République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2179-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition : Arrêtons de mettre la vie d'élèves et de cyclistes en danger - Oui à l'installation d'une piste cyclable sur la route d'Annecy !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 29 et 30 août 2024.

Débat

Le président. Nous traitons à présent la P 2179-B (catégorie III) et je cède le micro à M. Thévoz.

M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, permettez-moi d'intervenir au nom du parti socialiste pour vous inviter à renvoyer cette réponse au Conseil d'Etat. On parle ici d'une pétition signée par plus de 3600 personnes, majoritairement des collégiens et collégiennes, qui demandent une piste cyclable entre La Croix-de-Rozon et Troinex sur une route de 4 kilomètres - 4 kilomètres seulement !

Cette pétition s'appuie sur la M 1593, déposée en 2004, qui a été votée par le Grand Conseil et renvoyée au Conseil d'Etat. Je vous lis simplement la réponse de M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat en 2006 - ça ne nous rajeunit pas ! -, qui disait: «Cette étude sera intégrée au cinquième plan quinquennal d'aménagement de pistes et bandes cyclables du réseau routier cantonal 2007-2011, en cours d'élaboration [...]». Il soulevait également la volonté d'aller vite sur ce dossier.

La pétition dont nous discutons a été rédigée en août 2023, traitée à partir du mois de novembre de la même année et votée très largement par la commission des pétitions, qui l'a renvoyée au Conseil d'Etat. M. Maudet a entendu les pétitionnaires, cela même avant que nous commencions nos travaux. Je vais maintenant vous lire un extrait de la réponse du Conseil d'Etat, parce qu'elle est ahurissante: «A ce jour, la réalisation d'aménagements sur la route d'Annecy (mesure 40-22) est souhaitée et inscrite en priorité C4 du projet d'agglomération de quatrième génération, avec une réalisation projetée sur la période 2032-2036. Pour avancer la réalisation à 2028-2032, une étude d'avant-projet sera lancée à la fin de l'été 2024, afin d'envisager une inscription en horizon A5 au projet d'agglomération de cinquième génération. Il est à noter que, du fait de la complexité de la mesure et des enjeux touchés, les risques en matière de planning sont importants, ce qui compliquera l'anticipation de cette mesure.»

Si vous n'avez pas tout compris, c'est peut-être normal, c'est du langage administratif. Alors on sait que le temps des citoyens n'est pas celui du politique et de l'administration, mais quand même, ça fait vingt ans que des collégiens demandent la réalisation d'une piste cyclable de 4 kilomètres ! Nous sommes en 2024 et on nous dit qu'on va essayer de réfléchir à avancer le calendrier à 2028-2032. Mesdames et Messieurs, ceux qui étaient collégiens en 1994 - en 2004, pardon, je me perds dans les dates ! - seront peut-être grands-parents ou décédés quand il y aura le début d'une réflexion sur une piste cyclable ! (Rires.) C'est inacceptable !

Pour toutes ces bonnes raisons, mais aussi pour faire écho aux collégiens que nous avons reçus à la commission des pétitions et qui disaient: «Je n'ai pas envie de mourir; je prends le vélo, mais j'ai peur ! On attend quoi, qu'un enfant meurt sur la route de l'école ?!», je vous invite à renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat, afin que M. Maudet, toujours si prompt à organiser des rencontres, à chercher des solutions, fasse autre chose que nous servir ce charabia administratif - excusez-moi du terme - et qu'il trouve le moyen de réaliser une piste cyclable sur 4 kilomètres. Merci ! (Applaudissements.)

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la réponse du Conseil d'Etat est - comment dire, je ne trouve pas le mot - surprenante, tant elle va dans le sens des pétitionnaires; tout est ok, on entre en matière, on soutient la démarche, on rencontre les jeunes, on les écoute, on les rencontre à nouveau. Politiquement, c'est charmant, mais dans les faits, comme l'a dit mon préopinant, il ne se passe pas grand-chose. Ah oui, une super mesure a été prise: on a diminué la vitesse à 50 km/h sur cette route !

Personnellement, je n'aimerais évidemment pas qu'un accident se produise ces prochaines semaines ou ces prochains mois, avant que ne soient prises toutes les mesures citées tout à l'heure pour mettre en place une piste cyclable, lesquelles sont prévues dans les prochaines années, voire décennies. Effectivement, c'est compliqué, et il y a certes des enjeux communaux et cantonaux, également en matière de surfaces agricoles. Mais les étudiants qui ont été auditionnés par la commission des pétitions sont venus avec leur bonne volonté et surtout la conviction de vouloir apporter leur pierre à l'édifice, en disant qu'ils étaient disponibles pour participer à des rencontres afin d'accélérer les choses. Pourquoi ? Juste pour pouvoir aller à l'école en toute sécurité. Ils étaient prêts à aller rencontrer les propriétaires privés qui détiennent certaines surfaces agricoles pour accélérer le processus, pour démontrer leur bonne volonté, mais aussi pour qu'une réalisation voie le jour avant trente ans.

Alors bien sûr, on ne peut pas refuser une telle pétition, et je vois mal le Conseil d'Etat le faire. On le remercie donc pour sa réponse, mais elle est très éloignée de la réalité du quotidien et de l'aspect anxiogène des trajets pour les jeunes qui se rendent dans ces établissements scolaires - en effet, cette situation concerne non pas un, mais plusieurs établissements scolaires de la rive gauche, du sud de Genève.

Il n'est pas possible de continuer ce schéma de discussions dans le vide en attendant de prochains projets d'agglomération qui vont prendre des décennies. Il n'est pas possible de mentir à des jeunes en leur faisant croire qu'on va peut-être faire quelque chose: on ne sait pas quand, des aménagements vont peut-être se complexifier, et ça dépendra encore des prochaines votations, parce qu'en plus le Conseil d'Etat se dédouane dans sa réponse en disant que comme la liaison L1-L2 a été refusée en votation populaire, il n'a pas pu réaliser de piste cyclable. Mais on aurait quand même pu mettre en place des aménagements de piste cyclable sans la L1-L2 ! Ça aurait été une preuve de volonté politique et particulièrement de la volonté d'encourager la mobilité douce et de protéger les jeunes, en leur permettant d'aller étudier en toute sécurité et surtout en toute sérénité. Je soutiens donc le renvoi au Conseil d'Etat. Merci. (Applaudissements.)

M. Pierre Conne (PLR). Mesdames et Messieurs, nous travaillons sur un autre projet, qui est l'extension de Quai 9. Tout le monde est conscient qu'il faut effectivement améliorer la capacité d'accueil des personnes qui ont besoin d'un abri pour pouvoir consommer leurs produits dans de bonnes conditions de sécurité, notamment avec la montée du crack. Or pourquoi est-ce que ça ne se fait pas ? Eh bien parce qu'il existe des contraintes administratives, qui impliquent qu'on ne peut pas aller plus vite.

J'avoue que j'ai été très surpris d'entendre les propos qui ont été tenus jusqu'à maintenant: c'est comme s'il suffisait de dire «y a qu'à, faut qu'on», comme s'il suffisait que des jeunes indiquent de façon pertinente qu'il faut installer une piste cyclable pour que cela soit réalisé, au mépris de toutes les autres contraintes d'aménagement du territoire. La réponse du Conseil d'Etat n'est pas dilatoire; c'est une réponse qui, sur le fond, va exactement dans le sens de ce qui est demandé, mais qui rappelle que ça ne peut pas se concrétiser simplement parce qu'on a l'intention de le faire.

Je terminerai en disant que l'initiative sur la biodiversité va encore renforcer l'impossibilité de réaliser ce que vous demandez, à savoir d'installer d'ici demain ou après-demain une piste cyclable. Alors soyons raisonnables, la position du Conseil d'Etat est extrêmement transparente et responsable; acceptons-la et prenons acte de ce rapport en l'état. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (LC). Je suis désolée, mais je me sens quand même obligée de prendre la parole, parce qu'il est assez rare que des étudiants venant de différents établissements se mobilisent non seulement pour réclamer quelque chose, mais aussi pour proposer des pistes, en souhaitant en plus s'engager. Pourtant, la réponse qu'on leur donne est la suivante: «Oui, eh bien attendez, dans vingt ans ça devrait être fait, peut-être quand vous serez à la retraite !» Ce n'est pas une réponse.

J'ai bien entendu les propos de mon préopinant, qui a parlé de mesures administratives, de contraintes, voire de la biodiversité qui serait menacée par cette piste cyclable. Mais sachons raison garder ! Cet endroit offre des possibilités pour mettre en place des mesures. Il y a même une ancienne piste de voie ferrée - tiens, ça me rappelle quelque chose ! - qui était réservée et qui l'est toujours; elle pourrait par exemple être reprise sans mettre en danger ni les étudiants qui roulent à vélo ni la biodiversité alentour. Je crois qu'il faut vraiment transmettre le message au Conseil d'Etat que quand on veut, on peut ! Et à cet endroit-là, c'est possible ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. J'appelle l'assemblée à se prononcer sur le renvoi au Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 2179 est adopté par 58 oui contre 26 non et 1 abstention.

Le rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 2179 est donc rejeté.