République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 septembre 2024 à 18h
3e législature - 2e année - 5e session - 26e séance
M 2962-A
Débat
Le président. Nous passons à la M 2962-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Mme Sonderegger, vous avez la parole.
Mme Gabriela Sonderegger (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de motion 2962 vise à créer un parc naturel périurbain dans les bois de Versoix, l'une des plus grandes forêts genevoises, pour répondre au déclin de la biodiversité et renforcer la protection de ces milieux sensibles. (Brouhaha.) Il y a trop de bruit, là ! (Un instant s'écoule.) Ce texte propose d'évaluer la faisabilité d'une telle initiative en collaboration avec les parties prenantes locales. Le parc bénéficierait de ce statut fédéral pour permettre la sensibilisation du public, la recherche environnementale et la gestion durable des forêts, tout en maintenant certaines activités économiques compatibles.
Les travaux de commission ont permis de révéler plusieurs préoccupations des députés concernant la gestion de cet espace. Le parc prévu comprendrait une zone centrale restreinte au public et des zones de transition accessibles. Des questions ont été soulevées sur la comparaison avec d'autres parcs, l'impact sur la pêche et la régulation des cervidés ainsi que les risques de privatisation par des associations. La collaboration avec les cantons voisins et la France a été jugée essentielle, mais potentiellement contraignante. L'office cantonal de l'agriculture et de la nature, le directeur de Forêt Genève ainsi qu'un membre du comité GIFORGE, un groupement d'ingénieurs forestiers à Genève, ont été consultés. Ils nous ont décrit la gestion forestière de Genève, axée sur la biodiversité et l'exploitation durable du bois. Il a été souligné que 25% des forêts genevoises... (Brouhaha.)
Le président. Madame la députée, un instant, s'il vous plaît. Messieurs de l'UDC, pourriez-vous sortir et avoir votre discussion en dehors de la salle ? (Remarque.) Non, vous sortez alors ! (Commentaires.) Vous sortez, s'il vous plaît !
Mme Gabriela Sonderegger. Mon temps de parole continue à s'écouler.
Le président. Monsieur, vous sortez ! (Commentaires.) Dites à votre collègue de sortir. (Un instant s'écoule.) Madame la rapporteure, vous pouvez continuer.
Mme Gabriela Sonderegger. Merci, Monsieur le président. Il a été souligné lors des auditions que 25% des forêts genevoises sont déjà des réserves et que la création de ce parc périurbain pourrait entraîner une perte de biodiversité et d'accueil pour le public. L'importance de l'entretien forestier pour maintenir la diversité des habitats a également été mentionnée. Selon les auditionnés, les petites dimensions et la forte fragmentation des bois de Versoix compliqueraient la mise en place d'un parc périurbain viable. Ils ont estimé que ce projet était inadapté aux dimensions actuelles des forêts genevoises et ont considéré que cette motion risquait de nuire à l'équilibre actuel. Les discussions ont porté sur la faisabilité du parc périurbain, en particulier sur la taille requise, de 400 hectares, qui pourrait poser un problème pour les bois de Versoix. Cette mise sous cloche risquerait donc de nuire à la biodiversité et à la gestion locale.
Il a été relevé que la promotion de la biodiversité et des activités pédagogiques existent déjà sans changement de statut du parc. L'OCAN nous a mis en garde contre les contraintes que cela engendrerait, qui nécessiteraient de grandes ressources humaines et financières et qui pourraient en outre créer des restrictions inutiles. Auditionnés, les représentants de Pro Natura et du WWF nous ont présenté les avantages d'un parc périurbain pour la biodiversité, le stockage de carbone et l'éducation environnementale. Ils ont expliqué que la cessation de l'exploitation forestière permettait un vieillissement naturel des arbres favorable à la biodiversité. Ils ont reconnu que la création d'un tel parc poserait des défis de gestion et nécessiterait une coordination avec les propriétaires et les autorités voisines. Aussi, ils ont recommandé une étude de faisabilité pour évaluer l'impact d'un tel parc périurbain dans les bois de Versoix.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Gabriela Sonderegger. Lors de son audition, le maire de Versoix a exprimé des réserves quant à la création de ce parc. Il a mis en avant les défis de gouvernance, l'impact potentiel sur les usages locaux et les conflits entre la préservation de la nature, les activités humaines et l'agriculture. La commune préfère le cadre actuel du plan directeur forestier, qui permet une protection écologique adaptée et flexible. Selon lui, la motion semble inadaptée à la réalité locale et pourrait créer plus de contraintes qu'elle n'apporterait de bénéfices. Cette proposition a été rejetée par une grande majorité de la commission. Vous l'aurez compris, cette dernière vous recommande de refuser ce texte. Merci de votre attention.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ça n'a pas été dit, mais le concept de parc naturel périurbain est défini à l'article 23h de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, avec un certain nombre de caractéristiques que vous retrouverez dans le rapport.
Ces caractéristiques sont tout à fait compatibles avec les bois de Versoix. Ceux-ci se prêtent très bien à la mise en place d'un tel parc, d'autant plus qu'ils disposent d'ores et déjà de zones protégées et de parcours didactiques, comme l'a dit ma préopinante. Or du côté des Verts et de la minorité, nous pensons qu'on peut aller plus loin dans cette direction. Durant le traitement de cette motion, on a trop souvent pris pour référence les deux autres parcs naturels périurbains - le Sihlwald dans le canton de Zurich et les bois du Jorat dans le canton de Vaud. Leurs caractéristiques morphologiques sont bien différentes de celles des bois de Versoix, si bien qu'ils devraient servir de sources d'inspiration plutôt que d'exemples.
La loi est complétée par l'ordonnance sur les parcs d'importance nationale, qui fixe de façon plus précise les conditions relatives aux parcs naturels périurbains. Dans ce cadre, nous estimons qu'il existe une marge de manoeuvre et que l'étude de faisabilité demandée par la motion devrait l'explorer. Quelques éléments caractéristiques de la faisabilité d'un tel parc ont été mis en avant lors de l'audition du WWF et de Pro Natura, qui soutiennent ce projet. Même si l'OCAN, qui a aussi été auditionnée, préfère une gestion planifiée, nous estimons nécessaire de franchir un pas supplémentaire pour les bois de Versoix - le reste du territoire genevois pourra toujours être géré selon les méthodes actuelles; on parle ici par exemple des bois de Chancy ou de ceux de Jussy.
La question de la surface de la zone centrale ne doit d'ailleurs pas être considérée comme absolue. Il convient clairement d'explorer les possibilités de collaboration avec les tenants des surfaces de forêt contiguës situées sur le territoire de Collex-Bossy, du canton de Vaud et du Pays de Gex - tiens, on revient à un concept transfrontalier !
Je rappelle encore que nombre d'exigences qu'entraîne un parc naturel périurbain sont déjà réalisées: 113 hectares sont déjà classés en zone de réserve naturelle, le cours de la Versoix et ses environs sont reconnus d'importance nationale, des cheminements piétons et des parcours didactiques existent, un plan sur la biodiversité est en cours de développement et l'exploitation du bois en tant que matériau ou en tant que combustible est très limitée.
Les marges de manoeuvre sont largement présentes. Le canton de Vaud l'a fait, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire aussi à Genève ? Ce parc apporterait un réservoir de biodiversité exceptionnel et une importante plus-value pour Genève et sa région. Et rappelons que la motion ne demande finalement qu'une étude de faisabilité; personne n'a demandé que ce parc soit réalisé. Menons cette étude de faisabilité, je vous encourage donc à soutenir cette motion !
Mme Angèle-Marie Habiyakare (Ve). Le rapport du Conseil fédéral sur l'environnement de 2022 mentionne que le déclin de la biodiversité fait partie des défis les plus importants à relever. Pour répondre à cette crise, qui est corrélée à la crise climatique, il nous faut évaluer les plans et la situation de notre canton dans ce contexte, créer des espaces qui représentent des solutions concrètes et préserver notre patrimoine et notre Terre. C'est dans ce contexte que s'inscrit cette proposition de motion, qui demande d'étudier - j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une étude - la faisabilité d'un parc périurbain dans les bois de Versoix.
L'OFEV dit que ce type de parc contribue à améliorer la qualité de vie de la population en lui offrant des possibilités variées de découvertes, de détente et d'éducation, tout en promouvant et en sauvegardant la biodiversité et le paysage. Les bois de Versoix représentent une surface de 553 hectares et se trouvent dans une zone périurbaine. Plusieurs zones sont déjà reconnues nationalement. Elles abritent des groupes d'animaux menacés, un statut qui concerne 14 des 19 espèces indigènes suisses. Ce déclin s'explique principalement par la raréfaction de leurs sites de reproduction.
La proposition de motion vise principalement à étudier la faisabilité d'un tel parc, dans une perspective collaborative avec les actrices et acteurs concernés, notamment les communes et les forestiers. Cette approche est en phase avec l'article 23i de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, qui dit tout simplement: «1 Les cantons soutiennent les initiatives régionales visant à aménager et à gérer des parcs d'importance nationale. 2 Ils veillent à ce que la population des communes concernées puisse participer de manière adéquate.» Ce statut permet également de renforcer un aspect d'information et de sensibilisation envers le public ainsi qu'en faveur des recherches scientifiques. L'efficacité d'absorption du CO2 par les arbres et le sol est corrélée avec une connectivité entre différents milieux naturels, qui peut aussi se faire à travers des corridors biologiques. Un exemple cité par mon collègue, le député Eckert, est celui du parc naturel du Jorat, qui est fortement subventionné par la Confédération.
En résumé, je vous invite à voter en faveur de cette proposition de motion, qui vise à étudier la faisabilité d'un parc périurbain dans les bois de Versoix. Merci.
M. Sébastien Desfayes (LC). Le groupe Le Centre votera contre cette motion. Cela étant, il faut reconnaître que ce projet fait suite à un réel besoin de la population, parce que la densification à laquelle on assiste dans le canton de Genève a pour corollaire le besoin de se rapprocher de la nature et de vivre avec elle. On constate, notamment avec le Bioparc de Genève, que la population veut plus de nature. Par conséquent, ce projet partait vraiment d'une excellente intention, et quand je l'ai reçu, j'avais la volonté de le soutenir.
Cependant, il faut simplement regarder la réalité des faits et tenir compte des auditions: on nous dit qu'il faut procéder à la création d'un parc naturel périurbain à Genève en écoutant les milieux forestiers et les milieux agricoles. Or, nous les avons entendus, et tant les milieux agricoles que les milieux forestiers nous ont fait part de leur refus et nous ont expliqué que l'endroit n'est tout simplement pas indiqué pour créer un parc naturel périurbain à Genève. Un grand problème se pose avec les milieux agricoles, tout simplement parce que la création d'un parc naturel périurbain entraverait l'exploitation agricole dans les lisières des forêts. C'est bien malheureux, mais on ne peut pas faire de politique sans tenir compte de la réalité des faits.
Et c'est d'ailleurs dommage que le conseiller d'Etat ne soit pas là, parce qu'une solution, un projet qui pourrait être envisagé par ce Grand Conseil, c'est la création d'un grand parc naturel qui serait transfrontalier. Je pense que c'est dans cette direction qu'on doit aller. Malheureusement, les bois de Versoix sont trop petits et ont trop de contraintes, notamment liées à la zone agricole, pour que le projet proposé soit réalisable, mais nous accueillerons volontiers - et, cas échéant, nous proposerons - la création d'un parc périurbain transfrontalier. Merci.
Une voix. Bravo !
M. Geoffray Sirolli (PLR). Tout comme le député Desfayes, je regrette en premier lieu que le conseiller d'Etat ne soit pas là pour nous écouter débattre de cette motion plus qu'intéressante. (Commentaires.) Le groupe PLR a également reçu de façon favorable dans un premier temps cette proposition. En effet, vouloir valoriser une forêt aussi magnifique et attrayante que les bois de Versoix a de quoi faire plaisir. Mais comme cela a été dit, notamment par notre excellente rapporteuse de majorité, les auditions nous ont fait un peu déchanter.
Tout d'abord, soyons honnêtes, les bois de Versoix sont déjà bien protégés par les politiques existantes. Les communes concernées, au premier rang desquelles Versoix, font déjà un excellent travail pour préserver la biodiversité, tout comme le canton. Les services que nous avons reçus nous l'ont prouvé. Alors pourquoi vouloir ajouter une couche supplémentaire de bureaucratie ? Ça ne ferait que compliquer les choses, sans créer de réels bénéfices supplémentaires.
Ensuite, il y a un autre problème évident: finalement, personne ne veut vraiment de ce projet et personne ne veut le porter, ni le canton ni la commune ne souhaitent le gérer. La commune a clairement indiqué qu'elle n'était pas intéressée. Le canton, lui, ne se montre pas très enthousiaste à l'idée d'assumer cette charge supplémentaire. Alors si même les principaux acteurs locaux n'en veulent pas, pourquoi forcer cette idée ?
Enfin, parlons des conséquences économiques, qui, comme le député Desfayes l'a expliqué, sont autant agricoles que forestières. Cette motion risque de constituer une nouvelle mise sous cloche et de restreindre des activités importantes, comme l'exploitation du bois. Soyons réalistes: l'exploitation du bois, c'est non seulement une activité économique locale importante, qui fait vivre de nombreuses PME, mais c'est également un moyen d'assurer une certaine autonomie énergétique à Genève, qui nous est très chère. Si on arrête cette exploitation, il faudra importer du bois, ce qui va finalement à l'encontre de tous les principes écologiques que nous connaissons.
C'est pourquoi, au nom du groupe PLR, je vous invite à rejeter ce texte; le projet ne trouve pas de gestionnaire, personne n'en veut - ni le canton ni la commune - et il risque de compliquer des activités locales importantes. Restons concentrés sur ce qui fonctionne et évitons de créer des structures supplémentaires inutiles et coûteuses. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Mme Céline Bartolomucci (Ve), députée suppléante. Aujourd'hui, l'exploitation du bois dans notre canton n'est absolument pas rentable, elle est subventionnée à 70% par l'Etat, ce qui fait que quand vous vous chauffez avec cette ressource, vous payez deux fois le bois. Tout ça pour dire que la réflexion autour de ce parc est l'occasion d'allier des intérêts différents et des buts communs...
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Céline Bartolomucci. ...la biodiversité, le déploiement du tourisme ainsi que la valorisation du patrimoine genevois. Nous vous invitons donc à voter en faveur de ce texte.
Le président. Merci, Madame. Mesdames et Messieurs les députés, je lance la procédure de vote sur cet objet.
Mise aux voix, la proposition de motion 2962 est rejetée par 54 non contre 18 oui et 4 abstentions (vote nominal).