République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 décembre 2024 à 8h
3e législature - 2e année - 8e session - 45e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 8h, sous la présidence de M. Alberto Velasco, président.
Assistent à la séance: Mmes et M. Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat, Carole-Anne Kast, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Thierry Apothéloz, Antonio Hodgers et Anne Hiltpold, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Diane Barbier-Mueller, Virna Conti, Florian Dugerdil, Diego Esteban, Jean-Louis Fazio, Joëlle Fiss, Yves Nidegger, Xhevrie Osmani, Jean-Pierre Pasquier, Léo Peterschmitt, Charles Poncet, Skender Salihi et Céline Zuber-Roy, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Céline Bartolomucci, Thomas Bruchez, Oriana Brücker, Rémy Burri, Stéphane Fontaine, Philippe Meyer et Daniel Noël.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du deuxième débat
Budget de fonctionnement (tome 1) (suite)
I - IMPÔTS ET FINANCES
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous continuons notre débat sur le budget 2025 avec la politique publique I «Impôts et finances». J'annonce le programme I01 «Impôts, taxes et droits». La parole revient à M. Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. En commission, j'avais déposé un amendement visant à diminuer de moitié notre rétrocession à la France. Il s'agit en effet d'un montant excessif, qui doit de toute urgence être revu et corrigé à la baisse, en l'occurrence réduit de moitié. Avec le déficit que présente notre canton, nous ne pouvons pas nous permettre de dilapider l'argent de manière légère et inconsidérée en versant une telle somme à la France comme s'il s'agissait d'une dîme, comme si nous étions un pays colonisé qui s'acquitte d'un impôt. Nous ne pouvons pas tolérer cela.
Nous avons pris note du refus du Bureau d'accepter cet amendement en plénière, dont acte. De toute manière, au vu de la composition de la majorité dans ce parlement, nous avions très peu de chance d'aboutir, malheureusement. Néanmoins, nous devons affirmer qu'il existe d'autres possibilités de gérer les finances publiques, qu'il convient d'investir l'argent des impôts genevois en priorité à Genève.
Nous ne sommes pas opposés à ce que certains montants soient rétrocédés aux communes françaises qui ont des besoins, mais il n'est pas question de flamber cet argent de façon irresponsable. Ici, on compte chaque franc ou du moins des sommes relativement faibles, et de l'autre côté, on dilapide des dizaines, des centaines de millions.
Cela n'est pas acceptable, aussi faisons-nous cette déclaration, au MCG, pour montrer qu'il faut défendre les intérêts de Genève sur le plan financier. Nous devons également nous y employer au niveau de la RPT, comme l'a indiqué à juste titre Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, et nous espérons qu'un travail sera mené à la fois à Genève et aux Chambres fédérales afin d'améliorer la situation de notre canton, que celui-ci cesse de se faire marcher sur les pieds. Je le répète: il s'agit de défendre les intérêts des citoyens genevois. Merci, Monsieur le président.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette politique publique est particulière, vous le savez: c'est elle qui, exclusivement, détermine la colonne des recettes de notre budget, colonne très importante, puisque, entre autres par les mécanismes de la LGAF, elle conditionne en quelque sorte la somme totale des dépenses que nous pouvons accorder au gouvernement, ce qui aura naturellement un effet direct sur la qualité et l'étendue des prestations que l'Etat délivrera à notre population.
A ce titre, je commencerai, comme notre chef de groupe hier, par faire part de notre satisfaction du fait que les inquiétudes quant à l'estimation des recettes fiscales que nous avons relayées à plusieurs reprises, non seulement à l'occasion de la présentation des comptes, mais également lors du vote du budget l'année passée, commencent manifestement à être prises en compte.
Nous avions déposé une motion qui a certes été refusée par la commission, mais on constate dans le rapport de majorité que le département et l'AFC se sont approprié quasi intégralement ses termes. En définitive, ce n'est pas forcément le résultat du texte en tant qu'acte politique qui nous intéresse, mais bien de constater que son contenu, petit à petit, percole à la fois au département des finances et dans l'administration, que ledit département prend des renseignements dans les autres cantons et interroge la pertinence des méthodes utilisées jusqu'à présent pour évaluer ces fameux revenus fiscaux, en particulier le système du panel d'entreprises qui, de façon tout à fait empirique, a démontré ses limites au cours des dernières années.
Par conséquent, nous nous réjouissons de voir qu'un correctif méthodologique apparaît dorénavant lorsque l'on estime les recettes fiscales. Bien sûr, si on avait l'esprit quelque peu taquin ou bougon, on pourrait s'étonner que cette rectification ne débouche sur une différence que de 166 millions de francs alors que l'écart observé l'année passée, c'est-à-dire aux comptes 2023, était douze fois supérieur, de l'ordre de 2 milliards.
Pour être honnête, il faut ajouter à l'équation la baisse fiscale que le peuple a votée - contre notre avis, mais soyons fair-play, il l'a acceptée. De plus - et là, nous sommes franchement moins satisfaits -, il y a l'intégration de la LEFI qui, à notre sens, est clairement prématurée - la procédure est encore pendante devant le Tribunal fédéral - et vient amputer le produit de l'imposition de passé 80 millions supplémentaires.
Le fait est que nous avions aux comptes 2023 des recettes dépassant les 11,4 milliards. Là, nous sommes à 10,6 milliards, il manque tout de même 800 millions. Peut-être le canton va-t-il faire face à une crise sans précédent; nous avons la conviction que ce ne sera pas le cas et que, partant, il reste encore du chemin à parcourir en direction d'une meilleure prévision des revenus fiscaux.
Cet élément ajouté au choix très discutable d'intégrer la LEFI dans les projections de recettes fait que cette année, si nous ne refuserons pas cette politique publique, nous nous abstiendrons en revanche. Il ne s'agit pas d'une abstention dynamique, comme celle de nos collègues a été qualifiée hier, mais pédagogique: nous constatons que des efforts sont consentis et estimons que le travail va dans le bon sens, mais qu'il reste encore une marge de progression. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Laurent Seydoux (LJS). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Baertschi qu'il semble n'avoir pas très bien compris le système de l'impôt à la source. Ce dispositif permet au canton de Genève, grâce à un accord qui lui est extrêmement favorable, de prélever entièrement l'impôt des frontaliers: une somme de plus de 1,2 milliard qui tombe directement dans les caisses de l'Etat alors que, je le rappelle, le canton de Vaud taxe lui-même ses ressortissants qui travaillent à Genève sans reverser aucun montant.
Il faut savoir qu'une bonne partie de l'impôt payé par les citoyens genevois retourne dans les communes. Il est donc tout à fait normal, s'agissant de l'impôt à la source, qu'une part de cet argent, dont 70% - 70% ! - sont gardés par le canton de Genève, revienne à la France. De toute façon, on ne le renvoie même pas dans les communes, il sert à alimenter un fonds utilisé pour des constructions utiles à l'ensemble de la région.
De plus, cet accord contient un élément intéressant dans le cas où l'initiative qui oblige les citoyens à verser leur impôt uniquement sur leur commune de domicile ne s'appliquerait pas aux frontaliers ni à la France. Il s'agit d'un mécanisme extrêmement précieux, car 70% de la substance fiscale reste dans le canton. Alors maintenant, arrêtons avec cette question !
Si vraiment il convient de réviser l'impôt à la source, peut-être faudrait-il récolter une part des recettes et les redistribuer aux communes françaises. En effet, Mesdames et Messieurs, je rappelle que le grand problème actuellement dans notre agglomération concerne les Français qui travaillent en France: l'impact des frontaliers officiant à Genève fait augmenter les loyers et le coût de la vie en France voisine, et il se trouve des personnes dans la zone frontière qui travaillent en France et ne touchent pas des revenus qui leur permettent de subsister. On parle de gens qui oeuvrent dans la santé, dans l'administration, des domaines nécessaires à notre région. Voilà où se situe l'un des enjeux, Mesdames et Messieurs. Il est parfaitement normal que cette manne qui fait la prospérité de notre canton soit réinvestie dans la région alentour, aussi bien pour la mobilité, les soins que l'ensemble de nos infrastructures communes.
Dès lors, je demanderai au MCG de cesser de s'acharner sur ce dispositif fiscal qui, pour l'instant, est très avantageux pour Genève. A l'époque, un projet de loi - ou une motion, je ne suis plus sûr - avait été déposé visant à supprimer l'accord; il n'en est absolument pas question, surtout dans les années à venir. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Christian Steiner (MCG). Nous ne pourrons pas traiter la politique publique I sans évoquer les conséquences de la votation du 3 mars 2024 où la population, sur la base d'informations très partielles, a accepté le contreprojet à l'initiative 178. Ce texte, dans lequel il était question d'une taxation automobile écoresponsable, s'est avéré générer, pour une bonne partie des propriétaires de voiture, une imposition écopunitive.
En effet, l'augmentation a été de 100% ou plus pour 21 405 détenteurs de véhicule et de plus de 200 francs pour plus de 63 000 d'entre eux. Certes, un correctif est en route, mais malgré tout, une énorme partie des citoyens a été impactée, l'impôt a progressé de plus de 43%.
La question qu'il faut se poser - et le MCG se sent un peu seul à ce propos - est la suivante: est-on en droit de doubler une taxe ? Parce que c'est bien d'une taxe qu'il s'agit, pas d'un impôt; c'est un impôt indirect, donc une taxe ! La réponse est clairement non.
Il semble que cela devienne une habitude, que ce ne soit pas un cas unique: hier, nous avons entendu parler du domaine immobilier, où une taxe a également doublé à quelques mois de l'échéance, c'est totalement inacceptable ! Avec ce nouveau système, on fait un cadeau qui s'élève parfois jusqu'à 50% aux propriétaires les plus aisés et, pour compenser, on reporte ces rabais d'impôts sur la classe moyenne inférieure, dans un but hypothétique et irréaliste d'équilibre fiscal.
Je pense que la position du peuple à ce sujet est claire, le résultat de la votation du 24 novembre dernier sur la baisse fiscale est sans équivoque. Il faut espérer que l'excédent aux comptes permettra de rétablir une imposition automobile qui n'augmente pas plus que ce qui peut être attendu de manière raisonnable. Merci.
Une voix. Bravo !
M. Sébastien Desfayes (LC). Je ne comptais pas parler de l'impôt auto, parce que ce sera l'objet de nos discussions cet après-midi, mais je relèverai deux points. D'abord, ce que vient d'indiquer M. Steiner est tout à fait faux - vous transmettrez, Monsieur le président. Ce qu'il faut savoir, c'est que l'imposition médiane des détenteurs de véhicule a diminué avec le contreprojet. De plus, une taxation qui excède le double de l'imposition initiale sera prohibée si le projet de loi voté en urgence par la commission fiscale passe, donc in fine, il y aura une baisse d'impôts au bénéfice des automobilistes du canton.
De manière plus générale, ce qu'il convient de retenir de cette politique publique, c'est que Genève est sorti de l'enfer fiscal, et ce depuis un certain nombre d'années. Notre canton n'est plus un enfer fiscal. Le processus a démarré avec la RFFA, qui d'ailleurs, loin d'aboutir à une diminution des recettes, a engendré une hausse massive des revenus issus de l'imposition des entreprises. Voilà un bel enseignement, c'est-à-dire que l'on peut réduire un impôt et, ce faisant, augmenter les recettes.
L'autre bonne nouvelle, c'est bien entendu l'intégration de la LEFI, étant précisé que le Conseil d'Etat n'avait pas d'autre choix que de prévoir l'entrée en vigueur de cette loi dès le 1er janvier 2025, loi qui prévoit une baisse de l'impôt sur la fortune, notamment de l'impôt immobilier complémentaire.
Pourquoi le gouvernement n'avait-il pas d'autre option ? Tout simplement parce que l'effet suspensif a été refusé par la Chambre constitutionnelle, que celle-ci a rejeté le recours et que, par la suite, l'effet suspensif n'a pas été accordé par le Tribunal fédéral. Le dispositif devait entrer en vigueur: si le Conseil d'Etat n'avait pas pris cette décision, un nombre incalculable de contribuables auraient contesté leur taxation.
D'ailleurs, nous n'avons pas entendu les Verts sur ce point. Pour faire une analogie, il s'est produit exactement la même chose avec la réduction des tarifs TPG pour les seniors et leur gratuité pour les jeunes: à partir du moment où le recours de certains députés PLR avait été rejeté, il était évident, quand bien même la porte du Tribunal fédéral était encore ouverte, que ces rabais devaient être effectifs immédiatement, c'est-à-dire le 1er janvier 2025.
Au nombre des progrès réalisés, je citerai encore la suppression de la taxe professionnelle ainsi que la diminution de l'imposition du revenu des personnes physiques. Nous espérons que ces baisses fiscales auront, comme la RFFA, un effet dynamique et qu'en définitive, les recettes publiques augmenteront.
Parce que oui, nous devons augmenter nos revenus. Si on examine le budget, on peut nourrir certaines inquiétudes. Nous avons atteint ce que Milton Friedman appelait le point S - S comme socialiste: il y a aujourd'hui tellement de personnes qui dépendent de l'Etat, soit parce qu'elles y sont employées, soit parce qu'elles touchent des subventions, des aides ou des allocations, qu'il devient impossible de le réformer.
Aussi, tous ceux ici qui aspirent à une grande réforme structurelle de l'Etat sont de doux rêveurs. Il y a une telle dépendance de la population genevoise à l'Etat que nous n'arriverons jamais, sauf cataclysme, à le réformer, de sorte que la seule option qu'il reste au Conseil d'Etat de même qu'au Grand Conseil pour faire face à cette fuite en avant des dépenses publiques est de compter sur une économie extrêmement prospère permettant de dégager les revenus extraordinaires que nous connaissons depuis un certain temps.
Mais là, la gauche doit être consciente d'une chose - j'espère qu'elle l'est, mais je ne suis pas sûr qu'elle agira en conséquence -, c'est qu'il convient de conserver absolument les conditions-cadres de l'économie, faute de quoi l'Etat ne parviendra pas à répondre à ses engagements. Notre budget est si énorme par rapport à l'étroitesse du canton et à sa faible population qu'il suffirait que deux ou trois grands contribuables - personnes morales - toussent pour que ce soit non pas l'Etat qui s'enrhume, mais le château de cartes qui s'effondre.
La gauche doit véritablement être attentive à cela: préservez nos conditions-cadres favorables pour permettre à l'économie genevoise de continuer à prospérer et arrêtez de vous en prendre aux grands contribuables, que ce soit des personnes physiques ou morales, parce que sans eux, les choses seront très compliquées. Merci, Monsieur le président.
M. Yvan Zweifel (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je vais embrayer dans la droite ligne de ce que vient d'indiquer mon collègue Desfayes, en faisant l'impasse sur l'impôt automobile: je ne l'évoquerai pas maintenant, puisque nous en parlerons plus tard, ne m'en veuillez pas.
J'ai écouté attentivement mon collègue Julien Nicolet-dit-Félix et, à un moment donné, je me suis dit: mais que se passe-t-il ? Je suis d'accord avec lui ! En effet, il a commencé son intervention en expliquant: «Il s'agit de la politique publique I, c'est-à-dire que nous allons nous intéresser à la colonne des revenus» - il a dit à peu près ça - «et c'est cette colonne des revenus qui va conditionner celle des dépenses.»
Mais que Dieu et ses camarades l'entendent ! C'est précisément ce que nous réclamons, à droite, depuis très longtemps, c'est-à-dire que l'on regarde d'abord combien d'argent se trouve dans la caisse et combien va y entrer l'année suivante avant de décider, compte tenu de ces paramètres, ce que l'on dépense. Or ce n'est pas ainsi que l'on procède dans les faits, du moins pas à gauche. Je suis donc content de ce revirement de mon collègue et je ne peux que l'en féliciter.
Mesdames et Messieurs, le PLR l'a indiqué, il acceptera ce budget. Nous ne sommes pas satisfaits de la colonne des dépenses, précisément pour la raison que je viens de donner, mais nous l'adopterons malgré tout, parce que s'agissant de la colonne des revenus, nous avons obtenu gain de cause sur un point essentiel, celui de rendre enfin leur argent aux contribuables. Nous l'avons constaté ces dernières années: avec un excédent de 1,5 milliard - avant attribution spéciale - aux comptes 2023, puis de 1,4 milliard l'année suivante, l'Etat ponctionne trop dans la poche des citoyens. Dès lors, il était logique et normal de leur rendre une partie de cet argent; le peuple se l'est rendu lui-même en votant à plus de 60% la baisse d'impôts que nous avions présentée à droite.
Je rappelle ici que le PLR, dès 2018, avait proposé une diminution linéaire de 5%. A l'époque déjà, on nous avait répondu, y compris d'ailleurs sur certains bancs de droite: «Ah non, une réduction linéaire de 5%, ce n'est pas possible, c'est beaucoup trop.» Ce que la population a finalement validé, c'est un rabais compris entre 5,3% pour le plus modéré et 11,4% pour le plus élevé: 11,4% pour la classe moyenne et 5,3% pour les plus hautes tranches de revenus. Il s'agit donc d'une baisse d'imposition pour tout le monde, en particulier pour la classe moyenne. Nous ne pouvons que nous en réjouir, c'est un vrai bol d'air fiscal et donc une amélioration du pouvoir d'achat pour les contribuables.
C'est à ce titre que nous adopterons le budget, d'autant plus qu'il s'y ajoute une autre diminution d'impôts liée, celle-ci, à la LEFI, ce serpent de mer fiscal que nous essayons de régler depuis bien des années et dont l'une des dispositions prévoit précisément une baisse de l'impôt sur la fortune de 15%.
Et c'est sans parler des dernières réformes fiscales comme la RFFA, à propos de laquelle nous avons entendu les représentants de la gauche s'exclamer: «C'est une catastrophe, cela va ruiner l'Etat, les caisses seront vides, les prestations vont baisser !» Que s'est-il produit ? Le strict contraire, ils sont bien obligés de l'admettre aujourd'hui: cette réforme a permis de remplir plus que jamais les caisses de l'Etat, et les prestations n'ont pas diminué d'un iota, à l'inverse, elles n'ont fait qu'augmenter. Tant mieux pour ceux qui en profitent, mais il s'agira tout de même, à un moment donné, de resserrer quelque peu les boulons à cet égard. Il y a également eu la suppression de la taxe professionnelle en 2023, cela a été relevé.
Mesdames et Messieurs, j'entends bien le discours qui consiste à dire: «Prenons garde, c'est risqué, il faut faire attention.» Mais l'histoire nous démontre, notamment avec les baisses de 2009 ou de 1999, que celles-ci ont été bien pensées, et c'était le cas aussi de la RFFA: en réalité, elles ont eu un effet dynamique, boosteur, avec pour résultat une hausse des recettes fiscales bien plus importante que la croissance de la population. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les chiffres, et même les adversaires de ceci sont bien obligés de le reconnaître.
Le PLR, puisqu'il a été le moteur de toutes ces baisses, est naturellement heureux que celles-ci aient été acceptées, même si certaines d'entre elles devront être rediscutées; je pense notamment à l'imposition sur l'outil de travail, qui aujourd'hui nuit à la situation des entrepreneurs, en particulier des PME, nuit par conséquent à l'emploi dans ces entreprises. Sur ce point, il faudra agir. Nous respectons la décision populaire - nous sommes des démocrates -, mais il conviendra de se remettre autour de la table pour en discuter.
Mesdames et Messieurs, au Conseil d'Etat, deux départements rapportent de l'argent: celui des finances via les impôts et celui de l'économie avec les conditions-cadres qu'évoquait mon collègue Desfayes. Cela fait tout de même cinq départements qui sont dépensiers; alors ce n'est pas un problème, c'est l'objectif même de l'Etat que d'offrir des prestations à la population. Toutefois, si nous avons aujourd'hui effectué le travail pour que les deux départements qui rapportent de l'argent, via des réformes, rapportent encore plus d'argent, il s'agit maintenant de s'atteler aux cinq autres de manière à ce qu'ils remplissent leur mission, c'est-à-dire oui, délivrent des prestations de qualité à la population, mais n'occasionnent pas de dépenses somptuaires, comme on peut le constater encore dans ce budget. Voilà ce à quoi nous devrons nous atteler à partir de l'année prochaine.
Mesdames et Messieurs, parce que le peuple a eu la bonne idée de soutenir les baisses d'impôts, parce que la dernière aura un effet bénéfique non pas sur le budget 2025, mais sur les comptes 2025 que nous découvrirons dans environ un an et demi, le PLR vous invite d'une part à valider la politique publique I en remerciant les citoyens pour leur vote d'il y a quelques semaines, d'autre part à accepter le présent budget dans son ensemble, parce qu'il reflète un retour du pouvoir d'achat en faveur de la population. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, si nous pouvons certes nous réjouir chaque fois que la population accepte une baisse d'impôts, il faut tout de même relativiser: la plupart des citoyens n'en verront juste pas les effets, car tout augmente par ailleurs. Les primes d'assurance-maladie, par exemple, progresseront fortement à partir du 1er janvier, donc ce que les gens économiseront sur le plan fiscal, ils devront automatiquement le réinvestir pour la caisse maladie. Il y a également l'inflation qui fait que le prix des marchandises prend l'ascenseur, tout est plus cher.
Du coup, je suis désolé de le dire, mais la diminution de 11% évoquée par M. Zweifel, c'est «peanuts» au regard des précédentes réductions. En 1999 et 2009, nous avons voté des baisses d'imposition nettement supérieures à celle adoptée par le peuple dernièrement, et là, oui, une bonne partie des personnes ont vu leur pouvoir d'achat se renforcer réellement.
En ce qui concerne la réduction validée cette année, il n'y aura aucun impact à proprement parler. Une minorité des gens verront effectivement leur pouvoir d'achat augmenter, mais pour le porte-monnaie d'une grande majorité des autres, malheureusement, cela n'aura aucune incidence: ils continueront à peiner pour joindre les deux bouts. Genève reste un canton qui taxe trop, où nous payons trop d'impôts. Pour ces raisons, personnellement, je ne soutiendrai pas cette politique publique. Je vous remercie.
M. Sandro Pistis (MCG). Je voudrais revenir sur les propos tenus par le représentant de LJS - vous lui transmettrez, Monsieur le président - qui vante les mérites de l'engagement des frontaliers. Eh bien au sein du MCG, nous avons une pensée pour toutes celles et tous ceux qui n'ont pas de travail, pour toutes celles et tous ceux - pour les Genevoises, pour les Genevois - qui sont en recherche d'emploi: un nombre non négligeable. Je pense que c'est malvenu aujourd'hui de vanter dans ce parlement les mérites de l'emploi des frontaliers ! C'est d'autant plus malvenu que nous avons des déficits budgétaires non négligeables vu notre dette.
C'est malvenu et, au MCG, nous avons une pensée pour toutes celles et tous ceux qui sont en recherche d'emploi. Nous avons également une pensée pour toutes celles et tous ceux qui ne pourront plus, un jour, trouver un emploi, du fait notamment de la politique qui est menée par rapport à l'emploi des frontaliers. En quoi cela consiste-t-il ? Mesdames et Messieurs, la presse en a fait état à plusieurs reprises; que des résidents qui travaillent se fassent licencier pour favoriser l'engagement de frontaliers, ce n'est pas acceptable, ce n'est pas admissible.
Le représentant de LJS se gargarise en disant que nous avons de la chance de pouvoir rétrocéder un certain montant à la France. Eh bien non, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas une chance ! Nous avons des gens qui aujourd'hui sont en recherche d'emploi, des gens qui souhaitent arriver sur le marché de l'emploi et, malheureusement, cette concurrence frontalière n'est pas favorable à toutes ces personnes qui habitent notre canton et participent à l'économie, au tissu social de notre canton. Je ne peux donc pas accepter, Mesdames et Messieurs, le MCG ne peut pas accepter les propos tenus par le représentant de LJS - vous transmettrez, Monsieur le président. Merci. (Applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, pourquoi le parti socialiste est-il plus que circonspect sur cette politique fiscale ? C'est bien entendu parce qu'il y a eu cette votation sur la baisse d'impôts, que ce budget prend en compte, qui va faire perdre à l'Etat de Genève plus de 330 millions. Alors les bras m'en tombent - vous transmettrez, Monsieur le président - quand j'entends M. Florey ! Parce que M. Florey, UDC, a exactement l'argumentaire socialiste ! Il consiste à dire: dans les poches de qui va aller cette baisse d'impôts ? Des personnes les plus aisées, les plus fortunées de ce canton. La classe moyenne, dont on a beaucoup parlé dans ce Grand Conseil, va, selon le Conseil d'Etat, jusqu'à 400 000 francs de revenu par année; ce ne sont pas du tout, pour nous, les personnes qui doivent aujourd'hui retrouver du pouvoir d'achat !
Les personnes qui doivent retrouver du pouvoir d'achat, Monsieur le président, ce sont déjà les 34%-35% de Genevoises et de Genevois qui ne paient pas d'impôts. Pourquoi ne paient-ils, ne paient-elles pas d'impôts ? Pas parce qu'elles n'ont pas envie d'en payer ! C'est parce qu'elles n'ont pas un revenu suffisant, c'est parce qu'elles n'ont pas la fortune pour payer l'impôt. Et que va économiser la classe moyenne inférieure - Monsieur Florey, vous l'avez dit - avec cette baisse d'impôts ? Vous ne l'avez pas dit comme ça, mais elle va économiser des cacahuètes.
Par contre, que va-t-il se passer... Alors ce n'est pas le cas pour ce budget-ci, parce que vous vouliez la baisse d'impôts et donc vous le votez, et c'est tant mieux. Mais M. Zweifel l'a indiqué, nous allons, à partir de l'année prochaine, nous atteler à des réformes structurelles, à baisser les charges de l'Etat ! De l'Etat, Monsieur Zweifel - et c'est toujours le même discours -, qui est trop gros, qui a beaucoup trop de charges, etc. Pourquoi l'Etat est-il trop gros ? Pourquoi l'Etat a-t-il trop de charges ? Mais parce que les gens ont besoin...
Le président. Adressez-vous au président, Monsieur.
M. Thomas Wenger. Pardon ?
Le président. Adressez-vous au président.
M. Thomas Wenger. Oui, Monsieur le président; vous transmettrez à M. Zweifel. Pourquoi, Monsieur Zweifel, l'Etat est-il trop gros ? Parce que les gens ont besoin des services publics, parce que les gens ont besoin de prestations sociales, de prestations pour les familles, les seniors, etc. Par conséquent, qu'est-ce qui nous inquiète, nous, aujourd'hui ? Ma prise de parole, Monsieur le président, portera sur la fiscalité et sur le plan financier quadriennal. C'est que le plan financier quadriennal prévoit une augmentation de l'impôt des personnes physiques de 641 millions sur quatre ans - 641 millions sur quatre ans - et puis de 470 millions pour les personnes morales. On nous dit que les revenus fiscaux vont augmenter au total de 1 milliard 300 millions sur quatre ans. Tant mieux ! Mais est-ce que ce sera vraiment le cas ?
Je reprends - vous transmettrez, Monsieur le président - les propos de Mme Fontanet, ministre des finances, qui répondait au journal «20 Minutes» à propos des sous-estimations fiscales et qui disait: nul ne peut prévoir l'imprévisible et l'extraordinaire; c'est une conjoncture exceptionnelle, nous sommes en train de parler de bénéfices extraordinaires. Alors oui, ces deux-trois dernières années, nous avons connu une conjoncture exceptionnelle, des bénéfices extraordinaires. Mais tout ça va-t-il vraiment continuer ? Eh bien pour le parti socialiste, c'est la grande inquiétude ! Est-ce que ça va continuer comme ça ? Ou y aura-t-il moins de revenus fiscaux, ou est-ce que ça va se tasser ? Parce qu'à ce moment-là, M. Zweifel et ses amis de droite vont regarder le budget et dire: on va commencer à couper ! On va commencer à couper dans les subsides d'assurance-maladie, on va commencer à couper dans les prestations complémentaires pour les seniors, on va commencer à couper dans les prestations complémentaires pour les familles, etc. !
Et je cite à nouveau Mme Fontanet qui s'exprimait encore dans un article relatif aux sous-estimations fiscales: «Le budget de l'Etat n'est pas celui d'un ménage. Une famille peut réserver des vacances en pensant qu'elle va gagner au loto. Ce n'est pas ainsi que l'on peut déterminer les recettes de l'Etat, qui a besoin de sécurité et de pérennité, le tout basé sur des éléments tangibles.» Alors je vous pose la question, Mesdames et Messieurs, le parti socialiste vous pose la question: est-ce que, dans quatre ans, on aura vraiment 1,3 milliard de plus de recettes fiscales ? Est-ce que l'année prochaine on sera vraiment dans la même configuration et on continuera à dire: il y a une augmentation des recettes fiscales, on peut voter les prestations à la population, l'augmentation des charges, des budgets, des postes ? Eh bien nous, au parti socialiste, nous en doutons beaucoup ! C'est ça, notre grande inquiétude. Pour cette année, entre guillemets, «tout va bien»; à partir de l'année prochaine, on n'est vraiment pas sûr que les prestations à la population pourront augmenter pour répondre aux besoins - pas augmenter pour augmenter, mais pour répondre aux besoins ! -, pour que les services publics et l'Etat de Genève continuent à être forts et à répondre aux besoins de la population. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Est-ce que le groupe UDC peut se calmer ? Merci. Monsieur Seydoux, vous avez la parole.
M. Laurent Seydoux (LJS). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez au représentant MCG qu'il s'est trompé de politique publique: il était sur l'économie. Nous aussi, au sein du mouvement Libertés et Justice sociale, nous sommes favorables à un emploi local, à l'engagement d'un Genevois ou d'une Genevoise, non seulement à compétences égales mais lorsque cette personne a les compétences tout court ! Nous sommes également favorables à une meilleure formation de nos jeunes et moins jeunes.
Notre intervention portait sur la fiscalité. Je rappelle que les autres cantons romands ne prélèvent pas l'impôt des frontaliers: c'est fait directement par la France qui ensuite, à son bon vouloir, le rétrocède aux autres cantons, dont on voit la difficulté pour le récupérer. C'est donc un avantage important que l'on a à Genève. Je n'entends absolument pas le MCG parler des Vaudois; je rappelle pourtant à nouveau qu'aucun impôt ne revient à Genève, contrairement aux plus de 800 millions des frontaliers qui restent dans les caisses genevoises, pour l'économie genevoise. Une partie tout à fait raisonnable de ce montant, généré par leurs habitants qui viennent travailler à Genève et contribuent à notre prospérité, revient aux communes françaises, qui doivent gérer l'école, la mobilité, l'ensemble des infrastructures.
L'attractivité de Genève nécessite très clairement un bassin d'emplois plus large que notre géographie. Il est réellement nécessaire que cette fiscalité soit cohérente. Elle est en faveur de Genève: c'est nous qui prélevons cet impôt et qui ensuite le redistribuons, cette fois à notre bon vouloir. Cet impôt est tout à fait juste; il s'agit donc de ne pas le remettre en cause. Pour le reste, la question des travailleurs - des Genevois et des Genevoises - dans l'économie genevoise relève d'une autre politique publique dans laquelle nous les soutiendrons évidemment beaucoup ! Merci !
M. Michael Andersen (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, vous avez entendu le point de vue personnel de mon collègue Florey; j'avais d'ores et déjà indiqué que je serais contre cet avis personnel. Le groupe UDC a annoncé qu'il s'abstiendrait lors du budget, notamment pour la simple et bonne raison qu'il était premier signataire, avec les groupes de droite, du texte à l'origine de cette baisse d'impôts qui a amené à ce budget déficitaire. Nous sommes persuadés que cette baisse d'impôts ramènera bien plus de revenus et aura un effet bien plus dynamique pour le futur, ce qui nous permettra de continuer à baisser les impôts et à agir dans ce sens, parce que Genève reste un enfer fiscal pour les personnes qui paient énormément d'impôts tant sur le revenu que sur la fortune. Et je rappelle que ce sont ces personnes-là qui financent en grande partie toutes les prestations étatiques de notre canton.
Quant aux conditions-cadres de notre canton, je trouve qu'elles se détériorent. Pour travailler dans le métier, je peux vous dire qu'on entend de plus en plus les gens faire preuve d'une certaine réticence s'agissant de dire à nos clients de rester à Genève, de par les contrôles fiscaux de plus en plus réguliers et de plus en plus stricts à leur égard. Il est vrai que ce n'est pas bon pour l'image du canton. D'autres, comme Zurich, bénéficient de ce genre de politique publique.
On continuera donc à baisser les impôts, et je pense que je vais dans le sens de ce qu'a dit le député Desfayes, il faut aujourd'hui mettre fin à la politique socialiste, qui vise uniquement à déresponsabiliser les individus, à niveler la société par le bas, à rendre tout le monde dépendant de l'Etat et surtout à faire exploser les dépenses publiques. Personnellement, je soutiendrai cette politique publique. Merci, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG). Je constate - vous transmettrez, Monsieur le président - que le représentant de LJS récidive ! Il récidive en faisant encore et toujours l'apologie des frontaliers, comme si nous étions tous, à Genève, des incapables et des personnes stupides et qu'il fallait à tout prix tout attendre de la France voisine. Et il continue malheureusement à faire l'apologie d'accords qui sont des marchés de dupes, dans lesquels Genève est perdant. Il faut à tout prix renégocier ces accords et les renégocier au bénéfice de Genève au lieu de rester dans de vieilles lunes qui ne sont plus d'actualité, qui nous font perdre énormément d'argent parce que nous n'avons pas le courage de les remettre en cause. Et la remise en cause n'implique pas que nous nous retrouvions comme les autres cantons de Suisse romande; si eux sont stupides, ne soyons pas aussi stupides qu'eux. Soyons un peu intelligents, défendons les intérêts de Genève; je crois que c'est un peu oublié dans cette enceinte. Merci.
M. Christian Steiner (MCG). J'aimerais juste revenir sur les propos de deux de mes préopinants et tout d'abord sur ceux de M. Desfayes. Il disait qu'il ne faut pas taxer les gros contribuables; eh bien, il a tout à fait raison ! Trop d'impôt tue l'impôt. Et c'est également valable pour l'impôt indirect auto puisque l'exode fiscal des gros contribuables, des gros payeurs d'impôt auto, de taxe auto a débuté: ils ont déjà commencé à fuir Genève. J'aimerais par ailleurs répondre aux craintes... (Brouhaha.)
Le président. Un petit instant, Monsieur le député. S'il vous plaît, je demande à mes amis de gauche de bien vouloir écouter - je dis bien écouter ! Merci. (Commentaires.) Continuez, Monsieur.
M. Christian Steiner. Merci, Monsieur le président. J'aimerais également répondre à mon préopinant socialiste, qui a des craintes sur les futures rentrées fiscales, qu'il y a un moyen relativement simple pour diminuer les dépenses sans diminuer les prestations: c'est tout simplement d'engager une bonne partie des 15 000 demandeurs d'emploi à Genève, ce qui diminuera certainement les 478 millions de charges pour les prestations de l'Hospice général. Merci.
Des voix. Bravo !
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Je voulais revenir sur les déclarations du chef de groupe MCG concernant cette fameuse convention sur la rétrocession des impôts conclue avec la France. Cette convention a été patiemment - et de façon très belle, d'ailleurs - négociée par l'ancien conseiller d'Etat Robert Ducret. C'est une convention, il faut le rappeler, que tous les cantons frontaliers de Suisse nous envient ! Tous, sans exception ! Parce qu'elle nous permet de garder la gestion de ces impôts et de déterminer quel montant est rétrocédé à la France. Je tiens à rappeler ici - je ne sais pas si vous vous en souvenez - le coup de gueule de M. Broulis lorsqu'il était conseiller d'Etat dans le canton de Vaud: il avait dû taper du poing sur la table parce que Bercy tardait à rembourser au canton de Vaud les impôts qui lui étaient dus; ces délais s'étalaient sur plus de deux ou trois ans ! Cette convention existe, elle est bonne, elle doit être respectée et il est donc exclu que nous la renégociions, dans la mesure où on perdrait alors certainement des plumes. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) Juste un instant, Madame la conseillère d'Etat, je dois énumérer les programmes: I01 «Impôts, taxes et droits», I02 «Production et perception des impôts», I03 «Administration de la fortune, de la dette et de la RPT», I04 «Exécution des poursuites et faillites». Madame Fontanet, vous avez la parole.
Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je me réjouis des nombreuses définitions que l'on découvre en matière d'abstention: on a eu l'abstention que j'ai moi-même qualifiée de dynamique, on a l'abstention pédagogique, j'attends du parlement, au seuil des fêtes, la prochaine abstention alcoolique... (Rires.) ...voire analgésique. Enfin, j'en attends d'autres et je me réjouis de les découvrir !
Mesdames et Messieurs, je me réjouis aussi que le PS suive avec autant d'attention mes différentes interventions dans la presse. Jusqu'à présent, c'était ma mère qui découpait les articles des journaux dans lesquels j'ai la chance d'apparaître; je m'adresserai dorénavant à M. Wenger... (Rires.) ...qui, je le vois, est très attentif à ces choses-là. Monsieur Wenger, si vous pouviez me constituer mon press-book... (Rires. Remarque.) ...je m'en réjouirais beaucoup et je pense que ma maman serait soulagée, parce que ça commençait à faire beaucoup ! (Rires.)
J'aimerais revenir sur ces déclarations, qui évidemment sont les miennes: je ne les remets pas en question, mais il faut comprendre dans quel contexte elles ont été faites ! Ces déclarations ont été faites quand les abstentionnistes pédagogiques et les «Neinsager» sur cette politique exprimaient leur colère du fait que le Conseil d'Etat ne prenait pas suffisamment en compte les comptes, justement, les estimations aux comptes dans le cadre des budgets. Ils considéraient que si on avait des comptes positifs, eh bien il faudrait reprendre les mêmes estimations fiscales pour le prochain budget. Alors, bien sûr, j'expliquais que nous avons effectivement eu des comptes extraordinaires en 2021, 2022 et 2023, avec des estimations fiscales exceptionnelles, et qu'on ne peut pas simplement reprendre ces estimations ! Qu'on doit se baser sur un processus rigoureux, prévu par l'administration fiscale, et que cela ne peut pas être - je le répète - une décision politique. Nous devons être prudents.
Et j'avais aussi pour habitude de vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que la différence entre les estimations au budget et les estimations aux comptes ont assurément été extrêmes pour ces trois années, raison pour laquelle des adaptations et des ajustements ont été faits par l'administration fiscale. Mais imaginez, Mesdames et Messieurs, que ces adaptations soient politiques et que l'inverse se produise les années d'après: plutôt que d'avoir 1,4 milliard de recettes fiscales supplémentaires, nous en ayons 1,4 milliard de moins ! Ce serait à l'évidence extrêmement problématique, déjà au vu des ambitions du Conseil d'Etat et du parlement en matière notamment d'investissements, en matière de prestations à la population. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat et l'administration fiscale cantonale ont proposé des adaptations et des ajustements documentés et non faits sur n'importe quelle base.
S'agissant de la baisse d'impôts, elle découle effectivement d'abord d'un choix manifeste et très net de la population, mais aussi de ces montants supérieurs en matière d'estimations fiscales dont nous avons bénéficié ces trois dernières années. Et vous constaterez, Mesdames et Messieurs, que malgré des estimations fiscales un tout petit peu moins bonnes pour ces prochaines années, la croissance perdure s'agissant des impôts et des revenus fiscaux, ce dont nous pouvons être satisfaits au regard du contexte économique dans certains pays voisins. Je crois qu'on peut remercier d'une part les gros contribuables de continuer à choisir le canton de Genève comme lieu de résidence, et d'autre part les grosses entreprises, respectivement les entreprises qui font des bénéfices extrêmement importants.
Et puis le budget ne serait pas ce qu'il est si je n'en profitais pas pour rappeler chaque année à cette époque - de même qu'aux comptes - nos pyramides fiscales; cette fois, je n'ai pas été devancée par M. Zweifel, qui a pour habitude de donner ces chiffres régulièrement. S'agissant des personnes morales, Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que ce sont 1% des entreprises qui s'acquittent de 87% de l'impôt sur le bénéfice ! Je rappelle également que 61% des entreprises ne paient pas d'impôt sur le bénéfice: elles n'en paient pas, elles, parce qu'elles ne font pas de bénéfices.
S'agissant des personnes physiques, c'est un tout petit peu différent, et je vais, là, revenir sur les propos tenus, sauf erreur, par le représentant du groupe socialiste. Si 35% des contribuables personnes physiques ne paient pas d'impôts dans le canton de Genève, ce n'est pas uniquement parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer des impôts sur le revenu ! C'est une conjonction de deux facteurs, je l'ai déjà expliqué: c'est effectivement parce qu'ils n'ont pas de revenus jugés importants, mais c'est aussi et surtout, Mesdames et Messieurs, parce que ces dernières années, grâce aux différents projets de lois adoptés par ce parlement, grâce aux nombreuses déductions qui s'appliquent dorénavant aux familles - des déductions pour les frais de garde, des déductions pour les enfants, j'en passe et des meilleures -, nous sommes le canton qui a le seuil d'assujettissement le plus élevé pour ces revenus inférieurs. Que signifie avoir le seuil d'assujettissement le plus élevé ? Ça signifie le contraire de ce que ça vous semble signifier, à savoir que le seuil pour payer des impôts sur le revenu, lorsqu'on est une personne physique avec une famille, est beaucoup plus élevé que dans les autres cantons ! Dans certains cantons, c'est à partir de 30 000 francs pour un célibataire; chez nous, ce sera plus haut. Et pour une famille avec deux enfants, le seuil d'assujettissement est chez nous à 85 000 ou 86 000 francs; dans les autres cantons, cette famille commence à payer des impôts à partir de 40 000 ou 50 000 francs. Vous le voyez, pour ces bas revenus, le canton de Genève taxe moins que les autres.
Par contre, notre canton se rattrape très très très très vite sur les classes moyennes, sur celles et ceux qui n'ont pas droit à des prestations complémentaires, à des aides quelles qu'elles soient, et qui paient par conséquent pleinement ! C'est pour ça que cette baisse d'impôts a été si fortement soutenue par la population: parce que, contrairement à ce qui a été dit, elle a pour effet que 50% des contribuables voient baisser d'au moins 10% leur taux d'imposition sur le revenu ! Ces contribuables, ce sont ceux qui gagnent jusqu'à 190 000 francs; il est donc inexact de dire qu'on a uniquement aidé les contribuables les plus aisés. Non, nous avons bien aidé la classe moyenne avec cette baisse d'impôts et la population ne s'y est pas trompée du tout puisqu'elle l'a adoptée de façon très nette !
Mesdames et Messieurs, encore un mot peut-être. S'il a soutenu cette baisse d'impôts, je crois que le Conseil d'Etat est également très attaché à ce que les contribuables respectent leurs obligations. Et je ne crois pas qu'il y ait trop de contrôles dans notre canton; je ne crois pas non plus qu'on s'acharne sur des contribuables. Il y a toujours la possibilité de discuter avec l'administration fiscale. Mais c'est vrai que, pour moi, une politique raisonnable en matière de fiscalité, d'imposition, implique également que nous soyons assurés que les uns et les autres respectent... (L'oratrice insiste sur le mot «respectent».) ...leurs obligations et que celles et ceux qui doivent s'acquitter de l'impôt s'en acquittent, sans tenter de se défausser. Voilà, Mesdames et Messieurs, j'espère que vous accepterez cette politique publique et je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.
Mise aux voix, la politique publique I «Impôts et finances» est adoptée par 62 oui contre 2 non et 18 abstentions.
J - JUSTICE
Le président. Nous passons à la politique publique J «Justice». La parole est à M. Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Le Pouvoir judiciaire a déposé une proposition alternative de budget, qui contient des augmentations de personnel pour un montant d'environ 1,5 million. Il le fait à raison, car il faut savoir que le Pouvoir judiciaire se retrouve sous le coup d'une charge de travail qui a augmenté de manière très importante; il doit répondre à cela afin que les justiciables ne souffrent pas de retards dans le traitement de leurs affaires.
C'est la raison pour laquelle cette demande alternative, dont le coût, je le répète, est de près de 1,5 million, a été soumise par le Pouvoir judiciaire, qui s'en est expliqué lors des travaux de commission. Le groupe MCG a décidé de reprendre cette proposition et de la soumettre au vote, à la fois en commission et au sein de ce plénum, parce qu'il considère qu'il est important de renforcer tout ce qui fait partie du régalien, à savoir ce qui permet à la population de bénéficier d'institutions qui fonctionnent, qui sont efficaces et performantes.
Malheureusement, cela a un prix, un prix humain et un prix financier; ce prix-là, le groupe MCG estime qu'il est nécessaire de le payer. C'est pour cela que nous vous proposons cet amendement et que nous vous demandons de le soutenir.
Mme Sophie Bobillier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons vu hier, dans le cadre de la politique publique H sur la sécurité et la population, la nécessité de revoir la politique criminelle actuelle, qui engorge drastiquement nos institutions (la police, le Ministère public, et in fine nos tribunaux), ainsi que la politique de la justice.
Aujourd'hui, si nous priorisons la poursuite d'une personne qui a vendu cinq grammes de cannabis, d'une personne toxicodépendante nécessitant des soins, d'une personne qui mendie pour subvenir à ses besoins, ou encore d'une personne qui, cherchant refuge auprès de la police pour se protéger d'un ex-compagnon violent, finit en garde à vue et est poursuivie pour séjour illégal, alors que reste-t-il comme ressources pour traiter les véritables affaires, celles où des victimes directes sont en jeu ?
Trouvez-vous normal qu'un enfant dénonçant des faits d'inceste, une femme déposant plainte pour violences conjugales, un homme rapportant un viol ou un jeune ayant subi un brigandage doivent attendre au minimum trois mois pour qu'une audience soit fixée et qu'un procureur ou une procureure les entende - ces mêmes procureurs qui doivent jongler avec entre 150 et 250 affaires par cabinet ! -, et que, dans le meilleur des cas, si l'accusé est détenu, l'audience de jugement n'intervienne qu'après treize mois d'attente, soit plus d'un an de délai ?
Quant aux victimes dont l'agresseur n'est pas incarcéré, par exemple parce qu'il est de nationalité suisse et ne présente pas de risque de fuite, elles doivent souvent patienter jusqu'à deux ans et demi - trente mois - avant que leur dossier ne soit transféré devant les tribunaux. Ces lenteurs, qui reflètent les durées médianes des procédures judiciaires, sont détaillées dans le compte rendu d'activité du Pouvoir judiciaire. Est-ce bien cela que nous pouvons attendre de la justice ?
Nous ne prônons ni angélisme ni impunité. Bien au contraire, nous, le groupe des Verts, demandons un réexamen de l'efficacité des politiques actuelles et une meilleure utilisation des ressources disponibles, là où elles sont véritablement nécessaires. Nous devons faire mieux: nous devons désengorger le Ministère public et les tribunaux, dès le départ, dès l'ouverture d'une procédure pénale, dès l'interpellation d'une personne dans la rue par la police, par une meilleure politique criminelle commune décidée entre le procureur général, le Conseil d'Etat et précisément la police, et ce afin de prioriser les moyens alloués.
Une fois encore, les Vertes et les Verts accepteront le budget requis par le Conseil d'Etat, mais nous lui demandons une véritable réflexion sur ces enjeux d'une importance capitale, au nom de la justice. Merci.
Le président. Merci, Madame la députée. Nous passons au vote sur l'amendement déposé par M. Baertschi au programme J01 «Pouvoir judiciaire» proposant une augmentation de 1 488 204 francs.
Amendement (politique publique J)
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 13 oui et 1 abstention.
Le président. Je soumets à présent à votre approbation la politique publique J dans son ensemble.
Mise aux voix, la politique publique J «Justice» est adoptée par 67 oui et 5 abstentions.
K - SANTÉ
Le président. Nous enchaînons avec la politique publique K «Santé». Il n'y a pas de prise de parole sur le programme K01 «Réseau de soins». Nous passons au programme K02 «Régulation et planification sanitaire». Monsieur Guinchard, vous avez la parole.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, il y a quelques jours, le Conseil d'Etat a adopté le rapport de planification sanitaire 2025-2028 du canton de Genève et l'a transmis au Grand Conseil, qui a accepté de le traiter en urgence. Je reviendrai en détail sur le concept qui nous a été présenté, j'imagine que cela se fera cet après-midi.
Ce rapport détermine l'évolution des besoins de soins, principalement en lien avec l'accroissement prévu des demandes de soins des Genevois, qui se chiffre entre 5% et 15% pour les années en question. Cette hausse de 15% concerne essentiellement les besoins des résidents en EMS, qui vont augmenter dans cette proportion.
Cela pose d'ailleurs deux problèmes: le premier est la disponibilité des bâtiments, des EMS eux-mêmes, pour lesquels il faut toujours attendre très longtemps avant de réaliser des constructions - il s'agit de délais de dix à quinze ans, qui sont largement surfaits - et le deuxième est la disponibilité du personnel, puisque nous continuons à ne pas former suffisamment de personnel médical et paramédical à Genève et que nous avons la chance - et je pèse mes mots ! - de pouvoir compter sur nos amis français afin de prodiguer des soins de qualité, en particulier dans les EMS.
Dans ce rapport de planification sanitaire, le Conseil d'Etat détaille quatre axes d'action, que nous trouvons adéquats et sur lesquels nous allons revenir en détail plus tard, comme je l'ai mentionné au début de mon intervention. Je mentionnerai toutefois deux aspects qui nous inquiètent un peu.
Le premier, c'est le problème que pose ce qu'on appelle la fixation de taux maximaux de médecins spécialistes par discipline, c'est-à-dire, en français un petit peu plus clair, la clause du besoin. Sous l'ancien magistrat, cette clause du besoin était totalement intangible, et grâce à la pression de la commission de la santé, nous sommes arrivés au début de cette législature à un certain assouplissement, notamment pour les médecins de premiers recours.
Dans ce cadre-là, nous souhaitons que l'office cantonal de la santé ainsi que le magistrat suivent l'évolution de cette clause du besoin de façon très attentive, afin d'y mettre un peu de souplesse le cas échéant, car, parfois, on se rend compte que l'accès à certains spécialistes reste difficile. Il s'agit à cet égard d'être souple et de pouvoir réagir rapidement.
Le deuxième point est la fameuse taxe d'urgence, qui concerne essentiellement les pédiatres. Vous avez lu dans la presse qu'un accord a été trouvé sous l'égide, sous la férule plutôt, du conseiller d'Etat en charge. C'est un accord temporaire, mais qui nous permet au moins de passer cette période difficile et cruciale, pour les urgences, des fêtes de fin d'année. Cela étant, bien que cet accord s'appuie sur un arrêt du TF, la situation démontre l'énorme puissance des assureurs-maladie, qui font fi des intérêts des personnes qu'ils assurent et qui ne respectent pas leurs obligations, alors que - il faut le rappeler - ces assureurs agissent sur mandat du Conseil fédéral.
Cela dénote aussi que le système de santé actuel n'a pas de pilote et que nous allons droit dans le mur. On peut dire que le principe même de ce système est définitivement mort. Je rappelle à cet égard que Le Centre a déposé un excellent texte visant à instituer une caisse de compensation chargée de récolter les montants des primes et de rétrocéder aux assureurs uniquement ce dont ils ont besoin sur présentation de factures, ce qui permettrait une réelle transparence dans ce secteur, qui est à l'heure actuelle particulièrement opaque.
Le Centre acceptera le budget de cette politique publique, mais je me prononcerai également sur le programme suivant. Je vous remercie.
M. Pierre Nicollier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le département a la dure tâche de planifier les prestations de santé à Genève. Si on reprend les propos tenus précédemment par notre excellent collègue Zweifel, il s'agit d'un centre de coûts avec trois blocs importants générés directement ou indirectement par le département, à savoir les HUG, l'IMAD et les aides pour le paiement des primes maladie. Ces dernières n'existaient pas il y a quelques années, elles sont le fruit d'un accord et connaissent une très forte augmentation. Le département peut avoir un impact à moyen et long terme sur la maîtrise des coûts et donc sur les primes.
Je mentionnerai rapidement la décision du Tribunal fédéral sur la taxe d'urgence. Je ne suis pas sûr que l'accord trouvé soit pérenne. Comme le disait M. Guinchard, nous devrons être créatifs, parce que nous nous trouvons dans une situation régie par un cadre que nous ne maîtrisons pas, comme très souvent dans le domaine de la santé. Il serait dommage qu'on se retrouve avec de longues files d'attente dans les hôpitaux universitaires parce que tous les médecins doivent augmenter la rémunération de l'ensemble de leur personnel de 30%, ce en ne pouvant rien encaisser de plus et en n'ayant donc plus aucun intérêt à garantir ces gardes.
Je souhaite mentionner plusieurs points d'attention pour le futur. Le premier, c'est l'IMAD et sa complémentarité avec les organisations indépendantes, par exemple le groupement des infirmières. L'IMAD est importante, mais nous devons laisser la place à tous les acteurs afin de ne pas nous retrouver face à une étatisation du système - notre système de santé est déjà très étatisé, contrairement à ce que beaucoup pensent.
Nous avons des projets innovants, comme le centre de chirurgie ambulatoire. On se réjouit qu'il ouvre et de voir comment un partenariat public-privé peut prendre forme, en tirant profit des côtés positifs de chacun des partenaires, à savoir les HUG et le partenaire privé. Cela doit permettre qu'on ne se retrouve pas dans la même situation qu'aux HUG, avec une dotation en personnel par lit qui est la plus élevée de tous les hôpitaux universitaires de Suisse. Le but de ce projet est d'avoir un centre de chirurgie ambulatoire qui soit le plus dynamique, souple et flexible possible.
Le point suivant que je voudrais mentionner est la caisse unique. Elle a été évoquée indirectement par notre collègue Guinchard via l'idée de la création d'une caisse de compensation. Vous l'aurez certainement lu dans les journaux, le Conseil des Etats a refusé la création d'une caisse cantonale unique, qui constituait une autre variante. Ce que l'on voit, c'est que finalement, les élus à Berne constatent que ces espèces d'idées cantonales ne permettent pas de faire des économies. Je reprends ici les propos de Peter Hegglin, élu du Centre, qui indique que les frais d'administration des caisses maladie représentent moins de 5% du volume, que le but est de faire baisser les primes mais que ces projets auront l'effet inverse, avec un seul acteur qui deviendrait incontrôlable.
Il y a donc beaucoup de travail à faire dans la santé. Nous voterons le budget de cette politique publique et serons attentifs aux points que j'ai mentionnés: nous souhaitons avoir un système libéral, dynamique, qui encourage l'innovation, et nous lutterons contre une étatisation, qui sclérosera un système qui, actuellement, est hors de contrôle. Merci.
Mme Louise Trottet (Ve). Le groupe Vert va également voter le budget de la politique publique K. Cette année, ce vote sera assez particulier, notamment au vu de l'incertitude budgétaire que va provoquer la récente votation sur la réforme EFAS. Nous saluons l'essor enthousiasmant autour des maisons de santé, qui est un projet porté par le département. Nous nous réjouissons également de l'augmentation de l'enveloppe dévolue à la promotion de la santé et de la prévention. Cette hausse fait écho à un projet de loi déposé cette année par le groupe Vert.
La prévention et la promotion de la santé sont particulièrement importantes et comprennent aussi quelques problématiques de santé mentale, comme la santé mentale des jeunes, un sujet que nous avons traité cette année en commission. En effet, nous nous sommes penchés sur cette question, et dans le cadre de ces travaux, que vous aurez le bonheur de découvrir d'ici quelques séances plénières, certains manques sont apparus.
Par exemple, l'accès aux écoles de certaines associations de prévention en matière de santé mentale, telles que Stop Suicide, semble très limité, lorsqu'on le compare avec la situation dans d'autres cantons, comme celui de Neuchâtel, et ce alors que les idées suicidaires dans la population jeune ont complètement explosé.
Il serait souhaitable à l'avenir que les portes du DIP s'ouvrent un peu plus pour laisser entrer les associations qui sont spécialistes de ces questions, afin qu'elles puissent faire ce pour quoi elles ont été créées. Sur la même thématique, un autre problème est apparu durant l'audition du département de la santé sur le budget, à savoir le déficit en structures de suivi post-hospitalisation en psychiatrie.
Sur un sujet connexe, qui concerne plutôt le versant de la santé somatique, les unités d'accueil temporaire (UATM et UATR), soit des structures qui se trouvent à l'interface entre l'hospitalier et l'ambulatoire, sont également le lieu de défis nouveaux, par exemple avec l'augmentation de la demande d'accueil de patients en situation de handicap.
La démocratie directe, via l'initiative des socialistes pour les soins dentaires, ainsi que le travail de commission sur le budget ont permis un focus sur cette problématique. On espère, au gré de la votation sur l'initiative, que ce sujet pourra être mieux pris en charge. En cas d'échec, il faut souhaiter qu'on trouve quand même des financements pour qu'on puisse mieux répondre à cette problématique, ce afin d'aider les personnes qui, quand elles perdent leurs dents, perdent en réalité beaucoup plus.
Enfin, je renchérirai avec mes préopinants sur le sujet de la taxe d'urgence, qui ne concerne pas que les pédiatres, mais l'ensemble des médecins de premier recours, et en particulier les urgentistes. Avec l'abolition de cette taxe et la baisse du point TARMED pour les généralistes, nous allons au-devant de grands dangers pour notre système de santé et d'une surcharge probable des urgences des HUG. Il s'agit d'être extrêmement attentif sur ce sujet. Je vous remercie pour votre attention. (Applaudissements.)
Mme Jacklean Kalibala (S). Mesdames et Messieurs les députés, la santé est une politique publique centrale, avec de nombreux défis à relever ces prochaines années. Le contexte sanitaire du XXIe siècle est dominé par les maladies chroniques, comme les maladies cardiovasculaires, qui sont la première cause de décès en Suisse.
Cette mortalité est évitable puisque 80% de ces maladies pourraient être écartées grâce à une meilleure hygiène de vie. En Suisse, on le sait, l'investissement dans la prévention est insuffisant. A juste titre, le Conseil d'Etat en a fait une priorité et prévoit une augmentation de plus de 6 millions du budget dédié à la prévention.
Mais quand on parle de promotion de la santé et de prévention, il faut prendre en considération non seulement les facteurs individuels, mais également les facteurs structurels, qui affectent le mode de vie. L'augmentation du budget prévue, quoique louable, ne couvre pas ces éléments, pour lesquels une réflexion transversale est nécessaire.
La stratégie du département est de favoriser trois axes: la recherche dans les troubles cognitifs, la santé buccodentaire et l'orientation des patients dans le réseau de soins. Mais si l'on veut maîtriser les coûts en faisant baisser le nombre de malades, il sera également nécessaire d'agir sur les déterminants sociaux de la santé, comme la précarité, l'accès aux soins, l'accès à une alimentation saine et la mobilité, pour n'en citer que quelques-uns.
Il faut assurer une justice sociale et de bonnes conditions de vie pour toutes et tous. Ce budget supplémentaire ne permettra pas non plus de résoudre la problématique de pénurie de professionnels ni le renoncement aux soins. Nous devons encore investir dans la formation, dans la médecine de premier recours et les soins de base ainsi que dans la lutte contre les inégalités.
Notre système de santé est en crise - cela a déjà été dit -, on a d'un côté une hausse importante des coûts et des primes d'assurance-maladie et de l'autre une augmentation du renoncement aux soins et de l'endettement pour non-paiement des primes. Tout cela avec en toile de fond une pénurie de professionnels de la santé et une complexification des besoins en soins de la population.
Le parti socialiste milite pour un système de santé considéré comme un service public, au sein duquel toute la population peut avoir accès à des soins de qualité à un prix abordable. Dans ce sens, nous accepterons le budget de la politique publique K «Santé», parce que nous soutenons également la prévention et que nous voulons lui donner plus de moyens, mais nous demandons au département d'endosser pleinement son rôle de coordinateur du réseau de soins, afin d'assurer un développement de ce dernier en cohérence avec les besoins de la population et la lutte contre les inégalités dans la santé. Merci. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Les soins et les prestations médicales sont vraiment de grande qualité à Genève, je crois qu'il faut s'en réjouir. Malheureusement, les primes d'assurance et les frais médicaux sont chez nous les plus élevés du pays. Je prends deux ou trois éléments, notamment une interview donnée il y a quelques jours dans la «Tribune de Genève» par le nouveau directeur des HUG, M. Robert Mardini, dans laquelle il affirme que les HUG sont l'hôpital le plus cher de Suisse.
Comparons les HUG avec le CHUV: je rappelle que s'agissant des bassins de population concernés, il est d'un demi-million d'habitants pour les HUG alors que celui du CHUV est de 1,5 million d'habitants, soit trois fois plus de patients. Pourtant, les HUG ont un budget de 2,3 milliards tandis que celui du CHUV n'est que de 2 milliards - il faut le relever. Les HUG coûtent donc 300 millions de plus que le CHUV ! Il faut aussi noter que les HUG comptent 1200 fonctionnaires de plus que le CHUV. Et nous avons appris il y a trois jours dans la «Tribune de Genève» qu'il y avait 10% d'absentéisme aux HUG: chaque jour, il y a donc 1300 fonctionnaires qui ne sont pas au travail.
Si on prend les soins à domicile, avec l'IMAD, nous avons à Genève le système le plus étatique du pays et évidemment le plus cher. Pour ce qui concerne les EMS, nous avons le système le plus réglementé et à nouveau le plus cher du pays. Bref, nous devons reconnaître que puisque dans tous les cantons, les primes d'assurance sont très étroitement liées aux coûts de la santé, il faut effectivement qu'à Genève nous mettions un peu plus de rigueur dans le contrôle des coûts médicaux et de la santé.
Pour terminer, j'aurai une question à poser au magistrat: en lisant l'audition des HUG dans le rapport, je suis vraiment surpris par une phrase. Je reprends un passage qui concerne l'engagement de personnel aux HUG et cite textuellement ce qui est marqué dans le rapport sur cette audition: «[...] le directeur des finances relève que les recrutements n'auront lieu que si l'équilibre budgétaire est atteint, quand bien même des ETP», donc des postes de travail, «supplémentaires sont prévus dans le projet de budget.» Cette phrase m'interpelle: je me demande vraiment si tous les engagements sont faits sur la base de besoins réels ou si l'argent est simplement disponible. Merci de répondre à cette question. Juste pour votre information, la citation que je viens de relever se trouve à la page 115 - si besoin, je vous donnerai la brochure.
M. François Baertschi (MCG). Le MCG acceptera les budgets de toutes les politiques publiques, mais il fera une exception pour la politique publique K «Santé», qu'il refusera. La raison est la suivante: dans cette politique publique, on est véritablement et de manière systématique face à la politique des petits copains, avec des discriminations à l'égard des résidents genevois qui travaillent dans ces institutions. Il y a aussi le fait que l'on engage massivement des frontaliers permis G... (Exclamations.) ...et ce alors que de nombreux résidents genevois qui ont toutes les compétences professionnelles requises sont obligés d'aller dans d'autres cantons, par exemple au CHUV.
Comme l'a bien indiqué le préopinant UDC, André Pfeffer, il semblerait que le CHUV coûte moins cher et qu'il soit plus efficace, quand on le compare aux HUG. Et en plus de cela, des résidents genevois qui ont un certain niveau de compétence trouvent leur place dans l'institution de notre canton voisin alors qu'à Genève, nous estimons qu'ils ne sont pas à la hauteur.
Comment cela se fait-il ? Nous avons plusieurs exemples de personnes qui sont obligées de s'expatrier, ce qui est très compliqué pour leur vie familiale ainsi que pour les liens qu'elles ont en général gardés à Genève; elles doivent partir ailleurs alors qu'elles voudraient rester à Genève.
Ces personnes de qualité, nous ne les engageons pas. Cette manière de faire, que l'on retrouve de manière systémique, est inacceptable. Alors on ne sait pas à quel niveau cela se passe, sans doute à des échelons inférieurs. Néanmoins, c'est de notre responsabilité; je vous rappelle que le Grand Conseil exerce la haute surveillance sur les institutions publiques, dont font partie les HUG ainsi que d'autres institutions. Par conséquent, nous portons la responsabilité de cette politique qui est menée.
Le MCG ne peut décemment pas cautionner ce genre de choses, d'autant plus qu'apparemment, il n'y a malheureusement pas de volonté politique pour en changer; du moins elle n'est pas exprimée. Cette réalité, elle est là, et il faudrait de toute urgence la modifier. Il ne s'agit malheureusement pas de cas uniques. Les situations se multiplient dans lesquelles on voit des résidents genevois et des résidentes... Parce qu'il s'agit souvent de femmes; il y a encore une discrimination sur le genre, qui est bien souvent ignorée du fait d'une vision un peu angélique du phénomène frontalier. Ces personnes qui auraient toute leur place à Genève, voilà qu'elles sont obligées de partir.
Cette réalité, nous, au sein du MCG, nous ne pouvons pas la cautionner. Nous ne pouvons pas voter oui au budget de la politique publique K, parce que ce serait dire: «Vous avez carte blanche, tout est parfait, il n'y a rien à redire.» Non, il y a beaucoup à redire, et je crois que de toute urgence, il faut prendre les mesures qui s'imposent et ne pas nier cette réalité. C'est la raison pour laquelle, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le groupe MCG votera non. Merci, Monsieur le président.
Mme Louise Trottet (Ve). Très brièvement, je souhaitais juste relever une contradiction chez mon préopinant MCG - vous transmettrez, Monsieur le président. C'est un parti qui en a l'habitude. Il aime critiquer l'engagement des frontaliers, sans lesquels notre système ne pourrait simplement pas fonctionner, mais ensuite il s'amuse à déposer des motions dont l'une des invites adressées au Conseil d'Etat est, je cite: «à s'engager, par une déclaration sur l'honneur [...], à ne pas nommer du personnel ayant des liens de parenté avec l'une ou l'un de ses membres.» Voilà, je vous laisse connecter entre elles vos différentes idées et retenir celle qui fait le plus sens. Merci.
M. Marc Saudan (LJS). Chers collègues, je tiens à souligner que LJS soutiendra la politique publique K. Il y a eu un effort extrêmement important du département au niveau des montants alloués pour la prévention, qui est essentielle pour le bien-être de la population genevoise et pour diminuer à long terme les coûts de la santé.
En ce qui concerne le personnel, il faut bien se rendre compte qu'on peut toujours critiquer les frontaliers, mais qu'on aurait beaucoup de soucis sans eux, car nos institutions, que ce soit l'hôpital, l'IMAD ou même les cliniques privées, ne marcheraient pas si nous n'avions pas la chance de compter sur ce personnel. D'ailleurs, sa présence à Genève se fait au détriment de la France voisine - ce sera un sujet de discussion futur pour envisager une collaboration, notamment dans la formation, afin d'avoir plus de personnel. J'encourage toutes les jeunes filles et surtout tous les jeunes garçons qui veulent se diriger vers la santé publique à suivre ces formations, car ces métiers restent quand même très passionnants. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Juste pour transmettre une interrogation à la députée Verte: je n'ai pas trop compris de quoi elle parlait s'agissant des conflits d'intérêts. Je ne sais pas si elle parle pour elle-même, étant donné qu'elle est liée à cette institution des HUG ! (Remarque.) Mais enfin, elle s'adressait à nous, et je n'ai pas compris sa façon de voir les choses.
C'est vrai qu'il y a dans le milieu médical une sorte de mépris des médecins pour le personnel infirmier ou pour le personnel subalterne; c'est aussi une réalité. On se fiche du personnel maltraité, des personnes qui ne sont pas engagées, qui doivent aller ailleurs et qui ne peuvent pas rester à Genève. C'est en tout cas une vision que le MCG ne partage pas; il pense qu'il ne faut pas avoir cette approche méprisante de l'être humain et du travail dans une institution aussi importante que les HUG. Merci, Monsieur le président.
Mme Louise Trottet (Ve). Très rapidement, vu que j'ai été un peu mise en cause, un petit «fact checking»: de un, je ne travaille plus aux HUG. De deux, je n'ai absolument pas voulu sous-entendre un quelconque mépris pour le personnel infirmier; au contraire, on en manque, c'est pour ça qu'on a recours au personnel frontalier. Et puis, de trois, mon propos n'était probablement pas très clair tout à l'heure: ce que je voulais dire, c'est qu'aujourd'hui, on manque de personnel, on n'en forme pas assez à Genève et que le MCG dépose des motions pour dire qu'on ne peut plus engager des parents proches ou éloignés du Conseil d'Etat, y compris au sein des HUG - c'est ça le corollaire. Et ensuite, le MCG s'étonne qu'on doive engager des frontaliers ! Tout ça pour dire: merci de ne pas me forcer à faire un procès en diffamation lorsque vous prenez la parole, Monsieur Baertschi - vous transmettrez, Monsieur le président.
M. Marc Saudan (LJS). J'aimerais juste relever un point, et on va éviter d'en faire un débat: je m'élève hautement contre l'affirmation selon laquelle les médecins méprisent le personnel et les infirmières. Nous sommes en constante collaboration, nous les estimons et nous pensons que l'interdisciplinarité est importante. D'ailleurs, la création des pratiques avancées au niveau des infirmières, qui auront le droit de prescrire et de faire des gestes indépendamment du médecin, est une bonne chose pour soulager notre système de santé. Les médecins, dans leur ensemble, sont donc au contraire très fiers et contents de collaborer avec le personnel, qui les aide dans la tâche. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Sans poursuivre le débat bien longtemps... (Commentaires.) ...mais juste pour la clarté: effectivement, le MCG s'est inquiété des relations entre les conseillers d'Etat, les donneurs d'ordres, et les personnes engagées, parce que nous pensions et pensons toujours que des risques de copinage sont présents. Nous avons déposé un texte, comme d'autres groupes de ce parlement, et avons travaillé au sein de la commission sur le personnel de l'Etat afin de trouver des solutions. Les travaux sont bien avancés et un projet de loi sera déposé. Le débat reviendra donc sur cet élément-là. Je ne vois pas trop la contradiction; nous avons une certaine image de l'Etat, selon laquelle il se doit d'être impartial et impeccable. Merci, Monsieur le président.
Mme Sophie Demaurex (S). Mesdames et Messieurs les députés, afin d'élever un peu le débat et de revenir sur les sujets qui touchent la santé des Genevoises et des Genevois, je rappellerai que nous sommes très activement engagés autour d'une initiative pour la contraception gratuite - on espère que ces budgets permettront d'accompagner ce projet - ainsi que pour notre initiative sur les soins dentaires, qui est une problématique pour laquelle nous attendons aussi une issue. Voilà, merci !
Le président. Merci, Madame la députée. Nous passons au programme K03 «Sécurité sanitaire, promotion de la santé et prévention», et je cède le micro à M. Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, au fil des débats, j'avais presque oublié que les frontaliers étaient titulaires d'un permis G; je remercie donc le chef de groupe du MCG de nous le rappeler lors de chacune de ses interventions ! Il ne va certainement pas le faire ici puisque la prévention ne concerne pas directement l'engagement de frontaliers.
Sous la rubrique de ce programme K03, je voulais saluer l'initiative prise par le département d'augmenter massivement - de presque 7 millions de francs - les montants consacrés à la prévention, puisque c'est là que nous avons le plus de possibilités d'agir.
La prévention, c'est quelque chose de difficile: ça n'est pas sexy, ça nous incite à adopter un autre style de vie, à nous conformer à une certaine hygiène de vie, et les effets ne sont pas toujours visibles à moyen terme, car c'est plutôt à long terme qu'on réalise les progrès qu'on peut faire.
Je vous rappelle que dans l'ancienne disposition de cette salle, nous avions sur nos pupitres des cendriers et que tout le monde fumait. A l'époque, les non-fumeurs étaient considérés comme des spécimens un peu spéciaux, un peu écolos, un peu «petites graines», enfin des gens assez bizarres, peut-être sportifs, ce qui les excusait en partie. A cet égard, on a fait beaucoup de progrès.
Je rappelle aussi les avancées réalisées en matière d'interdiction de fumer dans les lieux publics ou accessibles au public. Dans les six mois qui ont suivi cette décision, on a constaté une baisse importante des cas cardiovasculaires au sein des urgences. Peut-être que finalement, en interdisant de fumer également sur les terrasses des bistrots, on arrivera à encore plus de prévention. Le groupe du Centre acceptera donc le budget du programme K03. Je vous remercie.
Mme Danièle Magnin (MCG). J'entends des diatribes contre le MCG. Avant d'être membre du MCG, j'ai été consultée à plusieurs reprises par du personnel infirmier des HUG qui se plaignait d'être harcelé parce que les frontaliers formaient des groupes, entre eux et entre elles. Ces gens faisaient en sorte que ceux qui étaient d'ici soient mobbés et s'arrangeaient pour faire venir à Genève leurs voisins, leurs copains, leurs cousins afin qu'ils soient engagés. Je l'ai vécu, je l'ai vu, et le fait que ce soit constamment nié finit par me hérisser. Voilà, merci ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo, Danièle !
Le président. Merci, Madame la députée. Si on pouvait se centrer sur les questions dont nous débattons, ce serait très très très bien ! La parole est au conseiller d'Etat, M. Pierre Maudet.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, merci pour ces interventions de qualité... (Rires.) ...et il n'y a aucune ironie dans mon propos ! Merci pour ces interventions de qualité ! Toutes et tous, vous avez, à votre façon et avec les caractéristiques de vos attaches partisanes, souligné l'importance de la politique publique de la santé. Ce matin encore, si vous écoutiez la Radio suisse romande, vous entendiez que la santé est la première préoccupation des résidentes et résidents suisses. C'est aussi le cas pour les Genevoises et les Genevois, je peux vous l'assurer.
Plusieurs d'entre vous l'ont dit, cette préoccupation est liée au financement de la santé et évidemment au poids que représentent dans le budget des ménages les primes d'assurance-maladie. Mais il y a aussi une autre préoccupation tout à fait légitime, intrinsèquement liée à la nature de la question sanitaire: même si on l'a vite oublié, nous sortons d'un début de décennie qui a été caractérisé par la pandémie. La santé a été au coeur des préoccupations de chacune et de chacun. Il était donc légitime, Monsieur le président, que l'on s'attardât quelques instants sur le sujet.
Je dois d'emblée répondre ou peut-être corriger un ou deux éléments. Monsieur Pfeffer nous interpellait avec des comparaisons valdo-genevoises, sur lesquelles j'aimerais mettre quelques cautèles. Vous le savez, ou ne le savez peut-être pas, le canton de Vaud a une surface vaste, il est moins dense que le nôtre, et c'est un canton qui est non seulement basé sur un hôpital principal, comme c'est le cas à Genève, mais également sur des hôpitaux secondaires.
En réalité, toute une partie de la patientèle vaudoise est reçue dans des hôpitaux dits régionaux. La comparaison entre les systèmes vaudois et genevois n'est donc pas forcément très pertinente, puisque évidemment, dans les chiffres que vous mentionniez, soit les quelque 2 milliards de budget du CHUV, il n'y a pas le budget des hôpitaux régionaux. Qu'il s'agisse de Rennaz ou encore de l'Ensemble hospitalier de la Côte, ce sont des établissements extrêmement importants, qui ont une gamme de prestations assez large et qu'il faudrait ajouter à ces chiffres si on voulait faire des comparaisons telles que celles que vous opériez tout à l'heure.
Une deuxième question qui m'a été posée, Monsieur le président, par M. Pfeffer, est celle relative au document qu'il a cité. En fait, je ne suis pas certain d'avoir compris la question, mais vous releviez que le directeur ou la direction financière des HUG allait calibrer le budget en fonction des moyens. Mais c'est plutôt une bonne nouvelle ! Et c'est précisément ce que... On me reproche parfois d'être intrusif, ici nous l'avons été avec mes collègues du Conseil d'Etat: nous avons dit que les déficits aux HUG, c'est terminé ! Il y a eu quatre ans consécutifs de déficit, en bonne partie expliqués par le covid. L'année passée, j'ai pris cet engagement vis-à-vis de la commission des finances que c'était la dernière fois que je venais demander un crédit complémentaire - il était de l'ordre de 23 millions. Cette année, je vous l'annonce, il n'y aura pas de chiffres rouges.
Effectivement, nous avons conditionné l'activité des HUG aux moyens, généreux par ailleurs, que vous avez acceptés de donner dans le cadre du contrat de prestations. Mais il n'y aura pas de déficit. Et en effet, les HUG doivent être gérés, hors situation exceptionnelle de pandémie, dans une perspective de respect des engagements pris dans le contrat de prestations et de chiffres noirs. Je vous confirme donc que sauf cas exceptionnels, c'est le budget des moyens, et non pas le budget des besoins, qui dicte la voilure financière des Hôpitaux universitaires.
Sur la question du personnel, c'est un peu lassant. Parce que je crois que tout le monde dans cette salle reconnaît qu'on va au-devant d'une pénurie importante et que les efforts sont déployés. Ils ne sont peut-être pas suffisants, mais vous avez voté les crédits, Mesdames et Messieurs, et nous vous en remercions. La perspective de l'école des soins infirmiers à la Goutte de Saint-Mathieu à Bernex, qui verra le jour à la fin de la décennie, est cruciale. Tout le monde s'accorde sur le fait que nous devrions et nous voudrions pouvoir engager plus de soignantes et de soignants, mais que nous n'avons pas suffisamment de candidates et de candidats.
Par conséquent, ça ne fonctionnerait pas si on n'avait pas cet apport frontalier. Alors ce qui est un peu lassant, Mesdames et Messieurs, c'est d'entendre le MCG changer de discours à la faveur du changement de magistrat. J'aimerais juste vous rappeler, Monsieur Baertschi, qu'il y a un an et demi de cela, mon prédécesseur, qui ne vous est pas très éloigné, M. Mauro Poggia, MCG, pratiquait la même politique à la tête des Hôpitaux universitaires, de l'IMAD et de l'ensemble du système de santé, et que vous vous félicitiez de sa politique. Il se trouve qu'elle est perpétuée.
Je suis prêt à entendre tous les exemples que vous voulez me donner - encore une fois, je suis très ouvert -, mais en réalité, à la faveur du changement de couleur politique, vous changez de discours. Ce n'est pas admissible, c'est contradictoire, ce n'est pas cohérent, et je vous invite à un minimum d'honnêteté et à reconnaître que dans le domaine de la santé, on ne ferait rien sans les frontaliers, on ne ferait rien sans l'apport français; on doit évidemment prendre une série de dispositions favorables à la formation de ce personnel sur notre territoire, mais ce ne serait pas possible autrement. Si vous ne le reconnaissez pas, vous n'êtes pas cohérents avec ce que vous teniez comme discours il y a encore un an et demi, sous mon prédécesseur.
Monsieur le président, pour prendre un peu de hauteur, deux mots maintenant sur la santé. Mesdames et Messieurs, vous l'avez bien identifié, la marge de manoeuvre est relativement faible. Elle l'est parce que ce qui dicte les conditions de santé, c'est le financement de la santé. Or, celui-ci est régi par une loi fédérale, c'est la fameuse LAMal qui en pose le cadre. M. Nicollier l'a dit, Mme Trottet aussi, et on le constate à la faveur de la crise qu'on vit sur la taxe d'urgence, nous ne maîtrisons pas les paramètres. Nous ne les maîtrisons pas parce qu'il y a une décision du Tribunal fédéral - compte tenu de la séparation des pouvoirs, on ne peut même pas la critiquer - et parce que le législateur fédéral qui siège en ce moment à Berne... On le voit, il n'a même pas la marge de manoeuvre de corriger cet élément, qui apparaît maintenant comme extrêmement structurant et problématique, pour financer des prestations attendues par la population et qui légitimeraient un surcroît d'investissements, puisqu'on parle ici de situations d'urgence.
Plusieurs ont relevé le cas des pédiatres, en particulier le président de la commission de la santé, qui s'est auto-amendé en parlant d'abord d'égide et ensuite de férule. C'est vrai que c'est plus de férule que d'égide qu'il faut parler, puisque le ministre de la santé a menacé les pédiatres de l'application du système de l'astreinte, ce qui n'est pas vraiment quelque chose d'extrêmement coopératif, mais est nécessaire sous l'angle de la santé publique. Nous sommes parvenus à un accord, mais il est précaire et ne résout rien. Je salue ici le fait que les pédiatres aient accepté de rétrograder leur menace de grève et de prendre en charge un service réduit durant les fêtes, mais le problème continuera de se poser en début d'année. Et là, l'interpellation se fait vis-à-vis de Berne et du dispositif fédéral. Nous sommes donc confrontés à ces limitations fédérales.
Il y a aussi, vous l'avez mentionné, les perspectives de pénurie. On a un effort important à fournir en matière de formation et d'attraction de médecins et de soignants. La question des bâtiments a également été soulevée. Là, j'entends le propos du préopinant PLR sur le centre de chirurgie ambulatoire, qui est un vrai enjeu, un vrai défi, mais qui est, de mon point de vue, encore trop considéré comme un enjeu un peu bâtimentaire et de rassemblement sur un lieu, alors que de vraies questions de fonctionnement et de structure vont se poser. C'est une des perspectives intéressantes de 2025.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez aussi relevé, et je le souligne parce que c'est une volonté du Conseil d'Etat exprimée dans le programme de législature et concrétisée par des sommes sonnantes et trébuchantes, l'effort sur la prévention et la promotion de la santé qui est fait dans ce budget. Alors certes, il est modeste - j'ai entendu la préopinante socialiste - et il faudrait en faire plus, mais on peut déjà faire mieux, et faire mieux avec ce que l'on a.
Avec la perspective de ces 6 à 7 millions supplémentaires octroyés, l'enjeu - vous l'avez bien compris -, c'est moins de malades, moins de gens touchés par ces situations de maladies chroniques qui coûtent ensuite extrêmement cher ainsi que par ces situations de santé mentale qui se détériore, touchant notamment la population jeune - vous avez bien fait de le décrire. Avec ces millions supplémentaires que vous vous apprêtez à voter, on va pouvoir mieux détecter ces éléments, mieux les traiter en amont et peut-être ensuite déployer des politiques à plus vaste échelle, l'enjeu étant effectivement d'avoir moins de malades, pas moins de prestations - ça, ce serait le faux débat sur lequel nous ne voulons pas nous aventurer.
Enfin, un dernier mot sur l'accessibilité des prestations de santé. Cela va être au coeur des discussions relatives à l'initiative sur la santé buccodentaire ainsi que de celles à venir un peu plus tard sur la question de la contraception. Là, le Conseil d'Etat participe à des réflexions, qui sont encore ouvertes, en lien avec les autres cantons. Parce que l'enjeu, vous l'avez dit, c'est celui de l'augmentation de la renonciation aux soins. Cela nous préoccupe, parce que nous finissons par le payer tôt ou tard. L'objectif, c'est aussi une capacité pour les patientes et les patients qui parfois s'ignorent de se responsabiliser. Et dans la société dans laquelle nous vivons, à savoir une société d'inspiration libérale - et nous souhaitons poursuivre sur cette voie -, l'enjeu pour 2025 consistera aussi à faire en sorte de restituer à chaque Genevoise et à chaque Genevois une part de responsabilité quant à sa propre santé.
Nous reparlerons de ce point à propos de la caisse non pas unique, mais publique; ce sera un des sujets présentés en début d'année prochaine à la faveur de la reddition du rapport du groupe d'experts et d'une discussion préalable qui aura lieu au sein du Conseil d'Etat. Je me réjouis donc de saisir tous ces enjeux avec vous en 2025, en espérant qu'on puisse dépasser la petite politique politicienne qui parfois, hélas, marque un peu trop ce genre de débats. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la politique publique K «Santé» est adoptée par 64 oui contre 10 non et 9 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous prenons une pause jusqu'à 10h.
La séance est levée à 9h40.