République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 novembre 2024 à 14h
3e législature - 2e année - 7e session - 39e séance
P 2194-A
Débat
Le président. Nous passons au traitement des pétitions en catégorie II, trente minutes. J'appelle la P 2194-A. Monsieur Pistis, la parole vous revient.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. L'orateur marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) ...la commission des pétitions a traité ce texte titré «Faune sauvage: Urgence, Non aux tirs des cerfs dans le canton de Genève». Plus d'une centaine de personnes l'ont signé. Que demande cette pétition ? Que l'on cesse l'abattage des cerfs. Ce qu'il faut savoir, c'est que dans le canton de Genève... (Brouhaha.)
Le président. Un petit instant, Monsieur Pistis. Je prie les personnes qui veulent discuter de se rendre à l'extérieur de la salle ! Je le dis notamment pour le groupe UDC. S'il vous plaît, Messieurs ! Merci de quitter les lieux: nous disposons d'un très bel espace ainsi que d'une buvette en bas, alors sortez et laissez l'orateur s'exprimer !
M. Sandro Pistis. Merci, Monsieur le président. Je reprends depuis le début: cette pétition vise à stopper le tir des cerfs. Ce qu'il faut savoir, c'est que dans le canton de Genève, la chasse est interdite. De fait, c'est un service de l'Etat qui gère tout ce qui a trait à la régulation des cerfs, des sangliers et d'autres espèces d'animaux. Les pétitionnaires demandent que l'on mette fin au tir des cerfs et qu'en lieu et place de celui-ci, on vaccine les bêtes avec un produit contraceptif appelé immunocontraceptif. Ce type de vaccination... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, les socialistes ! S'il vous plaît, les Verts ! Pouvez-vous laisser le rapporteur de majorité intervenir ? Si vous souhaitez discuter, je répète qu'il y a une salle à côté, vous pouvez sortir ! Si le débat ne vous intéresse pas, vous pouvez sortir également ! Merci. Poursuivez, Monsieur Pistis.
M. Sandro Pistis. Bon, j'ai passé quasiment la moitié de mon temps à écouter les autres, donc j'espère que le président sera conciliant ! Les pétitionnaires - je vais y arriver ! - veulent que le canton de Genève change de pratique et, plutôt que d'abattre les cerfs, vaccine ces derniers à l'aide d'une substance contraceptive.
Dans les grandes lignes, en commission, le signataire a fait état d'une méthode pratiquée aux USA: apparemment, certains animaux sont vaccinés pour éviter leur reproduction et la surpopulation. Nous avons également procédé à l'audition du représentant du département qui gère la problématique de la régulation de manière générale. Il a été relevé que sur une île aux Etats-Unis, on a laissé des animaux - des élans - entre eux sans prédateurs, et la conséquence, c'est que cette population sans prédateurs s'est éteinte d'elle-même. Une absence de régulation de ce type d'animaux pose problème, car à Genève, il n'existe pas de prédateurs qui chasseraient et mangeraient les cerfs.
Nous avons encore entendu une autre personne qui a relevé certains éléments au sujet d'un tel procédé, notamment des éléments éthiques: qui sommes-nous pour vacciner les animaux de façon à ce qu'ils ne puissent plus se reproduire ? Qu'en est-il par ailleurs des cerfs qui voyagent, transitent entre différents cantons, entre la France et la Suisse ? Est-il légal que des cerfs vaccinés se fassent ensuite chasser en France - puisque la chasse y est autorisée ? Une fois les individus tués et consommés, quelles seraient les répercussions sur l'humain sachant qu'ils ont été vaccinés avec un produit contraceptif ? Nous avons donc discuté de ces questions éthiques, comme je l'ai dit. La majorité de la commission recommande le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Merci.
Mme Céline Bartolomucci (Ve), députée suppléante et rapporteuse de première minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, 73% en cinquante ans: c'est la baisse des populations d'animaux sauvages dans le monde, selon le dernier rapport «Planète vivante» du WWF International. Malgré ce constat alarmant, la COP16 sur la biodiversité s'est achevée sans accord financier et dans l'indifférence générale. En Suisse, la situation est tout aussi préoccupante, et pourtant, un conseiller fédéral plaide actuellement pour la destruction des terres agricoles au profit des autoroutes; la perspective d'amélioration semble donc bien lointaine.
Face à cette crise de la biodiversité, notre responsabilité, en tant qu'élus genevois, est d'agir avec exemplarité et innovation, car Genève a historiquement interdit la chasse de loisir en 1974, marquant son engagement et celui de ses habitants en faveur de la protection de la faune. La pétition que nous examinons, soutenue par près de 15 000 signatures en ligne, propose de suspendre le tir des cerfs dans les bois de Versoix au profit d'un projet pilote de contraception. Comme décrit précédemment, cette méthode a déjà été éprouvée aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Espagne, est réversible et respectueuse des écosystèmes ainsi que des groupes sociaux des animaux.
L'impact sur les cultures agricoles et forestières invoqué comme justification de la régulation mérite d'être replacé dans son contexte: évidemment, il existe, mais il reste localisé et gérable avec des solutions préventives, pour peu qu'on veuille bien prendre le temps d'en discuter avec les acteurs et experts concernés. En réalité, soyons clairs: l'agriculture souffre davantage de la pression sur les prix et du manque de valorisation des produits locaux que des dégâts causés par quelques cerfs, mais bien sûr, réfléchir à ces vrais défis exige davantage d'efforts que simplement sortir un fusil. Quant aux forêts, les experts sont formels: elles ne sont pas en danger. Aujourd'hui, d'ailleurs, elles sont plutôt exploitées pour être réduites en pellets de chauffage.
Sur le plan légal, l'article 16, alinéa 1, de la loi genevoise sur la faune impose que le tir ne soit autorisé qu'après épuisement des mesures préventives, ce qui est toujours attendu, car la contraception n'a jamais été testée. D'aucuns prétendent que cette solution n'est pas éthique, mais est-il plus éthique de perturber la vie sociale de ces animaux grégaires en abattant devant eux des membres de leur groupe ?
Dépassons le dogmatisme facile et l'anthropomorphisme bien commode: la pétition ne vise rien de plus qu'une approche scientifique, à savoir la réalisation d'une étude pilote pour évaluer une option avec sérieux. Au-delà des aspects techniques, ce débat soulève une question fondamentale: quelle cohabitation voulons-nous entre l'humain et la nature ? Genève, canton sans chasse depuis cinquante ans, bénéficie d'une population de cerfs unique en Suisse, ce qui doit être considéré comme un patrimoine naturel précieux et une opportunité, non comme une menace.
Je conclurai avec ces mots célèbres de Gandhi: «On reconnaît le degré de civilisation d'un peuple à la manière dont il traite ses animaux.» La première minorité vous invite à soutenir cette pétition. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, replaçons cette pétition dans un contexte plus large, tant au niveau géographique que temporel et éthique. L'interdiction de la chasse votée par le peuple il y a cinquante ans exige que toutes les solutions soient étudiées, notamment les mesures préventives, afin d'éviter le tir. Quel meilleur endroit que Genève pour tester la vaccination ? Nous avons un devoir d'exemplarité et d'innovation du fait même de notre statut de canton sans chasse. La vaccination fait partie des autres voies qu'il faut tester avant de recourir au tir, autres voies qui ne semblent pas vraiment intéresser le canton; celui-ci a changé plusieurs fois son fusil d'épaule dans le cas des cerfs, et à mon avis, ce n'est pas fini, au vu des derniers comptages effectués sur le terrain cette année - j'y reviendrai.
Arguant d'abord de la protection de la forêt, puis du coût des dégâts causés aux cultures et enfin de la difficulté à tirer des animaux pour leur administrer un vaccin, l'Etat a même fini par invoquer l'éthique. Mais comment peut-on prétendre savoir comment se sent une biche et supposer sa préférence à être morte plutôt que féconde pendant 24 heures durant le mois du rut, franchement ?! Les autorités cantonales refusent d'écouter les milliers de pétitionnaires qui, à deux reprises, ont réclamé que cette alternative soit testée: une première fois par leur soutien à la présente pétition, une seconde fois via un sondage en avril 2024 ciblé cette fois-ci sur les résidents genevois et dont les résultats montrent leur très nette préférence pour la vaccination. A l'oubli de la constitution, aux arguments biaisés, à l'absence de bon sens, va-t-on encore ajouter le mépris des citoyens ?
En conclusion, considérant que les autorités ont elles-mêmes reconnu que la présence des cerfs ne nuit pas à la forêt genevoise, qu'un choix pertinent des cultures et de leur emplacement est possible pour limiter les dégâts qui sont par ailleurs toujours indemnisés, que tout l'aspect relatif à la découverte par le public de cette espèce emblématique de même qu'à son intérêt touristique n'a jamais été évalué ni étudié, que les mesures visant à réhabiliter les corridors biologiques n'ont toujours pas été implémentées alors même que tout le monde s'accorde à reconnaître l'urgence de préserver les deux derniers couloirs encore fonctionnels entre le Jura et les bois de Versoix, que le peuple souhaite que la vaccination soit testée et la préfère au tir, que le canton, après avoir abattu 24 biches en 2023, entend tirer 65 cervidés en 2024 (mâles, biches et jeunes inclus) alors que leur population n'est aujourd'hui que de 80 individus en hiver, qu'il n'y en aurait alors plus qu'une quinzaine et que pour la poignée d'agriculteurs impactés, ce serait sans doute encore trop - il y aura toujours des dégâts, même s'il ne restait qu'une seule bête -, que les cerfs ne sont présents que dans un seul massif boisé du canton, celui de Versoix, qui couvre 5 kilomètres carrés, soit 1,7% de la surface cantonale - est-ce vraiment trop ? -, que les pétitionnaires sont prêts à s'engager bénévolement aux côtés de l'Etat pour tester la vaccination et que dans notre canton où la main-d'oeuvre est chère, très chère, cette option serait vraiment moins onéreuse que l'engagement de gardes de l'environnement pour poser des clôtures et protéger les cultures, il faut soutenir la pétition, respecter la volonté des habitants et tester la vaccination. Je vous remercie.
Une voix. Bon, alors on va manger du hérisson !
Mme Christina Meissner. Ah, tu serais bien le premier !
M. Lionel Dugerdil (UDC). En préambule, Monsieur le président, vous transmettrez à Mme Bartolomucci, qui invoque la diminution des populations animalières: comment, en les stérilisant, fera-t-on augmenter leur nombre ? J'ai de la peine à saisir le sens du message.
Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, en 1974, la chasse a été interdite à Genève, ce qui a délégué d'office les compétences de régulation de la faune à l'Etat. Dès lors, le canton est responsable de cette question. Dans les bois de Versoix, les cerfs pullulent et causent des dégâts considérables aux cultures. Pour bien connaître les agriculteurs concernés et les conséquences de la surpopulation de cervidés - contrairement à certaines de mes préopinantes -, je vous garantis que dans la région, la situation est clairement invivable pour les exploitants.
Pour le groupe UDC, il n'est pas question d'entrer en matière sur cette pétition, mais bien de soutenir l'Etat dans son rôle de régulation et de protection des cultures. En effet, les terres agricoles et ce qu'elles permettent de produire ne sont ni une place pour stocker les déchets toxiques du canton, ni un périmètre pour assouvir les fantasmes de la Chambre genevoise immobilière, et encore moins une zone de pâture pour des troupeaux de cerfs beaucoup trop nombreux dans certaines régions. A notre sens, cette pétition ne méritait pas autre chose qu'un classement; faute de mieux, nous soutiendrons son dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Bravo, Dugerdil !
M. François Erard (LC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, tout d'abord, prétendre que Genève est un canton sans chasse est totalement faux. C'est faux ! A Genève, on chasse: ce sont simplement des fonctionnaires qui effectuent l'opération, voilà la seule différence. Mais on régule bien la faune de manière létale sur notre territoire.
S'agissant des troupeaux de cerfs, selon les études qui traitent des questions de populations d'espèces, on pourrait, au regard du périmètre, tolérer une vingtaine de cervidés dans la région de Versoix. Or actuellement, on en rencontre 145 ! 145 individus sur une petite zone, qui causent d'importants dégâts à la forêt comme aux cultures. Pour information - vous transmettrez à mes collègues du MCG, Monsieur le président -, parmi ces 145 cerfs, il y a une centaine de frontaliers qui viennent se nourrir des cultures genevoises ! (Rires.)
Une voix. C'est choquant !
M. François Erard. Ces animaux endommagent grandement les champs: ils mangent du colza, des céréales, toutes choses que nous devons ensuite importer, faute de pouvoir les produire; ils détruisent également les jeunes pousses des essences forestières.
Aujourd'hui, le département dépense beaucoup d'argent pour clôturer les cultures ou la forêt de manière à éviter que les cerfs s'y attaquent; il en coûte, juste pour les barrières - non comptés les dégâts -, 76 000 francs par année ! Le problème, c'est que le périmètre est totalement barricadé, ce qui empêche la bonne circulation des autres espèces du reste de la faune.
Saisi de cette pétition, l'OCAN a examiné la variante du vaccin proposée dans le texte, mais les avis sont très tranchés. Il est souvent relevé que cette option ne peut pas se substituer à des méthodes létales, soit à la régulation.
Constatant qu'il est impératif et urgent de procéder à une régulation par des prélèvements au regard de la population excessivement élevée de cerfs dans la région de Versoix, que la solution présentée par les pétitionnaires est aléatoire quant à sa réelle efficacité et que sa mise en oeuvre serait très coûteuse, que nos voisins vaudois et français demandent avec insistance à Genève de limiter le nombre d'individus, lesquels remontent dans le Jura en été et occasionnent également des dégâts aux forêts, Le Centre vous invite à classer cette pétition. Je vous remercie.
Une voix. Très bien.
M. Jean-Pierre Tombola (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette pétition demande d'introduire un vaccin immunocontraceptif pour limiter le nombre de cerfs. Un élément n'a pas été évoqué par les rapporteurs, c'est le point de vue de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature sur le fait que la régulation par le tir est autorisée.
Un autre point mentionné pendant les travaux de commission, c'est que la vaccination pose un problème éthique. De l'avis de l'experte auditionnée, les cerfs qui vivent dans les bois de Versoix traversent les frontières, ce qui soulève des questions quant à ce que deviendront les individus vaccinés. Il y a également des difficultés en matière de capture et de pose des pièges. Tous ces enjeux ont été relevés par le service concerné.
Dans tous les cas, au regard des différentes positions du rapporteur de majorité et des deux minorités, sans parler des oppositions de plusieurs groupes, le parti socialiste propose le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat: il serait intéressant d'obtenir l'avis du gouvernement sur ce sujet, au-delà des diverses opinions, notamment sur le tir exécuté pour protéger les cultures des dommages causés par les animaux. Le groupe socialiste recommande ainsi le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Merci.
M. Geoffray Sirolli (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, il y a un an quasiment jour pour jour, les agriculteurs étaient dehors pour expliquer que toute une partie notamment des politiciens et de ce parlement était complètement déconnectée de leurs réalités. Aujourd'hui, cette pétition en est la parfaite illustration.
Les troupeaux de cerfs causent des dégâts extrêmement importants aux cultures chez les exploitants proches des bois de Versoix. On ne parle pas juste d'un ou de deux individus, mais vraiment d'une surpopulation de ces animaux ! Comme cela a été indiqué par M. Erard précédemment, tout a été mis en oeuvre pour essayer de les empêcher d'entrer sur les terrains agricoles; on a posé des clôtures extrêmement chères, mais rien n'y fait, parce qu'il y en a trop. L'une des seules solutions aujourd'hui, c'est la régulation, une régulation efficace.
La méthode qui nous est proposée ici est complètement irréaliste: elle est non seulement coûteuse, mais logistiquement très compliquée, puisqu'elle nécessitera l'engagement de nombreuses personnes pour effectuer le travail, et nous savons tous ce que cela va entraîner comme conséquences.
Je tiens à dénoncer le double discours de certaines personnes au sein de cet hémicycle. On prône l'agriculture régionale, la consommation locale, mais lorsque nous déclarons que les paysans n'arrivent plus à produire en raison des dégâts causés par la faune sauvage aux cultures, on nous répond: «Ah, mais il faut essayer ceci et cela» - généralement des options complètement irréalistes. C'est quelque chose que nous ne pouvons plus accepter.
Voilà pourquoi le groupe PLR, en soutien à la consommation locale, en soutien à l'agriculture genevoise et en soutien à la biodiversité, puisque la surpopulation de cervidés empêche la repousse des arbres et des forêts - cela a été très bien expliqué par les experts -, vous propose de classer cette pétition qui ne sert à rien.
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Très bien, bravo, Geoffray !
Mme Lara Atassi (Ve). J'aimerais commencer en indiquant que je suis extrêmement choquée par le dogmatisme de la majorité. Premièrement, les minorités sur cette pétition ne prétendent pas qu'il ne faut pas réguler la population de cerfs: nous admettons que la présence de ces animaux a un impact sur l'agriculture, sur les terres et sur l'environnement, et qu'il convient probablement de limiter leur nombre, bien que ce ne soit pas ce que nous souhaiterions dans l'idéal. Maintenant, la question est de savoir comment réguler cette espèce.
Le canton de Genève s'est montré précurseur en interdisant la chasse il y a cinquante ans. Nous pourrions continuer sur cette lancée en testant un modèle innovant de gestion de la faune sauvage, un dispositif qui a fait ses preuves en Amérique du Nord notamment et qu'il serait possible d'essayer à moindres frais, puisque l'association Animal Equité a proposé d'effectuer l'étude pilote avec l'aide de bénévoles qui se chargeraient du montage, du démontage et du déplacement des cages pièges ou encore du marquage des individus.
L'abattage des cerfs ne coûte pas rien non plus: ce sont 200 000 francs qui, chaque année, sont financés par les contribuables genevois. Alors pourquoi ne pas réaliser cette étude ? Cela nous permettrait d'analyser l'efficacité du vaccin GonaCon sur les troupeaux de cervidés de notre territoire, dans notre contexte géographique; nous pourrions évaluer son effet sur cette espèce. Pourquoi pas ? Pour des raisons... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît ! Pouvez-vous sortir de la salle pour discuter ? (Le président agite la cloche.) Poursuivez, Madame, je vous en prie.
Mme Lara Atassi. Merci, Monsieur le président. Pourquoi ne pas tester cette technique ? Pour des raisons éthiques ? Comme je l'ai indiqué, nous aimerions ne pas avoir à réguler la population de cerfs, mais en l'occurrence, c'est obligatoire. Quelle est l'alternative ? Abattre les bêtes ? Bien sûr, c'est beaucoup plus éthique ! Surtout que cela va à l'encontre de l'opinion majoritaire des Genevois qui se sont exprimés dans un sondage réalisé par l'OCAN et l'AAE: 67% d'entre eux préfèrent l'utilisation d'un vaccin au tir.
Tentons l'expérience, estimons la faisabilité et les coûts de cette nouvelle méthode avant de choisir en toute connaissance de cause comment nous voulons cohabiter avec notre faune sauvage. Allons-y, renvoyons cette pétition au Conseil d'Etat ! Merci. (Applaudissements.)
Mme Danièle Magnin (MCG). J'ai siégé à la commission consultative de la biodiversité biologique pendant de nombreuses années et je me rappelle que lors des séances, nous auditionnions les membres de la commission de la chasse. Ce que nous avons appris, Mesdames et Messieurs, c'est que dans le Jura autour de Genève, en particulier en France, évoluent sept à huit meutes de loups, que ceux-ci ont d'abord été prédateurs des chevreuils, et comme il n'y a plus assez de chevreuils pour leur permettre de survivre, ils descendent maintenant dans la plaine pour chasser les cerfs. Ainsi, je pense qu'il serait beaucoup plus intelligent de laisser la nature se réguler elle-même plutôt que de vouloir soit tirer, soit éventuellement - oui, pourquoi pas ? - effectuer des opérations de stérilisation.
Maintenant, soutenir qu'il faut attraper les cervidés est idiot: nous avons tous vu des documentaires animaliers qui montrent que l'on envoie, à l'aide d'un fusil à seringue, une injection dans les bêtes à stériliser.
Par ailleurs, je voudrais rappeler que nombre de personnes qui sont fermement opposées à cette pétition possèdent des exploitations agricoles. Dès lors, je demande, au nom de l'article 24 de la LRGC, que ces députés se récusent, parce qu'il n'est vraiment pas juste qu'ils se prononcent sur ce sujet qui les concerne tout particulièrement.
Enfin, je pense que ce serait une bonne idée pour les socialistes et les Verts de laisser un petit peu de travail à la nature et j'espère qu'ils voteront cette pétition, c'est-à-dire qu'ils la remettront au Conseil d'Etat pour que celui-ci se charge de cette question - je ne sais jamais comment on le formule exactement. Merci.
M. Sylvain Thévoz (S). Brièvement, Mesdames et Messieurs, je répète que la chasse est effectivement interdite dans le canton de Genève depuis 1974. C'est tellement vrai que pour permettre le tir, une autorisation du Conseil d'Etat est nécessaire; celle-ci a été accordée le 28 août de cette année, puis suspendue au mois d'octobre, car l'association qui a lancé la présente pétition a fait recours. La Chambre administrative a validé ce recours, mais a finalement admis l'abattage. Ensuite, en raison d'un second recours devant le Tribunal fédéral, la régulation a été ajournée à nouveau. On en est là aujourd'hui: l'instance suprême de notre pays a suspendu le tir des cerfs à Genève.
De notre côté, il nous semblerait prématuré de trancher en déposant ou en classant cette pétition alors que nous sommes en attente d'une réponse du Tribunal fédéral. C'est pourquoi le parti socialiste vous enjoint de la renvoyer au Conseil d'Etat, qui aura six mois pour nous donner une réponse. Entre-temps, nous aurons obtenu celle du Tribunal fédéral sur le fond et sur la forme. Dans ce débat difficile, entre les terriens et les défenseurs des animaux sauvages, on ne mettra personne d'accord, alors reposons-nous sur des avis factuels, juridiques ainsi que sur la réponse du Conseil d'Etat. C'est la voie de la sagesse que vous propose le parti socialiste, soit un renvoi au Conseil d'Etat. Merci.
M. Jacques Jeannerat (LJS). Mesdames et Messieurs, je ne possède pas d'exploitation agricole, donc je peux intervenir, indiquer mon intention de vote et me prononcer. L'excellent député François Erard a donné des chiffres tout à l'heure, je n'y reviendrai pas. Il y a trop de cerfs actuellement dans certaines régions du canton, principalement dans les bois de Versoix.
On parle de préserver la biodiversité, mais il ne s'agit pas d'exterminer les cerfs, il s'agit de les réguler, qu'il y en ait moins. Allez vous promener à proximité des exploitations agricoles de la commune de Versoix, notamment à Sauverny: vous verrez, des barrières électriques sont installées tout autour des champs, c'est juste monstrueux.
Cette proposition consistant à injecter un produit chimique à l'aide de seringues pour parvenir à une castration temporaire des animaux, mais c'est de la science-fiction ! On est en pleine science-fiction, il n'existe pas de base légale sur le plan fédéral pour pouvoir adopter une telle pratique. Par conséquent, le groupe LJS propose le classement de cette pétition.
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Bien dit, Jacques !
M. Vincent Subilia (PLR). Je serai très bref, parce que mon groupe est largement intervenu sur ce sujet via les excellents propos du dépoté Sirolli... (Rires.) ...et que je ne suis pas expert... (Commentaires.) Qu'est-ce que j'ai dit ?
Des voix. Dépoté !
M. Vincent Subilia. Ah oui, mais on est dans le monde de l'agriculture, le lapsus est révélateur !
Une voix. Bien rattrapé !
M. Vincent Subilia. Donc, à la dépotée, je dirai simplement que je ne suis pas expert en cerfs transfrontaliers ni même en cervidés et en fécondité de ceux-ci. Ce que je voulais simplement dire, c'est qu'il faut un minimum de rigueur intellectuelle dans les débats, et lorsqu'on entend, dans la bouche de l'une des rapporteures, que l'on est en train de bétonner la Suisse en référence au scrutin de ce week-end, eh bien c'est parfaitement faux ! Sachez, Mesdames et Messieurs, que s'agissant du tronçon Vengeron-Nyon, on parle de 0,4 hectare, ce n'est pas du bétonnage. Votons oui à davantage de fluidité pour les cervidés...
Le président. Vous ne pouvez pas...
M. Vincent Subilia. ...et pour les automobilistes, merci ! (Exclamations. Commentaires.)
Le président. Monsieur le député, vous avez un avertissement ! (Exclamations.) Je cite la LRGC: «Le président rappelle à l'ordre le député, le conseiller d'Etat ou le fonctionnaire qui, en séance, profère des menaces, prononce des paroles portant atteinte à l'honneur ou à la considération, emploie une expression méprisante ou outrageante, trouble la délibération, viole le règlement, tient des propos ou adopte des comportements sexistes ou pouvant porter atteinte à la dignité de la personne.» (Commentaires.) Vous avez troublé le débat.
M. Vincent Subilia. Ah, d'accord...
Le président. A la prochaine attitude similaire de votre part, je serai contraint de vous faire sortir de la salle.
Une voix. A la dépotée ! (Commentaires.)
Le président. La parole retourne à Mme Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. Avant d'intervenir à proprement parler, je voudrais vous dire que je pèle de froid et que si on pouvait supprimer le refroidissement de la salle qui s'opère au moyen de la climatisation, ce serait vraiment plus confortable.
Une voix. Ce n'est pas bon pour la biodiversité ! (Commentaires.)
Mme Danièle Magnin. Je ferai simplement remarquer à cette assemblée que si, comme l'a indiqué M. Erard - pour autant que ses chiffres soient justes -, 145 cerfs évoluent en ce moment sur le territoire genevois et que seuls 45 d'entre eux sont originaires de chez nous, cela signifie qu'il y en a cent qui viennent d'ailleurs... (Brouhaha.)
Le président. Silence, s'il vous plaît, un peu de respect !
Mme Danièle Magnin. Dès lors, si on les tue ou qu'on les stérilise, ils reviendront. (Rires.) Je veux dire: il en viendra d'autres ! (Commentaires.)
M. Lionel Dugerdil (UDC). Très rapidement, suite à l'intervention de mon excellent collègue Sirolli, le groupe UDC se ravise et soutiendra le classement. Et j'aimerais répondre sur deux points à Mme Magnin: premièrement, un cerf tiré revient assez rarement sur le lieu où il a été abattu... (Rires.) ...et deuxièmement, s'agissant de sa proposition de nous récuser, il a été clairement précisé que les bêtes se trouvent uniquement à Versoix; or aucun exploitant ici ne possède de terres dans cette commune. Tant que le vendredi midi, les collaborateurs de la fonction publique prennent position et votent à la commission sur le personnel de l'Etat, il me semble que nous, les agriculteurs, sommes tout à fait légitimes pour nous prononcer sur ce texte. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mme Céline Bartolomucci (Ve), députée suppléante et rapporteuse de première minorité. Je profite de mon temps de parole restant pour rétablir rapidement quelques vérités. La pétition ne remet pas en cause les dégâts causés par les cerfs à l'agriculture, mais s'oppose à un discours dogmatique et à une approche tout sauf scientifique.
Ensuite, ce n'est pas une stérilisation qui est proposée, mais une contraception temporaire et réversible. Le canton de Genève compte 160 cerfs aujourd'hui, et sa volonté est de réduire ce nombre à une quinzaine d'individus: si ce n'est pas une extermination, je ne vois pas ce que c'est !
Enfin, je trouve magnifique d'entendre le groupe PLR affirmer se préoccuper de la biodiversité; c'est quand même pratique d'utiliser cette pétition pour le faire ! Nous espérons vous retrouver prochainement sur le sujet. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. A présent, nous allons nous prononcer sur les conclusions de la majorité, soit le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Le vote final est de toute façon nominal !
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2194 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 74 non contre 11 oui et 1 abstention.
Le président. Je vais donc mettre aux voix les conclusions des deux minorités, à savoir le renvoi au Conseil d'Etat; en cas de refus, Mesdames et Messieurs, cette pétition sera classée.
Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2194 au Conseil d'Etat) sont rejetées par 52 non contre 33 oui et 1 abstention (vote nominal).
La pétition 2194 est donc classée.