République et canton de Genève

Grand Conseil

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R 1012-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier la proposition de résolution de Delphine Bachmann, Xavier Magnin, Jean-Charles Lathion, Jacques Blondin, Sébastien Desfayes, Claude Bocquet, Jean-Marc Guinchard, Patricia Bidaux, Souheil Sayegh, Jean-Luc Forni, Bertrand Buchs, Philippe Morel, Didier Bonny, Marta Julia Macchiavelli, Marjorie de Chastonay, Philippe de Rougemont, Yves de Matteis, Corinne Müller Sontag, Ruth Bänziger, Anne Bonvin Bonfanti, Maria José Quijano Garcia pour une politique transfrontalière ambitieuse dans le domaine de la santé
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 29 février et 1er mars 2024.
Rapport de majorité de Mme Jacklean Kalibala (S)
Rapport de minorité de M. Alexis Barbey (PLR)

Débat

Le président. Nous passons à la R 1012-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Madame Kalibala, vous avez la parole.

Mme Jacklean Kalibala (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la crise du covid-19 nous aura appris une chose, c'est que la santé est bel et bien une question internationale. Les virus et autres pathogènes traversent aisément les frontières, quelle que soit la politique extérieure du gouvernement. Par ailleurs, les traitements sont souvent d'origine étrangère et doivent faire l'objet de négociations multilatérales. Et puis, les professionnels sont des ressources précieuses qui sont puisées au-delà des frontières.

A Genève, nous avons la chance d'avoir des soins excellents, mais qui dépendent en grande partie de professionnels venant de l'étranger, notamment de France voisine. Le Grand Genève fait face à une situation d'inégalité d'accessibilité des soins et nous ne pouvons pas ignorer le fait que Genève s'en sort favorablement grâce au personnel soignant frontalier.

Notre situation privilégiée péjore la situation en France voisine, en raison notamment des différences salariales de part et d'autre de la frontière. La pénurie de soignantes et soignants détériore les conditions de travail et exerce une pression importante sur les équipes de soin des deux côtés de la frontière.

Il est évident qu'une politique sanitaire transfrontalière coordonnée est nécessaire afin de faire face aux défis qui nous attendent avec le vieillissement de la population, sans parler d'éventuelles pandémies ou catastrophes.

Cette résolution relève deux enjeux prioritaires: la formation et la mutualisation des ressources. Elle demande de renforcer la coopération transfrontalière en matière de santé. Malgré la frontière qui nous sépare et les différences législatives, des collaborations directes avec l'agence régionale de santé française sont possibles à travers l'accord-cadre de 2016. A l'image des conventions pour les urgences, la médecine hyperbare et la dialyse, sans oublier la collaboration pendant la crise sanitaire du covid... (Brouhaha.)

Le président. Excusez-moi, Madame la députée. Monsieur Pfeffer, si vous voulez parler, merci de le faire à l'extérieur, vous aurez beaucoup plus de place. Vous pouvez continuer, Madame.

Mme Jacklean Kalibala. Comme je disais, à l'image des conventions pour les urgences, la médecine hyperbare et la dialyse, sans oublier la collaboration pendant la crise sanitaire du covid-19, nous devons mettre en oeuvre d'autres projets permettant de garantir un accès égalitaire et de réduire la pression due aux disparités sanitaires.

La majorité de la commission vous invite donc à voter cette proposition de résolution afin de donner un signal clair au Conseil d'Etat, lui demandant d'agir pour réunir les partenaires régionaux autour d'une forte volonté politique de collaboration. Merci.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de minorité. S'il y a une chose qui n'est pas niée par la minorité sur cet objet, c'est qu'il faut continuer les négociations avec la France dans le domaine de la politique sanitaire. Mais simplement, la minorité sait bien que ces négociations sont continues; ce n'est pas cette résolution qui amènera à négocier avec la France, c'est simplement le travail normal de notre gouvernement que de dialoguer en permanence avec nos amis français.

Quelques avancées ont d'ailleurs eu lieu, elles sont la preuve que cette négociation est bien présente. D'abord, un patient français peut désormais aller aux HUG et être remboursé par son assurance-maladie. Plusieurs conventions ont été signées, en particulier sur l'utilisation du caisson hyperbare des HUG ainsi que sur les dialyses. Et enfin, des discussions sur les tarifs ont lieu en permanence.

Alors s'il faut continuer cette négociation, il faut aussi se rendre compte que la situation est assez difficile. Elle l'est à cause de blocages qui sont les nôtres, qui sont des blocages genevois. Si on n'a pas réussi à cofinancer des P+R de l'autre côté de la frontière, on peut se demander quelle serait la situation si on devait cogérer des écoles d'infirmières ou des centres médicaux - c'est autrement plus compliqué et difficile. On aurait certainement une grande peine à le faire.

La complexité administrative française est aussi un obstacle à ces négociations, en particulier le parisianocentrisme de nos voisins, qui fait que tout doit passer du département à la région, puis de la région au gouvernement central, avant de redescendre la même échelle - ça ne facilite pas les négociations et explique qu'elles n'ont pas toujours autant de résultats que souhaité.

Enfin, il y a un dernier point que j'aimerais mentionner, c'est que les hôpitaux doivent de nos jours avoir un certain nombre de patients pour pouvoir maintenir une spécialité médicale au sein de leur établissement. Par conséquent, il est plus difficile de transférer un patient de Lyon à Genève ou de Genève à Lyon, parce que c'est un patient en moins qui sera traité par l'hôpital en question, ce qui pourrait remettre en cause leur capacité à traiter de futurs sujets.

Pour ces trois raisons, à savoir le fait que les négociations continuent déjà, et ce en permanence, les difficultés d'investir en France et enfin ces nouvelles réglementations des hôpitaux sur les quotas minimaux de patients, il s'agit de refuser cette résolution.

Mme Louise Trottet (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il convient de rectifier une méprise qui figure dans le rapport de minorité: il ne s'agit pas d'une résolution à l'intention de l'Assemblée fédérale, mais bien d'une résolution cantonale, ce qui fait quand même une différence.

J'aimerais aussi ajouter que le rapporteur de minorité use d'un argument assez fréquemment invoqué lorsqu'on ne veut tout simplement pas d'une idée ou d'un objet, celui consistant à dire que la problématique serait déjà connue au niveau de l'exécutif et que le parlement n'a donc pas à s'en saisir. Or, les textes de cette enceinte, même déclaratoires, ont toute leur importance pour soutenir certaines actions du Conseil d'Etat. Notre système de santé est profondément et durablement interconnecté avec celui présent de l'autre côté de la frontière. Le covid ne l'a que trop bien montré, comme l'a soulevé la rapporteure de majorité.

Et c'est une réalité que le politique gérera d'autant mieux en l'envisageant de manière plus égalitaire et plus franche. Cette réalité est d'ailleurs de plus en plus conscientisée, il faut le souligner, avec notamment la tenue récente du colloque franco-suisse sur les ressources humaines du secteur de la santé, durant lequel certaines propositions très novatrices, qui font d'ailleurs écho à cette résolution, ont été formulées, notamment en matière de formation transfrontalière et d'échanges de personnel soignant.

Effectivement, il reste maintenant à voir ce qui sera vraiment mis en oeuvre parmi toutes ces propositions et ce qui trouvera des majorités. Par conséquent, encore une fois, cette résolution joue un rôle pour appuyer les propositions faites lors de ce colloque.

Dans les faits, il s'agit de créer les conditions pour que des deux côtés de cette frontière, les populations aient un accès rapide à des soins de qualité, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. 20% à 30% des lits en France voisine sont fermés. Nous ne serions probablement pas très satisfaits si c'était le cas de notre côté de la frontière - c'est le moins qu'on puisse dire. Cela est profondément injuste, d'autant plus lorsqu'on sait que l'attractivité des emplois chez nous n'est pas pour rien dans cette pénurie.

Il convient donc de mettre en place une formation contenant suffisamment de personnel soignant et de médecins de l'autre côté de la frontière et de réaliser cet objectif de manière concertée et planifiée sur le long terme, également en collaboration avec la France voisine.

Le vieillissement de la population et le transfert du stationnaire vers l'ambulatoire sont des variables qui vont modifier en profondeur les besoins du système de santé du Grand Genève ces prochaines années. Après le Grand Genève du logement et celui de l'économie, il faut maintenant penser et concrétiser le Grand Genève de la santé ! Pour toutes ces raisons, le groupe Vert va accepter cette résolution et vous propose d'en faire de même. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Genève a l'habitude d'exporter ses problèmes. Elle le fait dans le domaine du logement, en envoyant ses citoyens se loger dans le canton de Vaud voisin ou en France voisine. Genève a aussi l'habitude de créer, sur le plan médical et paramédical, des déserts dans la zone frontalière, puisqu'elle occupe une masse assez importante d'infirmières.

Je tiens à rappeler que des négociations constantes ont lieu - M. le rapporteur de minorité l'a dit. A cet égard, j'aimerais rappeler également la lettre d'intention, signée récemment par les HUG, qui leur demande de ne pas faire de démarchage actif et volontaire auprès du personnel médical et paramédical de France voisine.

Il est vrai que dans le cadre des négociations que nous menons avec la France, on constate un certain déséquilibre, avec un pays extrêmement centralisé, où toutes les décisions, malgré la régionalisation, doivent remonter au ministère de la santé, au ministère des affaires étrangères, auprès du premier ministre, voire du président, alors que Genève a quand même les coudées un peu plus franches à cet égard.

Cette résolution n'est pas anodine, elle représente un signal fort et important, raison pour laquelle il vaut la peine de l'accepter, et c'est pourquoi Le Centre vous recommande de le faire avec la même majorité qu'en commission. Je vous remercie.

M. Guy Mettan (UDC). Le groupe UDC refusera cette résolution. Le rapporteur de minorité a très bien expliqué les raisons pour lesquelles, si on peut souscrire au but général, qui est de maintenir et de développer la coopération, eh bien au fond, sur le plan pratique, ce texte ne sert pas à grand-chose.

J'aimerais aussi quand même préciser que si Genève crée une certaine désertification médicale de l'autre côté de la frontière, elle n'est pas la seule à le faire, la France y contribue beaucoup. Parce que par exemple, toute la France centrale, l'Auvergne, le Périgord, etc., sont des déserts médicaux, et Genève, je peux vous l'assurer, n'y est pour rien ! Ce n'est pas avec ce type de résolution qu'on va résoudre le problème des déserts médicaux français.

L'autre raison, c'est qu'on a aussi des coûts qui sont différents. Il y a le problème des infirmières, qui est celui qu'on connaît le mieux. Mais il y a aussi le problème des médecins. Pour moi, s'il y a des médecins suisses qui sont d'accord d'aller travailler et de s'installer dans la vallée de l'Arve, il n'y a aucun problème ! Mais je suis sûr que pas beaucoup de médecins suisses ne sont prêts à le faire pour venir en aide à la population française, qui en aurait besoin. Simplement parce qu'il y a des problèmes de formation, des problèmes de coût, des problèmes de revenus, qui rendent cette coopération difficile.

Ça ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire, ça veut dire qu'il faut effectivement chercher des solutions. Le Conseil d'Etat mène des discussions actives, je pense que M. Maudet va nous l'expliquer. Des solutions ont été trouvées. Ces différences sont aussi un peu réduites depuis l'ouverture du nouvel hôpital de Findrol, de l'autre côté de la frontière, qui a permis d'un peu mieux contrebalancer les choses. Il y a donc des réalisations, on avance gentiment, peut-être pas assez vite, mais nous ne pensons en tout cas pas que c'est à travers ce type de résolution qu'on résoudra ces problèmes, raison pour laquelle je vous invite à suivre le rapporteur de minorité.

M. Amar Madani (MCG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette proposition de résolution ne nous paraît pas acceptable, ni sur la forme ni sur le fond. Sur la forme, le recours à cet instrument diminue sa pertinence. Tout ce qui gagne en fréquence perd en signifiance, comme cela a déjà été soulevé maintes fois. Les conseillers nationaux sont encore les meilleurs relais pour porter cette problématique, sans qu'il soit nécessaire d'encombrer le Parlement fédéral. (Commentaires.)

Une voix. C'est une résolution pour le Conseil d'Etat.

M. Amar Madani. Maintenant, Mesdames et Messieurs, sur le fond, l'accès aux soins a occupé bon nombre de nos débats. Cette question soulève particulièrement la problématique des tensions dans les métiers de la santé. Bien sûr, les coopérations transfrontalières sont envisageables, c'est déjà le cas pour beaucoup de projets spécifiques, comme les caissons hyperbares et les dialyses, ou encore pour les échanges d'expériences et le partage des savoirs.

Quant à la question du personnel frontalier dans nos institutions, elle n'est pas spécifique à ce secteur d'activité. C'est une réalité générale qui touche davantage ce secteur en raison de l'attractivité de la place genevoise en matière de salaires et d'organisation du travail. Lier ce phénomène aux déserts médicaux dans les départements français voisins est un raccourci.

La direction française des études, de l'évaluation et de la statistique conteste d'ailleurs la notion de désert médical en général et préfère utiliser des indicateurs plus pertinents et opérationnels en la matière pour les définir et les mesurer.

Pour combattre l'hétérogénéité en matière d'accès aux soins sur notre territoire, Genève doit développer un modèle de santé autocentré. Des solutions ont été avancées et réitérées. Elles sont d'abord centrées sur l'attractivité de ces métiers, l'orientation des élèves à la sortie du cycle d'orientation, la formation professionnelle et les places de stage, les conditions de travail et les rémunérations.

Tout comme pour le domaine alimentaire, la souveraineté en matière de santé est une donnée essentielle de notre développement et de notre cohésion. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Regarder ailleurs, c'est organiser une fuite en avant sans retombées concrètes pour nos concitoyens. C'est notamment le cas pour la proposition de constitution d'un fonds, dont on ne sait comment il serait financé, à quelle hauteur et pour quel objectif. Les coopérations doivent toujours rester souples et s'adapter en dehors de tout carcan institutionnel et bureaucratique.

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Amar Madani. Mesdames et Messieurs, pour toutes ces raisons, le MCG votera non à cette résolution.

M. Romain de Sainte Marie (S). Bon, d'abord, je suis un peu étonné, puisque le MCG retourne sa veste; il avait voté unanimement en commission, ses deux députés ayant accepté cette résolution. Peut-être qu'ils n'avaient pas tout à fait compris ce texte, étant donné que mon préopinant n'a pas saisi que cet objet invite le Conseil d'Etat et non pas l'Assemblée fédérale à agir en matière de relations avec les départements de France voisine.

Peut-être que cet élément fera que le MCG retournera à nouveau sa veste à la fin de mon intervention, car il aura compris que notre marge de manoeuvre est ici tout à fait cantonale.

J'entendais le rapporteur de minorité parler des P+R et de cette malheureuse votation, qui a quand même déjà dix ans ! Alors si en dix ans nous n'osons plus parler à nos voisins français pour développer le Grand Genève parce qu'on a encore le traumatisme de ce vote sur les P+R, ma foi, nous n'allons pas beaucoup avancer et nous n'allons plus oser faire quoi que ce soit dans cette région, qui est bien une région qui dépasse les frontières et qui s'étend sur le canton de Vaud, celui de Genève et les deux départements de France voisine.

On l'a bien amené, nous parlons de déserts médicaux. Alors ce n'est pas le désert médical de l'Auvergne et du Périgord, pardon, Monsieur le député UDC Mettan - la densité de population dans ces régions n'est pas tout à fait la même que celle de la France voisine, où la densité est à l'inverse beaucoup plus élevée, avec les villes qui bordent la frontière genevoise. Là, on parle bien d'un désert médical, il faut le dire, dont Genève est en effet la cause, par l'attractivité salariale, par l'attractivité de ce centre urbain: nous attirons effectivement la main-d'oeuvre dans le domaine de la santé.

Au sujet de cette main-d'oeuvre, il convient d'arrêter avec cette croyance selon laquelle les dangereux frontaliers piquent le travail des Genevoises et des Genevois, puisque s'il y a bien un domaine dans lequel on voit un taux de chômage plus faible, quasiment nul même, c'est bien celui de la santé. Cela révèle un enjeu majeur, celui de la formation. C'est là que nous devons agir dans le canton de Genève et au niveau de la Confédération; l'initiative fédérale concernant les soins infirmiers a d'ailleurs été acceptée.

Et puis, il y a aussi une logique qui doit exister des deux côtés de la frontière, le rapporteur de minorité le mentionnait: si nous devons agir de manière coordonnée avec la France en matière de logement, il en va de même pour la formation en matière de santé. Là aussi, cette résolution invite à agir de façon coordonnée avec le voisin français pour former davantage, pour faire en sorte que nous gardions notre qualité en la matière à Genève et garantir ainsi que la France voisine ne soit pas un désert médical. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste, et j'espère maintenant le MCG également, votera cette résolution ! (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Une remarque rapide à l'intention du député UDC qui a cité tout à l'heure les déserts médicaux de l'Auvergne ou du Périgord: lorsque je me balade dans les HUG ou dans certaines cliniques privées, je constate d'après les accents que j'entends qu'il y a pas mal de gens qui viennent justement d'Auvergne, du Périgord, de Toulouse ou de Provence. Merci.

M. Laurent Seydoux (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, il est clair que les enjeux de notre région sont vastes et nombreux et que celui des soins infirmiers et des aspects médicaux est extrêmement important. Cette résolution a vraiment comme objectif un engagement de la part du canton, qui, je le rappelle, est un pôle extrêmement important et attractif pour notre région, mais également que cet engagement puisse déborder avec l'appui de nos régions frontalières. Je crois que c'est un véritable enjeu que d'avoir les collaborations les plus importantes possibles entre les régions frontalières et Genève, et on le voit par rapport à l'attractivité de notre canton.

Le groupe Libertés et Justice sociale soutiendra vivement ce texte, qui a l'avantage de propulser notre région vers le futur; ces collaborations sont absolument indispensables. Nous vous encourageons donc à voter en faveur de cette résolution. Merci.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de minorité. Je crois que l'essentiel des arguments, dans un sens comme dans l'autre, a été dit, et il ne faudrait pas se répéter. Mais on a pu voir notamment que les négociations ont lieu en permanence entre la France et la Suisse, ce dont témoigne ce qui figure dans le rapport de majorité, à savoir l'accord de collaboration avec l'agence nationale de santé française qui date de 2016. Cela montre bien qu'il y a un échange et une discussion continus entre le gouvernement genevois et ses homologues de la Haute-Savoie et de l'Ain.

Le problème dont on a beaucoup parlé ici est celui du désert médical autour de nous en France. Je crois que ce désert médical n'est pas... Enfin, il est partiellement dû à Genève, il ne faut pas se voiler la face, mais c'est un problème que les Français ont absolument partout. Dans toutes leurs régions, il y a des problèmes de densité médicale, et on ne doit pas penser que la disparition des HUG par exemple, qui cesseraient d'attirer les infirmières françaises, réglerait le problème du désert médical qui nous entoure.

Pour ces deux raisons, je vous invite à rejeter une résolution qui ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes en disant par exemple qu'il faut appliquer la loi partout où elle doit être appliquée. Le gouvernement mène les négociations là où cela doit être fait et il n'a pas besoin de cette résolution. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à la rapporteure de majorité pour trente secondes.

Mme Jacklean Kalibala (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président, je ferai vite. Je pense juste qu'il est important de noter dans ce discours consistant à se focaliser sur le désert médical qu'il y a effectivement des déserts médicaux en France, mais que c'est aussi le cas en Suisse: des régions sont dépourvues de médecins et d'infirmiers. Et vu que notre canton dépend majoritairement d'infirmières étrangères - aux HUG, 60% des infirmières et 40% des médecins sont d'origine étrangère -, nous ne sommes pas à l'abri de nous retrouver dans une situation de pénurie de médecins et de soignantes.

Le but de la coopération est donc justement qu'on puisse garder notre bon système de santé et le nombre de soignantes dont on dispose actuellement.

Le président. Merci, Madame la députée.

Mme Jacklean Kalibala. La résolution souhaite précisément combattre les blocages et aller de l'avant afin de continuer à améliorer la coordination et la collaboration transfrontalière.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, c'est en réalité un débat important qui est mené à la faveur de cette résolution, et j'aimerais dire d'emblée que pour le Conseil d'Etat, la question de l'espace sanitaire, qui va évidemment au-delà des frontières cantonales, aussi bien en direction de la Confédération et des autres cantons que des régions françaises voisines, est fondamentale. Mme la rapporteure de majorité vient de le dire avec beaucoup de pertinence, nous avons en Suisse déjà des cantons qui vivent, qui subissent - utiliser le verbe vivre serait un abus de langage - des déserts médicaux, je pense par exemple au canton du Jura, dans une certaine mesure à celui de Neuchâtel ainsi qu'à toute une série de cantons du Plateau.

La réalité de cette pénurie de personnel s'affranchit des clichés, qui, malheureusement, parsèment le rapport de minorité. La France, ce n'est pas le tiers-monde médical que l'on décrit, en tout cas pas de façon aussi claire et répartie que ça. Les Français sont les premiers à admettre - c'était le cas lors d'un colloque le mois passé à Paris - qu'ils procèdent de la même façon que nous, et sans forcément le vouloir, à une extraction de forces vives d'Afrique du Nord pour réaliser des soins, par exemple dans les EHPAD - c'est ainsi qu'on appelle les EMS en France - du sud du pays. On est donc toujours à côté du désert médical d'un autre. La réalité est que notre monde est interconnecté, que nous avons intérêt à nous préoccuper de cette problématique dans notre région, mais avec un regard qui va au-delà de cette situation, qui, de façon générale, va toucher l'Europe de plein fouet d'ici quelques années.

Cette réalité, vous l'avez dit, à Genève, c'est plus de 60% du personnel soignant du personnel des HUG qui vient de France voisine. Là, il faut quand même se souvenir qu'il y a cinq ans de cela, quatre ans et demi même plus exactement, dans le cadre de l'épidémie du covid, précédemment évoquée dans cette enceinte, nous avons pu faire fonctionner la coopération transfrontalière au-delà de ce que l'on imaginait. Rappelez-vous: si l'on appliquait strictement la fermeture des frontières, on avait finalement 60% du personnel des HUG qui n'étaient pas disponibles et les Hôpitaux universitaires de Genève pouvaient arrêter de pratiquer.

Donc dans ce sens-là, le rapporteur de minorité a raison quand il dit que lorsqu'il faut trouver des solutions, il y a un dialogue constant et qu'on les trouve, mais on ne peut pas se contenter de situations d'urgence pour faire avancer la coopération transfrontalière.

Et c'est là que cette résolution prend tout son sens. Je me permets, Monsieur le président, de tordre le cou à l'idée répandue dans certains groupes, semble-t-il, que ce serait une résolution destinée à l'Assemblée fédérale: ce texte est destiné au Conseil d'Etat et on parle bien ici de politique cantonale, pour un canton qui a quand même cent kilomètres de frontière avec la France et dix à peine avec le reste de la Suisse, soit le canton de Vaud. Dans ce contexte-là, il y a trois enjeux clés, sur lesquels, il faut le dire, on a peu avancé ces dernières années.

D'abord, la question de l'embauche. Sans nous culpabiliser, il faut admettre que lorsqu'en France - imaginez-vous, mettons-nous à leur place - on forme à tour de bras des infirmiers et infirmières et que dans les trois mois qui suivent, un certain nombre fichent le camp dans le pays d'à côté alors que la formation a été assumée par l'argent public des citoyennes et citoyens français, ça pose un problème ! On ne peut pas juste le nier. Sinon, on admet publiquement qu'on va continuer de pomper éhontément les ressources du pays voisin ! Ce n'est pas notre vision de la coopération transfrontalière. Le reconnaître et voter cette résolution, c'est admettre qu'on a un problème partagé.

Mettez-vous par exemple à la place des maires de Viry, de Valleiry, que j'ai rencontrés encore ce matin, dont les communes sont situées en bordure de Genève: on ne peut pas aujourd'hui admettre qu'ils ont construit des EMS et que deux tiers des lits ne sont pas exploitables pour les personnes âgées qui ont vécu toute leur vie dans ces villages aux alentours de Genève. Pas exploitables non pas parce qu'ils n'ont pas l'argent, mais parce qu'ils ne trouvent personne pour faire fonctionner ces EMS.

C'est un problème similaire que nous avons dans le domaine des transports avec les conducteurs de bus: nous ne voulons pas, nous ne pouvons pas - et je sais que le MCG nous soutient là-dessus - aller pomper éhontément les ressources publiques françaises pour conduire des véhicules de transport en commun. Parce qu'à terme - il faut réfléchir ! - s'il n'y a plus de bus, plus de train, les infirmières et les infirmiers ne viendront évidemment plus. Ou alors ils prendront la voiture et on retombera dans les problèmes que nous avons évoqués en début d'après-midi - ce n'est évidemment pas ce qu'on souhaite.

Il doit y avoir une certaine osmose, un équilibre. Nous devons nous soucier de la capacité de nos voisins français d'assumer leurs responsabilités dans les services publics, les transports, la santé, dans toute une série de domaines. Leurs problèmes sont aussi les nôtres. Cette résolution le dit et le dit bien, et sur la question de l'embauche, c'est central.

Sur la question de la formation, que j'ai évoquée incidemment, les Français sont aujourd'hui prêts à mettre le paquet. Les Suisses, Genève, le font aussi. Vous savez qu'on a ce projet d'école sur le terrain de la Goutte de Saint-Mathieu à Bernex. Chaque année, nous «fabriquons», nous «produisons», entre guillemets, jusqu'à 250 infirmiers ou infirmières à Genève, lorsque nous avons des candidats. Je souligne ce qui a été dit tout à l'heure avec pertinence: il n'y a pas de chômage dans ce domaine-là. Il n'y en a pas ! Et donc si on pouvait former plus, on le ferait, mais ce n'est pas possible. Pas parce qu'il n'y aurait pas suffisamment de places, mais parce qu'on n'a pas assez de candidats. Alors j'entends là aussi les propos des opposants à cette résolution: on peut rendre la formation plus attractive, on peut le cas échéant faire plus de publicité, mais ça ne va pas nous offrir les bataillons nécessaires. Et là aussi, le problème est partagé avec la France.

Et puis, le dernier élément est celui qui concerne la patientèle, et cela a été évoqué, mais on est passé dessus un peu comme chat sur braise. Les Hôpitaux universitaires de Genève, soit un des cinq hôpitaux universitaires de Suisse, un fleuron du point de vue médical, on peut y injecter tout l'argent qu'on veut, au bout d'un moment, s'ils n'ont pas la masse critique, la capacité de permettre par exemple à des chirurgiens d'avoir le volume suffisant d'opérations par année, eh bien ils vont baisser, ils vont régresser. Et c'est quand même hallucinant !

Je prends un exemple peut-être un peu caricatural, mais assez frappant: on a tout autour de Genève une patientèle potentielle qui voit des enfants atteints d'un cancer, résidant à Collonges-sous-Salève, soit à dix kilomètres à vol d'oiseau des HUG, être obligés d'aller plusieurs fois par semaine à Grenoble ou à Lyon, parce que le principe de territorialité nous empêche d'hospitaliser ces enfants - et c'est un cas réel - aux Hôpitaux universitaires de Genève.

Voilà un domaine dans lequel la tâche est ardue, parce que, Mesdames et Messieurs, je ne vous le cacherai pas, les systèmes d'assurance-maladie sont très différents et parce que les tarifs pratiqués à Genève rendent cette hospitalisation en oncologie pédiatrique extrêmement compliquée, voire difficilement concevable du point de vue financier. Mais du point de vue du bassin de vie que l'on partage et même par rapport à la masse critique de patientèle pour les HUG, c'est un enjeu fondamental.

Par conséquent, et je conclus, Mesdames et Messieurs, cette résolution nous semble très importante, parce qu'elle montre qu'on prend la mesure du problème; elle affiche clairement le fait qu'on partage une communauté de destin, un bassin de vie, qu'il y a certes des efforts à fournir des deux côtés, mais qu'on ne peut pas juste se désintéresser de la situation française s'agissant de l'embauche, de la formation et de la patientèle. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, au sein du Conseil d'Etat, nous cherchons des solutions gagnant-gagnant.

Nous sommes en étroite discussion et nous avons intensifié les collaborations avec l'agence régionale de santé, basée à Lyon, ainsi qu'avec le partenaire côté français, qui est l'institut de formation - il y a notamment un bâtiment en construction à Annemasse, dans le cadre duquel nous pourrions développer des collaborations. Et nous accueillerions avec grand intérêt un soutien fort de ce parlement à cette résolution, pour mettre du vent dans les voiles au Conseil d'Etat et aller dans cette direction. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.

Mise aux voix, la résolution 1012 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 47 oui contre 39 non et 1 abstention (vote nominal). (Commentaires pendant la procédure de vote. Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 1012 Vote nominal