République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 septembre 2024 à 16h20
3e législature - 2e année - 5e session - 25e séance
M 2750-A
Débat
Le président. Nous entamons l'examen de la M 2750-A, dont nous débattons en catégorie II, trente minutes. Le rapport de Mme Claude Bocquet, qui ne siège plus, sera présenté par l'excellent M. Sébastien Desfayes, à qui je donne la parole.
M. Sébastien Desfayes (LC), rapporteur ad interim. Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion a été déposée par M. Jean-Charles Lathion, qui nous regarde très certainement: il ne rate jamais mes interventions, surtout quand je parle de lui. (Rires. L'orateur rit.) C'est une excellente proposition de motion qui, je pense, fera l'unanimité en plénière. Il s'agit d'un projet de simple bon sens, né dans l'Association des habitants du centre et de la Vieille-Ville de Genève. Les habitants sont partis d'un constat: la Vieille-Ville est magnifique, elle a de très beaux bâtiments, mais il faut la redynamiser, il faut qu'elle vive. Si elle est belle, elle est un peu morte comparée à d'autres vieilles villes du pays: je pense à celles de Fribourg, de Berne, de Zurich, et même de Sion, qui ont été réanimées. On doit véritablement mener une réflexion au sujet de notre Vieille-Ville, où les commerces tendent à disparaître.
Une des raisons identifiées par l'Association des habitants du centre et de la Vieille-Ville de Genève est relativement simple: la Vieille-Ville n'a quasiment plus d'habitants. Or, des bâtiments ne demandent aujourd'hui qu'à être transformés en logements d'habitation. Une motion, la M 2062, invitait l'Etat à optimiser l'utilisation de ses locaux. Après avoir mené une enquête approfondie, l'Association des habitants du centre et de la Vieille-Ville a constaté que l'Etat avait vingt adresses dans l'hypercentre, ce qui représentait des bâtiments disposant de 28 000 mètres carrés, 1300 pièces d'habitation, soit l'équivalent de 325 appartements de 4 pièces. Il s'agit, pour la plupart, d'anciens appartements transformés en bureau. L'objectif de la motion qu'on traite est évident: faisons la conversion inverse, transformons ces bureaux en logements, ce qui permettra à la Vieille-Ville d'être redynamisée.
Des adresses figurent dans ce texte; on pense aux immeubles sis 2 rue Henri-Fazy, 4 rue du Puits-Saint-Pierre, 8 rue Jean-Calvin, 7 rue des Granges, 2 rue Ardutius-De-Faucigny. Bref, autant d'adresses en Vieille-Ville, dans des rues qui aujourd'hui, après 18h, donc après la sortie des bureaux, sont totalement mortes. C'est pourquoi je vous invite à soutenir avec enthousiasme cette motion de simple bon sens. Merci.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste accueille ce texte avec intérêt et bienveillance, même si nous reconnaissons un certain nombre de difficultés dans sa mise en oeuvre, notamment quant au coût que pourrait représenter la transformation de ces bureaux actuellement occupés par l'administration publique en logements, le but étant évidemment de ne pas construire des logements de luxe.
Les objectifs des motionnaires que le premier signataire nous a relatés font effectivement écho, on l'a souligné, à des revendications de l'Association des habitants du centre et de la Vieille-Ville: ceux-ci proposent et souhaitent le maintien d'un certain nombre d'habitations et d'habitants dans le centre et en Vieille-Ville ainsi qu'un retour d'une certaine vie sociale en dehors des activités commerciales et administratives en Vieille-Ville.
Le parti socialiste partage ces objectifs, et c'est la raison pour laquelle nous soutiendrons ce texte, même si nous reconnaissons qu'aujourd'hui il y a du sens à ce qu'un certain nombre de bureaux de l'administration publique soit domicilié en Vieille-Ville. Il est clair que les services du Grand Conseil ont un certain intérêt à être proches du Grand Conseil; il en va de même pour la chancellerie, pour les secrétariats généraux des différents départements. En revanche, est-il absolument nécessaire que le registre du commerce, par exemple, soit implanté en Vieille-Ville ? La réponse semble assez évidente: non. Ces espaces pourraient avantageusement être aménagés et destinés à de l'habitation dans l'objectif, comme l'a rappelé le rapporteur, d'apporter plus de vie sociale et de dynamisme à notre centre-ville. Pour ces raisons, le groupe socialiste va soutenir ce texte. Je vous remercie.
M. Philippe de Rougemont (Ve). Ce texte mentionne plusieurs adresses en Vieille-Ville; certaines d'entre elles se prêtent très bien à l'objectif de la motion, c'est-à-dire les transformer en logements et redonner vie à ce quartier, et d'autres s'y prêtent mal. Etant donné qu'il s'agit d'une motion, liberté est laissée au Conseil d'Etat de prendre acte et de peser le pour et le contre.
Sur le fond, nous sommes tout à fait d'accord. C'est du reste un plaisir rare que d'être d'accord avec M. Desfayes et de l'entendre dire, quasi mot pour mot, que les locaux de bureaux doivent être rendus à leur affectation première, le logement. Cela ne concerne pas seulement la Vieille-Ville, mais aussi toute la ceinture fazyste. Les premiers et deuxièmes étages ont souvent été transformés en ateliers de logopédie, de psychologues, en petits bureaux, en fiduciaires, en cabinets d'avocats, etc. On a là un vivier possible de créations de logements au centre-ville, on crée de la vie au centre-ville et on réduit le besoin en logements - il y en aura toujours un énorme besoin, mais on ne fait pas assez avec ce que l'on a.
J'ajoute un autre point à ce qui a déjà été dit et bien dit: il s'agit d'un message de l'Association des habitants du centre et de la Vieille-Ville, c'est-à-dire des experts, des habitants du quartier qu'on occupe quelquefois dans la semaine et auquel on apporte de la vie. Nous sommes une centaine de députés et s'y trouvent les services du Grand Conseil et le Conseil d'Etat; on est là et on a l'impression qu'il y a de la vie, mais si vous revenez à d'autres moments, le soir ou surtout le week-end, vous constaterez que c'est une morne plaine. Sachons écouter les habitants quand ils nous disent que nous, le Grand Conseil, avons des leviers sur lesquels appuyer, sachons répondre aux besoins de l'association des habitants, qui sont tout à fait légitimes, et faisons confiance au Conseil d'Etat pour faire le tri entre toutes ces adresses - la rue des Chaudronniers, par exemple, pourrait convenir à la création de coopératives pour la classe moyenne.
Pour terminer, je vous annonce que les Vertes et les Verts vous recommandent d'adopter cette motion. Goûtons ce plaisir rare d'être tout à fait en accord avec M. Desfayes. Merci.
M. Stéphane Florey (UDC). Lorsque le rapport a été déposé, cet objet a suscité un certain débat dans notre groupe et, je peux le dire maintenant, nous avons changé d'avis pour plusieurs raisons.
D'abord, ce débat a déjà eu lieu maintes et maintes fois, et nous avons clairement loupé plusieurs occasions. Avait notamment été émise l'idée d'une cité administrative. Ce point est revenu régulièrement dans ce Grand Conseil, et la dernière fois que nous avons eu l'occasion d'en créer une, c'était sur les anciens terrains d'Artamis. Ma foi, cette idée est tombée en raison d'autres projets. On voit mal aujourd'hui comment déménager des centaines de bureaux: il faudrait soit les reconstruire ailleurs, soit... C'est quasiment mission impossible !
On remarque également un second problème. Non seulement tous les bureaux de l'administration ne sont pas transformables, mais en plus l'application du texte va poser une multitude de problèmes: quand vous ferez la demande d'autorisation de transformer tous ces bureaux en logements, les conditions seront telles que cela coûtera extrêmement cher, ne serait-ce que d'un point de vue patrimonial. Quand la CMNS va donner ses préavis et mettre son nez dans ces affaires en examinant la raison de la transformation de tous ces bureaux en logements... Ce sera tellement conditionné que ça sera mission impossible, et ça va coûter trop cher. C'est juste impensable ! Pour ces deux principales raisons, nous refuserons cet objet, qui est, selon nous, clairement inapplicable aujourd'hui. Je vous remercie.
M. Amar Madani (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est dans le fond louable. Pourquoi ? Parce qu'une fois les bureaux fermés, la Vieille-Ville devient silencieuse, déserte, c'est tout le quartier qui le devient après cette fermeture. En dépit de cette noble intention, ce texte entraîne plusieurs difficultés d'ordre pratique, notamment celle associée à la rénovation, dont le coût est extrêmement élevé. Compte tenu du caractère patrimonial de cette cité, les coûts seront très, très élevés, et ce, pour un résultat insignifiant. C'est pourquoi le MCG n'a pas soutenu cette motion en commission. Cela dit, qu'elle ait un aspect positif est indéniable: elle a soulevé une question cruciale sur laquelle le Conseil d'Etat doit se pencher. Pour ces raisons, le MCG ne la votera pas. Je vous remercie.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Le groupe PLR remercie notre ancien collègue, M. Jean-Charles Lathion, pour ce texte qui soulève une problématique réelle, l'animation de la Vieille-Ville. On regrette toutefois que la solution proposée soit largement irréalisable.
En effet, il est séduisant de proposer des logements bon marché dans ces beaux bâtiments, mais, les auditions l'ont clairement indiqué, ceux-ci ne sont que très peu adaptés au logement. Ils sont largement protégés: cela signifie que leur conversion sera si coûteuse que, selon les auditionnés, ce sera impossible à valoriser et que même les plus propices à la conversion ne seront disponibles que pour des gens ayant beaucoup de moyens; il n'y aura finalement que de riches étrangers souvent absents. Si l'idée est de remplacer des fonctionnaires par des personnes absentes, nous n'allons pas atteindre l'objectif de la dynamisation du centre-ville. On ne parle même pas de l'idée d'y mettre des LUP ou des logements bon marché. A ce propos, je me permets de citer les services de l'Etat, parce que j'ai trouvé cela vraiment intéressant: cela revient à «proposer une politique publique extrêmement coûteuse pour un nombre très restreint de bénéficiaires». Il me semble qu'en une phrase, on a résumé la conclusion de cette proposition: dépenser beaucoup d'argent pour peu de bénéficiaires !
En outre, je ne peux pas louper l'aspect institutionnel. L'idée d'éloigner les conseillers d'Etat du Grand Conseil me paraît envoyer un très mauvais signe: ça ne va pas faciliter leur présence dans nos commissions. Je pense au contraire qu'on devrait travailler au rapprochement institutionnel.
La dynamisation de l'animation au centre-ville est plutôt de compétence communale et pourrait être davantage retravaillée avec le PUS et autres par la Ville de Genève. Pour ces raisons, le groupe PLR s'opposera à ce texte. Je vous remercie.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Chères et chers collègues, je voudrais rassurer notre collègue, M. Florey, quant à la possibilité ou aux possibilités d'intervention de la CMNS. Comme vous le savez, notre groupe a déposé un excellent projet de loi visant à limiter le pouvoir de nuisance de la CMNS. Si vous l'adoptez, ce que j'espère, nous arriverons sans doute à un résultat plus rapidement.
D'autre part, je tiens à répondre à Mme Zuber-Roy - vous transmettrez, Monsieur le président: si l'on compte sur la Ville de Genève pour favoriser l'animation en Vieille-Ville, on peut encore attendre longtemps. (Exclamations.) Je vous remercie.
M. Sébastien Desfayes (LC), rapporteur ad interim. J'aimerais revenir sur certains propos d'esprits chagrins qui nous disent que c'est impossible, que ça va coûter horriblement cher, que nous confondons bureaux et logements, c'est-à-dire immeubles initialement construits pour accueillir des bureaux et immeubles construits pour accueillir des logements. Je le répète, et ça figure à la page 3 du rapport: nous avons séparé les immeubles, notamment les bâtiments qui abritent les conseillers d'Etat, initialement construits pour accueillir des bureaux, des bâtiments qui étaient des logements et ont été à l'époque convertis en bureaux. Les reconvertir n'implique pas de frais considérables: ils ont en effet été conçus pour être des logements. C'est de cela qu'il est question dans cet objet.
En outre, je tiens à revenir sur les propos de mon collègue de Rougemont. Je suis extrêmement heureux qu'il soit d'accord avec moi cette fois, ce qui est rare mais d'autant plus cher, et je me dis qu'on devrait davantage discuter, parce qu'il a évoqué la ceinture fazyste: je suis totalement en faveur de la conversion des logements sur les grands boulevards de Genève, par contre, quand vous déposez un projet de loi qui implique 15% à 20% d'augmentation de loyer, vous n'aurez jamais un allié en ma personne. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient à M. Florey, qui dispose de quarante secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Il est piquant de parler aujourd'hui de ramener des activités et la fête, notamment nocturne, en Vieille-Ville, alors que les mêmes partis qui s'apprêtent à voter ce texte voulaient il y a quelques années fermer toutes les terrasses pour de prétendues nuisances sonores. On ne peut que relever le manque de cohérence !
Pour répondre à M. Guinchard - vous transmettrez -, je fais remarquer que si le projet de loi qu'il évoque est intéressant, il est toutefois à prendre avec des pincettes. Réduire le pouvoir de la CMNS, pourquoi pas, mais tout lui couper, c'est franchement discutable ! Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, la parole n'est plus demandée, nous allons donc passer au vote.
Mise aux voix, la motion 2750 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 34 oui contre 33 non et 3 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)