République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2905-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la proposition de motion de Jocelyne Haller, Pablo Cruchon, Caroline Marti, Marjorie de Chastonay, François Baertschi, Didier Bonny, Françoise Nyffeler, Salika Wenger, Aude Martenot, Pierre Vanek, Philippe de Rougemont, Nicole Valiquer Grecuccio, Badia Luthi, Olivier Baud : Consultation interdisciplinaire en santé au travail (CIST), phase 2 : pour un observatoire de la santé au travail
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 14 et 15 décembre 2023.
Rapport de majorité de Mme Jacklean Kalibala (S)
Rapport de minorité de M. Jean-Marc Guinchard (LC)

Débat

Le président. Nous passons à la M 2905-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole.

Mme Jacklean Kalibala (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. En Suisse, près d'un quart des motifs de consultation en médecine de premier recours sont liés au travail. Ce dernier est donc un déterminant de la santé. Certaines expositions professionnelles peuvent causer des maladies professionnelles ou liées au travail, ou encore aggraver certaines autres maladies.

Nous manquons cruellement de données de santé sur la population suisse, et il en va de même pour la santé au travail. Les données qui existent ne sont pas centralisées et sont difficiles à répertorier. C'est de ce constat qu'est partie cette motion. La consultation interdisciplinaire en santé au travail, la CIST, dont il est question, a été lancée en avril 2022 à Genève. Elle est une des actions du plan cantonal de promotion de la santé et de prévention.

La CIST est le fruit d'une collaboration entre la DGS - à l'époque - et l'OCIRT, à savoir l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail. La CIST est un dispositif de conseil et d'orientation en plein développement. Depuis son lancement le 4 avril 2022, il y a eu seulement 23 demandes et 13 prises en charge. Cela est en partie expliqué par une méconnaissance par les bénéficiaires de l'existence de la CIST.

A Genève, nous avons déjà l'expérience d'un observatoire sur la santé avec le Bus Santé, établi depuis 1992. L'idée d'un observatoire romand de la santé au travail n'est pas nouvelle, elle avait déjà été évoquée à l'époque de l'institut romand de santé au travail, l'IST. Mais cette initiative n'avait finalement jamais vu le jour, puisque en 2019, cet institut a fusionné avec d'autres pour devenir Unisanté à Lausanne. Les acteurs de l'IST ont été intégralement repris par cette structure dans le département de santé, travail et environnement.

Le département agit dans la veille et la prospective, mais il n'a pas de mandat pour collecter des données sur la santé au travail. Les auditions en commission ont confirmé la nécessité de recueillir de telles données afin de mieux appréhender les problématiques de santé au travail. Cependant, il s'avère que la consultation du CIST, encore en développement, ne paraît pas être un endroit adapté pour ces activités.

De plus, certaines données doivent être collectées au niveau régional, voire national. Ces constats ont mené les commissaires à déposer des amendements qui détaillent des objectifs précis et invitent plus largement le Conseil d'Etat à développer les connaissances relatives aux accidents et à la santé au travail, en collaboration avec des acteurs régionaux et nationaux. Je vous invite donc à suivre la quasi-totalité de la commission et à accepter la motion ainsi amendée.

M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, en préambule, je tiens à remercier la rapporteure de majorité pour la qualité de son rapport dont je partage certaines - seulement certaines - appréciations.

La première version de cette motion, déposée par notre ancienne collègue Mme la députée Jocelyne Haller, a subi, au cours des travaux en commission et au fil des auditions demandées, qui ont été nombreuses, de multiples modifications.

La première d'entre elles, qui a été rappelée, était de ne plus confier ce mandat à la CIST, en raison du fait que cette institution avait à peine neuf mois d'existence au moment du dépôt de la motion et qu'elle ne pouvait dès lors pas assumer cette mission.

Plusieurs autres structures ont été envisagées, en particulier Unisanté, mais également les HUG. Connaissant les difficultés que les HUG ont rencontrées à plusieurs reprises en matière de respect des dispositions légales, en particulier celles de la loi sur le travail ayant trait aux horaires, il aurait été pour le moins piquant d'avoir recours à eux en matière d'observation des problèmes de santé au travail.

Le premier point faible de cette motion était de ne raisonner qu'au plan cantonal. A l'issue des travaux, elle a été enfin étendue au plan romand, en citant notamment la CLASS, la conférence latine des chefs de départements des assurances sociales et de la santé, mais sans que nous sachions si celle-ci était compétente ni si elle avait les moyens humains et financiers pour s'exécuter.

Au final, il faut constater que de nombreux organismes s'occupent de récolter des données dans ces différents domaines, mais que cela se fait malheureusement sans centralisation ni collaboration horizontale. Je pense que le sujet est important et mérite d'être traité, mais à tout le moins sur le plan fédéral, plutôt que sur la base d'un traitement cantonné à la seule Suisse romande, sans savoir si l'organe désigné est en mesure de le faire, comme je viens de le rappeler.

Sous l'égide du SECO, en collaboration avec la SUVA, les faîtières des assureurs maladie, l'observatoire de la santé fédéral et l'Office fédéral de la statistique, le pilotage d'un tel projet est non seulement possible, mais serait en tout cas plus représentatif, tant il est vrai que, dans ce domaine, il vaudrait la peine de penser Confédération plutôt que Romandie.

C'est pour ces raisons que je vous recommande, au nom de la minorité - en fait, j'étais tout seul ! (Rires.) -, de refuser cette proposition de motion.

Mme Louise Trottet (Ve). Je tiens à m'allier aux félicitations et aux remerciements pour les excellents rapports, en particulier celui de majorité, mais aussi celui de minorité, même si je n'en partage pas les conclusions. Mesdames et Messieurs, une enquête européenne a récemment montré que 23% des travailleurs et travailleuses déclarent avoir été absents du travail au cours des douze derniers mois en raison d'atteintes à la santé liées à l'exercice de leur profession.

Mais quels sont les chiffres suisses et quelles seraient les causes de ces absences ? Nous ne le savons pas, nous n'avons pas de données. La motion que nous traitons aujourd'hui, et qui est somme toute assez technique, répond donc à un besoin grandissant, qui est celui de la récolte de données concernant la santé au travail sur notre territoire, afin de permettre une meilleure prévention.

De quelle prévention parle-t-on ? Par exemple de celle des troubles musculo-squelettiques, mais aussi des risques psychosociaux. On s'intéresse ici aussi aux adaptations nécessaires de l'ergonomie, en particulier dans le contexte du réchauffement climatique, ou encore à l'exposition à des substances chimiques dans le cadre du travail. La prévention des accidents, par contre, est déjà en grande partie assurée par la SUVA.

L'idée d'un observatoire, telle que formulée dans ce texte, est de permettre la mise en lien des différents acteurs concernés par le sujet au niveau de la Suisse romande, en tout cas dans la version amendée de la motion. Cela a été dit, le projet initial demandait un observatoire cantonal, mais cette échelle a été jugée peu adéquate pour répondre à la question de la santé au travail, car on peut effectivement estimer que la santé des travailleurs et travailleuses genevois est relativement comparable à celles des travailleurs et travailleuses vaudois.

Concernant l'avis de la minorité centriste, qui préconise plutôt un échelon fédéral pour ce projet, le groupe Vert est sensible à l'argument selon lequel une augmentation de l'échelle d'analyse serait peut-être encore plus pertinente, mais en même temps, vu les majorités actuelles à Berne, il lui paraît plus réaliste de déjà essayer de créer quelque chose de ce côté-ci de la Sarine, quitte à ensuite élaborer des collaborations avec le reste de la Suisse.

Le groupe Vert vous invite donc chaleureusement à accepter cette motion, certes technique, mais aussi très importante pour plus de santé au travail ! (Applaudissements.)

Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR). Au sujet de ce texte, trois constats s'imposent, ils ont été évoqués par les personnes qui ont pris la parole juste avant moi. D'abord, le marché du travail évolue de manière très rapide - cela, nous le constatons absolument tous les jours. Ensuite, il est difficile - cela a aussi été rappelé - de croiser les données liées au marché du travail, aux accidents de travail et aux maladies liées à l'exercice d'une activité professionnelle. Un troisième constat s'impose, celui de l'augmentation constante des troubles psychologiques et psychiatriques.

Les objectifs du texte sont donc valables et louables puisque ce dernier demande de mieux connaître les chiffres ainsi que toutes les données liées aux accidents du travail et à la santé au travail, de mieux les articuler et de les mettre en perspective. Comment atteindre ces objectifs ? Principalement en croisant les données qui relèvent de la santé au travail ainsi qu'à des difficultés causées par différents critères sociaux et économiques. Dans un deuxième temps, un des moyens d'atteindre les objectifs de ce texte est d'examiner minutieusement le lien qui existe entre la santé mentale et l'activité professionnelle. Et bon, comme je sens que je vais conclure, il me reste à vous dire que nous vous invitons à accepter ce texte ! (Applaudissements.)

Une voix. Très joli !

M. Arber Jahija (MCG). Mesdames et Messieurs, chers collègues, en abordant les questions de santé et de prévention des maladies au travail, cette motion a pour objectif d'élargir les connaissances dans ces domaines par le biais de statistiques, d'enquêtes et de recherches approfondies. Bien qu'une littérature abondante couvre déjà le sujet, il est important de bien saisir les caractéristiques indispensables pour favoriser des environnements professionnels sains à Genève.

Nous soutiendrons ce texte, en espérant ainsi pouvoir disposer de données croisées et actualisées sur les problèmes de santé au travail dans le canton, qui touchent de nombreuses personnes, toutes catégories de travailleurs confondues. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, évidemment, du point de vue de l'OCIRT, qui a mis en place la CIST, à savoir la consultation interdisciplinaire en santé au travail, toute initiative visant à renforcer la santé au travail, mais aussi la quantité de données disponibles pour nous permettre de piloter cette politique publique, est à saluer. Mais c'est vrai que dans cette nouvelle version, la motion dépasse en fait très largement le cadre des conditions de travail et s'intéresse de manière beaucoup plus large, par exemple, à l'influence des facteurs socioprofessionnels sur la santé au travail. Et puis, elle ne prévoit plus l'ancrage organisationnel d'une nouvelle structure à la CIST.

Je ne pourrai bien sûr pas me prononcer sur l'intégralité de cette nouvelle version du texte, je crois que celui-ci relève désormais plus du département de la santé que du seul département de l'économie, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'en cas d'adoption par votre parlement, l'OCIRT se réjouit d'ores et déjà de contribuer, dans le rôle qui est le sien, aux recherches et aux travaux sur ce sujet. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.

Mise aux voix, la motion 2905 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 67 oui contre 7 non (vote nominal).

Motion 2905 Vote nominal