République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2805-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Christo Ivanov, Eric Leyvraz, Stéphane Florey, Virna Conti, Patrick Lussi, Marc Falquet, André Pfeffer, Thomas Bläsi, Eliane Michaud Ansermet : Non au démantèlement de l'infrastructure postale
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 26, 27 janvier, 2 et 3 février 2023.
Rapport de majorité de M. Pierre Eckert (Ve)
Rapport de minorité de M. Serge Hiltpold (PLR)
M 2853-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Delphine Bachmann, Xavier Magnin, Jean-Luc Forni, Jacques Blondin, Jean-Charles Lathion, Souheil Sayegh, Bertrand Buchs, Claude Bocquet, Jean-Marc Guinchard, Sébastien Desfayes, Patricia Bidaux pour un service public plus proche de la population à travers les structures postales existantes sur le canton de Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 11 et 12 mai 2023.
Rapport de M. Jean-Marc Guinchard (LC)

Débat

Le président. Nous entamons nos travaux avec le traitement des objets liés suivants: la M 2805-A et la M 2853-A, classées en catégorie II, trente minutes. M. Serge Hiltpold ne siégeant plus, son rapport sera présenté par M. Béné. (Remarque.) Nous traitons des deux propositions de motions. Mesdames et Messieurs, nous commençons avec la M 2805-A. En raison de l'absence de M. Eckert, le rapport de majorité sera défendu par M. Nicolet-dit-Félix, à qui je donne la parole.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de majorité ad interim. Je vous remercie, Monsieur le président. Ça passera comme une lettre à la poste ! (Exclamations. L'orateur rit.) M. Eckert n'est effectivement pas là pour l'instant; je le remplace donc au pied levé afin de vous parler de la M 2805 déposée par l'UDC. Cette motion, comme d'autres sur lesquelles nous avons travaillé hier, formule des propositions qui, à la fois, sont relativement évidentes et ne mangent pas de pain... (Rires.) ...pour reprendre l'expression utilisée à plusieurs reprises: il s'agit fondamentalement d'inviter le Conseil d'Etat à s'engager auprès de la Poste pour empêcher le démantèlement continu des bureaux de poste et leur remplacement par des succédanés, des ersatz d'offices postaux tels que vous les connaissez dans le canton.

Nous vivons toutes et tous dans ce pays, dans ce canton, et nous subissons année après année ces fermetures. Celles-ci ont deux causes. L'une est incontestable, c'est la baisse de fréquentation des offices par la population, essentiellement en raison de la numérisation d'une part importante des services que la Poste avait coutume et habitude de fournir à la population de notre pays. C'est incontestable: vous et moi, nous nous rendons moins souvent dans les bureaux de poste que les gens de la génération précédente, et cela doit être pris en compte.

L'autre raison est, on va dire, la détestable tendance des autorités fédérales et de la Poste elle-même à considérer cette entreprise, puisque désormais il s'agit d'une entreprise, comme une entreprise standard, c'est-à-dire devant avant tout produire du rendement, du bénéfice, alors que, à l'instar d'autres régies fédérales, la Poste a pour mission essentielle d'offrir un service au public, vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés.

Ça tombe très bien que ce soit l'UDC qui ait déposé ce texte, parce que le conseiller fédéral actuel chargé des affaires postales est de ce parti, vous le savez. Je pense qu'il faut soutenir ce texte et demander au Conseil d'Etat d'intervenir auprès de la Poste et précisément auprès du ministre de tutelle, M. Rösti, dont la posture à l'égard des questions que j'ai soulevées tout à l'heure n'est pas forcément en phase complète avec celle des motionnaires du jour. Pour ces raisons, la commission de l'économie vous invite à voter cette motion. Je reprendrai peut-être la parole plus tard, à moins que M. Eckert ne soit rentré. Ah, il est arrivé ! Parfait ! Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de minorité ad interim. C'est un peu comme beaucoup de ces motions ou déclarations d'intentions: on montre qu'on soutient le service à la population, que tout fout le camp, qu'on est dans l'austérité et qu'il y a de moins en moins de proximité avec la population. Puis on apprend que l'ordonnance sur la Poste, modifiée sur le plan fédéral en 2019 encore, stipule que 90% de la population doit avoir accès en moins de vingt minutes, à pied ou en transports publics, au service universel de la Poste. Cette clause a été précisée pour chaque canton, et il s'avère qu'à Genève, le taux de la population ayant accès au service universel de la Poste en moins de vingt minutes, à pied ou en transports publics, est de 99,72%. On remplit donc totalement les objectifs.

On pourrait toujours vouloir plus, mais se pose la question suivante: qui paie ? Dans le Jura, c'est le canton qui paie le projet pilote, cependant la configuration est complètement différente: c'est un canton peu peuplé mais quand même assez étendu, avec des populations assez éloignées des offices de poste. A Genève, on constate qu'il y a de plus en plus de casiers à colis et on a aussi des boîtes postales.

Pour ma part, j'ai de la peine à comprendre ce qu'on souhaite réellement. Que veut-on ? Que des gens au guichet attendent des clients qui ne viennent pas ? Veut-on réellement ça ? Ou est-ce qu'on souhaite un service postal efficace dans des endroits bien précis, mais pas forcément dans chaque immeuble, dans chaque pâté de maisons ? On parle vraiment de luxe ! Pour terminer mon intervention, je citerai un propos de Michel Blanc: «Le luxe, c'est très futile, mais il me rassure.» Je vous encourage donc à refuser cet objet.

Le président. Merci bien. Je passe la parole à M. Jean-Marc Guinchard, rapporteur sur la M 2853-A.

M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Si j'avais pu intervenir à propos de la M 2805-A en tant que député, j'aurais souhaité dire que cette motion est tout à fait complémentaire à l'excellente motion du Centre, la M 2853-A, celle au sujet de laquelle vous me donnez la parole. Nous vous invitons à l'accepter comme nous accepterons la M 2805-A.

Mesdames et Messieurs les députés, l'auteur et première signataire de ce texte s'est inspirée des modèles qui existent dans les cantons de Neuchâtel et du Jura. Elle relève que la motion s'appuie sur divers constats: on observe en Suisse de manière générale un démantèlement du réseau avec une baisse des points d'accès et un réseau postal qui peine à maintenir des comptes à l'équilibre. La Poste a pour objectif le développement de certains services. En outre, le réseau a été stabilisé à environ huit cents filiales entre 2021 et 2024, mais on a déjà annoncé cette année qu'un certain nombre d'entre elles seraient remises en cause. La Poste a également un rôle social et de prestataire de services, notamment pour les personnes âgées, les personnes isolées qui ont de la peine avec l'évolution du monde numérique et plus particulièrement avec la pratique du e-banking.

Elle relève aussi que des personnes ne peuvent pas se déplacer facilement ou sur de longues distances. A l'heure actuelle, l'enjeu est de décentraliser des prestations de l'Etat, et la Poste pourrait constituer un vecteur de facilitation pour les personnes ayant de la peine avec les guichets numériques et les aider. La motion a dès lors pour but d'inviter l'Etat à entamer des négociations avec la Poste afin que l'on détermine quelles prestations pourraient être déléguées à des offices postaux, dans un souci de valoriser les prestations de proximité et de recréer des liens sociaux avec des personnes larguées par l'évolution du numérique - dans le respect de la protection des données personnelles - et ce à des coûts parfaitement raisonnables.

L'audition des responsables de ce secteur de la Poste et l'intervention de la conseillère d'Etat ont convaincu les commissaires que cette incitation faite au gouvernement avait tout son sens et était tout à fait réaliste. Preuve en est que les usagers peuvent déjà obtenir sans problème au guichet d'un office postal un extrait du casier judiciaire comme un extrait du registre des poursuites. Il ne s'agit donc pas de démanteler les services de l'Etat ni de favoriser artificiellement la Poste, mais simplement de travailler sur des services de proximité et d'aide aux personnes moins à l'aise avec des formalités administratives.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.

M. Jean-Marc Guinchard. Merci. On constate trop souvent que la numérisation de certains services rend les contacts impossibles entre les administrations et leurs usagers, comme avec des compagnies privées. Il suffit de voir les difficultés auxquelles vous êtes confronté lorsque vous souhaitez prendre contact avec votre assurance-maladie ou votre banque et que vous désirez le faire par téléphone: une bande-annonce vous fait patienter avec de la musique et toute sorte d'indications pendant plus de vingt à trente minutes, jusqu'à ce que vous ayez un correspondant qui, à ce moment-là, vous déclare qu'il n'est pas compétent et qu'il va vous passer une autre ligne. Vous attendez à nouveau vingt minutes ! Le système est assez souvent le même à l'Etat, ce qui justifierait une décentralisation de certaines prestations. Sur cette base, je vous recommande, Mesdames les députées, Messieurs les députés, d'accepter largement les deux textes qui vous sont soumis. Je vous remercie.

Le président. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons à présent débattre des deux propositions de motions. Monsieur Ivanov, c'est à vous.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous avions déposé ce texte afin de défendre les bureaux de poste menacés à Genève et d'assurer le maintien d'un réseau social... C'est le cas de le dire ! ...postal de qualité. On l'a vu avec le nombre de fermetures des succursales. On peut prendre l'exemple d'un de nos grands offices, sis au 11 rue du Stand: il a été fermé. On peut aussi prendre l'exemple récent de celui de Chêne-Bougeries, et j'en passe, des vertes et des pas mûres. En ville de Genève, il y avait un grand combat pour le maintien de l'ouverture de la poste du Beulet; j'avais d'ailleurs participé avec Mme Meng à la récolte de signatures pour maintenir ce bureau ouvert. Il est évident que nous devons faire de la proximité, être proches des gens qui ont de la peine à se déplacer, comme l'a dit M. Guinchard, nous occuper de nos personnes âgées, de nos personnes handicapées, afin qu'une succursale leur rendant de grands services se trouve à proximité de chez elles.

J'aimerais quand même rappeler que la Poste est une société anonyme (cela n'aura échappé à personne), qu'en 2023, le bénéfice consolidé après provisions était de 254 millions de francs et que selon les prévisions, d'ici 2028, 170 offices postaux vont fermer en Suisse. On voit bien que les régions périphériques, les campagnes et les montagnes sont de plus en plus prétéritées et que le nombre de nos bureaux de poste se réduit comme peau de chagrin !

L'UDC votera évidemment sa propre motion, elle votera également la motion déposée par Le Centre, parfaitement complémentaire à la sienne, pour réfléchir à un partenariat avec la Poste dans l'objectif de définir des prestations administratives en vue d'un service public plus proche des habitants et du maintien des structures postales existantes. Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, d'accepter ces deux motions. Je vous remercie.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aborde un aspect important, à savoir le statut de la Poste. Vous transmettrez à M. Ivanov, Monsieur le président, que son propos n'est pas tout à fait exact. La Poste est une société anonyme mais de droit public: elle appartient à la Confédération. Je crois qu'il est important de le préciser, parce que ça situe aussi la teneur de notre débat. Nous ne débattons pas dans le vent, nous débattons puisque nous sommes en effet le pouvoir politique du canton de Genève et que nous pouvons faire remonter à la Confédération notre souhait, ainsi que d'autres cantons peuvent le faire, pour le maintien de cette prestation que l'on pourrait qualifier de prestation publique à la population au vu de son rôle et au vu du propriétaire qui n'est autre que la Confédération.

J'ai effectué quelques petites recherches dans différents articles de journaux, et j'ai constaté que ces motions, qui ont pourtant quelques années, sont tristement d'actualité. Si l'on compare les différents chiffres que l'on peut recueillir, on arrive à un constat quand même dramatique: en 2005, la Poste comptait 2390 offices en Suisse. Je répète: 2390 ! Elle n'en compte actuellement plus que 600 ! Je vous laisse saisir l'ampleur de cette réduction. En dix-neuf ans, nous sommes passés de 2390 à seulement 600 offices. Cette régression est dramatique !

Aujourd'hui, plus qu'une qualité dans le service public, c'est quasiment les bureaux de poste qu'il est question de maintenir, tant ils ont fondu de façon considérable. Il s'agit de rappeler que ces bureaux jouent un rôle prépondérant auprès de la population. On l'a encore vu il y a quelques années avec la crise covid, on le voit aujourd'hui notamment avec l'augmentation des envois; on n'encourage certes pas cette augmentation, mais le commerce en ligne, la hausse des achats en ligne entraînent une reprise des envois postaux et le développement de sociétés de livraison privées.

La Poste doit aussi jouer son rôle: celui de lieu de vie et lieu de lien social dans les communes et dans les quartiers des plus grandes villes. Enlever la poste, c'est simplement enlever ces lieux essentiels à la vie de quartier ou de commune et dans lesquels les habitantes et les habitants se retrouvent. Il est donc essentiel d'agir !

Ces deux textes vont dans le même sens. Celui de l'UDC vise à condamner les suppressions d'offices et à ce que tout soit fait pour les maintenir: il est essentiel de l'accepter ! Il est tout à fait pertinent d'étudier l'autre texte, celui du Centre, car il propose d'élargir les missions de la Poste et de développer des partenariats entre l'administration publique, puisque c'est une société anonyme de droit public, et les offices postaux. Pour ces raisons, le groupe socialiste vous invite à les voter.

M. François Baertschi (MCG). Pour les clients et ses employés, la Poste est un service sinistré, une belle institution que l'on a détruite. Dernier élément d'actualité: on apprend que dans le Jura, la moitié des offices va fermer. Nous apprenons qu'un secteur important du canton de Genève sera dirigé par une frontalière... (Exclamations.) ...résidant à Annemasse. C'est catastrophique ! (Commentaires.)

Une voix. Elle parle français !

M. François Baertschi. C'est catastrophique, parce que l'on connaît leur mode de travail, la manière de mal gérer, la manière de maltraiter le personnel résident genevois. C'est une véritable catastrophe pour cette institution ! Cette institution est mal gérée, c'est une évidence ! On le voit grâce à ces deux motions que le MCG va soutenir avec enthousiasme.

Nous sommes également très étonnés qu'une personnalité comme M. Christian Levrat, ancien président du parti socialiste et actuel président de la Poste, mène une politique aussi destructrice pour la société, les travailleurs et les usagers. Je reprends les mots d'un de ses collègues de parti qui s'est exprimé hier soir; je reprends ses mots, ils ne viennent donc pas de ma bouche, ils proviennent de son vocabulaire, de sa manière de traiter les choses: on peut dire que c'est le président de parti le plus violent envers ses employés et les usagers de la Poste.

M. Pierre Eckert (Ve). Excusez-moi de mon retard: j'ai un peu surestimé mes capacités à pédaler contre la bise ! Pour commencer mon intervention, je vous signale que j'ai un joli dessin de presse - je ne vous le montrerai pas, mais vous pouvez venir le consulter - sur lequel il est écrit: «La Poste proposera des alternatives lors de la fermeture de ses filiales.» On y voit une dame d'un certain âge faisant la queue devant l'entrée d'une boîte de nuit pour déposer un colis. C'est peut-être un peu excessif, mais je pense que remplacer un certain nombre d'offices postaux par divers types de boutiques dans lesquelles vous pouvez avoir accès à plusieurs services postaux ne constitue pas la réponse. Les réponses ont été données tout à l'heure; un service postal, c'est quand même quelque chose de totalement différent.

Dans la mesure où de nombreux éléments ont déjà été évoqués, j'aimerais continuer en mentionnant la loi. Celle-ci précise que la Poste est en mains publiques, comme on l'a dit, et la loi sur la poste garantit «un réseau d'offices de poste et d'agences couvrant l'ensemble du pays et assurant les prestations du service universel; celles-ci doivent être accessibles à une distance raisonnable dans toutes les régions et à tous les groupes de population». Une statistique dans le canton de Genève a été donnée; nous sommes actuellement en danger, puisqu'un certain nombre de succursales seront fermées et que nous risquons fortement de ne plus pouvoir réaliser cette condition imposée par la loi.

Je souligne encore un élément: la libéralisation de la Poste, ce n'est pas la gauche qui l'a voulue, d'une façon ou d'une autre. Vous pouvez accuser... Elle a été menée dans les années 1990; on avait décidé de séparer la poste de la téléphonie. Ce n'est pas vraiment nous qui avons engagé le processus de libéralisation. Malgré le fait que la Poste soit en mains publiques, je pense que la loi doit être respectée et qu'il faut garder cette proximité.

J'ajoute encore un mot à propos de la M 2853-A: c'est une bonne piste ! Intégrer dans les bureaux postaux un certain nombre de services de l'Etat représente vraiment une bonne piste. Nous soutiendrons également cette motion et faisons totalement confiance à la personne qui l'a déposée - elle est actuellement aux manettes - pour la mettre en oeuvre en tant que conseillère d'Etat. Je vous remercie.

M. Francisco Taboada (LJS). Chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas revenir sur les éléments déjà évoqués, néanmoins j'en soulèverai un qui m'a un peu touché. Les chiffres, on peut leur faire dire ce que l'on veut ! On peut les manipuler dans un sens tout autant que dans l'autre. Mais lorsque j'entends parler de la distance et des transports publics à disposition de certains de nos concitoyens, j'aimerais préciser que certaines personnes vivant dans notre canton sont isolées. Je songe notamment aux personnes âgées: lorsqu'elles doivent se déplacer pour chercher un paquet à la poste, ce n'est pas quelque chose d'aisé pour elles. On doit penser à cette tranche de la population et pas seulement invoquer des statistiques. Je le répète: les chiffres, on peut leur faire dire ce que l'on veut. Je voulais dire qu'il faut avoir une pensée à l'égard des personnes à mobilité réduite et de nos aînés: ils ont aussi droit à ce service, comme vient de le dire mon préopinant. Je m'arrêterai là, Monsieur le président. Merci.

Le président. Je vous remercie. Je passe la parole à M. Baertschi, qui dispose encore d'une minute.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Si l'on veut parler de la Poste, il faut également parler d'une direction très agressive, avec des managers domiciliés hors de Genève, notamment M. Roberto Cirillo et M. Johannes Cramer; ils ont travaillé chez McKinsey et ont eu des méthodes très brutales, en particulier M. Cirillo avec la Poste allemande où il a créé un champ de ruines. Voilà ce que l'on continue de faire à Genève, et en Suisse bien évidemment, hélas ! Voilà ce qu'il faut également dénoncer !

Mme Danièle Magnin (MCG). Je voudrais simplement dire que la poste est à 900 mètres de chez moi, que le bus est dévié et ne passe pas dans mon coin et qu'une boîte aux lettres est relevée le matin à 10h. Par conséquent, si vous travaillez toute la journée, une fois que vous avez terminé, soit vous marchez 1 kilomètre, soit vous attendez que le courrier parte le lendemain. Ce n'est vraiment pas agréable ! Merci.

M. Djawed Sangdel (LJS). Le groupe LJS encourage l'innovation et la créativité: il faut utiliser des outils modernes ! Actuellement, la plupart des citoyens ont accès à travers leur e-banking à certains paiements, à certaines activités, mais il faut quand même repenser notre système postal et qu'on ait des bureaux pour des personnes âgées ou des personnes qui, aujourd'hui, n'ont pas certains accès, certains outils modernes. Le groupe LJS vous encourage à soutenir ce modèle avec un autre fonctionnement, mais il vous invite aussi à soutenir ces motions. Je vous remercie.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Je reviens sur quelques éléments. On peut être d'accord avec le lien numérique - je parle de la M 2853-A - qu'il faut améliorer pour aider la population à faire des transactions en ligne, à commander en ligne. On peut être tout à fait d'accord sur ce point. Néanmoins, même si c'est une institution publique, la Poste connaît une érosion de son modèle d'affaires traditionnel: il y a une grosse baisse des bénéfices. Monsieur Romain de Sainte Marie, vous avez évoqué le nombre d'offices postaux en considérable diminution, mais il faut aussi dire que la distribution ou l'envoi de lettres par la population est aussi en diminution. Il y a une grosse augmentation des colis - n'en déplaise à certains, mais voilà, c'est comme ça ! Je pense à Zalando, à Amazon, etc. Par contre, la distribution de lettres connaît une très forte baisse: 42% ! Vous avez évoqué ce qui s'est passé depuis 2005, Monsieur de Sainte Marie: eh bien depuis 2005, le trafic des lettres en Suisse a diminué de 45%.

Chaque fois que la Poste a la volonté de proposer d'autres services que son modèle d'affaires traditionnel, pour la majorité de ce parlement, c'est non ! Le PLR souhaitait effectivement que la délivrance des plaques automobiles puisse se faire aussi par les bureaux de poste, comme activité annexe, mais ce parlement l'a refusé, pour des raisons... La gauche désire une économie planifiée: on ne voudrait surtout pas diminuer le nombre de fonctionnaires à l'office cantonal des véhicules. Le fait est qu'on n'a pas permis à la Poste de délivrer des plaques automobiles, comme ça se fait dans d'autres cantons.

J'aimerais juste terminer en citant ce qui a été dit lors d'une audition à la commission de l'économie. Il a été dit que «ce n'est pas le rôle du Conseil d'Etat de "maintenir l'état du bureau de poste"» et qu'il fallait plutôt miser sur la lutte contre la fracture numérique. Cette position n'était pas tenue par quelqu'un d'habituellement très libéral, on va dire; c'était celle de Mme Fischer - je l'ai déjà citée hier -, plutôt connue pour vouloir une économie planifiée.

Je comprends bien non seulement les auteurs de la motion, mais aussi, et surtout, les votes en commission: vous avez peut-être raison d'essayer, parce qu'«on sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher» ! (Rires.)

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de majorité ad interim. J'interviens très rapidement pour associer mes propos, un peu plus personnels, à ceux très sensibles que nous avons entendus, notamment de Mme Magnin et de M. Taboada, qui évoquent une forme de détresse des gens effectivement dépourvus des services essentiels que la Poste leur proposait. Le chiffre de 99,72% figure dans le rapport; je savais que j'étais un être exceptionnel, mais pas au point de faire partie des 0,28% des Genevois qui résident à plus de vingt minutes d'un office de poste. L'hypothèse que je privilégie est que ce chiffre date d'avant la suppression successive des offices de poste d'Athenaz, de Chancy, d'Avully et de La Plaine. Depuis, toute la Champagne est dépourvue de bureaux de poste et tous les résidents de cette région du canton doivent se déplacer au plus proche, à savoir à Bernex, s'ils veulent disposer de services étendus, ce qui suppose plus de vingt minutes de trajets en transports publics pour la plupart d'entre eux. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. C'est au tour de M. Guinchard, rapporteur de majorité pour la M 2853-A.

M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur. Rapporteur tout court ! Merci, Monsieur le président. Je crois que nous tous, dans cette salle, sommes sensibles aux activités de proximité grâce auxquelles nos concitoyens se retrouvent dans toute une série de circonstances. Dans un village - à cet égard, j'ai été sensible aux déclarations de mon collègue Romain de Sainte Marie -, les habitants ont ou avaient l'habitude de se rencontrer à l'église ou au temple (ce qui devient de plus en plus rare), dans les bistrots (Dieu merci, ça continue) et également à la poste, ce qui favorise le lien social en permettant aux gens de se retrouver. Plusieurs raisons à cela, et ce sont les objectifs de ces deux excellents textes: déployer des activités postales, permettre le contact et faire bénéficier d'une décentralisation de certains services de l'Etat. Je ne peux donc que vous encourager à voter largement ces deux excellents textes. Je vous remercie.

Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, on se retrouve aujourd'hui pour ne pas trop manger de pain et encore peut-être un peu de lecture. Concernant la première des deux motions, je pense faire quand même un peu de lecture. Vous invitez le Conseil d'Etat «à s'engager activement, auprès de la Poste suisse, pour défendre les bureaux de poste menacés de fermeture à Genève et le maintien d'un réseau postal de qualité». C'est sûr; je pense que personne ne peut être en désaccord avec cette affirmation ! On souhaite évidemment tous un service postal de qualité. J'ai moi-même vécu la récente fermeture de la poste de Chêne-Bougeries, ce qui me conduit à devoir parfois aller en terres thônésiennes. C'est risqué, comme chacun le sait, mais on s'en sort !

Pour revenir à des considérations un peu plus sérieuses, s'agissant d'économie un peu moins planifiée, je souhaiterais juste rappeler que si la Poste est un service public, ça n'en reste pas moins une entreprise qui a des objectifs, qui doit atteindre une rentabilité et qui voit, comme beaucoup d'entreprises, une transformation de son modèle d'affaires avec les changements sociétaux que nous vivons. Vous le savez très bien, on n'utilise plus autant la Poste qu'auparavant. Elle doit par conséquent prendre des mesures structurelles.

Le Conseil d'Etat dialogue constamment avec la Poste: j'ai encore reçu ses représentants il y a quelques mois pour un échange, parce qu'il nous paraît crucial de maintenir ce service public de qualité. Certes, des offices postaux ferment, mais je tiens à rappeler que 99,39% des personnes (c'est le chiffre le plus récent que l'on ait: il date de 2023) ont accès à un service postal à moins de vingt minutes à pied ou en transports publics de leur domicile. Même si on peut faire dire aux chiffres ce que l'on veut, je pense quand même que celui-ci est significatif. Si des bureaux postaux ferment, en revanche on constate un renforcement des automates, des points de retrait, des points de dépôt et des filiales en partenariat. En 2021, on dénombrait 95 points d'accès et en juin 2024, on en dénombrait 106 ! Donc, bien que des succursales ferment aujourd'hui, on constate qu'on a de plus en plus de points d'accès.

C'est dans ce sens que va la deuxième motion, déposée par une personne dont je connais vaguement le nom: elle vise plutôt à renforcer ces filiales en partenariat, voire à ce qu'y soient offertes des prestations de proximité et des services à la population. On pense ici, on l'a dit avant, aux personnes âgées, à celles pour qui l'administratif est peut-être plus rugueux, à celles qui savent moins bien s'y prendre avec la transition numérique que nous vivons. Le Conseil d'Etat accueillera favorablement la deuxième motion, car nous avons des discussions avec la Poste à ce sujet, que nous entendons poursuivre.

Quant à la première motion, je vous laisserai déterminer son efficacité, mais dans tous les cas, sachez que le Conseil d'Etat est attentif à la question d'un service postal de proximité et qu'il entend poursuivre en ce sens le dialogue qu'il a établi depuis longtemps avec la Poste. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.

Mise aux voix, la motion 2805 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 71 oui contre 18 non et 1 abstention (vote nominal).

Motion 2805 Vote nominal

Mise aux voix, la motion 2853 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 74 oui contre 18 non et 1 abstention (vote nominal).

Motion 2853 Vote nominal