République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 4 octobre 2024 à 16h
3e législature - 2e année - 5e session - 30e séance
M 2932-A
Débat
Le président. Nous poursuivons nos travaux avec la M 2932-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Nicolet-dit-Félix.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais laisser mes collègues prendre place avant d'admettre que j'ai été hier un petit peu sarcastique quand j'ai comparé certaines motivations à des personnages de dessin animé. Il faut dire qu'en procédant à une lecture peu attentive, on aurait pu imaginer ranger ce texte dans cette catégorie-là, car il est sans doute un peu maladroit. En fait, il n'en est rien. Cette maladresse résulte plutôt du désarroi incontestable dans lequel les entreprises suisses, et genevoises en particulier vu que nous sommes dans ce canton, se sont retrouvées au printemps 2023, lorsque la Confédération a annoncé de façon unilatérale, brutale, rapide que les prêts covid vendus avec un intérêt de 0%, on va dire, donc sans intérêt, du moins pour la tranche allant jusqu'à 500 000 francs, seraient soumis à un intérêt, certes modeste, de 1,5% avec une échéance de moins d'un mois. Il est parfaitement compréhensible, je crois que la commission l'a tout de suite relevé, que les entreprises qui se sont retrouvées face à cette annonce, alors que certaines d'entre elles cumulaient toute une série de difficultés liées à la période post-covid ou à d'autres circonstances, n'aient pas du tout apprécié cela.
Vous vous le rappelez sans doute, nous avons été saisis de cette motion que le groupe LJS avait souhaité faire passer en urgence. Elle demande à l'Etat, via la loi sur l'aide aux entreprises et la Fondation d'aide aux entreprises, de cautionner ces prêts covid, plus précisément de cautionner les intérêts que ces entreprises devaient désormais honorer sur les prêts covid.
Nous avons auditionné l'auteur de cet objet et la Fondation d'aide aux entreprises, et nous avons réalisé - nous le supposions évidemment auparavant - que cet outil n'était pas adéquat: comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, un cautionnement ne génère pas de liquidités et ne peut porter que sur un emprunt d'une somme assez importante. Or, sur les 1366 millions de prêts covid octroyés à des entreprises genevoises, environ la moitié (un petit peu plus) a été remboursée et le prêt moyen est d'environ 100 000 francs. Des intérêts à 1,5% sur des montants de 100 000 francs représentaient, à l'époque, 1542 francs; le chiffre nous avait été donné par la FAE et a légèrement évolué entre-temps, il est passé un peu en dessous de 1500 francs, mais on se retrouve dans la même tranche de valeur.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. On imagine évidemment mal une entreprise contracter un emprunt pour 1500 francs et demander le cautionnement de cet emprunt.
Par la suite, nous avons reçu plusieurs amendements, dont un de l'auteur de cette motion. Il était très problématique, parce qu'il introduisait une automaticité de l'aide de la FAE à ces entreprises et qu'il posait comme conditions d'obtention de cette aide des critères s'étendant largement au-delà de la problématique du covid et pas clairs du tout. Nous avons reçu un autre amendement par l'intermédiaire du rapport de minorité de M. Pfeffer, qui vous l'expliquera tout à l'heure; il est d'ordre extrêmement général. Nous venons de recevoir un troisième amendement qui se calque sur le premier, mais dont le principe d'automaticité est retiré, si j'ai bien compris, et dans lequel est par contre maintenu le problème des critères d'application. A notre sens, tous les trois sont à refuser, ne serait-ce que parce qu'ils dénaturent le sens premier de cette motion, qu'ils ne sont plus en phase avec les considérants et transforment le travail en une sorte de patchwork sans véritable sens.
Pour ces raisons, la majorité de la commission vous invite à refuser cet objet et ces amendements, et invite les personnes qui souhaiteraient se relancer dans ce travail de soutien aux entreprises, qui peuvent légitimement demander de l'aide de l'Etat à la suite de la hausse de ces intérêts et d'autres déconvenues, de repartir sur de nouveaux textes. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de première minorité. C'est vrai que c'est une affaire très délicate. Ces prêts covid sont un peu comme le sparadrap du capitaine Haddock: on ne sait ni comment s'en débarrasser ni comment résoudre le problème. Pour avoir contracté ces prêts covid, de nombreuses PME genevoises se retrouvent en difficulté. En outre, la Confédération a brutalement remonté les taux d'intérêt. Des chefs de petites entreprises se retrouvent en grande difficulté, ont trouvé des solutions avec les prêts covid et maintenant doivent régler des montants de manière précipitée.
Pour sortir de cette impasse, pour donner une réponse à de nombreuses entreprises, une solution a été présentée dans cette motion; elle a été étudiée en commission, ainsi que divers amendements, afin d'améliorer quelque chose de problématique à la base, d'améliorer une affaire pour laquelle il faut trouver la solution. C'est dans cette optique que nous avons travaillé en commission, que nous avons essayé de défendre les intérêts de ces petites entreprises genevoises, pour leur permettre de rester la tête hors de l'eau. Pour ces raisons, la première minorité vous demande de soutenir cette motion telle qu'amendée.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Il faut rappeler les faits. Premièrement, les crédits covid accordés étaient d'une absolue nécessité et ont réellement permis à de très, très nombreuses PME de survivre. Je crois que sur ce point-là, il y a consensus. La légitimité de ces prêts fait certainement aussi consensus. Il faut également rappeler que les difficultés dans lesquelles nos PME se sont trouvées étaient tout simplement dues à l'interdiction de travailler décrétée par l'Etat. Selon moi, ces deux points font l'unanimité chez les députés.
La Confédération avait accordé des crédits covid sur la base de 10% du chiffre d'affaires pour une durée de huit ans et, dans un premier temps, avec 0% d'intérêt. Par la suite, le 1er avril 2023, les taux des prêts allant jusqu'à 500 000 francs ont augmenté de 0% à 1,5%, et pour les plus grandes sociétés - on n'en parle pas vraiment ici - ils ont même monté à 2%. Quel est l'impact à Genève ? A Genève, presque 11 000 PME ont sollicité ces crédits covid (10 908, exactement), pour un montant global de 1,3 milliard, ce qui fait des prêts de 125 000 francs en moyenne; c'est donc relativement faible. La hausse du taux de 0 à 1,5% représente à peu près 1800 francs par entreprise et par année. C'est un élément important !
En tant que rapporteur de deuxième minorité, je propose dans mon rapport de changer l'invite, parce que, selon ma lecture, elle était écrite de telle manière que l'on soutiendrait les entreprises en raison de l'augmentation du taux. On parle uniquement d'environ 1800 francs par année. Je recommande de modifier l'invite pour que toutes les charges des PME, y compris le remboursement, soient incluses. S'il faut rembourser 125 000 francs sur une période de sept ou huit ans... Vous devez rembourser à peu près 16 000 à 20 000 francs, plus les intérêts.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. André Pfeffer. Merci. A mon avis, l'invite doit être changée pour que soit incluse la totalité des frais.
Il faut également rappeler que l'aide de l'Etat genevois existe déjà. Le Grand Conseil avait alloué à la Fondation d'aide aux entreprises une somme de 50 millions de francs pour, je cite, «une aide supplémentaire en faveur de nos PME locales». Vu que seule la moitié a été utilisée, il reste 25 millions à disposition. Le Conseil d'Etat nous le confirmera peut-être.
Pour terminer, le rapporteur de deuxième minorité, fort d'un tout petit soutien, d'un petit oui - un commissaire de notre groupe s'était en effet abstenu alors que j'avais soutenu cet objet - vous propose d'accepter cet objet. Merci de votre attention.
M. Vincent Canonica (LJS), rapporteur de troisième minorité. Les commissaires ont unanimement admis l'importance du problème, mais ont suggéré une reformulation des invites. Je rappelle qu'en commission, lors d'un échange entre commissaires, l'audition de la FAE, de la NODE, de la BCGE et de la CCIG a été évoquée. La motion a ensuite été suspendue. La question de l'audition de la NODE, de la BCGE et de la CCIG a été reportée et finalement jamais votée. Seule l'audition de la FAE a été acceptée; la fondation a donc été entendue. La motion a été mise au vote sans que l'on revienne sur les demandes d'audition de la NODE, de la CCIG et de la BCGE.
Certains commissaires ont regretté le refus de la première invite de la motion amendée et un autre commissaire a suggéré un nouveau texte pour traiter de la problématique. Il est indéniable que le sujet interpelle tous les commissaires, mais que le fond n'a en définitive pas été abordé. Au détriment des entreprises genevoises, de nombreuses questions sont restées sans réponse. Lors d'une séance ultérieure de la commission, il a été relevé que le décompte des votes sur la première invite de la motion amendée était erroné; en réalité, la majorité l'avait acceptée, mais ni nouveau vote sur la motion amendée dans son intégralité ni nouvelle discussion n'ont pourtant eu lieu.
Je vous rappelle également la Q 3955-A, dont il ressort que sur la totalité des prêts covid octroyés pendant la pandémie dans le canton de Genève, le montant encore dû en octobre 2023 restait très élevé, car seuls 44% des prêts avaient été remboursés. Vous avez indiqué les montants, je parle en proportion pour ne pas répéter ce que vous avez déjà dit, Monsieur le rapporteur de deuxième minorité. Il en est de même s'agissant des prêts octroyés par la FAE.
Si l'on reprend les données fédérales, on remarque que certaines branches d'activité sont beaucoup plus touchées que d'autres. Pour s'en convaincre, il suffit de constater que la restauration n'a pu entièrement rembourser que 32% des sommes prêtées à la fin du mois d'octobre 2023, alors que d'autres branches, comme des activités pour la santé humaine, ont pu rembourser jusqu'à 62%.
Pour ces motifs, j'ai soumis le nouvel amendement que je propose à votre vote, et je tiens à préciser que la deuxième invite, qui a été reformulée pour tenir compte des remarques des commissaires...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Vincent Canonica. ...tient compte également de ce qui se fait au niveau européen. Un article de la presse locale, qui date du 5 septembre 2024, indique que de plus en plus, les pays européens soutiennent l'économie de leur pays, ce qui n'est pas le cas de la Suisse; les Etats membres aident le secteur privé dans des domaines aussi variés que la culture, les effets de la pandémie du covid, la guerre en Ukraine, la transition énergétique ou le développement de régions moins favorisées. On voit donc bien que des mesures européennes viennent contrer les effets post-covid, de nouveaux effets, qui péjorent l'économie locale. Il faut donc vraiment inciter le Conseil d'Etat à prendre des mesures pour soutenir l'économie locale, que ce soit s'agissant des effets post-covid ou de nouvelles situations qui dégradent l'économie locale en corrélation avec ce qui se passe en Europe. Pour ces raisons, je vous recommande de voter les amendements que je vous ai soumis. Merci, Monsieur le président.
Mme Sophie Demaurex (S). Mesdames et Messieurs les députés, la commission de l'économie a traité avec sérieux et intérêt - c'est le cas de le dire - la question du cautionnement des intérêts des prêts covid alloués aux entreprises. Alors qu'on soit clairs ! Il ne s'agit pas de s'opposer à un soutien aux entreprises, comme essaient de l'insinuer les rapporteurs de minorité. Oui, la commission a été sensible et interpellée par la situation financière de ces entreprises après la crise covid, mais, pendant son audition, le département nous a assuré examiner au cas par cas les situations post-covid de ces entreprises en difficulté. Or, ce texte demande une automaticité des aides, mais ce n'est pas la bonne cible. C'est la raison pour laquelle il faut le refuser. Nous vous invitons également à refuser les amendements du député Canonica, car ceux-ci s'écartent de la question des intérêts aux prêts covid. Essayer par tous les moyens de sauver cette motion n'a pas d'intérêt. Le travail a été fait, et le département complétera certainement les propos très clairs du rapporteur de majorité. Aussi, nous vous remercions de refuser ce texte et les amendements.
Le président. Merci bien. Je donne la parole à M. Fazio, qui dispose de deux minutes.
M. Jean-Louis Fazio (LJS). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce texte demande d'aider les PME qui ont contracté un prêt covid pour passer le cap du confinement, cela afin de verser des salaires et de sauver des emplois, donc de donner une chance de survie à des entreprises contraintes d'arrêter de travailler, comme cela a été dit. Pour certaines d'entre elles, avec la hausse du prix des matières premières, la crise énergétique et d'autres charges diverses qui se sont greffées, les remboursements des échéances sont devenus insupportables. Les faillites ont secoué les PME et d'autres sont hélas en vue; ce sont les conséquences de ces aléas.
C'est pourquoi, par cette motion et les amendements du député Canonica, nous demandons que le Conseil d'Etat prenne enfin ses responsabilités et qu'il trouve des solutions pour aider ces entreprises à passer ce cap qui peut leur être fatal. Chères et chers collègues, ce pays a dégagé à maintes reprises des milliards pour sauver de très grandes entreprises mondialement connues (Swissair, Credit Suisse, UBS), et je m'en réjouis. Il est donc temps de penser davantage à la survie de nos PME genevoises. Merci de votre attention.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, à deux reprises durant cette session, on a parlé de dessin animé ou de bande dessinée. Je suis un amateur de bandes dessinées et ce que je préfère, dans ces volumes, c'est par exemple la ligne claire telle qu'initiée par Hergé, Jacobs ou Schuiten, qui ont réalisé de véritables petits chefs-d'oeuvre. Cet objet et les différents amendements qui nous sont proposés ce soir n'ont rien d'une ligne claire. Nous l'avons déjà affirmé pendant les travaux en commission et je réitère cette affirmation pendant les travaux en plénière. Je fais aussi remarquer que nous avons voté hier aux deux tiers de la majorité une urgence qui concernait le même thème. Compte tenu de ces aspects, je vous recommande de refuser les amendements ainsi que la motion. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. (Un téléphone sonne.) Je prie la personne qui a le téléphone de bien vouloir le mettre sur... Merci ! Monsieur Béné, c'est à vous.
M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président. C'est un petit peu problématique, parce que sur le fond, on peut être d'accord avec cette motion, compte tenu de ce que la Confédération a fait: elle a annoncé ça très rapidement et avec un délai pour se retourner très, très court fixé aux entreprises concernées. Il est évident que ce n'est pas en deux jours qu'on lève des fonds pour rembourser un prêt, prêt dont les intérêts qu'on va nous demander sont estimés trop élevés. Maintenant, toutes les entreprises qui ont signé ces contrats de prêt savaient très clairement qu'il existait une clause stipulant qu'à terme, des intérêts devraient être payés.
Le problème de cette motion, c'est qu'initialement, elle visait un cautionnement pour le paiement de ces intérêts. Voilà l'objectif du texte. On s'est rendu compte qu'il n'était pas possible de cautionner le paiement des intérêts. Qu'est-ce qu'on a alors fait ? On a dit: «On veut aider les entreprises, il faut donc trouver autre chose ! Qu'est-ce qu'on fait ? On propose des amendements ! Toutes les entreprises qui ont subi le covid et ont demandé des prêts, il faut quand même les aider ! Et comment fait-on pour celles qui n'ont pas demandé de prêt ? C'est quand même un problème ! Alors on va demander à la FAE de regarder si elle ne peut pas faire quelque chose.» Franchement, c'est du bricolage !
On ne peut pas accepter une distorsion de concurrence engendrée par le fait d'arroser ceux qui ont bénéficié d'aide au détriment de ceux qui n'en ont pas bénéficié parce qu'ils ont fait des efforts ou de ceux qui ont remboursé ces prêts. Malheureusement, même si on peut effectivement critiquer l'attitude de la Confédération dans ce dossier, il n'y a strictement aucune raison, aucun intérêt public à subventionner des entreprises qui auraient bénéficié de certaines aides pendant le covid. Je vous invite à refuser non seulement les amendements mais aussi ce texte.
M. Florian Dugerdil (UDC). Chers collègues, l'Union démocratique du centre est évidemment acquise à la cause des PME genevoises et souhaite, une fois de plus, soutenir et aider à pérenniser la santé financière des artisans, entrepreneurs et petits commerçants qui ont subi de plein fouet la crise covid et qui, afin de survivre, ont dû contracter un prêt covid initialement prévu avec un taux zéro, je le rappelle et comme l'a rappelé l'excellent rapporteur de minorité numéro deux. Il est peut-être important de se souvenir qu'à ce moment précis, il n'était aucunement question de facturer des intérêts, mais bel et bien de fournir une aide durable aux entreprises qui en avaient besoin.
A la sortie de la crise, ce fut la douche froide lorsque le Conseil fédéral décréta finalement qu'il fallait facturer cette prétendue prestation d'aide aux entreprises, imposant ainsi des frais parfois conséquents à une population captive, qui dut se résoudre à payer ces charges supplémentaires.
En outre, on peut se poser la question du comment du pourquoi: pourquoi le Conseil fédéral, par le biais de la BNS, décide-t-il d'abaisser le taux directeur du franc suisse qui, je le rappelle, est à 1% depuis la semaine dernière, taux qui correspond à la rémunération octroyée aux déposants de cette institution, tandis qu'il décide de facturer le double aux entreprises dans la panade qui ont contracté un prêt covid ? Ceci revient donc à dire que la Confédération ne souhaite pas seulement couvrir son coût de refinancement, mais aussi et avant tout faire de l'argent sur les commerçants déjà durement touchés par la crise.
Mesdames et Messieurs les députés, au vu de tous les éléments précédemment relevés, le groupe de l'Union démocratique du centre vous invite à soutenir nos PME en acceptant cette motion telle qu'amendée par mon éminent collègue Pfeffer. Merci.
Mme Ana Roch (MCG). Je souhaite corriger certains éléments évoqués dans ce parlement. Pour rappel, ces intérêts vont dans la poche des banques et non dans celle de la Confédération. On a octroyé ces prêts covid, mais je crois qu'on oublie à quel moment ça a été fait et dans quelles conditions. Le monde s'était arrêté de tourner, on ne savait pas si nos entreprises allaient rouvrir et si on allait survivre à cette crise. Je pense que les entreprises qui ont décidé de solliciter ce prêt covid ne l'ont pas fait par envie mais par nécessité. On nous avait promis, à nous et à beaucoup d'entreprises, une aide pour nos loyers et nos charges, chose qui n'a jamais été faite.
Je rappelle que ces intérêts vont dans la poche des banques et que les modalités de remboursement ont été décidées unilatéralement: dans les dispositions fédérales sur le prêt covid, la manière de rembourser ne figure pas, seulement une date butoir. On n'a jamais demandé à ces entreprises comment elles allaient faire pour rembourser et si les modalités qui leur ont été imposées leur convenaient. Aujourd'hui, le dialogue avec les banques, c'est zéro ! On doit se tourner vers le cautionnement romand, qui nous renvoie à la banque. On n'a absolument aucun moyen pour discuter en cas de difficulté.
Je crois qu'on se doit de soutenir ces entreprises, et je suis ravie - vous transmettrez à M. Béné - que certaines entreprises n'en aient pas eu besoin ou aient pu le rembourser. Je suis ravie de savoir que ces entreprises continuent à travailler et à employer. Néanmoins, il y en a qui aujourd'hui n'y arrivent plus ! Pas seulement en raison des prêts covid, mais aussi en raison d'une situation économique post-covid difficile ! On verra l'année prochaine quels problèmes pour nos entreprises la nouvelle loi va générer. On se doit de les soutenir sans réserve ! Merci.
Le président. Je vous remercie. C'est au tour de M. Canonica, à qui il reste trente-neuf secondes.
M. Vincent Canonica (LJS), rapporteur de troisième minorité. Merci, Monsieur le président. Je serai donc rapide. Je précise que toutes les entreprises n'ont pas été touchées de la même manière et que certaines le sont plus que d'autres. Les amendements que je propose visent justement à adapter les aides octroyées aux entreprises qui continuent à être plus touchées que d'autres. Ça ne va que dans le sens de la motion que le Grand Conseil a votée hier; voter aujourd'hui différemment reviendrait à avoir une attitude contradictoire et le message ne serait pas bien perçu par les commerçants. Je vous invite à voter l'amendement que je vous ai soumis.
Le président. Merci bien. Je donne la parole à M. Pfeffer pour neuf secondes.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. L'utilité et la légitimité des crédits covid sont indiscutables. La question est la suivante: y a-t-il encore des PME qui ont des difficultés à rembourser ? Oui !
Le président. Merci.
M. André Pfeffer. L'excellent rapporteur n° 3... (L'orateur rit.) ...l'a relevé...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. André Pfeffer. ...dans le secteur de la restauration, 66%... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur continue à s'exprimer hors micro.) Je retire mon amendement et soutiendrai celui du rapporteur n° 3.
Le président. La parole revient à M. Baertschi, à qui il reste une minute vingt-quatre.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Alors c'est vrai qu'il y a un peu quelque chose de surréaliste, entre le débat qu'on a eu tout à l'heure sur Credit Suisse... On se rend compte qu'on a un peu jonglé avec des centaines de milliards de francs; ce n'était certes pas du cash, mais il s'agissait quand même de moyens conséquents. Néanmoins, quand il s'agit de petites PME locales, certains dans cet hémicycle sont d'une rigueur et d'une fermeté qu'on aurait bien voulu voir dans d'autres cas. Cette rigueur vis-à-vis des petits... Je pense que nous devons éprouver un peu de bienveillance. C'est la raison pour laquelle la première minorité soutiendra l'amendement du député Canonica et, bien évidemment, la motion telle qu'amendée, si l'amendement est accepté. Même si celui-ci est refusé, nous voterons ce texte, parce que nous voulons envoyer un signal fort non seulement aux PME genevoises, mais également à leurs employés. Nous le voterons pour qu'on puisse encore créer une substance économique, pas seulement avec les grands groupes, avec les grands trusts, avec certains secteurs qui ramènent beaucoup de cash à Genève...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. François Baertschi. Merci beaucoup, Monsieur le président. ...pas seulement avec ces milieux-là, mais aussi avec ces petites entreprises qui font toute la richesse de notre tissu social et économique. Il faut les aider, et ce, avec cette motion telle qu'amendée.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède le micro au rapporteur de majorité, M. Nicolet-dit-Félix.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je vous remercie déjà de m'accorder quelques secondes de plus, vu que je suis seul face à trois ténors de ce parlement. (Exclamations.)
Je souligne quelques éléments sur le fond et sur la forme. Sur le fond, nous l'avons dit, l'outil proposé dans la version originale de ce texte pose des problèmes. Pour cette raison, elle n'est juste pas recevable. Je n'ai pas tout à fait compris quelle version de quel amendement est retirée, maintenue, ni quelle version M. Dugerdil propose de soutenir avec un amendement que l'auteur a fini par retirer. On se retrouve avec au mieux une motion qui, pour reprendre une expression commune, ne mange pas de pain et qui, en gros, demande à la FAE de faire son boulot, c'est-à-dire de soutenir les entreprises en difficulté avec les outils que la loi sur l'aide aux entreprises lui donne. Dans ce sens-là, pourquoi pas ? Mais à force de dire aux gens de faire le travail qu'ils font déjà sans qu'on le leur dise, on se demande quelle est l'utilité de ces textes.
Le problème relève surtout de la forme, ainsi que l'a très bien relevé M. Guinchard. On est face à une forme de palimpseste, ce texte mille fois effacé et réécrit pour le sauver, ou à ces couches de papyrus que l'on retrouve sur les sarcophages et sur lesquels on ne parvient plus à lire les hiéroglyphes. Pour reprendre la métaphore ou l'idée de M. Guinchard, on ne sait plus si on se trouve dans «Le Mystère de la grande pyramide» ou dans «Les Trois Formules du professeur Fazio». Pour ces raisons, il faut évidemment refuser les amendements et ce texte. Je vous remercie.
Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais juste reprendre l'invite originale de cette motion, parce que les amendements proposés n'ont strictement plus rien à voir avec l'exposé des motifs et la situation évoquée. On demande que la FAE puisse cautionner des prêts bancaires auprès d'établissements pour que des PME remboursent les intérêts contractés auprès d'établissements bancaires et cautionnés par la Confédération. Ça veut dire qu'on veut permettre de cautionner des entreprises qui contractent des prêts bancaires pour rembourser les intérêts d'un autre prêt bancaire.
Alors j'entends, oui ! Je rencontre d'ailleurs régulièrement les PME dans mon bureau, et j'y suis particulièrement sensible; ma porte leur est toujours ouverte. Toutefois, à un moment donné, laisser une entreprise s'endetter pour qu'elle rembourse une autre dette... Le problème n'est pas là ! Le problème réside dans la pérennité du modèle d'affaires de certaines de ces entreprises. En raison des transformations du monde dans lequel nous vivons, certains modèles n'arrivent plus à survivre et doivent se transformer, c'est vrai. J'aimerais rappeler que l'action du Conseil d'Etat, et de mon département en particulier, vise à accompagner les entreprises dans ces transformations pour qu'elles restent performantes malgré ça. Il est néanmoins illusoire de penser qu'une entreprise qui ne peut pas assumer une hausse de taux d'intérêt... Franchement, comme vous, j'ai été scandalisée par le fait que... Mais enfin, on parle d'établissements bancaires privés qui ont augmenté des taux d'intérêt ainsi que c'était légalement prévu dans un contrat. Ma marge de manoeuvre dans ce domaine et celle de la Confédération sont extrêmement faibles. Une entreprise qui ne peut aujourd'hui pas assumer une augmentation d'intérêt d'une moyenne de 1800 francs par année et qui a besoin d'un prêt bancaire pour payer ses intérêts a probablement d'autres difficultés, des difficultés beaucoup plus structurelles que le simple remboursement d'intérêt. A partir de là, on peut choisir de basculer dans une attitude qui consisterait à dire: «Il faut soutenir les entreprises, soutenir les PME.» Mais arrêtons de nous voiler la face ! Une entreprise qui ne peut pas assumer cette hausse d'intérêt a d'autres problèmes !
Oui, l'action de mon département vise à les soutenir ! Oui, le dispositif de soutien aux entreprises, à savoir la FAE, peut être là pour accompagner certaines d'entre elles ! L'invite initiale de ce texte ne permettra cependant en aucun cas de le faire. Oui, soutenir les entreprises ! Oui, accompagner les PME !
J'ai entendu la critique suivante: il faut arrêter de soutenir les grandes sociétés. Pour mémoire, 1 ETP dans une multinationale correspond à 1,5 ETP dans les PME locales. Je rappelle aussi ce que j'ai déjà dit avant: on met en place des campagnes de promotion, de soutien de nos PME locales au quotidien. Or, en l'occurrence, je pense qu'on a une vraie action, parce qu'on leur crée de l'activité; ces entreprises ne demandent qu'à travailler !
Maintenant, concernant les amendements, j'ai entendu tout à l'heure que l'Europe... Oui, c'est vrai, des pays en Europe mettent en place une politique industrielle, financent des entreprises, mais actuellement, ce n'est pas le choix de la Suisse. Il pourrait être questionné et je suis tout à fait disposée à discuter de la politique industrielle, mais vous demandez que le Conseil d'Etat subventionne des entreprises - la discussion a eu lieu en commission. Il faudra alors m'expliquer sur quels critères on se base pour éviter la distorsion de concurrence. On nous demande presque d'accorder des dons à des entreprises en difficulté. Malheureusement, ce n'est pas notre rôle ! Si le parlement souhaite accorder cette compétence au Conseil d'Etat, vous en avez toute la liberté par la rédaction d'une base légale, mais je pense qu'on perdrait du sens, parce qu'une entreprise qui a besoin d'un subventionnement étatique pour survivre n'est probablement pas viable à terme. Il vaut donc mieux l'accompagner dans ses difficultés structurelles pour qu'elle s'en sorte, plutôt que simplement, je dirais, distribuer de l'argent sans un objectif derrière.
Si l'on veut rediscuter de politique industrielle, si l'on veut rediscuter... On mentionnait l'idée que la FAE devrait pouvoir octroyer des prêts, mais ce n'est aujourd'hui pas forcément son domaine d'expertise. On évoquait le fait qu'il faudrait aider les entreprises à faire face à des hausses de charges d'électricité. Ok ! Sur quelles bases ? On peut discuter de tout ça, mais ce n'est pas le sujet initial de cette motion. En outre, je pense que l'invite très précise qui a été déposée ne permet malheureusement pas de répondre aux entreprises en difficulté.
Vous avez cependant l'assurance non seulement de la préoccupation du Conseil d'Etat à cet égard, mais aussi que mon département travaille au quotidien avec les équipes pour soutenir les entreprises concernées. Je vous remercie donc de refuser ce texte.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement de M. Vincent Canonica que vous avez toutes et tous reçu; il vise à remplacer l'invite unique par les deux invites suivantes:
«- à étudier les mesures d'accompagnement supplémentaires à octroyer aux entreprises au bénéfice d'une aide financière en relation avec la période COVID octroyée par la Confédération, le canton et/ou la Fondation d'aide aux entreprises (FAE);
- à soutenir les entreprises au bénéfice d'une aide financière en relation avec la période COVID qui n'ont pas retrouvé le niveau d'affaires d'avant la crise COVID, et qui sont directement touchées par d'autres facteurs impactant leur trésorerie, notamment la hausse des coûts de l'énergie.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 33 oui et 18 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de motion 2932 est rejetée par 40 non contre 32 oui et 20 abstentions (vote nominal).