République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

P 2166-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition : Stop aux nuisances sonores et à l'insécurité dans le quartier des Pâquis
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 26, 27 septembre, 3 et 4 octobre 2024.

Débat

Le président. Nous traitons à présent la P 2166-B (catégorie III), pour laquelle la lecture d'un courrier a été demandée. Je prie Mme Francine de Planta de bien vouloir lire le courrier en question.

Courrier 4140

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Marc Falquet.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je remercie Mme la conseillère d'Etat d'avoir répondu dans le sens des pétitionnaires ! Comme ces derniers l'ont écrit, le Conseil d'Etat ne propose aucune solution pour remettre de l'ordre dans le quartier des Pâquis, alors que les habitants, les commerçants, les familles en ont ras le bol. Il faut aussi signaler que c'est une honte vis-à-vis de la Genève internationale, des touristes, des visiteurs, des hommes d'affaires, de ceux qui logent dans les hôtels... C'est une véritable honte !

Ce qui est intéressant à souligner dans ce rapport, c'est qu'au dernier paragraphe, le Conseil d'Etat écrit que «la pluralité culturelle du quartier et son animation font partie de son identité, posant souvent des questions de cohabitation». Alors la cohabitation culturelle, c'est quoi finalement pour le Conseil d'Etat ? Je vais vous dire quels sont les bienfaits de cette cohabitation pluriculturelle pour l'animation des Pâquis selon les pétitionnaires: des réseaux de dealers de drogue et de mafia qui prospèrent, des vendeurs de drogue visibles sur la voie publique, de la consommation de drogue dans les allées d'habitation à la vue de tous et des enfants, de la prostitution dans les allées d'immeubles d'habitation, du racolage, de la vente d'alcool aux mineurs et hors des heures autorisées, des gens avinés, des bagarres, du bruit, des cris, des déversements d'immondices sur la voie publique, et cela jour et nuit ! Je pense que les habitants ont quand même certains droits.

Le narratif de l'animation pluriculturelle permet peut-être de justifier l'inaction et la mollesse du gouvernement, mais c'est également une manière de dire qu'on maintient le statu quo, que c'est comme ça et qu'il faut l'accepter. Il y a donc une espèce de manipulation là derrière. Le Conseil d'Etat doit exercer son autorité sur ces réseaux criminels. Il ne suffit pas de faire de la cosmétique, il faut vraiment prendre toutes les mesures pour faire face aux activités illégales et que soit appliquée la loi s'agissant des aspects qui ont été signalés. L'UDC et les autres partis responsables de cet hémicycle demandent le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat, afin que désormais il fasse vraiment preuve d'autorité et de courage pour remettre de l'ordre aux Pâquis. Merci.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs, le rapport du Conseil d'Etat est factuel, et on déplore la réponse uniquement sécuritaire que voudraient certains dans ce parlement. Ce sont d'ailleurs les mêmes qui ont notamment retardé le vote du plan crack lors du dernier budget, ce qui a entraîné une perte de temps de quatre mois pour la mise en place de mesures destinées à développer un lieu d'accueil nocturne à Quai 9 et la prise en charge du problème de la consommation de drogue à la racine - je pense à la précarité des personnes qui consomment ces substances et à la problématique de santé qui en découle.

On voit là une volonté de répondre uniquement de manière policière à un problème qui est social, et ce sont les mêmes qui chaque année rechignent à voter des budgets (notamment pour le plan crack l'année passée) et qui nous disent qu'il faut renvoyer la réponse au Conseil d'Etat parce qu'elle serait mal faite, alors que dans le cadre du budget les moyens ne sont probablement pas donnés pour garantir des conditions correctes à celles et ceux qui sont en difficulté et qui, personne ne le niera, créent aux Pâquis une situation difficile pour les habitants - cela, personne ne le nie !

Quand on a eu le plaisir d'étudier la pétition en commission, on a aussi constaté que son champ était très large; elle parle des dépanneurs, des problématiques de prostitution, de drogue, faisant des Pâquis un quartier à part et singulier. Ce qu'on a pu entendre, c'est que ce n'est pas le cas: il y a un certain nombre de quartiers à Genève dont c'est la réalité et qui font face à des contextes sociaux difficiles, particulièrement ceux qui vivent la nuit. Par conséquent, faire des Pâquis un cas à part ne nous semble pas la seule voie possible.

Le Conseil d'Etat indique en gros qu'une politique se déploie et qu'elle porte sur l'entier de la Ville ainsi que d'autres communes. Pour ce faire, il faut avoir des moyens et ne pas uniquement se focaliser sur la sécurité. Nous vous proposons donc d'arrêter les frais sur cet objet et de nous concentrer sur le vote du budget, particulièrement pour la santé et la dimension sociale, afin de réduire l'impact sur les habitants. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Je crois que nous devons tous écouter les avis de ces habitants du quartier. J'ai eu l'occasion de rencontrer avec mon collègue Voumard les auteurs de cette pétition, qui ont fait tout un travail d'information, et je tiens à les remercier. Parce que c'est vrai, ce sont des gens qui sont ouverts d'esprit, ouverts à la diversité et aux divers modes de vie. Mais ce sont des habitants qui s'inquiètent. Il est certain que quelques réponses ont été apportées par le Conseil d'Etat, mais le MCG considère qu'elles ne sont pas suffisantes et qu'il faudrait faire davantage.

A l'approche des élections, on a également vu que des groupes de ce parlement, s'ils bloquent certains textes parce que ceux-ci viennent notamment du MCG, découvrent ensuite à la dernière minute, de manière tout à fait démagogique, qu'il faut se préoccuper des problèmes des habitants. Je crois qu'il faut ni fermer les yeux ni tenir des discours stigmatisants à l'égard d'une partie de la population. Les Pâquis sont un quartier populaire, fait de diversité et composé de gens qui viennent d'horizons très variés; c'est une chance pour Genève. La malchance, c'est qu'il est contaminé notamment par le deal de drogue. On a commencé à s'y attaquer; ce serait faux de dire que rien n'a été fait.

Malheureusement, les problèmes sont très importants, et ils nécessitent sans doute - c'est même une évidence, en tout cas pour le groupe MCG - que nous fassions le maximum, parce que nous avons le devoir envers les habitants de ce quartier et ceux de la Ville de Genève de véritablement empoigner toutes les problématiques. J'ai conscience que ce n'est pas facile, qu'il existe de multiples difficultés. Néanmoins, il faut s'atteler à la tâche et avoir une vision ambitieuse pour régler les problèmes du quartier. C'est la ligne que nous vous invitons à suivre, raison pour laquelle nous demandons le renvoi de sa réponse au Conseil d'Etat pour qu'il nous donne davantage d'explications et qu'éventuellement des actions supplémentaires soient menées dans le quartier. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je suis au regret de devoir vous dire que les actions que vous appelez de vos voeux sont menées, et que ce n'est pas en renvoyant ce rapport au Conseil d'Etat qu'elles seront mieux conduites. Nous sommes conscients qu'il existe des difficultés dans le quartier des Pâquis et nous y travaillons de manière interdépartementale, comme l'évoque la réponse à la pétition. Certains l'ont dit, c'est une action non seulement répressive, mais également sociale et de régulation de l'activité économique du quartier, qui est aussi dans le viseur des pétitionnaires. Il n'y a pas que le trafic de drogue dans cette pétition, et nous y avons apporté une réponse complète. Je peux comprendre que pour certains elle puisse être insatisfaisante - je crois du reste que tant les habitants que des personnes dans cet hémicycle aimeraient disposer d'une baguette magique. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais beaucoup avoir une baguette magique, et je pense que mes six collègues également, malheureusement ça n'existe pas dans la vraie vie.

Les efforts déployés par l'administration, que ce soit sur le terrain sécuritaire, social, sanitaire ou économique, doivent s'inscrire dans un cadre légal, or une partie des propositions formulées par les pétitionnaires se situent hors de ce cadre. Par conséquent, nous ne pouvons pas en tant qu'Etat accéder à ces demandes. Nous effectuons un travail et espérons qu'il porte ses fruits. Certains points progressent, d'autres stagnent davantage - nous sommes tout à fait modestes et clairs. Comme l'a bien expliqué M. Baertschi dans son intervention - vous transmettrez, Monsieur le président -, on travaille, mais on n'a pas encore constaté tous les effets souhaités; ce sont des réalités complexes.

Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant de cette problématique du quartier des Pâquis et du crack en général, j'aimerais quand même vous dire que... (La tablette d'un membre du Bureau glisse de l'estrade et tombe à côté de l'oratrice.) Vous voulez que je vous dépanne, Monsieur le député ? (L'oratrice ramasse la tablette et la rend à son propriétaire. Remarque.) Je me demande, justement, si ce n'est pas un attentat ! (Rires. Applaudissements.) Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez parfaitement nous renvoyer ce rapport, mais c'est le cinquième objet de ce genre traité en commission... Deux autres ont été examinés par la commission des pétitions, un texte est en cours de traitement devant la commission de la santé et je crois qu'hier vous en avez encore renvoyé un à la commission judiciaire et de la police, qui s'était déjà penchée sur la question. Pensez-vous vraiment que renvoyer systématiquement ces textes en commission permet de faire avancer les dossiers sur le terrain ? Je vous le dis très sincèrement, ce n'est pas le cas ! Parce que chaque fois que nous devons préparer des interventions en commission, que nous devons venir présenter et réexpliquer le travail réalisé sur le terrain, le temps que l'on y consacre ne nous permet pas à ce moment-là de travailler et de faire avancer les projets.

Très sincèrement, Mesdames et Messieurs les députés, je comprends la frustration de certains, je ne stigmatise personne quant aux attentes exprimées, mais je vous en prie, laissez-nous travailler sur le terrain. Ce ne sont pas des textes parlementaires indiquant continuellement la même chose - «Nous aimons ce quartier, il est divers, il est varié, mais il fait face à un certain nombre de problèmes qui doivent être résolus» - qui nous feront avancer dans les faits. Ce point de vue est partagé par le Conseil d'Etat, alors s'il vous plaît, laissez-nous travailler sur le terrain plutôt que de nous renvoyer systématiquement des objets, parce que malheureusement nous n'avons pas de baguette magique ! Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. J'appelle l'assemblée à se prononcer sur la demande de renvoi au Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 2166 est rejeté par 63 non contre 22 oui.

Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 2166.