République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

P 2216-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Pour le droit à un congé prénatal dans les secteurs publics et subventionnés !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 21 et 22 novembre 2024.
Rapport de M. Jean-Pierre Tombola (S)

Débat

Le président. J'ouvre le débat sur la P 2216-A (catégorie III) en cédant la parole à M. Jean-Pierre Tombola.

M. Jean-Pierre Tombola (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette pétition demande l'introduction d'un congé prénatal de quatre semaines pour les femmes qui travaillent dans l'administration publique et dans le secteur subventionné. La Suisse est à la traîne dans ce domaine par rapport à d'autres pays européens tels que l'Autriche, l'Allemagne ou l'Espagne, qui accordent un congé prénatal allant de six à neuf semaines. En effet, ce n'est pas le cas en Suisse; aucune loi au niveau fédéral ne permet d'accorder ce congé prénatal aux femmes.

Or, selon l'Office fédéral des assurances sociales, 70% de femmes enceintes se mettent en arrêt maladie, partiel ou total. Or, ces femmes ne sont pas malades, elles sont tout simplement enceintes. Il n'est pas normal que les femmes continuent de subir des pressions. Les associations, les syndicats ont fait plusieurs fois des demandes visant à ce qu'un tel congé prénatal soit accordé, mais cela est resté lettre morte.

Genève peut montrer l'exemple en accordant quatre semaines de congé prénatal sur le modèle du congé maternité, puisque 23% des femmes enceintes continuent de travailler jusqu'au terme de leur grossesse, mais elles le font sous pression et contrainte. Il est tout à fait normal de leur accorder quatre semaines de congé prénatal pour leur permettre de lâcher prise, de se reposer. En vue de cet événement heureux, il est normal que les femmes bénéficient de ces conditions de prénatalité, non seulement pour leur bien-être, mais aussi celui de leurs enfants.

La période du covid a clairement montré que le congé prénatal est bénéfique autant pour le bien-être des femmes enceintes que pour celui des enfants. Genève peut montrer cet exemple. Après avoir auditionné les spécialistes du domaine ainsi que la conseillère d'Etat, Mme Fontanet, la commission a été unanime sur la nécessité d'accorder ce congé prénatal aux femmes. Pour toutes ces raisons, la commission vous recommande de suivre ce qu'elle a voté à l'unanimité et de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Merci.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui encore, les droits des femmes ne sont pas acquis. Ils sont remis en question dans le monde, par exemple le droit à l'avortement aux Etats-Unis. Hier soir, lors des trente ans du prix Martin Ennals, une femme primée était absente parce qu'elle défend les droits des femmes et les droits humains.

Aujourd'hui, en Suisse, il y a toujours plus de violences domestiques et il n'y a toujours pas d'égalité salariale. Aujourd'hui, en Suisse, les femmes ont le droit de vote, mais seulement depuis 1971. Aujourd'hui, en Suisse et à Genève, les femmes ont un congé maternité. Par contre, aujourd'hui, en Suisse et à Genève, il n'existe aucun congé prénatal.

Quand les femmes sont enceintes, au niveau du système, elles sont considérées comme malades - mon préopinant l'a dit, mais c'est important de le redire. Non, les femmes ne sont pas malades quand elles sont enceintes ! Oui, la grève féministe du 19 juin a tout son sens - puisque c'est elle qui a lancé cette pétition -, parce qu'il y a encore des droits à faire reconnaître.

Bénéficier d'un congé prénatal permettrait aux femmes et aux personnes enceintes de se reposer avant l'accouchement ainsi que d'éviter des problèmes fréquents liés à la fatigue et au stress.

Sans ce droit, les femmes et les personnes enceintes travaillent souvent trop longtemps sur la fin de leur grossesse avant d'être mises en arrêt par leur médecin. Le droit au congé prénatal est donc une évidence. C'est pour cela que la commission des pétitions a voté à l'unanimité un renvoi de ce texte au Conseil d'Etat. Cela permettrait de reconnaître les conséquences physiques d'une grossesse et aurait un impact fort pour la santé des femmes et pour leur bébé. Merci. (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (LC). Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, la femme enceinte qui arrête de travailler le fait de sa propre volonté, en fonction de comment elle se sent et non en fonction du nombre de semaines qui lui reste jusqu'à la date de l'accouchement. A trente-sept semaines, beaucoup de femmes enceintes supportent déjà une fatigue importante et des contrôles réguliers sont effectués. Si, pour certaines de ces femmes, il est rassurant de savoir qu'elles peuvent s'arrêter en présentant un certificat médical et que cela représente pour elles un soulagement, pour d'autres, un congé obligatoire risque d'être anxiogène, par exemple pour les femmes qui travaillent dans un domaine créatif qui ne sollicite pas d'efforts physiques.

Eh bien c'est ce que je croyais, jusqu'à entendre les professionnels qui sont venus nous parler lors des auditions. Ils nous ont rappelé que s'arrêter avant le terme permet surtout à la future maman de se préparer dans le calme à sa nouvelle vie, qui sera fondamentalement différente de celle qu'elle a connue jusqu'à ce moment-là. Ces professionnels nous ont fait prendre conscience que le moment le plus dur, ce n'est pas l'accouchement, mais celui qui suit, tellement le bouleversement dans la vie est énorme avec l'arrivée d'un enfant. Sauf que, si on n'a pas pris le temps de se préparer avant l'accouchement, eh bien après, c'est quasiment impossible de le faire sereinement.

Dès lors, il est essentiel pour la future mère de pouvoir lâcher prise, se préparer sereinement, et ce congé prénatal a du sens, raison pour laquelle Le Centre soutiendra cette pétition, qui formule cette demande, et la renverra au Conseil d'Etat, afin que l'Etat puisse montrer l'exemple à l'ensemble de la société. Je vous remercie.

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, le groupe PLR vous demande de renvoyer cette pétition à la commission sur le personnel de l'Etat, non pas du tout pour remettre en question ce qui a été dit - propos auxquels le PLR adhère, il a en effet voté avec l'ensemble de la commission sur le fond de la pétition -, mais parce que nous avons récemment décidé de nous doter d'une commission spécifique pour traiter toutes les questions relatives au personnel de l'Etat. En l'occurrence, il s'agit bien de cela. Et ce d'autant plus que le département travaille aujourd'hui à un projet de loi qui vise à créer un congé prénatal.

Pour ces raisons, il nous paraît important que la commission thématique qui travaille sur le fond de ces questions puisse se saisir de la problématique et intégrer cette pétition, notamment dans le cadre des travaux menés par le département. Monsieur le président, je vous demande donc de faire voter le renvoi de cette pétition à la commission sur le personnel de l'Etat. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur sur cette demande de renvoi.

M. Jean-Pierre Tombola (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. La commission des pétitions a fait son travail, elle a auditionné le Conseil d'Etat ainsi que les professionnels. Ils ont donné toutes les informations nécessaires, qui ont guidé la décision de la commission, prise à l'unanimité. Je vous demande donc de refuser le renvoi en commission. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je lance la procédure de vote sur cette demande de renvoi.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la pétition 2216 à la commission sur le personnel de l'Etat est rejeté par 43 non contre 40 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Le président. Nous poursuivons notre débat. Je cède le micro à Mme Jacklean Kalibala.

Mme Jacklean Kalibala (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste ici rétablir quelques faits. On parle des femmes en fin de grossesse et du fait qu'elles ont besoin de se reposer. Ce n'est pas une question de repos... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, Madame, un instant. Le groupe UDC peut-il sortir de la salle s'il veut parler ? (Commentaires.) Voilà, vous pouvez continuer, Madame.

Mme Jacklean Kalibala. Comme je le disais, il ne s'agit pas ici d'une question de repos. La majorité des femmes se retrouvent en arrêt maladie à la fin de leur grossesse... (Brouhaha.)

Le président. Excusez-moi, Madame. Je crois que vous n'avez pas compris, Messieurs. (Commentaires. Rires.)

Une voix. Ouais, franchement, c'est bon, là !

Une autre voix. Nicollier, dehors ! (Rires.)

Le président. Vous pouvez poursuivre, Madame.

Mme Jacklean Kalibala. Merci, Monsieur le président, je reprends. La majorité des femmes se retrouvent en arrêt maladie à la fin de leur grossesse non parce qu'elles sont fatiguées, mais parce que le milieu du travail est largement inadapté à l'état de fin de grossesse, période durant laquelle des changements physiologiques font que les femmes ne peuvent pas effectuer certaines tâches. Elles ont besoin d'être en position assise ou allongée pendant des périodes prolongées, et le milieu du travail n'est pas adapté.

Cet état de fait force leurs médecins à mettre les femmes en arrêt de travail. Ce n'est pas un choix, c'est forcé, pour la bonne poursuite de la grossesse, pour la femme et l'enfant. On parle donc ici d'une nécessité d'un point de vue de santé. Dans l'idéal, les femmes ne devraient pas travailler jusqu'à la fin de leur grossesse. Or, c'est ce qui se passe actuellement, ce qui pousse les femmes à se mettre en arrêt maladie. Ce congé prénatal leur permettrait de poursuivre leur grossesse dans des conditions idéales pour éviter autant que possible les complications maternelles et foetales. C'est de ça qu'il s'agit ici.

Nous sommes également étonnés que le Conseil d'Etat soit contre cette pétition, qui propose une mesure qui correspond aux besoins physiologiques des femmes, et vous invitons à l'accepter en allant contre l'avis du Conseil d'Etat, qui n'est probablement pas au fait de ce que subissent les femmes en fin de grossesse dans le monde du travail. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. François Baertschi (MCG). Sans me prononcer sur le fond de la pétition, qui a été acceptée à l'unanimité par la commission, je relève qu'il y a malheureusement un problème technique qui n'a été évoqué ni par les pétitionnaires ni en commission, celui de savoir si les montants qui devront être payés pour ce congé prénatal seront assumés par le fonds de l'assurance maternité. Nous avons un fonds autonome. Il faut savoir si c'est à lui que cela reviendra ou si ce sera compris dans le budget de l'Etat. J'estime que c'est une question technique qui mérite qu'on y passe un peu de temps, pour que le Conseil d'Etat ne nous envoie pas une réponse bâclée et qui n'irait nulle part.

Je crois qu'il faut essayer d'avancer et de donner une réponse sérieuse aux pétitionnaires - nous leur devons ça, parce qu'il y a véritablement une inquiétude parmi les syndicats de la fonction publique, au sein du Cartel. Je pense que ce serait tout à fait logique et raisonnable de renvoyer ce texte à la commission sur le personnel de l'Etat. Je propose donc ce renvoi. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons procéder au vote sur cette demande.

Une voix. Vote nominal ! (Des mains se lèvent.)

Le président. Je vois que vous êtes suffisamment soutenue, le vote nominal est donc accepté. Je lance la procédure de vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la pétition 2216 à la commission sur le personnel de l'Etat est rejeté par 47 non contre 40 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2216 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 65 oui contre 18 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)