alarmante; je pense que ça a été relevé dans l'ensemble des prises de parole ce soir. Le suicide, notamment des jeunes, est un drame humain aux conséquences dévastatrices pour les familles et notre société. Les données mentionnées dans le rapport sont claires: le taux de pensées suicidaires chez les jeunes et particulièrement chez les jeunes femmes augmente de manière inquiétante. Une telle détresse ne peut être ignorée, et il est de notre devoir d'agir.
Cette motion propose des mesures concrètes pour renforcer des dispositifs de prévention, d'accompagnement et de sensibilisation: parmi ces mesures, l'amélioration des services de première consultation, l'accès accru à des soins psychiatriques adaptés et des actions de sensibilisation. Ces mesures, associées à une coordination des efforts entre les écoles, les professionnels de la santé et les associations, répondent aux besoins réels de notre jeunesse.
Les causes de ces suicides ont été rappelées et sont multiples: réseaux sociaux, isolement amplifié par la pandémie ou encore harcèlement scolaire. Face à cette complexité, il est impératif d'adopter une approche globale, incluant à la fois l'éducation, la santé mentale et le soutien social.
Cette motion est un appel à l'unité, au-delà des différences politiques dans ce parlement. Il s'agit de sauver des vies, et par conséquent de renforcer des dispositifs existants et de créer un environnement dans lequel les jeunes peuvent trouver écoute et soutien. En votant cette motion, nous affirmons notre engagement pour une société qui place le bien-être de sa jeunesse au coeur de ses priorités. Pour ces raisons, la majorité de notre groupe votera cette motion, comme elle l'a fait en commission par le biais de ses deux commissaires.
Le président. Je vous remercie. La parole revient à M. Yves Nidegger pour une minute dix-neuf.
M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Monsieur le président. Si quelqu'un ne doit pas en rajouter en fait d'anxiété et de causes des pensées suicidaires, c'est bien l'Etat. On a clairement indiqué que la période covid... Qu'est-ce que c'est, la période covid ? Ce n'est pas le virus qui s'est baladé et auquel nous avons fini par résister parce qu'il a muté ! C'est la politique qui a été imposée: une politique anxiogène, qui parlait de mort tous les jours, présentait des statistiques catastrophistes, a créé un climat d'anxiété, confiné les jeunes et les a en premier lieu privés de leur possibilité de vivre, et ce, davantage qu'elle n'a eu d'effets sur les personnes âgées.
Pour en rajouter, à la sortie du covid, on a l'éco-anxiété ! Tous les jours, c'est la fin du monde ! Demain... Tout se réchauffe ! Or ce parlement y participe de manière grandiose en tenant sans arrêt un discours qui consiste à déprimer les gens ! De grâce, arrêtez les frais ! Vous en avez fait assez !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.
Mise aux voix, la motion 2994 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 72 oui contre 4 non (vote nominal).